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XVIIe Festival du Mariinsky [30 mars - 9 avril 2017]
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céline



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MessagePosté le: Jeu Mar 02, 2017 3:43 pm    Sujet du message: festival du mariinski Répondre en citant

Plus que l'enlèvement par les gitans, c'est la découverte d'être noble et de pouvoir épouser un noble qui me semble loin de nous. Les danseurs d'ailleurs préfèrent souvent interpréter Kitri et Basilio, auxquels on s'identifie facilement.


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céline



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MessagePosté le: Jeu Mar 02, 2017 4:08 pm    Sujet du message: festival du mariinski Répondre en citant

Je ne dis pas qu'il faille changer les grands ballets que nous aimons tant, juste parfois l'"habillage". Je partage votre avis sur La Source (dommage, la musique est belle), et je pourrais faire un sort à d'autres ballets récents.
Si vous me dites que l'on se préoccupe plus du livret maintenant, je désespère et retourne voir cette Danse Tyrolienne, parfaite à mes yeux.


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sophia



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MessagePosté le: Jeu Mar 02, 2017 4:12 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Friedemann Vogel, annoncé sur Roméo et Juliette, est remplacé désormais pas TBA.


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Buddy



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MessagePosté le: Jeu Mar 02, 2017 11:20 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Traduction google de la russe.

Au Théâtre Mariinsky le 4 Avril montrera projet "Dreamers" sur la musique Daft Punk. la mise en [scène?] le premier producteur dans le monde du ballet, et impresario [de?] Diana Vichniova, Sergey Danilian.

La participation au spectacle sera les jeunes chorégraphes: Maxim Petrov, Vladimir Varnava et Ilya Zhivoi. Alors que les trois parties, ils réglés indépendamment les uns des autres, ne sachant pas ce que font leurs collègues, et le quatrième, final, composer ensemble.

Pour ses débuts dans la direction Danielyan a choisi la musique du groupe électronique français Daft Punk, attirés par la création de concepteur costumes Igor Chapurin, invités à participer à la déclaration finale de la Radio Choir et de la télévision pour enfants.

"Dreamers" première aura lieu en Avril dans le cadre du ballet festival "Mariinsky" en mai, la déclaration sera présentée au Théâtre Musical de Moscou de Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko, et en Octobre - en Californie Segerstrom Center.

http://www.sobaka.ru/city/theatre/55370
(merci beaucoup à marfa à Balletfriends)


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sophia



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MessagePosté le: Ven Mar 03, 2017 10:20 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Et voilà l'affiche - avec Viktoria Tereshkina.





Dernière édition par sophia le Mer Mar 08, 2017 1:03 pm; édité 1 fois
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Ballerina



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MessagePosté le: Ven Mar 03, 2017 10:46 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Joli!


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sophia



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MessagePosté le: Mer Mar 08, 2017 1:34 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Paquita

En guise de préambule



Paquita est un ballet-pantomime en deux actes et trois tableaux de Joseph Mazilier et Paul Foucher, sur une musique d'Édouard Deldevez, créé à l'Opéra de Paris le 1er avril 1846, avec Carlotta Grisi et Lucien Petipa dans les rôles principaux.

Le sujet du ballet, d'inspiration espagnole, s'inscrit dans la grande vague hispanophile qui envahit les théâtres dès la fin des années 1830. Les voyages des peintres et des écrivains français en Espagne témoignent, durant toute la décennie - et au-delà -, de ce « désir d'Espagne », ravivé, pour ce qui est du domaine chorégraphique, par la venue à Paris, en 1834, d'un groupe de danseurs espagnols issus des théâtres royaux de Madrid (parmi lesquels Dolorès Serral, qui fut, avant Fanny Elssler, une révélation pour Théophile Gautier). Louis Véron, directeur de l'Académie royale de Musique, les avait alors invités pour animer en quelque sorte le bal de l'Opéra, qui se tenait durant la période du Carnaval. Le ballet de Mazilier, reflet du goût romantique pour le pittoresque et la couleur locale, marque par ailleurs une nette rupture avec l'onirisme mélancolique du ballet blanc et de ses créatures éthérées, dont La Sylphide reste l'emblème le plus fameux.

