Dansomanie Index du Forum
Connexion S'enregistrer FAQ Liste des Membres Rechercher Dansomanie Index du Forum

Danse baroque / Danses anciennes
Aller à la page 1, 2, 3, 4  Suivante
 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Dansomanie Index du Forum -> Tout sur la danse
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Lun Jan 11, 2010 4:32 pm    Sujet du message: Danse baroque / Danses anciennes Répondre en citant

La compagnie de danse baroque Fêtes Galantes se produira bientôt dans deux spectacles à Paris :

- du 21 au 29 janvier, au Théâtre National de Chaillot : Songes, créé le 3 octobre dernier à Alfortville et fruit d'une collaboration de Fêtes Galantes avec Jean-Claude Malgoire et la Grande Ecurie et la Chambre du Roy
Site de Chaillot
Présentation vidéo sur le site de la compagnie: http://www.fetes-galantes.com/

- le 6 février, à l'amphithéâtre Bastille : Un air de Folies
Site de l'Opéra
L'interview de Béatrice Massin réalisée en 2008 à l'occasion du Festival de Sablé-sur-Sarthe évoque ce ballet composé à partir des Folies d'Espagne de Marin Marais: Entretien avec Béatrice Massin (Dansomanie)




Dernière édition par sophia le Lun Avr 19, 2010 9:18 am; édité 1 fois
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Ven Jan 22, 2010 3:56 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Songes
Compagnie Fêtes galantes
Paris, Théâtre National de Chaillot
21 janvier 2010


Sur un lit de nuages répandu au-dessus d'un ciel immense peint sur le sol, une silhouette dénudée, solitaire, s'avance lentement dans la pénombre, bientôt suivie par d'autres semblables. Des miroirs se découvrent peu à peu, reflétant et déformant les êtres, laissant pénétrer le spectateur dans un univers d'illusions et de métamorphoses, où les perspectives semblent comme démultipliées. Au rythme de cette procession inaugurale, les bras et les mains des danseurs s'ouvrent soudain vers le dehors, paumes offertes, dans une glissade baroque emblématique, dans un mouvement royal, fondateur de tout classicisme. Ainsi débute Songes, à cette heure bleue, entre chien et loup, où, l'esprit incertain, les yeux tendent à se fermer imperceptiblement...

En ce début d'année, la grande salle du Théâtre National de Chaillot présente, sans tambour ni trompette - ni feux d'artifices royaux -, Songes, le dernier ballet de Béatrice Massin, créé le 3 octobre 2009 au Pôle culturel d'Alfortville pour la compagnie Fêtes galantes. L'ouvrage, dans sa sobriété et son dépouillement, se satisfait à vrai dire pleinement de cette absence de rumeur. La salle Jean Vilar, destinée avant tout au théâtre, paraît au demeurant un écrin bien trop vaste pour accueillir une pièce rêveuse, à dominante clair-obscur, chorégraphiée pour neuf danseurs. Celle-ci, surtout, crée et amplifie par elle-même son propre espace, contenu dans un ciel de théâtre et un dispositif de miroirs, qui semble quelque peu noyé dans cette immensité. Mais passons... Ainsi que le signalent son titre pluriel et sa scénographie en anamorphose, le ballet s'offre comme une exploration dansée autour du rêve et de l'illusion, thèmes chers à l'esthétique et à l'imaginaire baroques. Le pot-pourri musical concocté par Jean-Claude Malgoire et l'Atelier Lyrique de Tourcoing, à partir d'airs évocateurs de Lully, Vivaldi, Charpentier et Purcell, agit là comme une suggestion, une invitation à la danse, un prétexte à un voyage hors du temps et dans un lieu de nulle part.

