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Prix de Lausanne 2016 (1er-6 février 2016)
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marc



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MessagePosté le: Mer Fév 03, 2016 3:01 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour ces interviews ! C'est toujours intéressant de connaitre un peu plus les concurrents, leurs parcours, leurs motivations, leurs rêves. On souhaite à ces jeunes gens le meilleur succès possible !


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sophia



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MessagePosté le: Mer Fév 03, 2016 6:55 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Rencontre avec Nikolaï Tsiskaridze

Pour le premier « Daily Dance Dialogue » de la semaine, Jason Beechey recevait, dans le foyer du théâtre de Beaulieu, Nikolaï Tsiskaridze, ancien danseur étoile du Bolchoï et directeur de l'Académie Vaganova. Nikolaï Tsiskaridze est cette année membre du jury du Prix de Lausanne – une présence qui confirme le retour de la Russie – et plus précisément de l'Académie Vaganova, redevenue école « partenaire » depuis l'an dernier - dans le giron de la compétition. On se souvient ainsi que l'an dernier, deux candidats – un garçon et une fille (Dmitri Zadorozhny et Elena Solomianko) - issus de l'école étaient présents en présence et de leurs professeurs respectifs et de leur directeur-vedette. Entre fans prompts à s'amuser de la moindre boutade de la star ou à applaudir à ses exploits sur grand écran et spectateurs sceptiques – au mieux – venus assister à la rencontre par curiosité, le moins que l'on puisse dire est que le personnage à la légendaire modestie ne suscite pas l'indifférence. Petit résumé de la rencontre.



En préambule, il a évidemment été question des relations - renouvelées - entre la Russie et le Prix de Lausanne. La Russie, à vrai dire, n'y a jamais été extraordinairement présente. Était-ce seulement sa vocation? Dès sa nomination à la tête de l'Académie Vaganova, Nikolaï Tsiskaridze dit s'être intéressé au Prix de Lausanne. Il pensait qu'il était important que la Russie y soit représentée. Il s'était à vrai dire déjà intéressé au Prix de Lausanne en tant que danseur. Il raconte notamment que quand il était jeune danseur – c'était en 1991-, il avait été sélectionné, mais qu'au dernier moment, sa participation avait été annulée, parce que le directeur de son école [l'Académie chorégraphique de Moscou] pensait que s'il se rendait à Lausanne, il ne reviendrait pas! Pour lui, sans la Russie, le Prix n'est pas tout à fait complet. Une grande partie des variations du Prix font appel à l'école russe ou appartiennent au répertoire russe. Il est donc extrêmement heureux que la Russie y ait maintenant des représentants. Le rapprochement s'est fait ainsi : il a écrit une lettre à Amanda Bennett, ils ont multiplié les échanges, sont devenus amis, et il l'a finalement fait venir en Russie. Malheureusement, pour l'édition présente, les choses ont été un peu difficiles à organiser au mieux, parce que l'Académie effectuait au même moment une tournée dans différentes villes au Japon. Par conséquent, il n'y a eu que trois participantes (Alena Kovaleva, Maria Khoreva, Laura Fernandez-Gromova) et il se trouve par ailleurs que l'une d'elles (Maria Khoreva) est blessée.

A la demande de Jason Beechey, Nikolaï Tsiskaridze revient sur le cas particulier d'un candidat de l'édition 2015 (Austin Acevedo) qui avait obtenu une bourse pour l'Académie. Malheureusement, du fait d'une situation internationale tendue, ce dernier n'a pas pu obtenir son visa pour la Russie et donc rejoindre à temps l'Académie. Tsiskaridze espère qu'il pourra bientôt l'obtenir, insistant particulièrement sur l'ouverture de l'école, indépendamment des circonstances extérieures.

Pour terminer sur le sujet des relations entre l'Académie Vaganova et le Prix de Lausanne, Nikolaï Tsiskaridze souligne le rôle majeur du Prix dans la constellation des grandes compétitions internationales. Pour lui, c'est sans aucun doute la compétition la plus importante pour les jeunes danseurs. En tant que membre du jury, il considère comme particulièrement important de repérer les qualités qui, chez un danseur, peuvent intéresser le public - les danseurs étant d'abord là pour le distraire.