Paquita connaît, dès sa création, le succès public et critique, grâce au brio de ses interprètes, mais aussi grâce à ses nombreuses danses espagnoles, dont le public de l'époque est particulièrement friand. Preuve que le ballet romantique n'est enfermé ni dans un théâtre ni dans une capitale, Paquita « voyage » et est monté très rapidement à l'étranger - à Londres, à Saint-Pétersbourg et à Moscou.

C'est du reste en Russie que le ballet, composé initialement par Mazilier, s'épanouira – et se prolongera -, grâce à Marius Petipa. Paquita est d'abord le premier ballet dansé - et mis en scène - par ce dernier à son arrivée à Saint-Pétersbourg, en 1847. Petipa y interprète alors le rôle de Lucien d'Hervilly aux côtés d'Elena Andreïanova, la grande ballerine russe de l'ère romantique (elle fut notamment la première Giselle russe et dansa en invitée à l'Opéra de Paris). En tant que premier maître de ballet des Théâtres Impériaux, il remonte le ballet en 1881, avec des musiques additionnelles de Ludwig Minkus, compositeur officiel de la musique de ballet des Théâtres Impériaux depuis 1871. Il remanie à cette occasion le pas de trois du premier acte et, surtout, adjoint au ballet la Mazurka des enfants et le fameux Grand Pas, synthèse et apothéose de son système chorégraphique, avec sa kyrielle de variations féminines taillées comme des diamants et offertes aux plus grandes ballerines du théâtre, parmi lesquelles Ekaterina Vazem, qui avait été notamment la créatrice du rôle de Nikiya dans La Bayadère en 1877. Paquita, qui a quitté le répertoire de l'Opéra de Paris en 1851 (40 représentations en l'espace de cinq ans, ce n'est pas un record, mais n'est pas si mal pour l'époque), est dansée sans interruption en Russie jusqu'en 1926, dans la version de Petipa. Le Grand Pas lui survivra cependant, au travers de multiples versions. Oleg Vinogradov en réalise notamment une en 1978, pour le Kirov de Léningrad, qui fait toujours autorité dans le monde.

En 2001, Pierre Lacotte livre, pour l'Opéra de Paris, une version complète de Paquita, qui n'est pas une reconstruction de l'original à proprement parler, mais une version documentée et « dans le style de ».

En 2014, Alexeï Ratmansky monte, pour le Bayerisches Staatsballett, une version reconstruite d'après les notations Stépanov.

Le 30 mars 2017, la version de Youri Smekalov ouvrira le XVIIe festival du Mariinsky. Le ballet ne se veut toutefois pas une reconstruction de la production du XIXe siècle, créée à Paris par Joseph Mazilier et remontée à Saint-Pétersbourg par Marius Petipa. Il est présenté comme une nouvelle version en trois actes, dont le livret, remanié par Youri Smekalov, s'appuie sur le roman de Miguel de Cervantès, La Gitanilla / La Petite Gitane. La partition reprend la musique originale de Deldevez, dans une version réorchestrée et réarrangée, à laquelle s'ajoutent des extraits d’œuvres de Riccardo Drigo et Ludwig Minkus. Le célèbre Grand pas du mariage, chorégraphié par Petipa sur la musique de Minkus, occupe la place d'honneur dans cette nouvelle production. Il sera donné dans une version qui se veut au plus près de l'original de Petipa, celle de Youri Bourlaka, qui s'appuie sur des notations chorégraphiques du tout début du XXe siècle. Ce nouveau ballet, qui combine des danses et des scènes créées par Youri Smekalov et des raretés historiques, se veut enfin un hommage à l'âge d'or du ballet classique et à son maître incontesté, Marius Petipa.


A SUIVRE...
(L'histoire de la création parisienne)


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céline



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MessagePosté le: Mer Mar 08, 2017 6:15 pm    Sujet du message: festival du mariinski Répondre en citant

Merci, Sophia.


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sophia



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MessagePosté le: Jeu Mar 09, 2017 1:39 pm    Sujet du message: Répondre en citant

…/...

La création parisienne (1846)

Le livret


Le librettiste de Paquita est Paul Foucher, beau-frère de Victor Hugo (il était l'époux de sa sœur Adèle).

L'action se déroule durant l'occupation de l'Espagne par les troupes napoléoniennes.