Les divers tableaux qui composent le ballet s'enchaînent ainsi sans rupture ni pause, presque improvisés dans leur jonction, comme reliés par une association inconsciente d'idées, et font se succèder, dans un effet spéculaire apparemment sans terme, ensembles, trios, duos ou solos. La chorégraphie, inspirée dans son ossature d'une grammaire baroque, contrainte et verticale, se trouve toutefois constamment réinventée ici par une gestuelle délibérément contemporaine, plus horizontale et ancrée dans le sol. Le haut du corps, ouvert et tendu vers les cieux, s'oppose au bas du corps, pris dans une spirale de pliés qui l'attirent vers la terre. La marche lente et processionnelle alterne avec la course circulaire, la préhension du sol avec le saut libérateur, le mouvement compact et ramassé sur lui-même avec l'élan aérien des multiples changements de directions. Dans cette rêverie bleue comme une orange, si c'est la femme qui donne le la, ce sont les hommes qui mènent la danse, jusque dans les scènes de combat gracieuses et stylisées qui les unissent : trois filles pour six garçons, la dissymétrie fait partie de ce songe étourdissant, imprégné, ici ou là, d'un certain second degré amusé, en forme de "pensée de derrière". Les costumes savent eux aussi jouer du déséquilibre et du contraste : corps presque dénudés revêtus de maillots ou de tuniques mauves invitant au sommeil, silhouettes élancées et majestueuses habillées de robes à longues traînes, jaune flamboyant sur fond de nuit bleutée... Un baroque épuré, métallique, et réduit à l'essentiel, en contrepoint direct des fastes solaires du spectaculaire de cour qu'on rattache volontiers à cette esthétique...

"Baroque", vous avez dit "baroque"?... Le ballet de Béatrice Massin l'est en effet par son imaginaire onirique, ses références picturales, sa charpente musicale et son squelette chorégraphique – en un mot, par ses racines. L'étiquette obligée semble pourtant ici bien superficielle, sinon réductrice. Songes est sans conteste un ballet d'aujourd'hui, à l'apparence visuelle indéniablement contemporaine, étranger au kitsch archéologique des reconstitutions de carte postale, à la lourdeur des costumes d'époque et au carton-pâte des décors mythologiques... L'ensemble serait au fond plus à même d'évoquer, par ses ruptures de ton et son style tout à la fois orné et dépouillé, le Kyliàn sophistiqué de Bella Figura que les ballets mythifiés de Pécour. A ce titre, le développement du propos, qui court sur plus d'une heure, mériterait d'être davantage resserré, jusque dans son fil musical, peut-être un peu trop vagabond.


******

Songes
Conception et chorégraphie : Béatrice Massin
Musique : Jean-Baptiste Lully (extraits d'Armide, Antonio Vivaldi (La Notte), Marc-Antoine Charpentier (extraits de Médée), Henry Purcell (extraits de King Arthur et The Fairy Queen)
Enregistrement réalisé par La Grande Ecurie et la Chambre du Roy : Céline Soudain (soprano), Vanessa Fodil (mezzo), Cédric Lotterie (ténor), Philippe Cantor (baryton)
Direction : Jean-Claude Malgoire
Lumière et scénographie : Rémy Nicolas
Costumes : Dominique Fabrègue, assistée de Clémentine Monsaingeon et d'Annabelle Locks
Décor : Philippe Meynard, Michel Tardif

Créé et interprété par : Bruno Benne, David Berring, Laura Brembilla, Olivier Collin, Laurent Crespon, Julien Folliot-Villatte, Claire Laureau, Adeline Lerme, Edouard Pelleray


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
haydn
Site Admin


Inscrit le: 28 Déc 2003
Messages: 26499

MessagePosté le: Ven Jan 22, 2010 5:36 pm    Sujet du message: Répondre en citant

La critique de Sophia et les photos fournies par le service de presse du Théâtre National de Chaillot sont en ligne sur le site de Dansomanie :


21 janvier 2010 : Songes, de Béatrice Massin, au Théâtre National de Chaillot (Paris)


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
IRENA



Inscrit le: 29 Jan 2008
Messages: 29

MessagePosté le: Lun Fév 01, 2010 11:14 am    Sujet du message: Répondre en citant

je suis allée voir ce ballet et je dois dire que je n'ai pas été enchantée.
La musique était de toute évidence très belle, les décors étudiés, le jeu de miroirs à propos mais vraiment ces tenues académiques mises, je dis bien mises, sur des danseurs au corps ne remplissant pas les règles d'exigence élémentaire. je crois qu'il ne suffit pas d'une musique consacrée pour faire un spectacle de danse, il faut aussi une âme, du temps et ce spectacle de pratiquement une heure donne une impression de corps jetés sans âme ni esthétique. Un vrai désastre.