La carrière de danseur de Nikolaï Tsiskaridze a ensuite été évoquée après un bref intermède vidéo présentant des variations tirées de La Belle au bois dormant et de La Bayadère sélectionnés par Nikolaï lui-même, car tirées de ses ballets favoris. La question de ses rôles préférés lui a très souvent été posée durant sa carrière. Au départ, il y répondait de manière diplomatique, mais lassé par cette question incessante, il a fini par répondre à ceux qui la lui posaient que c'était La Belle au bois dormant, car c'est le seul ballet où le personnage ne meurt pas et se marie jeune.

Jason Beechey oriente ensuite la discussion vers les partenaires féminines qui l'ont marqué. Nikolaï Tsiskaridze répond que sa première partenaire, Natalia Arkhipova, une ballerine du Bolchoï, est celle qui a compté le plus pour lui, celle qui a le plus marqué le jeune danseur qu'il était alors. Son premier grand rôle était celui du Prince dans le Casse-noisette de Grigorovitch, ballet qui comporte des soutiens et des portés extrêmement difficiles, et il était donc important d'avoir une partenaire solide et expérimentée qui soit aussi pour lui un guide. C'est aussi depuis cette époque qu'il s'est promis de ne jamais refuser à une jeune danseuse ou à un jeune danseur de l'aide. Lui-même a « coaché » beaucoup de jeunes danseurs, plus ou moins expérimentés, célèbres ou moins célèbres (notamment Angelina Voronstsova, Denis Rodkin, Artem Ovcharenko).

Comment préparait-il ses rôles? Il essayait de regarder le maximum de vidéos de tous les interprètes qui avaient dansé le rôle avant lui. Maintenant, un simple téléphone portable rend tout très facile d'accès, mais à l'époque, c'était beaucoup plus compliqué, il fallait demander des films à des amis, aller voir à des professeurs, beaucoup lire... ce qui le rend apte aujourd'hui à parler abondamment et à donner de véritables conférences sur tous les ballets qu'il a dansés. Il y a un point important sur lequel Tsiskaridze insiste particulièrement, quelque chose qu'il avoue détester faire : c'est imiter quelqu'un d'autre. Il raconte que lors de sa dernière année d'étude, on avait amené les élèves de sa classe aux Etats-Unis pour un gala. De nombreuses célébrités des années 90 y participaient et il s'était rendu compte que la moitié des participants imitaient Noureev, l'autre moitié Barychnikov. Ils n'étaient pas de mauvais danseurs, mais ils n'avaient pas un visage à eux. Il s'était promis alors de ne jamais imiter personne et de danser comme personne avant lui. Durant toute sa carrière, il a essayé de trouver un visage qui lui allait. Ce visage, on l'aime ou on ne l'aime pas, mais il faut l'accepter ainsi.

Nikolaï Tsiskaridze évoque également sa passion de l'enseignement qui lui est venue très jeune, dès son entrée au théâtre Bolchoï, où enseignaient alors de très grands professeurs, notamment Marina Semionova. Dès le premier jour, celle-ci, qui était alors très âgée, lui a dit : « tu dois enseigner ». En 1997, il a participé au concours de Moscou où il était à la fois candidat et « coach » de l'un de ses camarades de classe. Il a ainsi « coaché » de nombreux danseurs – garçons ou filles, cela lui importe peu - et donné une classe quotidienne au théâtre Bolchoï durant dix ans. Pour lui, la principale qualité d'un danseur : c'est la musicalité : « First musicality! ». Tout le reste vient après. Petite mise au point mi-agacée mi-amusée à propos de la méthode Vaganova : beaucoup d'écoles prétendent aujourd'hui enseigner la méthode Vaganova ou une méthode inspirée de Vaganova. A cela, Tsiskaridze répond en anglais : « This is not true. Vaganova system is taught in St-Petersburg, Russia. » Point. Agrippina Vaganova n'était pas seulement une grande danseuse et un grand professeur, elle était également une personne de talent qui a écrit en 1934 les Principes du ballet classique, la Bible du ballet classique, enseignée alors en URSS et dans tous les pays satellites de l'URSS, jusqu'en Mongolie et au Vietnam. Ce système est à la fois complexe et très complet. Il n'y a pas à « l'interpréter ». Tout y est expliqué en détail – la position de la tête, des pieds, des mains, etc.... Pour enseigner ce système, il faut obtenir un diplôme d'une université. Il ne faut surtout pas croire ceux qui disent enseigner une méthode « inspirée de Vaganova ». C'est un mensonge. Il existe un autre système – le système Cecchetti -, mais il se trouve que Cecchetti enseignait lui aussi à Saint-Pétersbourg. Tsiskaridze trouve in fine que le système de Vaganova lui est supérieur.