Le premier tableau de l'acte I s'ouvre sur un paysage représentant la vallée des Taureaux, aux environs de Saragosse. Le Général d'Hervilly inaugure, en compagnie de son épouse et de son fils Lucien, un monument érigé à la mémoire de son frère Charles, assassiné il y a plusieurs années à cet endroit avec sa femme et sa fille. Le gouverneur de la province, Don Lopez de Mendoza, et sa sœur Sérafina, promise à Lucien, les accompagnent. Tout près de là, le village est en fête. Une troupe de Gitans mène la danse. Parmi eux se distingue une jolie danseuse, Paquita. Celle-ci est courtisée par Inigo (ou Inago), chef des Gitans, mais elle demeure insensible à cet amour, sachant au fond d'elle même qu'elle n'appartient pas à ce milieu, comme le lui rappelle le médaillon qu'elle porte et que lui dérobe Inigo. Elle est séduite par Lucien, qui, de son côté, tombe amoureux d'elle Don Lopez, qui joue double jeu, médite l'assassinat de Lucien et prépare un complot avec la complicité d'Inigo, trop heureux de se débarrasser de son rival.

Le deuxième tableau de l'acte I se déroule dans la maison du chef gitan. Don Lopez et Inigo mettent au point leur forfait. Une fois endormi par du vin trafiqué, Lucien doit être tué par des bandits censés pénétrer à minuit par une entrée secrète au fond de la cheminée. Paquita, cachée derrière une armoire, entend la conversation des deux compères. Lucien arrive et lorsque le traître lui verse à boire comme prévu, elle réussit à intervertir les verres et à avertir son bien-aimé de ce qui se trame. Celui-ci feint alors de dormir, tandis que Paquita fait danser Inigo qui finit par s'évanouir. Les deux amoureux s'enfuient.

L'acte II se déroule dans un palais. Lucien est attendu avec Sérafina, sa fiancée. Il arrive, accompagné de Paquita, qui témoigne du complot contre Lucien, avant de reconnaître, parmi les invités, le gouverneur aux sinistres projets. Lucien fait alors part de son désir d'épouser Paquita, mais celle-ci refuse à cause de ses origines. C'est alors que les yeux de cette dernière tombent sur le portait de l'oncle de Lucien, Charles d'Hervilly, qui n'est autre que celui représenté sur son médaillon, que l'on a, pendant ce temps-là, retrouvé. Paquita est en réalité la cousine du jeune homme : elle peut donc l'épouser. L'intrigue se clôt sur le mariage des deux jeunes gens.


Illustration de presse : acte I scène 2. Inigo (M. Elie), Paquita (Carlotta Grisi), Lucien (Lucien Petipa)

Paquita vient démentir le lieu commun, qui traîne à peu près partout, selon lequel le ballet romantique serait toujours duel - construit sur une opposition entre le monde réel et le monde surnaturel. De ce point de vue, le ballet de Mazilier se distingue, par son esthétique unanimement pittoresque, du modèle forgé par La Sylphide, et repris un peu plus tard dans Giselle. Ici, pas plus de scène fantastique que de créatures éthérées, mais une Espagne solaire et hautement romanesque, qui vient satisfaire le goût romantique pour la couleur locale.

L'opposition - s'il en est une - qui structure l'intrigue de Paquita est celle entre le monde aristocratique, monde de la piété filiale, de la rigueur et de l'étiquette, et le monde des Gitans, monde libre, festif et sans contraintes, mais aussi fait d'intrigues en tous genres. Paquita, en raison d'une identité démentie par l'apparence, est celle qui vient en quelque sorte l'annuler. Les « bons » et les « méchants » n'en sont pas moins présents de chaque côté : à Inigo le rustre répond ainsi le gouverneur Don Lopez de Mendoza. Notons tout de même que dans ce ballet - au sous-texte politique évident, puisqu'il évoque l'occupation de l'Espagne par les troupes napoléoniennes -, les bons nobles sont Français, les mauvais, les traîtres de mélodrame, sont Espagnols. Les Gitans forment quant à eux un univers aux contours flous, avant tout symbolique et fantasmatique (les gravures de Paquita montrent que le personnel du ballet est aussi composé de paysans espagnols).

