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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26671
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Posté le: Mer Juin 10, 2015 7:22 pm Sujet du message: Le maître de ballet masqué scrute l'actualité de la danse |
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J'ai confié à un danseur professionnel qui exerce dans une grande compagnie française (non, je ne vous dirai pas laquelle) le soin de rédiger un billet d'humeur épisodique (on décidera de la fréquence en fonction de l'intérêt manifesté par nos lecteurs), dans lequel il portera un regard décalé sur l'actualité chorégraphique. Son propos sera, condensé en quelques lignes, de commenter la danse d'aujourd'hui avec le regard d'un critique du dix-neuvième siècle. C'est lui-même qui a souhaité choisir cet artifice littéraire.
Présentations :
"Avant toutes choses et après un « Bonjour » de courtoisie, permettez que je me présente à vous, lecteurs intrigués. Je m'appelle, non pas Henri, mais Hector Crapeaux-Rospo, « C »ritique évidemment célèbre de danse dans la gazette « Une Sylphide de perdue, dix Wilis de retrouvées ». Maestro Haydn m'a fait appeler de mon dix-neuvième siècle triomphant afin d'endosser un rôle nouveau pour moi, un contemplateur dans ce vingt-et-unième siècle déjà « étonnant »; au dire de ce bon vieux Marius, lors de mes dernières vacances au bord de la Mer Noire. Car en effet j'ai eu la chance, Mesdames, Messieurs, d'assister à de sacrées premières sous de nombreux lustres poussiéreux, et de découvrir de grands chorégraphes contemporains. D'être en apesanteur pour une Marie, de ne pouvoir rester de marbre devant une Fanny, de flamber de passion en admirant une jeune Emma, d'être prêt à me mettre en quatre, que Diable, pour voir ce cher Lucien, Joseph aux mouvements (Ma'...) si liés, et Pavel....non, lui, je n'ai jamais compris son talent. Certes, il bougeait mieux qu'une coulisse mais pas plus. Bref, j'ai vécu tout cela en tant que spectateur et mes amis-abonnés de l'époque - où François-Antoine Habeneck était encore directeur de l'Opéra de Paris - étant restés dans ce siècle, je me confierai à vous si vous me l'autorisez lors de mes excursions futures. Je pars de ce pas à la Poste affranchir ma missive « Une Terre nette », si je prononce avec application.
Amitiés.
Hector Crapeaux-Rospo
..."
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26671
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Posté le: Mar Juin 16, 2015 11:28 pm Sujet du message: |
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Billet n°2
Ce dimanche après-midi, sur la plage niçoise au pied de l’Opéra…
Pendant que les ombres du XIXème siècle croisaient celles des badauds du XXIème, je discutais avec mon ami Villiers de l’Isle-Adam et lui confiais mon étonnement en découvrant cette semaine le paysage chorégraphique d’aujourd’hui. Car en effet, dans mon souvenir, bon nombre d’Opéras en France avaient leur ballet et, aujourd’hui, juste quelques uns résistaient. Ce qui me troublait également était la place peu équitable entre les différentes tendances. La Danse Classique trônait dans la capitale comme une Reine dans son Palais, prête à se faire attaquer de tous côtés et surtout de l’intérieur, encerclée par une province que l’on constate majoritairement contemporaine, avec deci-delà de petites voix faibles, hip-hop, jazz, baroque, folklorique... et de moins en moins classique. Je me suis interrogé, essayant de comprendre cette évolution ou révolution et restais hébété. Pourquoi tout cela ne pouvait-il pas cohabiter ensemble dans notre pays? Car nous avons besoin de découvrir, d’être bousculé, de sentir que l’on vit un moment de création unique, tout en ne reniant évidemment pas notre héritage et en respectant l’histoire de l’autre. Le Classique a pour scène des Opéras Nationaux ou des Théâtres comme Paris, Bordeaux, Toulouse, Nice, mais pour combien de temps encore?… Limoges s’est arrêté, Marseille aurait pu le rester. Le Néo-Classique est servi par Lyon et Avignon, si je ne me trompe. Le Contemporain a ses dix-neuf Centres subventionnés. Pourquoi alors ne pas attribuer les directions de CCN à des personnes du monde contemporain, baroque, hip-hop, jazz, classique...?
En attendant, des groupes de créations se forment ou se sont formés, 3ème Etage, Incidence Chorégraphique, Mezzo Ballet, Le Ballet de Poche et bien d’autres… des petites compagnies non-subventionnées apparaissent, Christine Hassid, François Mauduit, Julien Lestel et bien d’autres…
« Pourquoi plus pour elle et moins pour l’autre ? » Tout m’échappait encore.