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
haydn
Site Admin


Inscrit le: 28 Déc 2003
Messages: 26499

MessagePosté le: Lun Fév 01, 2010 11:21 am    Sujet du message: Répondre en citant

Ce que vous appelez "exigence élémentaire", me semble-t-il, IRENA, cela signifie - pardon si je trahis votre pensée - "conformité aux normes "Opéra de Paris" ou "Mariinsky"... Je ne crois pas que l'on puisse appliquer de tels critères à une compagnie de danse baroque, ou même, à la plupart des compagnies de danse, hormis quelques troupes prestigieuses.


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
laurence



Inscrit le: 16 Juin 2006
Messages: 430
Localisation: Paris

MessagePosté le: Lun Fév 01, 2010 10:20 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Et pourtant un je ne sais quoi de baroque manque à ce baroque là un je ne sais quoi de magique... à force de vouloir épurer je pense que l'on perd des notes indispensables...et peut être même du plaisir de la danse dont Brigitte Massin parle si bien...
Killian comme vous y allez Sofia je ne vois rien dedans qui y fasse penser...peut être pourriez vous m'expliquer...


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Lun Fév 01, 2010 10:33 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Qu'est ce que c'est "des corps ne remplissant pas les règles d'exigence élémentaire"? Shocked Fêtes galantes, ce n'est pas le corps du ballet du Mariinsky (qui est évidemment tout à fait admirable) et ce n'est pas non plus le même style ni le même répertoire... ni les mêmes exigences... Tant qu'il ne s'agit pas du Lac des cygnes... Quand on voit des spectacles de danse contemporaine et des petites troupes (et ce n'est pas un jugement de valeur), on n'a pas sous les yeux que des silhouettes formatées ou "idéales" (et je mets des guillemets derrière tout ça), mais, que je sache, la danse, au sens large, ne s'arrête pas, à une "jolie" silhouette... Je reviens de Lausanne, et on avait l'impression désagréable chez quelques danseuses cette année que la danse commençait et s'arrêtait malheureusement à leur silhouette.
Ce qui me semble en revanche plus gênant que la diversité des physiques (enfin, il n'y avait vraiment pas de quoi s'offusquer! L'un des garçons m'a paru simplement bien trop grand pour le style que requiert le ballet...), c'est plutôt le niveau un peu trop hétérogène des danseurs sur le plan technique. C'est d'ailleurs souvent le problème dans le monde de la danse dite baroque.
Les choix musicaux, je n'ai pas grand chose à en dire, ils entrent en résonance avec le travail de Béatrice Massin sur l'esthétique baroque. Maintenant, sans être une spécialiste, il me semble que l'enregistrement pâtit de grosses insuffisances du point de vue des voix. Je n'ai pas voulu m'acharner là-dessus, d'autant qu'il s'agit d'une collaboration ancienne, et j'ai préféré évoquer l'aspect chorégraphique et scénographique.
Kylian? Ce n'est pas du tout au même niveau bien évidemment, mais ce mélange de nudité et d'ornementation, de sobriété et de sophistication du propos et du costume m'a fait beaucoup penser à Bella Figura, chorégraphié d'ailleurs en partie sur des musiques de Pergolèse.
Sur le "baroque", je pense qu'il y a une confusion. On entend "baroque", et on attend féerie, spectaculaire, artifices et faste de cour,.... alors qu'il existe aussi un autre visage du baroque, plus sombre, plus mélancolique, plus nu... Mais quoi qu'il en soit du sujet, je crois que Béatrice Massin se définit plutôt comme une chorégraphe contemporaine, avec des influences contemporaines, alors même qu'elle use d'un vocabulaire baroque (en partie seulement) revendiqué.
Il me semble enfin que la salle Gémier aurait largement suffi à ce spectacle, qui mériterait aussi d'être un peu raccourci, mais peut-être le dispositif scénique ne le permettait-il pas non plus...