Les mondes aristocratique et gitan portent l'un et l'autre des valeurs et des imaginaires différents, qu'exploite la chorégraphie de manière rigoureuse. Aux nobles est attachée la grande scène de bal Empire - en forme de pastiche - du second acte (qui clôt alors le ballet), aux Gitans les nombreuses danses de caractère du premier, reflet d'une Espagne colorée et joyeuse. Le second tableau est, comme on le verra encore dans la Coppélia d'Arthur Saint-Léon (1870), presque entièrement pantomimique - le deuxième acte laisse en revanche toute sa place à la danse (ici, il s'agit du bal, ailleurs ou plus tard, ce sera un divertissement plus ou moins détaché de l'action théâtrale).

Le personnage de Paquita, la jolie Gitane « folle de danse » - à l'image de Giselle, permet par ailleurs de croiser deux idéaux romantiques : celui de la ballerine, consacrée reine de la scène (au détriment du danseur), et celui de la belle Andalouse, piquante et sensuelle. Son identité noble (la noblesse du cœur primant toujours sur la noblesse sociale, même si elles se retrouvent in fine confondues dans ce ballet), qui conditionne sa danse, en fait une héroïne compatible avec le statut et l'aura d'une première danseuse de l'Opéra, contrainte à une certaine décence.

Le ballet a également recours, moins sans doute pour palier un manque de danseurs que pour satisfaire à un fantasme, aux "danseuses en travesti" (pratique à la mode qui consistait à mettre en scène des danseuses habillées en garçons, notamment dans les ensembles de marins, soldats et autres toréadors) dans le Pas des Manteaux du premier acte - sorte de cachucha (la fameuse danse qui avait fait le succès de Fanny Elssler) démultipliée.

Le ballet est un art muet et, pour fonctionner, il a besoin de situations simples, immédiatement lisibles, voire stéréotypées. L'intrigue est ici construite sur deux lieux communs littéraires : d'une part, celui de l'enfant enlevé à sa naissance par des Gitans, revivifié par le romantisme (on le rencontre entre autres dans Notre-Dame de Paris, mais on le trouvait déjà chez Cervantès), d'autre part, celui, très présent dans la littérature antique et médiévale, de la reconnaissance - un personnage découvre tardivement sa véritable identité.


Le compositeur

Edmé-Marie-Ernest Deldevez s'est fait connaître à l'Opéra en 1844 à l'occasion de la création de Lady Henriette, ou la Servante de Greenwich, un ballet de Mazilier, dont il était le co-auteur avec Friedrich von Flotow. La même année, il compose la musique du ballet de Coralli, Eucharis, qui est un échec. La musique de Paquita reste son plus grand titre de gloire.

[
Edme-Marie-Ernest Deldevez en 1857
Portrait par Charles Vogt



Le chorégraphe

Joseph Mazilier est, avant d'être chorégraphe, l'un des très grands danseurs de la période romantique avec Lucien Petipa. C'est lui, notamment, qui crée le rôle de James dans La Sylphide de Taglioni en 1832. En tant que chorégraphe, il connaît le succès, avant Paquita, avec La Gipsy (1839) – déjà de la gitanerie ! -, Le Diable amoureux (1840) et surtout Le Diable à quatre (1844), qui reste l'un des (rares) ballets durablement représentés de cette période à l'Opéra (105 représentations de 1845 à 1863).


Joseph Mazilier, vers 1860


Les interprètes

A sa création, le ballet réunit deux grandes vedettes de la scène chorégraphique des années 40, Carlotta Grisi et Lucien Petipa, créateurs des rôles principaux de Giselle en 1841. A la suite de ce succès, le couple avait été distribué dans La Péri (1843), ballet de Jean Coralli sur un livret de Théophile Gautier, et dans Le Diable à quatre, ballet de Joseph Mazilier. Grisi, par ailleurs, avait participé, l'année précédente, à la création du Pas de quatre, divertissement chorégraphié par Jules Perrot pour célébrer les quatre grandes ballerines du temps, Marie Taglioni, Carlotta Grisi, Fanny Cerrito et Lucile Grahn.


Carlotta Grisi (Paquita) et Lucien Petipa (Lucien d'Hervilly) - Illustration tirée de la Galerie Dramatique


A SUIVRE...
(les critiques à la création)


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sophia



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MessagePosté le: Ven Mar 10, 2017 5:23 pm    Sujet du message: Répondre en citant

.../...

