Rain - A.T. de Keersmaeker ONP 25/05 - 07/06 2011

[york]

Merci à Haydn de sa réponse et de ses précisions, mais cela n'enlève rien à mes regrets!!

[haydn]

Comme je comprends de vos propos que vous êtes fan de Manuel Legris, n'ayez pas tant de regrets que cela, car la situation lui est plutôt favorable. Succéder à Brigitte Lefèvre à la tête de l'une des plus importantes troupes de ballet du monde sans avoir jamais dirigé de compagnie aurait sans doute été délicat. Maintenant, il pourra se prévaloir de son expérience à la tête du ballet de l'Opéra de Vienne, s'il venait à briguer la succession de Mme Lefèvre. Mais encore une fois, ce ne sont que des spéculations, aucune annonce n'ayant été faite et qui pourrait laisser présager un départ prochain de l'actuelle directrice de la danse.

[serge1 paris]

Je vois pas trop ce qui peut permettre de considérer que Manuel Legris serait le Messie pour la troupe. Les miracles qu'il fait à Vienne sont à ce jour bien modestes.

Pour en revenir à Rain et aux propos de Sophia, il me semble que l'on peut apprécier ce ballet sans diviniser Keersmaeker !

De nombreux êtres humains ont absolument besoin d'un gourou et certains croient l'avoir trouvé. Plus la danse est abstraite et plus elle laisse de place à l'imaginaire c'est pourquoi beaucoup de chorégraphes savent surfer sur ce besoin d'une idole créatrice sublime. Pina Bausch y était d'ailleurs très experte...

Je crois que l'on peut laisser à chacun la liberté de choisir ses idoles. Pour moi, ce sera dans la musique et non dans la danse. Mais Mozart, Schubert, Schumann ou Wagner plutôt que Steve Reich

[sophia]

Ah mais ça, je n'en doute pas, cher Serge! Mais la question que je pose, c'est justement l'inverse, en l'occurrence, peut-on ne pas apprécier (du tout) sans passer pour un con - ou un salaud de réac? A lire ou entendre certaines réactions (pas ici), je me pose franchement la question...

[serge1 paris]

Les chemins de la tolérance s'arrêtent hélas souvent au premier obstacle.

Mais il me semble que c'est directement lié au phénomène gouroutisant que j'évoquais plus haut.

De nombreuses personnes deviennent agressives aussitôt que quelqu'un ose faire la moindre réserve sur leur gourou adoré. C'est d'ailleurs la mécanique de base du gourou : fanatiser ceux qui croient et dé-crédibiliser ceux qui doutent !

Heureusement que tout le monde n'aime pas la même chose. ..

Sinon, (je reprends le terme sans crainte d'être édité par papa Haydn puisque vous l'avez prononcé) ... que resterait-il pour les cons

[laurence]

Bon, cela sera à l'ordre du jour, un jour ou l'autre... et j'espère bien que sera nommé quelqu'un connaissant parfaitement le répertoire classique... et pas seulement Noureev... et qui sache discerner dans le contemporain pas simplement une réponse ponctuelle, au goût du jour, aléatoire dans sa pérennité. L'ère Lefèvre étonnement distendue ne laissera pas de souvenir... si ce n'est une grande adaptabilité...

[york]

Il ne s'agit pas d'être fan, ou de chercher un gourou, mais d'avoir quelqu'un qui a fait une vraie carrière à l'onp, et non pas quelqu'un qui y a fait un passage en debut de carrière, sans éclat particulier.
Legris, effectivement, qui arrivait en fin de carrière aurait pu être un choix possible.. Il y aurait pu en avoir d'autres, sûrement.

Maintenant si ces productions style Rain (ou autres, d'ailleurs) vous suffisent, grand bien vous fasse!!!

Ceci dit, un grand merci à Mme Lefèvre d'avoir reçu le Bolshoi à l'ONP, ce fut un grand bol d'air frais, une fontaine de jouvence!!!!

