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L'Anatomie de la sensation - McGregor - ONP 29/6-15/7 2011
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nabucco



Inscrit le: 14 Mar 2007
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MessagePosté le: Ven Juil 01, 2011 6:45 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Ce qui est terrible chez McGregor, c'est sa manière de livrer ses produits avec tout un paratexte imbuvable, L'Origine des espèces la dernière fois, Bacon et ce titre ridicule cette fois-ci. C'est encore plus gênant dans ce dernier cas parce que, structurellement, le ballet est d'une absence d'originalité assez sidérante (c'est sans doute la seule chose sidérante là-dedans, alors que la sidération pourrait être profondément baconienne...), avec son enchaînement scolaire de solos et de pas de deux.
Forsythe, lui, existait déjà avant In the Middle, et on a bien vu qu'il n'a pas vraiment eu besoin de l'Opéra pour continuer ensuite. Il ne se contente pas d'exploiter la virtuosité des danseurs, il entre vraiment en résonance avec toute une histoire de la danse, et ce avec une capacité de distance, d'humour, que McGregor n'a pas du tout, hélas...


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paco



Inscrit le: 28 Oct 2005
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MessagePosté le: Ven Juil 01, 2011 7:02 pm    Sujet du message: Répondre en citant

nabucco a écrit:
Forsythe, lui, existait déjà avant In the Middle, et on a bien vu qu'il n'a pas vraiment eu besoin de l'Opéra pour continuer ensuite. Il ne se contente pas d'exploiter la virtuosité des danseurs


C'est peut-être en effet ce qui me frustre pour l'instant chez McGregor, il me donne l'impression de construire ses pièces à partir des capacités virtuosistiques du RB (et ici de l'ONP), et de chercher seulement après le sens de ses exercices de style.
C'était particulièrement flagrant pour Live Fire Exercise à Londres, belles images à regarder, virtuosité spectaculaire pour ne pas dire plus, mais au final on se dit "au fait, il s'est passé quelque chose ?"
Mais bon, j'aurai peut-être une surprise avec cette création


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DAVIDM



Inscrit le: 19 Juin 2011
Messages: 5

MessagePosté le: Ven Juil 01, 2011 11:17 pm    Sujet du message: Répondre en citant

nabucco a écrit:
Pour moi, Signes est vraiment un exemple parfait de la médiocrité du répertoire contemporain de l'Opéra, avec cet espèce de conformisme new age pseudo-spirituel (et cette musique sirupeuse !).
C'est votre avis. A chacun ses préférences ! Mais dites moi Nabucco, quel chorégraphe contemporain vous séduit par son travail ? Forsythe et...? J'aime la liberté, l'audace ou encore le renouveau dans les mouvements, les attitudes et les thèmes qu'apportent les créations modernes. Je marche au feeling. Le travail de MacGregor me parle dans son inventivité, dans la gestuelle très fluide. Après, je reste un spectateur de plus en plus "mordu" mais je n'aurai pas la prétention de me porter en juge ou en critique expert ès danse. Je ne pense pas qu'une ballet doive forcément servir une histoire, la danse peut aussi se suffire à elle-même par l'expression des corps, la beauté qu'elle dégage. Et enfin, faut-il blâmer McGregor parce qu'il sert la technicité des danseurs de l'ONP ? Si les danseurs excellent, et comme il a l'opportunité de travailler avec eux, pourquoi s'en priverait-il ? PS : J'ajoute que je suis également amateur de ballet classique et "à histoires" Very Happy


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frederic



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MessagePosté le: Sam Juil 02, 2011 1:31 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Mon Dieu, que je vous trouve bien sévère avec MacGregor avant même d'avoir vu le spectacle. Attendez que diable! Je ne suis ni un fan, ni un inconditionnel, mais c'est un chorégraphe passionnant. Sa manière de parler de la danse est toujours éclairante. Il dégage un charisme et une gentillesse évidente. Sa séance de répétition qui a été mise en ligne m'a subjugué. On verra, c'est déjà assez pénible de voir les 2 premières représentations annulées. N'en rajoutons pas....


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nabucco



Inscrit le: 14 Mar 2007
Messages: 1462

MessagePosté le: Sam Juil 02, 2011 4:32 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Toutes mes excuses, j'ai vu le spectacle. Le charisme et la gentillesse de X ou Y, je m'en fiche pas mal, la seule chose intéressante est la pièce produite. En ce qui concerne les séances de travail, j'avais vu celle qui avait précédé la création de Genus, et j'avais été plutôt séduit, ce qui ne m'avait pas empêché de détester le ballet.