Les critiques à la création

Le succès de Paquita semble avoir surtout tenu à deux facteurs : d'une part la présence de Carlotta Grisi, unanimement louée, d'autre part le faste de la production (la seule scène de bal, dans des décors inspirés de l'architecture mauresque et signés du trio Séchan, Dieterle et Despléchin, avait coûté 30.000 francs!).

Les feuilletonistes, en réalité, ne semblent pas tous unanimes ni d'un enthousiasme démesuré quant au ballet lui-même - un « ballet Empire », comme il était, semble-t-il, couramment qualifié. L'argument, inscrit dans une actualité relativement récente – celle de l'Empire –, avait en effet tout d'une curiosité, sinon d'une bizarrerie, pour les spectateurs de l'époque, coutumiers d'intrigues de pure fantaisie et/ou féeriques. Pier-Angelo Fiorentino est à cet égard très critique. Dans un développement intéressant, il rappelle ainsi ce que doit être avant tout un ballet – un rêve d'ailleurs – et juge dès lors inadéquat le choix de l'époque impériale comme cadre d'un ouvrage chorégraphique :

    « C'est […] un mimodrame dans toute sa naïveté primitive, et, disons-le tout de suite, nous aimons peu les tragédies et les drames qui se jouent avec les pieds. La chorégraphie est un art essentiellement idéal qui vit dans les nuages, dans le pays des chimères, dans la région des esprits, des illusions et des rêves. Il faut, pour le succès d'un ballet, que notre âme, bercée par de douces mélodies, que nos yeux, éblouis, par de merveilleux tableaux, que nos sens, fascinés par des danses enivrantes, nous transportent dans un milieu inconnu, loin des préoccupations et des soucis de la vie réelle. Tous les ballets célèbres sont tirés de la mythologie ancienne ou moderne. Aux déesses, aux nymphes, aux dryades, aux faunes, aux satyres ont succédé les sylphes, les lutins, les gnomes, les wilis, les ondines, toujours des êtres féeriques et surnaturels, et, si ce n'était profaner un mot d'une bien autre portée, on pourrait dire aux chorégraphes : Votre royaume n'est pas de ce monde. 
    L'époque impériale qu'on a choisie pour le nouveau ballet nous paraît très peu favorable à la mise en scène. Le plus déplorable gâchis régnait alors dans l'architecture, dans les meubles, dans la toilette des femmes, et malgré tout le mal que se sont donné les Vernet, les Gros, les Charlet, ils n'ont pas réussi à poétiser ces uniformes lourds, étriqués, disgracieux, auxquels s'attachaient pourtant de si grands, de si nobles souvenirs. La direction n'a rien négligé pour que le dernier tableau fût d'une magnificence et d'un luxe inouïs. On a prodigué l'or, le velours et la soie ; rien que la scène du bal a coûté, dit-on, 30.000 francs ! Mais à la vue de ce style baroque, de ces odieux candélabres, de ces pantalons de casimir jaune, de ces robes sanglées sous les aisselles, nous regrettions que de cette époque d'héroïsme et de gloire, on eût fait revivre tout le grotesque et le mauvais goût. » (Le Constitutionnel, 7 avril 1846)

La chorégraphie de Mazilier semble en revanche davantage un sujet de satisfaction. Toujours selon Fiorentino, les grands moments en sont le pas des manteaux, au premier acte, et, dans une moindre mesure, le pas des éventails, au second :

    « Le pas des manteaux nous semble le mieux dessiné ; il a de la grâce, de la couleur et de l'ensemble. Quant au pas des éventails, dont l'idée est heureuse, nous croyons qu'il aurait infiniment plus de succès, si les jeunes manolas ne tenaient pas deux objets à la fois : d'une main l'éventail, d'une autre les castagnettes, ce qui les gêne et les rend gauches au suprême degré. » (Le Constitutionnel, 7 avril 1846)

De son côté, Théophile Gautier pointe les incohérences et les non-sens de l'intrigue – notamment le fait que des cachuchas puissent être exécutées sur le lieu d'un assassinat -, mais se laisse séduire par le charme pittoresque des danses espagnoles, rythmées par les castagnettes et les tambours de basque, et la beauté fastueuse des costumes et de la mise en scène. Plus que tout autre chose, c'est Carlotta Grisi qui suscite son enthousiasme de balletomane. C'est elle qui le fascine par sa virtuosité technique, une virtuosité dont, en dilettante revendiqué, il peine à parler avec des mots justes :