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
IRENA



Inscrit le: 29 Jan 2008
Messages: 29

MessagePosté le: Mar Fév 02, 2010 3:29 pm    Sujet du message: Répondre en citant

haydn, ma pensée était la suivante : lorsqu'on possède une salle comme celle-ci, des décors comme ceux-là, une musique d'une telle profondeur, il faut répondre par de la technique et de la grâce. la danse, je suis désolée et vous le savez aussi bien que moi, c'est un corps avec une âme. là, il n'y avait ni grâce dans le corps ni grâce dans l'âme. et c'est dommage. ce n'est pas un jugement c'est un regret. C'est oublier que ceux qui regardent ont aussi une culture et qu'il ne doivent pas avaler n'importe quoi au motif que le baroque peut être épuré. bien sûr, le baroque peut être revu sous un autre oeil et heureusement et c'est cela qui permet la progression dans l'art. A lire les commentaires précédents, je constate que je ne suis pas la seule à être mécontente.


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Mar Fév 02, 2010 3:45 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Le spectacle n'est pas sans défaut certes, mais la technique et la grâce ne s'arrêtent pas non plus à la définition qu'en propose (par exemple) l'Opéra de Paris... Béatrice Massin vient au demeurant d'un autre univers chorégraphique quant à sa formation et à ses influences. Et quoi qu'on en pense, son ballet me semble tout à fait sa place dans la programmation danse de Chaillot.

Les articles de Raphaël de Gubernatis et de Philippe Noisette en tout cas sont plutôt positifs (très positif même chez le premier), avec certaines nuances:

Le Nouvel Observateur - "Songes", un spectacle chorégraphique de Béatrice Massin, par Raphaël de Gubernatis (29 janvier 2010)
Les Echos - Au-delà du baroque, par Philippe Noisette (25 janvier 2010)


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Mar Fév 02, 2010 5:53 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Juste pour préciser qu'Un air de Folies, c'est du 4 au 6 février (matinée et soirée le 5) à l'Amphi Bastille, contrairement à ce que j'ai écrit plus haut.


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
LucyOnTheMoon



Inscrit le: 18 Nov 2008
Messages: 984

MessagePosté le: Mar Fév 02, 2010 11:27 pm    Sujet du message: Répondre en citant

laurence a écrit:
...et peut être même du plaisir de la danse dont Brigitte Massin parle si bien...
...

Laughing est-ce que par hasard Mme Lefèvre s'inviterait dans le débat ? Wink


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web du posteur
sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Mar Fév 02, 2010 11:38 pm    Sujet du message: Répondre en citant

On demande d'urgence Brigitte Lefèvre dans le fil sur Fêtes Galantes!... Laughing Mr. Green

Plaisanterie mise à part, Béatrice Massin est la fille de Brigitte (et Jean) Massin, les musicologues, d'où peut-être le lapsus de Laurence.


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
laurence



Inscrit le: 16 Juin 2006
Messages: 430
Localisation: Paris

MessagePosté le: Mer Fév 03, 2010 10:53 am    Sujet du message: Répondre en citant

oui je suis désolée j'ai écrit un peu vite mais je ne suis pas mécontente de mon erreur je garde un souvenir ébloui des deux biographies une sur Mozart et une sur Schubert...


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Mer Avr 21, 2010 8:50 am    Sujet du message: Répondre en citant

La Provençale / La Fille mal gardée
Ensemble des Menus-Plaisirs du Roy
Opéra-Comique
13 avril 2010

Quand la parodie s'en mêle...


En marge de son Festival Mignon, l'Opéra Comique invite le public parisien à découvrir pour une unique représentation La Provençale, ballet de Jean-Joseph Mouret, assorti de sa parodie, La Fille mal gardée, signée de l'auteur dramatique Charles-Simon Favart, dont on fête en 2010 le tricentenaire de la naissance. Ces deux curiosités, appartenant à un XVIIIème siècle joyeux et subversif, sont placées pour l'occasion sous la direction de Jean-Luc Impe, joueur d'archiluth et musicologue de son état, entouré de son ensemble musico-théâtral, Les Menus Plaisirs du Roy. Signalons à cet égard que la troupe brabançonne, découverte lors du dernier Festival de Sablé avec l'hilarant Gigogne s'en va-t-en-guerre ou La Nouvelle Parodie de Pierrot-Cadmus, s'est fait une spécialité de la parodie, un genre élaboré au XVIIIème siècle en contrepoint du théâtre officiel et de ses conventions. C'est à ce répertoire méconnu et oublié, développé notamment au travers des théâtres de foire, qu'elle se consacre avec passion depuis sa création, en 1989.

