Giselle [ONP Garnier 27/05 - 14/06/2016]

[haydn]

Difficile de savoir quelle sera la suite des événements, le souci de santé de Myriam Ould-Braham peut se résorber très vite, mais il peut aussi l'empêcher de poursuivre la série. On croise les doigts, car sa présence est vraiment plus que souhaitable, dans l'intérêt de la compagnie.

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[Aurélie]

Impression plutôt mitigée en sortant de Garnier : une visibilité très moyenne pour une place de 2nde catégorie, une loge dans un état indescriptible, une chaleur étouffante... on n'est pas loin de l'arnaque au niveau rapport qualité/prix ! Sans compter l'orchestre des lauréats du conservatoire, vraiment limite pour un spectacle au plein tarif !

Le ballet en lui-même a paru bien mou. L'orchestre n'a pas aidé, certes, mais le pilotage du corps de ballet est aussi responsable : j'ai l'impression que l'accent a été porté sur les mains (très jolies) au détriment du buste (sans vie). Difficile de juger les solistes vu les circonstances. J'ai cependant bien aimé la Giselle d'Amandine Albisson, sa pantomime était riche et lisible, sa danse vive, elle a même pris des risques en sachant habilement se rattraper des imperceptibles accrocs. Mais d'où j'étais, je ne voyais pas bien les expressions du visage (l'âge...). Pas grand chose à dire sur l'Albrecht de Stephane Bullion, bien, mais ce rôle est tellement falot... Vincent Chaillet en revanche donnait du relief à Hilarion. Les deux Wilis (Gorse et Bourdon) etaient très bien également. Myrtha en revanche ne permet pas à Valentine Colasante de montrer ses capacités et son originalité.

[sophia]

Le rôle d'Albrecht n'est pas censé être falot!

[Aurélie]

Je ne me souviens plus, alors !

[haydn]

Je ne sais trop que dire de la soirée assez déroutante, et à la distribution imprévue, qui a tenu lieu de Première à cette nouvelle série de Giselle. Il y a des jours avec, et des jours sans. Ce soir, c'était un jour sans. Les choses n'avaient pas très bien commencé, avec l'annonce du remplacement in-extremis de Myriam Ould-Braham par Amandine Albisson, qui a logiquement préféré conserver le partenaire avec qui elle avait répété, Stéphane Bullion, plutôt que d'improviser un duo avec le malheureux Mathieu Ganio, ainsi privé de sa moité. Mais peut-être eût-t-il mieux valu que Matheu Ganio dansât, au moins aurions-nous eu un Albrecht capable d'exécuter les entrechats six de la célèbre variation de l'Acte II, d'ailleurs seul morceau de bravoure dévolu au hobereau malchanceux en amour. Stéphane Bullion s'est contenté d'une entrée minimaliste, dépourvu de toute difficulté - et de tout attrait. Seul Benjamin Pech - diminué par de graves problèmes d'arthrose - avait, dans un passé relativement récent, eu recours à cette chorégraphie très "light' (José Martinez, lui, dansait parfois une version alternative qui comportait des brisés et un manège, mais autrement plus spectaculaire quand même). Etrange de la part de M. Bullion, qui, lorsqu'il fut le partenaire d'Isabelle Ciaravola dans ce même ouvrage, faisait les entrechats.

Représentation sans grand relief donc, tout juste égayée par la démonstration de François Alu dans la seconde variation masculine du Pas de deux des Paysans (la première était moins enthousiasmante), et le charme piquant de sa partenaire, Charline Giezendanner. On pourrait aussi mentionner les jolies prestations des deux sous-cheffes Wilis, Fanny Gorse et Héloïse Bourdon - qui sera tout de même mieux employée en Myrtha le 5 juin... Pour cette première, c'était Valentine Colasante qui officiait en Reine des Mortes. Plutôt digne techniquement - reste son point faible, le manque d'élévation des sauts -, elle a aussi trouvé quelques expressions touchantes (Myrtha n'est pas censée être une garce), mais son interprétation manquait un peu de poésie, d'immatérialité. Vincent Chaillet était un Hilarion décent, qui a davantage convaincu au second acte, où il s'est avéré plus impliqué dramatiquement qu'au I.

Une grosse frustation tout de même : le toujours excellent Sébastien Bertaud, cantonné dans le rôle ténu de Wilfried, l'écuyer, alors qu'il aurait pu être un Albrecht de haut vol. Mais ne remuons pas le couteau dans la plaie, pour lui, il est hélas trop tard.