    « Ce ballet, dont l'action est peut-être un peu trop mélodramatique, a parfaitement réussi. La richesse et la singularité des costumes de l'Empire, la beauté des décorations, et surtout la perfection de la danse de Carlotta, ont enlevé le succès. Son dernier pas est d'une hardiesse, d'une difficulté inimaginables : ce sont des espèces de sauts à cloche-pied sur la pointe de l'orteil, avec un mouvement d'une vivacité éblouissante, qui causent un plaisir mêlé d'effroi ; car leur exécution paraît impossible, bien qu'elle se répète huit ou dix fois. » (La Presse, 6 avril 1846)

Ivor Guest rappelle à cet égard la difficulté technique de la chorégraphie de Mazilier qui faisait se lamenter la pauvre Carlotta auprès de ce dernier dans les coulisses. Sans doute est-ce pour cette raison qu'elle fut finalement remplacée dans le pas de deux inséré dans la scène du bal qui concluait le ballet, pas de deux destiné à célébrer le retour à Paris d'Adèle Dumilâtre, qui avait été invitée à danser à La Scala. Grisi, épuisée par le marathon que constituait le ballet, craignait de ne plus y être à son avantage et il fut finalement dansé par Adèle Dumilâtre et Adeline Plunkett.

Virtuose de la pointe, Carlotta s'affirme aussi comme une excellente actrice aux yeux de Gautier, notamment dans le second tableau (essentiellement pantomimique) de l'acte I :

    « La scène dans la cabane du gitano a été jouée par Carlotta avec une intelligence et une finesse dramatiques surprenantes ; elle sera bientôt aussi bonne mime qu'elle est danseuse accomplie. » (La Presse, 6 avril 1846)

Fiorentino, réservé sur le sujet du ballet, ne tarit pas d'éloges, lui non plus, sur la ballerine :

    « Carlotta a été charmante. Tous les honneurs de la soirée lui reviennent de plein droit, sans restriction et sans partage. Il faut la voir raser de son vol d'oiseau l'énorme rocher à pic qui se dresse au fond de la scène, et s'abattre, palpitante et fière, au milieu de ses compagnes ; il faut la voir se débarrasser joyeusement de sa mantille rayée, et répondre par des bonds, des élans, des pirouettes folles et des entrechats dédaigneux, aux soupirs volcaniques du terrible Inigo. Dans le pas des tambourins, Mlle Grisi a fait des prodiges de légèreté, d'élévation, de parcours ; dans son dernier écot surtout, elle a des temps de pointe qui soulèvent des tonnerres d'applaudissements. 
    […] Le dernier pas de Carlotta vaut à lui seul tout le ballet. Ce n'est qu'une variation qui dure tout au plus dix minutes, mais nous n'avons rien vu de plus aérien, de plus vaporeux, de plus rapide ; c'est un fouillis de ronds de jambe et d'emboîtés sur la pointe que l’œil le plus exercé ne pourrait suivre sans éblouissement et sans vertige. » (Le Constitutionnel, 7 avril 1846)

Janin, épris de Taglioni pour l'éternité et par ailleurs d'un enthousiasme très mesuré pour le ballet de Mazilier, est davantage sur la retenue, mais ses propos n'en sont pas moins laudatifs – c'est Carlotta qui « enlève avec ses pointes tous les suffrages » :

    « Mlle Grisi fait valoir toutes ces vétilles ; elle a grandi ces petites inventions assez peu neuves, assez peu réjouissantes de ses bondissements les plus charmants ; elle s'enivre de danse, de poésie et de ces élégances qu'elle devine, qu'elle comprend et qu'elle aime avec l'ardeur la mieux sentie. Elle est jeune, gentille, ingénue, agaçante, et quand elle danse, on ne demande pas ce qu'elle danse, pourvu qu'elle danse ; son sourire, ses poses, sa tête mignonne, cette joie incarnée de la jeunesse folâtre, heureuse, accorte, bien vêtue, bien applaudie, voilà tout le charme de notre danseuse. Placée dans nos souvenirs entre Mlle Taglioni, cette vapeur, et Mlle Elssler, cette vraie femme, Mlle Grisi prend à l'une et à l'autre ce qu'elle peut lui prendre ; elle est un peu moins le fantôme qui danse, un peu moins la belle dame qui bondit ; sa grâce est à la fois moins aérienne et moins terrestre, elle passe – légère – entre les deux excès, entre les deux périls. (Le Journal des Débats, 6 avril 1846)