Jason Beechey soulève ensuite la question de l'élargissement ou plutôt de l'ouverture du répertoire de l'Académie Vaganova, citant en exemple une pièce de Nacho Duato, récemment entrée au répertoire de l'école. Tsiskaridze ne semble pas vouloir s'arrêter particulièrement sur cet exemple récent, préférant insister sur le fait que de nombreux chorégraphes, tels Petit, Béjart, Neumeier, avaient auparavant confié des pièces ou créé pour l'Académie – et que l'ouverture ne date donc pas d'aujourd'hui. Même si l'Académie Vaganova (275 ans au compteur) n'est pas aussi ancienne que l'École de l'Opéra de Paris, beaucoup de choses y ont commencé – et en cela elle est une voix essentielle du ballet classique dans le monde, ce dont témoigne le répertoire des variations classiques du Prix de Lausanne (95% est russe). Les chorégraphes occidentaux, comme ceux précédemment cités, ont par exemple travaillé avec des Russes issus de l'Académie ou, plus généralement, avec des professeurs ayant quitté la Russie après la Révolution. Tsiskaridze ne prétend pas que les Russes sont les meilleurs, il veut souligner que le rôle de l'Académie est de préserver un héritage, une source première en quelque sorte. Il apprécie à ce titre que tous les candidats du Prix de Lausanne dansent les variations sur le même tempo, une spécificité de cette compétition. Il regrette en revanche que le texte – les mouvements chorégraphiques créés par Petipa – ne soit pas un dénominateur commun.

Une personne de l'assistance lui demande quelles sont les différences en termes de technique, de formation et de mentalité entre Saint-Pétersbourg, dont il dirige actuellement l'école, et le Bolchoï, où il a été auparavant danseur et professeur. Pour Tsiskaridze, il n'y a pas de différence en ce sens que les uns et les autres reçoivent tous le même enseignement – celui tiré du livre de Vaganova. Il a certes été formé à Moscou, mais certains de ses professeurs venaient eux-mêmes de l'Académie Vaganova. C'est quelque chose qu'il ne cesse de répéter : si le Bolchoï est différent de tous les autres théâtres, c'est en raison de sa taille. La scène est très grande et pour la parcourir, il faut pouvoir sauter. Au Mariinsky, on ne bouge pas de la même manière. La scène n'est pas aussi grande. Cet élément influence énormément la manière de danser. Une combinaison de pas telle que arabesque-failli-renversé, tout le monde la maîtrise, mais chaque chorégraphe va y apporter un accent différent. C'est pareil pour n'importe quel mouvement. Un même mouvement peut être exécuté de différentes manières – on peut danser « grand » ou de manière plus compacte. Les danseurs du Bolchoï sont obligés de danser « grand » en raison de la taille de la scène et de la salle. Tsiskaridze évoque l'exemple de La Sylphide, ballet qu'il a dansé durant six saisons au Bolchoï. Le Mariinsky l'avait invité à danser le ballet à Saint-Pétersbourg et il était inconcevable qu'il le danse là-bas de la même manière. De même, beaucoup de danseurs invités au Bolchoï éprouvent des difficultés physiques à terminer le ballet, car épuisés avant le troisième acte.

Une autre personne lui demande quel est son meilleur souvenir en scène – le rôle où il s'est senti le mieux. Tsiskaridze répond – en toute modestie – qu'il a été brillant dans tous les rôles qu'il a dansés et qu'il a toujours refusé les rôles qui ne lui allaient pas. Il a notamment toujours refusé de danser Don Quichotte. Il pensait simplement qu'il ne pourrait pas y briller, qu'il y serait même mauvais. De même, quand il ne sentait pas en forme pour interpréter correctement tel ou tel de ses rôles, il annulait la représentation et demandait à l'administration de le remplacer.

Tsiskaridze termine l'entretien par un mot spécialement adressé aux candidats. La compétition est à ses yeux une chose très importante - lui-même a participé à deux compétitions alors qu'il était déjà danseur au Bolchoï – mais le plus important, ce sont les rôles que les danseurs sont amenés à travailler et à interpréter durant leur carrière. Il mentionne à ce titre le nom d'Eva Evdokimova, magnifique ballerine romantique qui n'a jamais participé à une seule compétition de toute sa vie, mais reste comme une artiste unique.