L'Orchestre des Lauréats du Conservatoire était quelconque, et les tempi retenus par Koen Kessels (ou qui lui ont été imposés par les maîtres de ballet?) étaient d'une lenteur exaspérante, notamment au second acte, ce qui soulignait involontairement le déficit de lyrisme, de legato dans la danse. Un bon point, le (malheureusement) fameux galop des paysannes a été enlevé avec plus de légèreté qu'à l'ordinaire, nous épargnant la grotesque ambiance de taverne généralement de mise. On peut tout de même s'étonner de trouver dans la fosse du Palais Garnier ledit Orchestre des lauréats du Conservatoire. Si cela paraît normal pour le spectacle de l'Ecole de danse, cela surprend tout de même s'agissant d'un grand ballet du répertoire, pour lequel les places ont été vendues au prix fort.

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[Florestiano]

[Ornella]

Regard sur la soirée d’hier…

Je pense qu’à l’avenir, j’éviterai les premières, il y a une tension dans l’air dont je me serais passée.

À peine installée sur ma chaise, une habituée m’informe du changement de distribution. Trop tard ! Ça ne m’était jamais arrivé de l’apprendre au dernier moment. C’est très désagréable, car c’est bien pour le couple prévu que j’avais fait la dépense.

Je ne fais pas partie des détracteurs d’Amandine Albisson, mais dans ce rôle je tenais vraiment à voir Myriam Ould-Braham, et ceux qui ont vu la pré-générale du 25 mai (avec Mathieu Ganio) ont été dithyrambiques.
Je pense qu’on reproche à Amandine ce qu’on a beaucoup reproché à Aurélie Dupont ou même Dorothée Gilbert : de n’être qu’une technicienne, froide. Pourtant, les deux ont trouvé leur public, leurs adeptes.

Le 1er acte lui correspond plus, et située au plus près de la scène, dans la loge de l’Impératrice, j’ai pu voir qu’il se passait quelque chose sur son visage, qu’elle proposait une interprétation.

On ne peut pas en dire autant de son partenaire, Stéphane Bullion, trop poker face, c’est son style mais ça ne me suffit pas. Et ça ne doit pas aider Giselle car on ne ressent pas l’amour envers elle… C’est dommage car l’histoire devient bancale (déjà que l’argument n’est pas très consistant !).

La vraie émotion de ma soirée, je l’ai eue à l’apparition de Myrtha, pendant cet andante que j’adore et qui m’a fait verser une larme. Valentine Colasante est belle dans ce rôle et interprète très bien ce personnage inflexible. J’aurais été curieuse de voir Hannah O’Neill en reine des Wilis, elle doit être superbe.

Ce 2d acte est si beau que c’en est déroutant. Je n’ai vu Giselle qu’une fois en 2009 (Gilbert/Heymann), alors autant dire que j’en ai pris plein les yeux. Les Wilis ont été applaudies plusieurs fois au milieu de leur chorégraphie, j’ai trouvé cela touchant.

Les deux Wilis solistes, Héloïse Bourdon et Fanny Gorse, sont deux danseuses que j’apprécie et cela m’a fait plaisir de les voir à part. J’ai légèrement préféré les lignes de Fanny, mais Héloïse avait un petit supplément d’âme dans ses gestes.

Vincent Chaillet est un bel Hilarion, à chaque fois que je vois ce danseur, il me plaît, et il dégage tellement plus d’amour (et d’intérêt) envers Giselle qu’on a du mal à comprendre pourquoi cette dernière veut à tout prix défendre un Albrecht si tiède…

Que dire de François Alu dans le pas de deux des paysans, il saute tellement haut qu’on en a presque peur pour lui ! Mais il retombe toujours sur ses pieds, comme… un chat sauvage. Quelques accrocs dans les tours avec la gracieuse Charline Giezendanner, mais c’était un joli moment.

Pour finir, comme je vois Eléonore Guérineau dans le rôle-titre dimanche prochain, je l’ai beaucoup observée dans le corps de ballet et je pense qu’elle a tout pour faire une magnifique Giselle. En tout cas, on sent qu’elle a envie d’en découdre !


Bilan de la soirée : une déception inévitable de se voir privé du couple qu’on attendait, mais quel bonheur de revoir ce ballet mythique à Garnier… (je serais sans doute moins indulgente si je l'avais vu des dizaines de fois !)


PS : mention spéciale aux vendangeurs qui ont embouti le décor en toile avec leur charrette !

