Rain - A.T. de Keersmaeker ONP 25/05 - 07/06 2011

[haydn]

Dans son édition papier datée d'hier (article non accessible en ligne pour le moment), le Figaro titre sur trois colonnes : "Anne-Teresa de Keersmaeker met l'Opéra de Paris en extase".

[york]

Le Ballet de l'Opéra de Paris, à mon avis, n'a pas besoin de se constituer un répertoire de danse contemporaine. La France est déjà "quadrillée" par la danse contemporaine (et je sais de quoi je parle, je suis à Lyon). On peut espérer que quelques ilots de danse classique survivent (Bordeaux, peut-être Toulouse (?), Nice, avec Paris). Je pense que l'ONP doit donner priorité au classique (même si quelques pièces de danse contemporaine - de qualité! - peuvent être jouées (et encore, il faudrait me dire lesquelles ?!).

Le public de la danse classique en France est déjà assez lésé!! Ou alors, il faut me prouver le contraire!!

[haydn]

Une compagnie telle que l’Opéra de Paris ne peut pas vivre que sur le répertoire dit "classique". Il est légitime qu'elle s'ouvre aussi aux productions actuelles, et, comme je l'ai déjà signalé, Brigitte Lefèvre n'a même pas le choix, car le cahier des charges impose chaque année un quota de créations et d'entrées au répertoire.

Dans les années 1960, sous la direction de Michel Descombey, il y a eu sans doute encore beaucoup plus d'ouvrages contemporains à l'affiche du Ballet de l'Opéra de Paris. Après, c'est l'Histoire qui décide de ce qui mérite de rester ou non...

Que des chorégraphes tels Neumeier, Kylián, Forsythe soient représentés à l'Opéra de Paris, cela me parait totalement légitime. J'aimerais bien qu'un jour nous ayons droit aux Créatures de Prométhée, de Thierry Malandain, qui conviendraient fort bien à la troupe. Ceci étant dit, l'Opéra de Paris n'est pas un théâtre expérimental - il ne l'a jamais été au cours de son histoire. Les créations doivent être le fait de chorégraphes reconnus, qui ont fait leurs preuves, et surtout, qui ont l'habitude de travailler avec un corps de ballet nombreux, et non avec des effectifs très réduits. Il en va de la survie même de la troupe, car si on ne venait plus qu'à programmer des pièces réclamant au mieux 10 ou 15 interprètes, il se trouverait rapidement un bureaucrate avide de coupes budgétaires pour considérer que dans ces conditions, il n'y a plus lieu d'entretenir une compagnie de 150 danseurs. Ne riez pas, c'est exactement ce qui s'est passé avec la transformation de certaines compagnies classiques de province en CCN dans les années 1970-80, qui ont été funestes pour la danse académique en France. Heureusement qu'il reste Bordeaux et Toulouse. Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais il faut aussi saluer les efforts fournis actuellement par Eric Vu An à Nice, comme vous l'indiquez, York, pour remettre sur pied une troupe classique digne de ce nom.

Pour en revenir au propos initial, je trouve aussi que quelqu'un comme Wayne McGregor - après, on aime ou on n'aime pas ce qu'il fait - a sa place au répertoire de l'Opéra de Paris. C'est un artiste expérimenté, candidat pressenti pour diriger l'une des principales compagnies mondiales (le Royal Ballet), et qui a l'habitude des effectifs importants et des danseurs formés au style académique. On peut espérer d'ailleurs que cette collaboration - la deuxième - avec McGregor marque aussi le début d'un resserrement des liens avec le Royal Ballet. Très peu de danseurs de la compagnie nationale anglaise sont invités à Paris (la dernière en date, me semble-t-il, était Alina Cojocaru, en 2004).

[york]

J'ai l'impression qu'en France, le classique est muselé. Comme si c'etait quelque chose de honteux!

Pourtant ce n'est qu'avec une très bonne technique classique que l'on peut prétendre aborder tous les types de danse de bonne manière. Je trouve que l'on fait la part trop belle à tout et n'importe quoi (je ne sais pas pourquoi je pense immédiatement à Jan Fabre par exemple).

Oui à la diversité, non à l'uniformité!

A quoi sert l'école de danse de l'onp, et des années de formation, si c'est pour se trouver réduit à se produire ensuite dans le ballet, dans des spectacles de mauvaise qualité, sans rapport avec la formation initiale. Je trouve que la technique classique se perd en fait parfois dans des gesticulades (le terme "minimaliste" revient souvent dans les caractéristiques de ces oeuvres, décors, musique, et... danse!!).