Demain, à la découverte de Viviana Durante... Smile




Dernière édition par sophia le Jeu Fév 04, 2016 11:18 am; édité 1 fois
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marc



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MessagePosté le: Jeu Fév 04, 2016 2:22 am    Sujet du message: Répondre en citant

Nikolaï Tsiskaridze a évoqué plusieurs de ces questions dans son interview par Katia Novikova dans le troisième livestream.

D'ailleurs, le troisième Livestream du 3 février :

http://concert.arte.tv/fr/prix-de-lausanne-livestream-du-3-fevrier-2016

J'ai trouvé ce livestream infiniment plus intéressant que les deux premiers, il était même bien souvent passionnant !


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haydn
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MessagePosté le: Jeu Fév 04, 2016 10:51 am    Sujet du message: Répondre en citant

Pour nos amis japonais, les filles de la délégation nippone au Prix de Lausanne 2016 se présentent (dans leur langue maternelle) devant la caméra de Dansomanie :






The Japanese female team at the Prix de Lausanne 2016



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Katharine Kanter



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MessagePosté le: Jeu Fév 04, 2016 11:37 am    Sujet du message: If you can't do the splits on one leg ... Répondre en citant

Nikolaï Tsiskaridze, 28th October 2015
"Time has moved on. Even if in the 1940s and 1950s lifting the leg high was indecent, nowadays if you can’t stand in a split you’ll have no right to go onstage."
http://ismeneb.com/blogs-list/151101-tsiskaridze-russian-ballet-still-unequalled.html

Nikolaï, try thinking things through. You've just told the Lausanne lot that
« la principale qualité d'un danseur : c'est la musicalité : « First musicality! ».

Right, Nikolaï, but as Monica Mason and just about everyone else on the planet has by now observed, « nowadays, we have to ask the conductor to slow down, because picking up the leg takes so much more time ».

And Nikolaï continues,
« Agrippina Vaganova n'était pas seulement une grande danseuse et un grand professeur, elle était également une personne de talent qui a écrit en 1934 les Principes du ballet classique, la Bible du ballet classique. Ce système est à la fois complexe et très complet. Il n'y a pas à « l'interpréter ». Tout y est expliqué en détail – la position de la tête, des pieds, des mains, etc....

Rightie-ho, Nikolaï, but not your Bible perhaps ? For there is nary a word in Vaganova’s Basic Principles on how to pick up the leg. To the contrary. Because to pick up the leg contradicts her entire approach which is based on speed, strength and above all, intact ligaments.

Moreover, Agrippina Vaganova explicitly states that her method is not about leg-waving, but rather based upon control of the spinal column, and awareness of the sensations in the musculature of the back. The moment the leg is picked up beyond the normal ambitus, awareness and control over the spinal muscles flies out the window.

To quote Auntie Agrippina Herself,
« Allegro is the foundation of the science of the dance, its intricacy, and the bond of future perfection. The dance as a whole is built on allegro ». (Basic Principles, 1934)

Now, the author of these lines does not entirely agree. The plastique, the holding of the forms, including in allegro work, is - as Vera Volkova stated - based on mastery of grand adage, which is in fact more difficult. However, this particular battle is not germane to our topic here. Auntie Agrippina wanted allegro and she got allegro, which is why any student found by her STRETCHING in class was expelled for the day. But « standing in a split to acquire the right to go on stage », means stretching, stretching and stretching, from a very young age.

Agrippina, come back. All is forgiven.


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sophia



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MessagePosté le: Jeu Fév 04, 2016 4:43 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Rencontre avec Viviana Durante

Le second « Daily Dance Dialogue » accueillait, toujours dans le cadre du foyer du théâtre de Beaulieu (avec vue sur les Alpes), Viviana Durante, ancienne étoile du Royal Ballet. Cette année, Viviana Durante est membre du jury du Prix, après avoir été « coach » des variations féminines en 2010.