[Aurélie]

[sophia]

Je verrais plus de parenté avec Aurélie Dupont, mais pas pour le meilleur - un certain manque de naturel (Dorothée Gilbert l'a gagné au fil du temps), une tendance à se regarder danser, un manque de générosité dans le partenariat... mais Dupont a réussi quelquefois à trouver sa moitié (Legris, McKie), ce qu'on n'a pas encore vu avec Amandine Albisson et son/ses partenaires.
En revanche, Aurélie Dupont et Dorothée Gilbert étaient/sont de bien meilleures techniciennes. D'ailleurs, on n'a pas vu de grande technique hier soir. J'essayerai d'y revenir de manière moins laconique, mais si cette Giselle est le signal d'une ère "nouvelle", c'est assez inquiétant - et ne tient pas qu'à un couple bancal.

[IrisC]

Bonjour et c'est mon 1er message sur ce forum
Je me réjouissais de voir MOB mais j'étais ravie et curieuse de voir Amandine Albisson dans ce rôle. Et je n'ai pas été déçue, elle gagne en effet en maturité et en jeu, je l'apprécie de plus en plus dans son interprétation. Elle était aérienne et subtile. Je me réjouissais surtout de voir Mathieu Ganio et c'est vrai que l'annonce du changement de distribution juste avant le début de la représentation m'a fait faire un ascenseur émotionnel. Voilà j'avais envie que Stéphane Bullion tombe le masque et que le cas échéant Giselle parte avec le sympathique Vincent Chaillet/Hilarion.
Le partenariat François Alu/Charline Giezendanner fonctionne décidément bien! C'est fou comme lui déclenche le public dès qu'il saute ou plutôt vole. Époustouflant.
Acte II onirique et apprécié du public qui applaudissait souvent.
Amandine Albisson flottait. Magnifique à la fin. Un petit bémol pour la Myrtha de Valentine Colasante qui à mon sens manquait un peu de charisme. Hannah O'Neill et Alice Renavand dans ce rôle donnent un peu plus de relief au personnage. Et les entrechats six dont on a été privé, mais bon...
Petits moments anecdotiques lorsque la fumée tombait sur l'orchestre, ça riait bien dans la fosse.
En tout cas dans l'ensemble j'ai passé un très bon moment. Mon enthousiasme de Labrador l'a un peu emporté sur le reste tant j'étais contente de revoir Giselle.

[haydn]

Bienvenue IrisC

La fumée dans la fosse (encore que les nouveaux appareils fumigènes produisent maintenant un brouillard beaucoup plus homogène et contrôlable qu'il y a quelques années) et la trappe qui se bloque font partie du folklore habituel des représentations de Giselle.

Je ne vais pas mentir, j'espérais vraiment voir Myriam Ould-Braham (qui n'avait jamais dansé Giselle à Paris et qui semblait faite pour le rôle) et Mathieu Ganio (lui, en revanche, est un habitué d'Albrecht). Mais le sort en a décidé autrement. En ce qui concerne Amandine Albisson, j'ai pu observer, au travers de plusieurs discussions, qu'elle plaisait beaucoup à un public de non-balletomanes, de gens qui allaient voir occasionnellement des spectacles de ballet, sans les a priori des "habitués". Peut-être est-ce que parce que physiquement, elle correspond assez à l'image que le grand public peut se faire d'une ballerine classique. Personnellement je trouve aussi la comparaison avec Aurélie Dupont pertinente. Les deux danseuses se ressemblent (au premier acte, j'avais vraiment l'impression de voir Mlle Dupont), et Aurélie Dupont représente justement, comme Amandine Albisson, cette sorte de "fantasme" de la ballerine. On remarquera d'ailleurs - est-ce un hasard? - que les deux artistes étaient très appréciées de Pierre Lacotte - en tout cas, le chorégraphe, qui revendique son côté "old school" - le disait.

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[IrisC]

Aïe! je viens souvent mais je trouve aussi qu'elle améliore son jeu.

[haydn]

Je ne parlais pas pour vous IrisC, je ne sais pas quel est votre degré de "balletomanie", c'était juste une constatation que j'ai pu faire au fil de conversations : Amandine Albisson plaît à un public qui découvre la danse classique, ou du moins à un public qui ne va qu'occasionnellement au spectacle. Ce n'est d'ailleurs pas à prendre comme une critique, cela peut drainer dans les salles de nouveaux afficionados. Et cela ne veut pas dire non plus qu'elle n'a pas des fan fidèles.