[york]

Il est vrai que Noureev avait secoué un peu la maison, et même si on n'aime pas le personnage, il avait rendu un éclat certain à la compagnie!!!

Il ne me semble pas que ce soit le cas actuellement....et cela va faire bientôt 20 ans qu'il est mort!!

Actuellement, tout cela manque de personnalité!!!! Ou si vous préférez, de caractère!!!

[Sarra]

"...un art d'une abstraction totale, qui ne cède aux diktats de l'émotion..." *
Un art qui refuse les diktats de l'émotion mais qui accepte les bravos à la fin (peut-être même en esquissant un sourire...) ? N'y aurait-il pas comme une légère contradiction ?... **

Art abstrait, "danse pure" (pas impure, donc) ; mais où "il manque pour le moment un sens, une urgence, à cette course folle comme si la danse, réduite à son écriture et parfaitement apprise par les interprètes, était plaquée sur des corps auxquels on a oublié d'en raconter les fondements, les histoires intimes." ***? Il me semble percevoir une autre petite contradiction...

Et comme plus haut l'inamovibilité de B. Lefèvre a été évoquée encore une fois, je pense qu'à ce sujet beaucoup des membres de Dansomanie ont entendu comme moi un des pourquoi de sa présence à la tête du Ballet, qu'elle disait sur France Musique -au sémillant Esparza- il y a deux ans (ou trois ?) : elle est là parce que maman n'y était pas (comme chef de chant, emploi à quoi elle postulait)... Le fait est sans doute bien connu. Ayant reçu des mains mêmes de sa propre mère ce legs : le legs d'une blessure narcissique, blessure jamais guérissable comme on sait, ainsi doublement liée à l'Opéra par une loyauté non susceptible d'une fin endogène, il me paraît évident que Brigitte Lefèvre n'en partira jamais. Il y a de l'Antique dans cet attachement, finalement.

*Musicasola, cité plus haut.
** Après tout, nous avons tous vécu au moins un concert où l'organisateur a demandé au public de ne pas applaudir -pas même les interprètes- et de vider les lieux en silence. Ça peut donc se faire, si l'on repousse d'un bras marmoréen la dictature de l'émotion, y compris -donc- celle des spectateurs manifestant un tant soit peu la leur...
*** R. Boisseau, article indiqué par Sophia page 4 de ce fil.

[nabucco]

Des artistes qui se soumettent au rituel des saluts en n'en pensant pas moins, il y en a partout, et pas seulement en danse... je pense par exemple à deux pianistes, Alfred Brendel d'une part, qui faisait toujours ses trois courbettes mécaniques, une à gauche, une au centre, une à droite, en montrant bien qu'il n'était pas là pour ça ; et Grigori Sokolov, qui ne prend même pas la peine de finir sa courbette pour se remettre dès que possible à jouer...

Et je ne vois pas qui est moins gourou que Mme de Keersmaeker. Personne n'est obligé d'aimer, mais lui dénier toute légitimité artistique comme cela a été fait plusieurs fois dans ce fil, c'est tout autre chose.

[LucyOnTheMoon]