[nabucco]

Il ne faudrait pas mélanger deux choses différentes:
-la position d'Anne-Teresa de Keersmaeker, immense artiste, et sa pièce qui a triomphé dans le monde entier et mérite bien de rentrer au répertoire de l'Opéra ;
-la défense de la danse classique, particulièrement en province - et là, je suis parfaitement d'accord avec vous ; je suis un partisan inconditionnel de la recréation de troupes classiques en province dans les grandes villes qui n'en ont pas, et je trouve moi aussi qu'il est scandaleux qu'on ne puisse jamais voir La belle au bois dormant ou la Giselle classique à Lyon, Strasbourg ou Lille.
Mais il n'y a aucun besoin pour cela de créer une polémique opposant la danse classique et la danse contemporaine. La structure des CCN est une calamité, parce qu'elle dépense beaucoup trop d'argent à faire tourner les spectacles quand il faudrait beaucoup plus que chacun travaille en priorité pour son public local, plutôt que de produire des spectacles destinés in fine à atterrir à Avignon et à Paris. On pourrait facilement engager plus de danseurs de cette façon et créer des troupes assez nombreuses pour envisager de danser aussi le répertoire classique et néo-classique. Il y a de la place pour tout le monde en une époque où la danse occupe une place absolument inédite !

[york]

Merci à Nabucco de sa reponse.

Vous m'avez -presque- rassuré !

(mais pas encore vraiment !!)

Ceci dit j'insiste, le classique est sinistré en France par rapport au contemporain, cela ne va pas en s'arrangeant, et un dvd ne remplace pas un spectacle sur scène !

[paco]

Entièrement d'accord avec Nabucco et cette notion d'ancrage régional.

petite anecdote hors sujet : à l'Opéra de Lille, où grosso modo on retrouve la programmation du Théâtre de la Ville avec quelques semaines de décalage, quand ils ont programmé Giselle - et même pas la Giselle classique, mais celle de Mats Ek -, rien que sur le titre toutes les places sont parties en une poignée d'heures...

[serge1 paris]

Même si Rain fait grincer pas mal de dents par ici, je dois dire que le charme insidieux de cette chorégraphie a fini par me toucher....et je me range aux arguments développés par Nabucco.

J'ai vu la seconde distribution cet après-midi et cela vaut vraiment la peine car c'est presque un autre spectacle.

Les personnalités des danseurs étaient plus contrastées le soir de la première avec la présence irradiante de Miteki Kudo mais aussi Ludmila Pagliero !

La seconde distribution vaut aussi le déplacement et ne peut décevoir. J'ai particulièrement remarqué Marc Moreau et Charlotte Ranson qui m'ont paru parler le Keersmaeker dans le texte...

Anne Teresa est venue saluer beaucoup plus décontractée que le soir de la première et il me semble même qu'elle a esquissé un sourire !

[haydn]

J'irai certainement voir la seconde distribution aussi, serge1 paris, et notamment pour Charlotte Ranson, justement.

[Gracian2]

Je ne peux m'empécher de citer (sans permission , j'espère être pardonné) un extrait de Musica sola, sur "Rain"

[york]

Je vois que beaucoup continuent à s'extasier sur Rain, c'est leur droit, mais c'est une donnée pour de nombreux alchimistes de la danse en France de croire que ce qu'ils ont vu c'est de l'or, alors que ce n'est que du plomb, et là, bien entendu, je veux rester courtois !

Il est vrai que le paysage de la danse en France s'est tellement appauvri que l'on peut en être réduit à se contenter de ce genre de production.

Ce que je regrette est que Manuel Legris n'ait pas été nommé directeur de la danse à L'ONP.
Bien entendu, ces avis n'engagent que moi.

[sophia]

C'est surtout que ce statut d'icône absolue de la danse contemporaine, ou d'une certaine danse contemporaine, paraît bien pesant, sinon tyrannique - socialement et culturellement - dès lors que l'on sait, ou que l'on sent, que l'on n'y adhère pas pleinement.
Face à tant de grandiose sublimité, on a un peu l'impression d'être le crétin de service.

[haydn]

Manuel Legris ne pouvait pas être nommé directeur de la danse à l'Opéra de Paris dans la mesure où le poste n'est pas vacant...

[york]

Haydn, merci de votre précision. Bien sûr, je sais que le poste n'est pas vacant, mais c'est là que j'exprime mon regret, car Mme Lefèvre, d'après ce qui se disait à l'époque, aurait dû partir en même temps que Mr Mortier, et on aurait pu penser que Mr Legris soit nommé à ce poste. Mme Lefèvre étant âgée de 65 ans, cela avait été suggéré à ce moment.
Je pense qu'un directeur de la danse, comme cela se fait par ailleurs, devrait proposer à la fois des oeuvres de qualité, ce qui est parfois le cas (?), et ses propres créations, comme cela se fait dans pas mal d'endroits.

[haydn]

Il ne s'agissait que de rumeurs sans fondement - je l'ai toujours dit ici - et le départ de Brigitte Lefèvre n'a jamais été à l'ordre du jour. Nicolas Joël avait déclaré plusieurs fois à la presse, avant de prendre la succession de Gérard Mortier, qu'il continuerait de travailler avec Brigitte Lefèvre. Evidemment, on n'est pas obligé de prendre pour argent comptant tout ce qui se dit dans les médias, mais là, clairement, le directeur de l'Opéra de Paris a tenu parole.