DavidM, ça veut dire quoi, "c'est votre avis"? Manière de prétendre que j'aurais dit le contraire, que ce que j'écrivais était vérité d'évangile ? Personne ici ne se considère, je crois, comme "juge" ou comme expert. Personne n'a reproché à McGregor de ne pas construire une histoire. Répondez aux objections qui sont faites plutôt que d'en inventer que personne n'a faites ! Pour ma part, j'aime bien sûr Forsythe, mais aussi Keersmaeker, Jan Fabre, Kylian, Mats Ek, et beaucoup d'autres qui constituent tout sauf UNE ligne unique, qui ont des rapports parfois diamétralement opposés avec la narration, la virtuosité, la musique ou que sais-je encore. [édité par la modération].


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haydn
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MessagePosté le: Sam Juil 02, 2011 4:42 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Le débat d'idées n'a pas vocation à tourner à l'invective, merci de votre compréhension.

Par ailleurs, Nabucco a vu la répétition générale, qui, je le rappelle n'est pas un spectacle. C'est d'autant plus important de le préciser en ce qui concerne l'Anatomie de la sensation que la préparation de cette création s'est déroulée dans des conditions très particulières, en raison des mouvements sociaux qui ont affecté l'Opéra de Paris ces derniers temps.

J'insiste à nouveau pour qu'il ne soit pas porté de jugement sur un ouvrage à partir de ce qui reste une séance de travail, même si le public y a été admis.



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DAVIDM



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MessagePosté le: Sam Juil 02, 2011 5:20 pm    Sujet du message: Répondre en citant

haydn a écrit:
Le débat d'idées n'a pas vocation à tourner à l'invective, merci de votre compréhension.
Tout à fait d'accord ! Je ne rentrerai pas davantage dans ce débat stérile où chacun campe sur ses positions et ne se fera pas changer d'avis. ( un avis = une opinion, un point de vue Cool).


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haydn
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Messages: 26514

MessagePosté le: Sam Juil 02, 2011 10:05 pm    Sujet du message: Répondre en citant

On peut débattre, et Nabucco peut défendre ATDK comme il l'entend, mais je tiens au respect des formes. Il ne s'agit pas de dire que le débat est "stérile", mais si je laisse passer trop d'excès verbaux, cela risque justement de dissuader des lecteurs de se lancer eux-mêmes dans la discussion.

Je reviendrai moi-même sur ce spectacle, que j'ai découvert, de manière un peu imprévue, ce soir, et qui m'a, je dois le dire, positivement surpris. Peut-être que les photos d'Agathe Poupeney m'avaient mis dans des dispositions favorables, qui sait.



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laurence



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Localisation: Paris

MessagePosté le: Dim Juil 03, 2011 10:33 am    Sujet du message: L'anatomie de la sensation Répondre en citant

Moi aussi positivement surprise, Genus, vu en 2007, m'avait semblé "gesticulatoire"...
"L'anatomie de la sensation" est une belle recherche ayant comme point de départ Bacon... et qui a comme point particulier de mettre en valeur les danseuses (plus que les danseurs). A chacune il donne une danse qui semble par son audace relever des qualités non encore explorées et qui les caractérisent. Myriam Ould -Braham se réveille et sort des chemins tout tracés dans lesquels elle était identique chaque fois... Marie Agnès Gillot est superbe dans ce solo "Junior Addict", à la fois émouvant et d'un esthétisme raffiné... Aurélie Dupont... Il a su trouver pour Alice Renavand une gestuelle ludique étonnante qui met en valeur sa personnalité et ses qualités physiques... J'aime sa façon de découper l'espace et de distribuer des touches de danse à des endroits remarquables...La lumière de Lucy Carter est merveilleuse, elle vous baigne de magie... Superbe spectacle...


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sophia



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MessagePosté le: Dim Juil 03, 2011 10:41 am    Sujet du message: Répondre en citant

L'Anatomie de la sensation - Pour Francis Bacon (Première - 2 juillet)

Bien sûr, on peut gloser à l'infini sur la prétention du titre, s'amuser à le parodier ou en pointer l'extrême facilité. Ce pédantisme obligé est à prendre pour ce qu'il est, une posture, quelque chose de pas vraiment neuf dans une modernité chorégraphique dont McGregor n'est qu'un aimable fils - pas vraiment rebelle. Mais finalement, le paratexte qui entoure l'oeuvre est ici moins irritant - et plus maîtrisé - que dans Genus et ses pseudo-considérations sur l'évolution des espèces. Il faut dire que non seulement l'oeuvre est plus ambitieuse sur le papier (une création "full-length", même le Royal Ballet n'avait pas osé), mais qu'elle est aussi, sur tous les plans, bien plus satisfaisante, même si deux fois plus longue.