Si La Provençale est qualifié de « ballet », il ne faut toutefois pas se méprendre sur le terme. Avant d'acquérir son indépendance, l'oeuvre avait été initialement conçue comme un ajout - une « entrée » supplémentaire -, à un opéra déjà existant, Les Fêtes de Thalie, créé en 1714. Or, en 1722, lorsque l'ouvrage de Mouret est créé à l'Académie Royale de Musique, le ballet est encore loin d'exister comme une forme autonome. Il est un divertissement inséré au sein d'un ouvrage lyrique, un élément obligé du spectacle, au même titre que le chant, le drame ou la comédie.

Le spectacle à l'affiche de l'Opéra Comique, monté en 1997 pour le 20ème anniversaire de Sablé, donne ainsi l'occasion d'assister à un plaisant mélange des genres, où toutes les formes de la théâtralité se retrouvent réunies dans un cadre minimaliste, qui rappelle peut-être la simplicité toute symbolique des spectacles ambulants. Un rideau rouge emblématique habille la scène et y crée l'illusion d'un théâtre. Un banc en est l'accessoire principal et presque unique. Tandis que les musiciens, installés côté jardin, accordent leurs instruments, Dame Bobinette, homme (ou femme)-orchestre aux vrais airs de Dame Gigogne - la patronne de la Foire – capte notre bienveillance et nous présente, en vers françois faussement improvisés, le diptyque qui va suivre. Vincent Goffin, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est proprement irrésistible dans ce rôle polyvalent de matrone imposante, harangueur de foule à la verve intarissable, maître des illusions et des désillusions, successivement metteur en scène, comédien et même chanteur de la pochade en train de se jouer sous nos yeux.

L'intrigue de La Provençale, qui occupe la première partie, s'appuie sur le canevas traditionnel et inépuisable, tiré de la Commedia dell'Arte, du barbon amoureux de sa pupille - convaincue ici de laideur -,... et qui, bien sûr, en aime un plus beau, plus jeune, plus charmant, du nom de Léandre ou de Lindor... L'histoire importe peu en soi, elle n'est prétexte qu'au jeu et à l'accumulation des situations burlesques... On chante, on danse, on rit, et tout finit par des mariages... Tout en rondeurs joyeuses, Stéphanie Gouilly (Florine), déjà vue en jeune première dans Gigogne s'en va-t-en-guerre, affronte, généreuse et mutine, le sombre et hautement ridicule Thierry Vallier (Crisante), presque plus séduisant toutefois, par sa voix comme par sa présence, que Stéphan Van Dyck, le Léandre de service, un peu terne par rapport au reste de la distribution, assez haute en couleurs. Quant à l'intermède chorégraphique, il est assuré avec charme par Nathalie Adam et Guillaume Jablonka, tous deux danseurs classiques passés au baroque - grâce à l'enseignement dispensé par Wilfride Piollet et Jean Guizérix - notamment en tant qu'interprètes au sein de la compagnie de Marie-Geneviève Massé, L'Eventail. Le ballet mis en scène ici ne se veut en rien une reconstitution d'une hypothétique chorégraphie disparue, il s'offre comme un pas de deux, réglé par Guillaume Jablonka lui-même, dans le style, l'esprit et l'habillage de l'époque. Plus généralement, point de déploiement de cette virtuosité, vocale ou chorégraphique, à laquelle des temps plus modernes nous ont habitués, pour le meilleur et pour le pire, mais un divertissement gai et léger, marqué du sceau du naturel et de la fraîcheur.

Sans pause ni libations, Bobinette engage les comédiens à poursuivre avec La Fille mal gardée, le deuxième volet satirique d'un spectacle en forme de miroir grossissant. Au vu du titre, il n'y aura sans doute que des balletomanes pour s'étonner que les danseurs soient ici ouvertement invités à rejoindre définitivement les coulisses, malgré quelques tentatives burlesques pour s'immiscer dans cette nouvelle pièce... Mais cette Fille-là, en réalité, n'a pas grand-chose à voir avec celle de Dauberval - et ses avatars ultérieurs -, bien que cette dernière ne fasse que réinventer elle aussi, sous un vêtement légèrement différent, le canevas caractéristique de la comédie italienne.