L'amiral Lefèvre a un boulot d'une complexité telle que, qui que soit son successeur futur, je n'imagine pas qu'il puisse faire l'unanimité. Dans ce type de fonction, on fait forcément des mécontents.
Pour en revenir à Rain, la soirée d'hier m'a laissé une impression mitigée. Les 5-10 premières minutes m'on fait très peur : j'ai réellement eu l'impression d'assister à une présentation d'atelier. Pour donner deux exemples : ces séquences où tout le monde court en rond, puis ralentit progressivement, toujours dans le cercle, en se regroupant... ou encore celles où les danseurs vont jusqu'au déséquilibre maximum avant de faire un grand pas pour se rattraper... ce sont des exercices typiques des ateliers amateurs (ou même professionnels) de danse contemporaine... alors payer pour voir des "exercices", même si c'est réalisé par "les meilleurs danseurs du monde", je trouvais ça un peu fort de café (quand on va voir les démonstrations de l'Ecole de danse, au moins c'est annoncé comme tel !)... Heureusement ça s'est arrangé, et même si la musique a eu tendance à me porter sur les nerfs, j'ai tout de même pris plaisir à cette écriture chorégraphique dont je n'avais encore vu aucun échantillon. Miteki Kudo et Nicolas Paul en particulier m'ont paru particulièrement à l'aise.
Dans l'ensemble je pense que les danseurs se sont vraiment fait plaisir avec ce ballet, c'est en tout cas l'impression qui se dégageait. Je crois tout de même que
1) c'était trop long, la chorégraphe aurait selon moi pu dire la même chose en 1/2h, et du coup on aurait pu programmer une soirée contemporaine à plusieurs chorégraphes
et 2) ça a déjà été dit plus haut et je suis d'accord, faire payer le même prix une soirée d'1h10 à effectif de danseurs réduit, et une soirée de 2h ou plus avec la moitié de la troupe, c'est abuser.

[york]

Pour terminer (en ce qui me concerne) sur ce sujet, "l'amiral Lefevre" n'a pas de charisme, et n'est pas ...."un entraineur"... entrainant" (avis là encore personnel).

Elle n'est pas là pour simplement gérer administrativement le ballet.

Je ne comprends pas qu'elle ne soit pas en mesure de proposer des chorégraphies, par exemple !!!
Il y a quand même le mot danse dans son titre de responsabilité !!

Cela éviterait de faire venir des chorégraphes systématiquement, même si c'est, bien entendu, aussi nécessaire!! Et après tout, c'est quand même le contribuable qui paie, le classique remplit les séances, dans ce cas là on n'est pas obligé de brader les places à prix sacrifiés, contrairement à ces spectacles qu'on brade, parce que le spectateur n'y trouve pas son compte !!!

Ceci dit, c'est un avis personnel, à chacun ses idées.

[nabucco]

A mon avis, c'est plutôt une bonne chose que la directrice de la danse ne soit pas chorégraphe - et c'est le cas dans pas mal de maisons de ballet, finalement : ça évite la mainmise sur la structure, et vous pouvez bien penser que le travail qui est le sien suffit largement à occuper son titulaire quel qu'il soit. En outre, s'imaginer qu'on ferait des économies de cette façon, c'est un peu naïf : il faudrait la payer spécifiquement, bien sûr, puisque ça n'est pas dans ses missions.
Je ne comprendrai jamais que la programmation de cette pièce fasse tant de vagues, alors que bien des inepties ont passé ces dernières années dans la maison sans scandaliser personne. Quand on voit qu'on a eu des créations comme Siddharta, La petite danseuse de Degas, Les enfants du paradis...

[york]

On pourrait faire la liste des ces spectacles de mauvaise qualité qui sont rattrapes fiancierement par les grands classiques du repertoires !

[haydn]

Bon, je vois qu'on profite que l'administrateur-surveillant général soit de sortie au cinéma pour cause de Bolchoï pour s'étriper joyeusement...

Je laisse à chacun la responsabilité de l'appréciation de ce qui est une "bonne" ou une "mauvaise" production. Mais le fait qu'une production soit - ou soit jugée - bonne ou mauvaise n'a pas forcément d'incidence sur le tiroir-caisse.

Certes, les grands classiques revus par Nouréev, tout comme Giselle, et, dans une moindre mesure, Paquita ou la Sylphide, garantissent à l'Opéra de Paris un taux de remplissage proche de 100%. Mais ça a aussi été le cas d'autres productions, que personnellement je trouve plus discutables. La Petite danseuse de Degas a toujours fait salle comble. Et, quel que soit l'ouvrage, les noms de Pina Bausch, de Roland Petit ou de feu son frère ennemi Maurice Béjart suffisent aussi à attirer les foules. A contrario, un beau spectacle tel Kaguyahime a fait un flop... Pourtant, le nom de Jiří Kylián n'est quand même pas inconnu des balletomanes...