Et Villiers, sortant de ses pensées, me répondit : « Tu me parles de religion ? »
Hector Crapeaux-Rospo
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Alexis29
Inscrit le: 22 Avr 2014 Messages: 1319
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Joelle
Inscrit le: 06 Avr 2013 Messages: 882
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Posté le: Jeu Juin 18, 2015 8:21 pm Sujet du message: |
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J'ai adoré cette remarque : "Et Villiers, sortant de ses pensées, me répondit : « Tu me parles de religion ? »
so true....
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fiacre
Inscrit le: 17 Juin 2015 Messages: 2
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Posté le: Ven Juin 19, 2015 2:06 pm Sujet du message: |
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Bonjour, mon premier post.....
Il y a aussi l'opéra-théâtre de Metz (l'un des plus vieux théâtres français encore en activité) dont le répertoire est essentiellement classique et néo-classique; 14 danseurs permanents, ses propres ateliers décors et costumes, et bien sûr pour l'accompagner l'orchestre national de Lorraine!
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26671
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Posté le: Ven Juin 19, 2015 2:33 pm Sujet du message: |
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Bienvenue fiacre!
Il me semblait que l'avenir du ballet de Metz (et même de l'Opéra entier) était assez sombre, pour des raisons budgétaires. La troupe de danse est-elle assurée d'être maintenue? |
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fiacre
Inscrit le: 17 Juin 2015 Messages: 2
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Posté le: Ven Juin 19, 2015 5:19 pm Sujet du message: |
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J'avais lu également en 2009 que l'avenir du ballet était menacé.
A présent, il semblerait que Metz-Métropole se mobilise pour son opéra et son ballet. On avait parlé d'une mutualisation (mot à la mode...) avec l'opéra de Nancy mais pas de nouvelles...
Paul-Emile Fourny, nommé directeur artistique en avril 2011, cherche à équilibrer les 3 disciplines: opéra, théâtre et ballet.
Des chorégraphes extérieurs sont invités, le ballet se déplace hors ses murs (tournée en Israël en 2012).
Les danseurs sont très "actifs", il faut souhaiter que cela perdure...
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26671
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Posté le: Jeu Juil 02, 2015 8:22 am Sujet du message: |
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Avec un peu de retard, le webmaster ayant été liquéfié par la canicule parisienne, le troisième billet de notre danseur mystérieux...
Je me suis toujours demandé ce que pouvait ressentir un danseur au moment où sa carrière s'achève ? Au moment où le rideau tombe une dernière fois entre lui et les corps sans relief du public, quels sont les souvenirs ou réflexions qui, confus, surgissent dans sa tête ? [Car oui, le cerveau du danseur ne se trouve pas dans ses pieds mais bien dans sa tête.]
Une vocation emporte, fait souffrir et rire, c'est pour elle que vous respirez, que vous souhaitez vous lever le matin et recommencer. Vous doutez d'elle et pourtant vous continuez à l'aimer, à la désirer. Vous acceptez sa férocité et guettez l'instant jouissif d'un succès rare. Une enfance avortée, une compétition précoce, des rencontres avec des Hommes et des rôles, une histoire d'Amour ou d'Amitié avec un personnage ou un partenaire, des moments où le corps et l'âme fatiguent, une envie d'autre chose, des renaissances, des extases... Puis une fin. Tout au long de cette carrière, vous suscitez des envies, des vocations, des compliments mais également de l'aigreur, de la jalousie, de la méchanceté.
A peine connaissez-vous les règles du jeu que votre petite main, se posant sur la barre d'une grande Ecole, perd de son innocence. Et vous vivez donc un début de vie dans une tornade d'émotions.
Peut-on réussir à trouver alors un second métier aussi... « unique » ?
Je pense au danseur qui doit s'arrêter et qui ne veut pas, à celui qui s'arrête car son corps en a décidé ainsi, à l'Etoile et ses honneurs, au Corps de Ballet plein de discrétion...
Voici le raisonnement que je me faisais en regardant Julie Kent à New-York ou Aurélie Dupont à Paris [Et oui, les avantages d'être un fantôme du passé, c'est que l'on peut être partout, gratuitement et en peu de temps...]. Leur corps menu, se préparant à vibrer une dernière fois sur cette scène pour un ultime rôle, remuait pourtant de mille femmes. Leurs muscles se souviendraient de Giselle, d'Odette, d'Odile, de Medora, d'Aurore et de bien d'autres encore, et pour longtemps. Mais leur souffle, ce soir-là, inspirait expirait Juliette ou Manon.
Voyaient-elles dans leur miroir encore la petite fille qu'elles avaient été ?
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