A mi-chemin de la représentation commence donc la parodie du ballet de Mouret, signée du sieur Favart et agrémentée de vaudevilles (airs populaires) et d'ariettes du compositeur italien Egidio Duni. Jean-Luc Impe le dit et le répète dans ses notes de programme : le succès d'une oeuvre se mesure non seulement au nombre de ses reprises, mais aussi à la quantité de parodies ou de contrefaçons qu'elle suscite, un constat en forme de point de départ de son travail de musicologue et de metteur en scène. C'est ainsi que La Provençale, gros succès de l'Académie Royale de Musique durant plusieurs décennies, donne naissance sans le vouloir à La Fille mal gardée, une parodie du ballet de Mouret que Charles-Simon Favart monte pour la Comédie-Italienne – futur Opéra Comique – en 1758. De La Provençale à La Fille, l'intrigue est identique et les changements secondaires : Crisante est désormais le Magister – le « pédant amoureux » -, Léandre devient Lindor, et Nérine est cette fois incarnée par Bobinette, maître d'oeuvre du spectacle, travesti pour la cause en duègne chantante. Telle qu'en elle-même, la troupe des Menus Plaisirs rejoue la première pièce, la folie contagieuse et l'outrance inventive en plus... Tout se dérègle alors pour prendre un tour caricatural, paroxystique, voire surréaliste. Les danseurs jouent à présent les utilités burlesques, et c'est un rap débridé, anachronique et baroque, sur un texte en latin de cuisine engagé par Bobinette et repris en choeur par tous les chanteurs, qui vient s'intégrer à présent à la parodie.

Le spectacle, joyeux et bigarré, savant et populaire, sait toutefois s'interrompre juste avant la redite fatale, qui parfois peut guetter. Son double visage, confrontant, dans un effet de miroir délibéré, un modèle et sa parodie, lui offre ainsi une dimension unique, inédite, dont le ressort dramaturgique et le prolongement comique appartiennent en propre à la troupe de Jean-Luc Impe. L'ensemble est vif, bon enfant, « bien ficelé » dans sa construction et ses effets, et peut sans doute s'apprécier au premier degré à l'occasion d'une découverte de la troupe. La surprise n'étant plus tout à fait là, force est de constater que le divertissement proposé, heureusement revivifié par la parodie qui l'éclaire, est loin d'approcher la dimension subversive délivrée par Gigogne s'en va-t-en guerre, qui évoquait à travers moultes pitreries, à la portée souvent plus cocasse, les censures sans fin exercées par le pouvoir sur les comédiens forains. L'effet « sortie pédagogique » (de qualité) n'est pas loin, avec ses réjouissances, ses attendus et ses limites... Les ors et les velours douillets de la Salle Favart y contribuent sans doute aussi, là où un lieu plus informel et moins urbain aurait paru plus adéquat au jeu et à la mise en scène. Au-delà de la présente pochade, partie d'un tout en cours d'exploration, ces Menus Plaisirs du Roy, aux apparitions parcimonieuses, se savourent pourtant comme une rareté. A nous de les guetter et de les saisir au vol lors d'une prochaine programmation...


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
haydn
Site Admin


Inscrit le: 28 Déc 2003
Messages: 26499

MessagePosté le: Mer Avr 21, 2010 10:28 am    Sujet du message: Répondre en citant

La critique de Sophia est en ligne, avec les photos fournies par le service de presse de l'Opéra comique :

13 avril 2010 : La Provençale et La Fille mal gardée à l'Opéra-Comique


Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Dansomanie Index du Forum -> Tout sur la danse Toutes les heures sont au format GMT + 1 Heure
Aller à la page 1, 2, 3, 4  Suivante
Page 1 sur 4

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous pouvez voter dans les sondages de ce forum


Nous Contacter
Powered by phpBB © phpBB Group
Theme created by Vjacheslav Trushkin
Traduction par : phpBB-fr.com