Lucien Petipa, le partenaire de Grisi, est, en théorie, l'un des rares solistes masculins à échapper au mépris dans lequel sont tenus le plus souvent, au XIXe siècle, les danseurs à Paris. Dans ce ballet, il ne suscite pourtant que de maigres commentaires. Gautier le défend toutefois, quoique de manière fort laconique et en le mettant sur le même plan qu'Elie, interprète d'Inigo, rôle de caractère :

    « Petipa, charmant dans son uniforme de hussard, Elie, admirablement grimé et costumé, l'ont secondée à merveille. » (La Presse, 6 avril 1846)

En revanche, pour Fiorentino, qui commente la valse conclusive, le constat est sans appel :

    « M. Petipa valse comme un danseur, c'est-à-dire fort mal et fort gauchement. » (Le Constitutionnel, 7 avril 1846)

La musique, généralement évoquée en dernier lieu dans les critiques, quand elle ne passe pas simplement à la trappe, ne suscite pas beaucoup de commentaires et laisse les critiques partagés. Pour Gautier :

    « La musique de M. Deldevez est bien rythmée, pas trop bruyante, abondante en motifs, et prouve un talent frais et gracieux. Elle a contribué pour sa part au succès de l'ouvrage. » (La Presse, 6 avril 1846)

Fiorentino, lui, n'est pas du tout de cet avis :

    « La musique de M. Deldevez nous paraît manquer d'originalité, de couleur et de caractère. M. Deldevez est un compositeur d'esprit, qui voudra, nous le craignons bien, prendre tôt ou tard sa revanche. » (Le Constitutionnel, 7 avril 1846)



Sources :
Choix de feuilletons tirés du Constitutionnel, de La Presse et du Journal des Débats - en ligne sur Gallica
Ivor Guest, The Romantic Ballet in Paris, Londres, Sir Isaac Pitman and Sons, 1966.


A SUIVRE...
(Paquita en Russie)




Dernière édition par sophia le Ven Mar 10, 2017 10:20 pm; édité 1 fois
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céline



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MessagePosté le: Ven Mar 10, 2017 7:57 pm    Sujet du message: festival du mariinski Répondre en citant

Merci encore. Passionnantes critiques.


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sophia



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MessagePosté le: Ven Mar 10, 2017 9:59 pm    Sujet du message: Répondre en citant

"Making of" de l'affiche de Paquita avec Viktoria Tereshkina : https://www.instagram.com/p/BRdQayMBt6H/


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sophia



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MessagePosté le: Mer Mar 15, 2017 6:29 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, je continuerai sur Paquita dès que possible.


Pour l'instant, signalons la mise à jour d'un certain nombre de distributions, notamment en ce qui concerne les seconds rôles, et la mise en ligne du programme de l'atelier des jeunes chorégraphes.

Philip Stepin sera le Roméo de Nadejda Batoeva, Olessia Novikova sera Gamzatti aux côtés d'Olga Smirnova et Semyon Chudin, Émeraudes et Diamants ont trouvé acquéreurs... Bref, j'ai complété mon post de la page 1.


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sophia



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MessagePosté le: Ven Mar 17, 2017 5:57 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Pré-distributions de Paquita (enfin, uniquement en ce qui concerne les deux rôles principaux) :

Paquita : Ekaterina Kondaurova, Viktoria Tereshkina, Oxana Skorik
Andres : Timour Askerov, Andrei Yermakov, Xander Parish


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MessagePosté le: Sam Mar 18, 2017 12:53 am    Sujet du message: Répondre en citant

Merci beaucoup, Sophia, pour les distributions de Paquita.

Ce sont les distributions pour l'ATELIER CREATIF DES JEUNES CHOREGRAPHES si vous ne les avez pas déjà trouvé.

https://www.mariinsky.ru/en/playbill/playbill/2017/4/4/2_1900
(merci à Kentervil à Ballet Friends pour les trouver)


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