LucyOnTheMoon
Inscrit le: 18 Nov 2008 Messages: 984
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Posté le: Ven Fév 26, 2016 6:08 pm Sujet du message: Work/Travail/Arbeid - ATdK au Centre Pompidou |
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(Je crée un nouveau sujet faute de savoir où caser cette information, je fais confiance à Haydn pour la replacer au bon endroit)
Citation: |
ATELIERS DE DANSE
26 février au 6 mars
Dans le cadre de l’exposition « Work / Travail / Arbeid » de la danseuses et chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker, des ateliers de danse sont proposés gratuitement tous les jours dans le Forum.
Deux danseurs de la compagnie Rosas, Femke Gyselinck et Jason Respilieux invitent le public à découvrir l’univers chorégraphique d’Anne Teresa De Keersmaeker.
INFORMATIONS PRATIQUES
· Tous les jours du 26 février au 6 mars, sauf le mardi, 15h-16h (le 6 mars, trois ateliers seront proposés dans l’après-midi)
· Adultes et enfants à partir de 6 ans
· Ateliers gratuits dans la limite disponible des places
· Forum, niveau 0
Organisateur : DDC / Les spectacles vivants, Serge Laurent
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https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/ceXkej5/rEB56gX#undefined
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juthri
Inscrit le: 31 Mar 2015 Messages: 65
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Posté le: Mar Mar 22, 2016 3:30 am Sujet du message: |
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J'ai pas mal de retard dans mes comptes-rendus de spectacles (grippe...) je publie néanmoins en complet décalage sur l'un des programmes de la saison de l'ONP : L'exposition de danse Work/Travail/Arbeid concoctée par Anne Teresa de Keersmaeker et ses compagnies Rosas/Ictus, présentée au Centre Pompidou.
Pour commencer je n'ai d'ailleurs pas vu le lien direct ou indirect avec l'ONP, même pas sur la billetterie, vu qu'il "suffisait" d'acheter un droit d'entrée à Pompidou (14€ plein tarif) pour accéder à ce spectacle-concept, en plus des autres expos ou des collections permanentes du musée.
Le concept de base de cette exposition tient sans doute à la question principale posée au spectateur : comment aborder l'expérience proposée ?
On peut basiquement y voir un simple spectacle, s'il est toutefois possible de qualifier de "simple" une œuvre de la chorégraphe.
ATDK a repris les éléments d'un de ses ballets "classique" Vortex Temporum, basé sur la partition éponyme de Gérard Grisey, et les a déstructurées, rallongées et scindés pour donner naissance à une pièce qui dure neuf heures environ, selon neuf tableaux de durée équivalente, répétée chacun des neuf jours de l'exposition. Un peu comme un millefeuille épluché et dont on aurait le droit de ne manger qu'une couche toutes les heures... La pièce initiale, déjà très exigeante intrinsèquement pour le spectateur, se prêtait assez bien à ce jeu, tant par la structure de la partition que pour la scénographie initiale dans laquelle les danseurs et les musiciens étaient ensemble en scène et interagissaient les uns avec les autres (danseurs qui déplacent le piano à queue monté sur roulettes, violoniste qui pivote sur lui-même pour suivre du regard la course d'un danseur...).
N'ayant pas assisté à l'intégralité de l'œuvre (mille pardon à tous ), je ne saurais la décrire totalement, mais pour donner une idée du déroulement d'une heure standard : cela commence par quelques minutes pendant lesquels deux danseurs tracent à la craie des cercles au sol, puis un musicien joue seul pendant 15 minutes, puis un danseur en silence 15 minutes également, et enfin le danseur et le musicien jouent ensemble pendant la dernière partie de l'heure. Les deux laissent leur place à deux autres interprètes (ou plus) et on est reparti pour une nouvelle heure, en utilisant le cérémonial de la craie en guise de passage de témoin entre les danseurs. Les éléments de la chorégraphie sont malgré tout très écrits, une grande rigueur a été apportée à l'adaptation aux dimensions de l'espace, y compris du temps, ce qui n'empêche pas les interprètes d'y apporter leur propre touche, ne serait-ce que pour s'adapter à la configuration proposée par le positionnement du public.