Viviana Durante revient d'abord sur sa première expérience du Prix de Lausanne – c'était en 1984 en tant que candidate (elle a d'ailleurs remporté la compétition). Elle a oublié la variation classique qu'elle y avait dansée – elle en fredonne les premières mesures -, mais se souvient de sa variation contemporaine, intitulée « Mama had a baby », qui formait un bon contrepoint à sa variation classique. Pour elle, il est important que la compétition puisse permettre de montrer des facettes différentes de la personnalité d'un danseur. A l'époque de sa participation, Viviana Durante était déjà élève de la Royal Ballet School. Elle s'en souvient comme d'une bonne expérience : rencontrer d'autres danseurs, faire ce que l'on aime vraiment faire – danser. Elle avoue d'ailleurs à un autre moment qu'elle était en quelque sorte née pour la scène, depuis toute petite, et qu'elle n'a jamais connu le trac. On ne s'en rend pas forcément compte lorsqu'on est candidat, mais l'on reçoit beaucoup d'informations de la part des professeurs et des « coachs », on apprend des choses qui restent et finissent par prendre sens avec le temps. Elle dit toujours aimer autant venir à Lausanne (elle a été coach une année et c'est la deuxième fois qu'elle est membre du jury), notamment parce que le cadre a un côté familial, il ne ressemble pas à un cadre ordinaire de compétition.

Viviana Durante revient ensuite sur son parcours de danseuse. Elle a dû très tôt – à dix ans et demi - quitté l'Italie pour étudier à Londres. Un professeur, Galina Samsova, l'avait repérée à Rome et lui avait suggéré de poursuivre ses études à la Royal Ballet School. Elle souligne la difficulté d'adaptation à la vie londonienne pour la petite fille qu'elle était, qui ne parlait pas anglais et se retrouvait soudain loin de sa famille. Mais, ajoute-t-elle, « nous parlions tous le même langage, celui de la danse, et quand je dansais, je n'avais plus le mal du pays. » A l'âge de 17 ans, elle a intégré la compagnie du Royal Ballet – un vrai changement de vie pour elle. Elle trouve à cet égard que les danseurs d'aujourd'hui sont mieux préparés à affronter la vie professionnelle que de son temps. Elle en profite pour glisser un conseil aux candidats du Prix présents à la rencontre : « Gardez le contact avec le monde extérieur, avec le monde de l'art en général. Informez-vous de tout ce qui se passe ailleurs, que ce soit au théâtre, à l'opéra, au cinéma, dans les autres compagnies et écoles... » Pour elle, l'entrée dans la vie professionnelle a été un choc, elle considère qu'elle n'y était pas suffisamment préparée.

Jason Beechey demande à Viviana Durante de choisir un souvenir, dans sa longue carrière au Royal Ballet, un souvenir qui l'aurait particulièrement marquée. Viviana Durante évoque un remplacement impromptu à l'occasion d'une représentation du Lac des cygnes. Ce soir-là, elle dansait les quatre Petits Cygnes. La soliste principale s'est blessée et à l'entracte, Anthony Dowell, qui était alors directeur de la compagnie, lui a demandé de la remplacer, alors qu'elle n'avait jamais répété le rôle. Elle a été nommée principale aussitôt après. Selon elle, il est bon parfois de ne pas trop réfléchir – d'y aller en quelque sorte. Il ne faut jamais oublier pourquoi on est là : pour danser, pour se transformer sur scène. Est-elle plus « white swan » ou « black swan »? lui demande alors Jason Beechey. Ce sont évidemment deux facettes de la personnalité de chacun – un côté doux, un côté plus fort. Viviana Durante élargit cependant la discussion : les danseurs doivent s'imprégner du monde et vivre des expériences différentes. C'est à ce prix que l'on peut construire une interprétation solide d'un tel rôle. Elle ajoute que dans certains pays, on n'interprète parfois que l'un des deux – le Cygne blanc ou le Cygne noir. Entre les deux, elle n'a pas de préférence ou disons que son appréhension de ce double rôle a changé. Elle a dansé son premier Lac à 19 ans et son interprétation a dès lors forcément évolué avec le temps.

Viviana Durante insiste sur l'importance pour un danseur d'avoir un très bon « coach » qui le guide et l'inspire. Un danseur doit absolument être guidé dans l'apprentissage et la préparation des rôles qu'il est amené à interpréter. Il y a l'aspect technique bien sûr, mais le plus important est tout de même de raconter une histoire. Le danseur doit aussi mener un travail de recherche personnel : aller au théâtre, lire des livres, s'informer au maximum...