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[IrisC]

Je sais bien hehe j'ai juste trouvé ça drôle pour un 1er message
Cela dit je viens aussi ici pour lire les critiques de balletomanes bien plus avancés que moi donc si un jour vous me dites que je suis à côté de la plaque dans mon analyse je ne vais pas me vexer

[sophia]

Je n'aimais pas vraiment l'acte I d'Aurélie Dupont, pour un certain nombre de raisons invoquées plus haut, mais il faut être honnête, son acte II atteignait une indéniable beauté - sinon perfection - formelle. Nous n'avons vu hier soir ni la rondeur romantique dans les ports de bras, ni les équilibres tenus en apesanteur, qui confèrent au personnage sa dimension aérienne. Quant à la fameuse variation de l'acte I, dite de Spessivtseva, elle manquait au moins autant d'ampleur que de légèreté et de charme (petite diagonale de ballonnés, petit manège final...).
Pour en revenir au jeu, j'ai tendance à penser que Giselle n'est pas, au moins dans l'idéal, un rôle que l'on "joue" à proprement parler (d'ailleurs, je n'aime guère dans ce rôle Vichneva - à un tout autre niveau, cela va sans dire). Amandine Albisson est plus femme que fille, elle n'a pas le côté naïf, frais d'une Giselle naturelle (comme peuvent l'être Maurin, Ould-Braham, Cojocaru, Novikova, etc...), elle n'a rien non plus d'une "folle de danse", ce qui la conduit vers une espèce de surjeu (ce n'est pas le terme adéquat, car l'expressionnisme peut être un parti-pris cohérent et splendide) assez gênant à mon goût (de ce point de vue, on ne peut pas dire qu'elle ne "joue" pas, quelque part, elle ne fait que ça, mais rien ne paraît "venir du coeur" si je puis dire). Sa scène de folie est incompréhensible pour moi (je ne parle même pas d'être touchée).

Sur le reste de la distribution :

Stéphane Bullion m'a semblé absent, extérieur à l'action et au rôle (qui est cet Albrecht? Un noble, un paysan, un amoureux, un salaud...? Ses contours restent bien vagues), et pour tout dire souffrant (il existe une version alternative "officielle" aux entrechats, notamment une version avec une diagonale de brisés, là, nous avons eu un manège de sauts très light, où la fatigue ne paraissait pas vraiment jouée). Dans le pas de deux des Paysans, le couple Alu/Giezendanner apporte une fraîcheur et un charme juvéniles qui tranchent de manière bienvenue avec le couple principal, mais en termes de qualité de danse, on est très loin de la version 2006 avec Ould-Braham et Thibault (pas un fantasme "c'était mieux avant", ça se regarde toujours sur les Internets). Alu saute haut et réjouit le public à temps et à contre-temps, mais on attendrait pourtant de ce pas d'école plus de finesse et de propreté dans les réceptions et/ou les ports de bras - ce que les puristes ont tendance à lui reprocher ne ressortait ici que trop. Les rôles mimés ne font pas l'objet de beaucoup d'attention à l'Opéra et c'est bien dommage : Bathilde (Stéphanie Romberg) en particulier donne l'impression d'être plus âgée que Berthe (Anémone Arnaud), dont la pantomime manque de force. Sébastien Bertaud est quant à lui très vivant - bien plus vivant que son maître! - en Wilfried, mais ce petit rôle n'est franchement pas de son niveau. On a connu par le passé Vincent Chaillet plus convaincant dans les rôles de "vilain", mais que faire en réalité face à un couple principal déjà bancal? Valentine Colasante n'a sans doute pas toute l'autorité majestueuse dont on pourrait rêver pour le rôle de Myrtha, mais - c'est triste à dire -, c'est elle, avec ses acolytes Fanny Gorse (1ère variation) et Héloïse Bourdon (2e variation), qui a paru in fine la plus impliquée et juste dans le drame et dans la danse. Après une entrée quelque peu hésitante (avec des arabesques penchées tremblotantes), elle a fait preuve d'une certain dynamisme dans la coda. Bien sûr, cela manque en général de qualités saltatoires et d'élévation, mais qui aujourd'hui à l'Opéra pour sublimer ce type de rôle? La suite des événements nous le dira (ou pas).
Le corps de ballet "fait le job" honorablement, mais sans magie ni enthousiasme démesuré et sans réussir à sauver une représentation de bout en bout fort ennuyeuse.