Celui-ci justement adopte intuitivement une position de spectateur en s'asseyant le long des murs de la "galerie" pour former une immense scène rectangulaire large comme 2 plateaux de Bastille. La moitié du pourtour est vitré, et donne sur le square de l'église Saint-Merri ou les passants de la rue. Bref tout le monde, du badaud au danseur en passant par le spectateur et le musicien, se retrouvent mis sur le même plan et la lenteur du déploiement de la structure représenté par la course du soleil éclairant la galerie confère à l'expérience la dimension de la fuite du temps dans toute sa démesure. Venu en mode "entreprise buissonnière" un après-midi de fin de semaine, avec un portable éteint faute de batterie au fond de la poche, j'ai pris beaucoup de plaisir à ce lâcher prise temporel, pendant environ une heure, après un temps d'adaptation nécessaire à peu près équivalent. Fatalement au bout de ces deux heures, les contingences physiques reprenant le dessus (aïe le mal de dos à être assis par terre), on est obligé d'abandonner l'œuvre en cours, ce qui est également l'un des objectifs de cette pièce : les notes d'intention révèlent que la dimension suggérée de la pièce est au moins aussi importante que ce qui est présenté, et l'ascétisme de passer les neuf heures sur place ne semble heureusement pas avoir été envisagé par la chorégraphe.
Mais, malgré l'intelligence et de la précision de l'écriture d'Anne Teresa de Keersmaeker, ou la qualité de l'exécution par les quelques danseurs ou instrumentistes vus pendant ce laps de temps (immense Julien Monty qui finira chemise presqu'en lambeaux tant il s'est investi), rien, à part la longueur et la mise en abyme du rapport au temps qui m'a procuré un plaisir sans doute très circonstanciel, rien donc qui ne transcende vraiment par rapport à un spectacle vu classiquement dans un théâtre. Et on se dit qu'on loupe quelque chose.
L'autre approche de ce concept serait donc de l'aborder comme une exposition muséale.
C'est d'ailleurs son intitulé comme le rappellent les notes (noires sur mur blanc comme dans tout musée venu) lues avant de pénétrer dans la galerie, qui nous invitent à nous "promener" dans l'exposition. Sauf qu'il est difficile de se promener au milieu d'un seul danseur, surtout quand celui-ci courre inlassablement d'un bout à l'autre de cette immense salle (on repassera pour la "proximité" évoquée)... S'assoir au milieu est surement une bonne idée, mais cela fait légèrement m'as-tu-vu... de plus les rares qui s'y risquent sont dérangés par les danseurs pendant les interludes et le traçage des marques au sol.
Une étudiante -ou assimilée- a certes intelligemment répondu à la proposition en jouant le jeu de se balader au beau milieu de la salle les mains dans le dos et allant voir le pianiste puis les deux danseurs pour le coup immobiles, mais au bout de 5 minutes sa contemplation en mode expo était terminée, et elle a dû rentrer dans le rang. Ou alors choisir de partir, mais venir voir une seule œuvre ne me semble pas une façon très sensée de remplir son après-midi culture, au-delà de la qualité de Beaubourg... Peut-être ai-je manqué les moments où les visiteurs se permettaient plus d'interaction et engendrait une autre perception, mais juger une œuvre en fonction du comportement des spectateurs et de leur participation plus ou moins active à l'expérience, cela ne fait pas non plus partie de ma panoplie de spectateur de base.
Bref, là encore on se dit qu'on loupe quelque chose.
C'est tout l'écueil de cette idée : une seule pièce ne peut pas prétendre constituer une exposition, quelle que soit l'intelligence du concept. Il aurait peut-être été préférable de créer 9 espaces resserrés (la création à Bruxelles semble d'ailleurs avoir été présentée dans un lieu beaucoup plus restreint, et brisé par des piliers), et rendre concomitantes les neuf heures de l'œuvre afin de créer le flux déambulatoire propre à l'aspect muséal voulu. J'ai bien tenté de revenir dans la salle après les expos Fromanger ou Kiefer, mais je n'ai pas réussi à me remettre dans le contexte.
J'ai donc définitivement dû louper quelque chose, et en tout cas j'avoue ne pas avoir trouvé de réponse à la question initiale !
Pourtant je suis plutôt client de ce type de proposition hors des sentiers battus (j'avais défendu 20 danseurs pour le XXe siècle, et les heures d'attente pour voir le solo Violin Phase par la chorégraphe elle-même à Saint-Eustache l'été dernier furent un bonheur), mais ce Work/Travail/Arbeid est à la fois un formidable spectacle de danse ...in-regardable (+9 heures !) et une piètre exposition d'une pièce unique qui contemplée en 15 minutes ne révèle quasiment rien, sinon que cet art de l'éphémère n'est pas prêt à être "muséifié"... Elle vaut pour la réflexion sur les dimensions de la danse, celles de son environnement ou du temps, mais pour réellement voir et entendre de la danse il vaut mieux courir voir Vortex Temporum, par exemple au CCN de Tours début Juin.
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