Son rôle favori? « Manon! » répond-elle timidement mais fermement [rires de l'assistance]. C'est d'abord un personnage très complexe dans lequel on peut vraiment s'immerger. Viviana Durante avoue par ailleurs aimer les dénouements tragiques. Elle adore jouer les héroïnes qui doivent mourir sur scène. Elle a également eu la chance de travailler sur Manon avec Kenneth MacMillan en personne, qu'elle semble beaucoup admirer, notamment pour sa capacité à faire des danseurs de véritables acteurs. Pour elle, c'était comme travailler sur une pièce de théâtre. Ce ballet consiste avant tout à raconter une histoire et tout y a une signification. Viviana Durante insiste beaucoup sur cet aspect : même dans le cadre de la classe quotidienne, il ne faut pas oublier qu'un simple plié a une raison d'être. Il faut se raconter sa propre histoire. Un pas est toujours plus qu'un pas, sinon, la danse est un art limité.

Des ballets qu'elle aurait rêvé de danser? Les ballets de John Neumeier et Mademoiselle Julie.

Ses partenaires de prédilection? Viviana Durante a beaucoup travaillé avec Irek Mukhamedov et adoré travaillé avec lui. C'est lui son partenaire préféré. Pour elle, il est très important d'entretenir une relation forte avec son partenaire qui va au-delà de la technique. Ce n'est pas compliqué d'être au point techniquement, mais il faut pouvoir aller au-delà. Il faut que les partenaires se comprennent, puissent réagir en fonction l'un de l'autre que ce soit dans le cadre d'un ballet narratif ou d'un ballet abstrait. Viviana Durante a, de manière plus étonnante, également travaillé avec Wayne McGregor – son premier partenaire « contemporain ». Il créait alors son premier pas de deux (sur pointes) et le dansait avec Viviana Durante comme partenaire. Elle ajoute qu'il était comme un miroir pour elle, qu'elle essayait de faire exactement ce qu'il faisait.

Viviana Durante dit par ailleurs avoir eu beaucoup de chance : elle n'a jamais été vraiment blessée durant sa carrière. Elle pratiquait le Pilates. Elle insiste également sur l'importance d'avoir un bon régime alimentaire. Elle dit avoir aussi travaillé très dur, mais que la danse était de toute façon pour elle une passion.

Jason Beechey l'interroge sur les raisons qui l'ont conduite à se retirer de la scène. Après le Royal Ballet, Viviana Durante a dansé quelques années avec l'ABT. Elle dansait également beaucoup au Japon et en Allemagne. Elle a alors pris conscience qu'elle voyageait trop. Elle voulait avoir une vie personnelle en-dehors du monde du ballet. Elle a rencontré son mari et simplement eu envie de fonder une famille. Elle a un petit garçon de 4 ans présent à la rencontre. A présent, Viviana Durante aimerait beaucoup diriger une école ou une compagnie. Elle précise – sans en révéler davantage - qu'elle va commencer à travailler à partir de septembre, apparemment avec le Royal Ballet. Elle dit aimer enseigner, « coacher » et même chorégraphier (elle dit avoir des idées très précises en matière de style).

Jason Beechey laisse ensuite la parole à l'auditoire. Une spectatrice lui demande quel est le rôle le plus difficile qu'elle a eu à danser : « La Belle au bois dormant », répond-elle. Il faut parvenir à un équilibre, difficile à trouver : le ballet est très technique, mais il y a aussi un rôle interpréter. Elle le compare à une longue méditation. Selon Jason Beechey, Viviana Durante était une ballerine qui ne montrait jamais aucune faiblesse technique en scène : elle sautait, elle tournait, etc, tout cela sans problème. Viviana Durante lui répond que parfois quand elle voit une danseuse faire des double ou triple fouettés, elle aurait aimé pouvoir en être capable. Elle ajoute toutefois aussitôt, à destination des jeunes danseurs, que ce n'est pas le plus important. C'est merveilleux de pouvoir maîtriser ces « trucs », mais ce n'est pas cela qui fait un grand danseur ou une ballerine, ce n'est pas cela qui fait de vous une Margot Fonteyn, qui, du reste, ne pouvait pas faire tous ces « trucs ». A la fin de la rencontre, elle ajoutera même qu'elle n'est pas loin de penser que le ballet n'est pas actuellement dans un état merveilleux. D'un côté, on prête plus d'attention à la santé des danseurs, ce qui est positif, mais de l'autre, on tend à perdre la dimension artistique au profit de la technique. Il ne faut jamais oublier que la danse est un art et que les danseurs ne sont pas des gymnastes. Il faut trouver un équilibre. Une autre spectatrice lui demande si elle préférait danser des ballets déjà au répertoire ou des créations. Pour être honnête, il est beaucoup plus agréable pour un danseur d'interpréter quelque chose qui a été créé pour lui. C'est comme porter un vêtement qui vous va. Pour les ballets du répertoire déjà existants, cela dépend beaucoup, selon elle, de la manière dont ils vous sont enseignés, si l'on introduit une certaine souplesse dans l'interprétation ou si on ne laisse aucune marge de liberté dans l'interprétation de la chorégraphie. Viviana Durante évoque ainsi, à la demande d'une autre spectatrice, la création du ballet de MacMillan, The Judas Tree, et notamment le travail sur l'improvisation qu'elle adore.

Ultime question en forme de boutade de la part de Jason Beechey : une représentation ayant tourné à la catastrophe? Il s'agissait d'un Lac des cygnes avec Irek Mukhamedov comme partenaire à l'occasion d'une tournée du Royal Ballet à Washington : elle a glissé après la coda de l'acte III, avant de se relever et d'exécuter une arabesque parfaite dans les bras de son partenaire. Le public de Washington, peut-être moins exigeant que celui de Londres, n'y a vu que du feu et les a quand même applaudis vigoureusement! Elle insiste d'ailleurs, en pensant aux jeunes danseurs, que la chose importante est la manière dont on réagit. On a le droit de tomber, le tout est de faire croire au public qu'il ne s'est rien passé. C'est cela un spectacle!




A suivre avec la reine Diana et le roi Marcelo... Smile




Dernière édition par sophia le Jeu Fév 04, 2016 6:48 pm; édité 3 fois
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haydn
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MessagePosté le: Jeu Fév 04, 2016 6:40 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Et une nouvelle interview en vidéo : Thomas Brun, également élève au CNSMDP






Rencontre avec Thomas Brun, élève au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris



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marc



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MessagePosté le: Jeu Fév 04, 2016 6:47 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci !


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haydn
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MessagePosté le: Jeu Fév 04, 2016 10:54 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Et c'est pas fini : voici la troisième candidate venue du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, Léa Fleytoux. Il y a deux vidéos, l'une tournée hier (03 février 2016), et l'autre cet après-midi (04 février 2016). Je n'ai pu publier la première avant, en raison d'un souci technique. Les joies de l'informatique...




Prix de Lausanne 2016 - Léa Fleytoux (France) - 1ère partie : 03 février 2016


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Prix de Lausanne 2016 - Léa Fleytoux (France) - 2ème partie : 04 février 2016[/list]



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Dernière édition par haydn le Ven Fév 05, 2016 9:09 am; édité 1 fois
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haydn
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MessagePosté le: Ven Fév 05, 2016 9:02 am    Sujet du message: Répondre en citant

Le live-streaming des sélections c'est ici :


http://concert.arte.tv/fr/selections-du-44eme-prix-de-lausanne



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Mameuh



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MessagePosté le: Ven Fév 05, 2016 9:54 am    Sujet du message: Répondre en citant

Et voilà, cette année encore, c'est bloqué ici Sad Evil or Very Mad


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haydn
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MessagePosté le: Ven Fév 05, 2016 1:05 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Vous avez des difficultés? A priori si vous êtes connectée depuis la France, vous ne devriez pas avoir de problèmes de géolocalisation.



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Mameuh



Inscrit le: 04 Fév 2016
Messages: 94

MessagePosté le: Ven Fév 05, 2016 1:16 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Nooooooooon c'est au boulot. Enfin tant pis !


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haydn
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Inscrit le: 28 Déc 2003
Messages: 26499

MessagePosté le: Ven Fév 05, 2016 1:20 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Sur Dansomanie, c'est comme au cinéma : Katia Novikova est devant la caméra! Comme promis, l'interview-vidéo (bon, je suis pas François Duplat, hein...) :







Katia Novikova (Théâtre du Bolchoï), présente le Prix de Lausanne 2016



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Emilie1



Inscrit le: 29 Juin 2010
Messages: 272

MessagePosté le: Ven Fév 05, 2016 1:21 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Haydn et Sophia pour la peine que vous vous donnez. Ces vidéos sont passionnantes !


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