L'Anatomie de la sensation - Pour Francis Bacon se déroule en neuf tableaux, qui suivent les neuf mouvements de la partition de Blood on the fire de Mark-Anthony Turnage, qui lorgne clairement du côté du jazz symphonique. Préexistante à l'oeuvre, elle est avant tout un décor, au sens presque plastique du terme, pour une chorégraphie qui, sans "coller" en quoi que ce soit à la musique, en traduit bien l'électricité un peu brutale et le côté (apparemment) improvisé. Du côté des décors, les lignes géométriques sont à l'honneur : deux gigantesques panneaux blancs se déplacent au fil des tableaux, animés par des éclairages sophistiqués de différentes couleurs. A défaut de faire honneur à Francis Bacon, ou de s'en inspirer directement, la scénographie, très picturale, est une vraie réussite - un spectacle en soi. Pour ce qui est de la danse, on retrouve là, sans changement très perceptible, le langage habituel du chorégraphe, et les évolutions spectaculaires des danseurs qui l'illustrent, mais le ballet dans son ensemble laisse cependant moins l'impression que dans Genus d'assister à une performance ininterrompue autour de l'extrême et de la vitesse, à un espèce de jeu vidéo géant en quelque sorte, dont la répétitivité - et la complaisance - finissent par lasser.

Dans L'Anatomie..., on retrouve une fois de plus la post-humanité macgrégorienne, en version sans doute moins désincarnée que d'ordinaire, mise en scène au travers d'une suite, très mécanique en soi, de solos, duos, trios, quatuors ou ensembles. Néanmoins, c'est d'évidence pour les solistes que le ballet a été écrit, et cette première distribution aligne vraiment le meilleur du meilleur à cet égard. Le corps de ballet est finalement peu présent, presque dispensable, un élément obligé dans le cahier des charges de la création, et l'on sent bien du reste que le style McGregor, notamment dans le septième mouvement, n'a pas été assimilé de la même manière par tout le monde. De même, la fin, à rallonge, qui réunit de manière anarchique tous les danseurs, paraît franchement bavarde. On croyait en avoir fini avec le ballet avec l'excellent duo Renavand-Hoffalt, et puis non, c'est reparti pour un tour, et là, on se dit que c'est vraiment un peu trop, comme s'il fallait à tout prix que le ballet dure plus d'une heure. En-dehors de ces relatives faiblesses et longueurs, j'ai complètement adhéré aux autres tableaux et aux différents interprètes, avec quand même une nette préférence pour les filles et leur impeccable placement, en particulier Gillot, tout à fait incroyable (à nouveau fan), peut-être l'interprète la plus présente dans le ballet, Renavand (qui apparaît dans le quatuor du quatrième mouvement et le duo du huitième mouvement), très à l'aise avec le style du chorégraphe en plus d'être très drôle (le duo avec Hoffalt, insolite, est d'une théâtralité bienvenue dans cet univers abstrait et volontiers esthétisant), et le trio Gilbert, Lévy, Ould-Braham, cette dernière résolument méconnaissable - pour le meilleur de la pièce (toutes trois présentes conjointement dans le cinquième mouvement). Le duo Bélingard-Heymann qui ouvre le ballet, mélange très ambigu de force virile et de souplesse féline, fonctionne aussi magnifiquement.

En bref, je suis ressortie enchantée, absolument enthousiaste (ça faisait longtemps...) et, après le pensum Rain, réconciliée avec le contemporain à l'Opéra.




Dernière édition par sophia le Dim Juil 03, 2011 5:33 pm; édité 2 fois
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Ailey



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MessagePosté le: Dim Juil 03, 2011 12:34 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Le ballet est manifestement composé : j'ai admiré l'opposition entre le duo Dupont-Bélingard, tout en puissance fluide (c'est la première fois que je les voyais danser ensemble et j'espère qu'ils continueront) et le duo Renavand-Hoffalt, ludique et plus visiblement virtuose. Quels danseurs! Le chorégraphe a bien raison d'exploiter leurs possibilités...



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haydn
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MessagePosté le: Dim Juil 03, 2011 12:35 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je suis allé un peu par hasard hier soir assister à ce qui ne devait pas être la première de l'Anatomie de la sensation, et qui le devint en raison de l'agitation sociale qui avait perturbé le fonctionnement de l'Opéra de Paris les jours précédents. La salle était plutôt bien garnie, sachant tout de même qu'on avait recasé, en cette unique soirée, une bonne partie du public qui était censé assister à la représentation du 29/06 et à la matinée de ce même samedi 2 juillet. Étrangement, aux caisses de l'ONP, on vous expliquait sans rire qu'il ne restait plus que des billets à 45 € minimum alors même que toutes les places debout à 5 € n'étaient pas vendues...

Cela dit, je ne regrette pas cette décision de dernière minute, et Wayne McGregor et son Anatomie de la sensation m'ont fait passer une bonne soirée.

On passera sur la référence à Francis Bacon. La scénographie, réussie, aux couleurs chatoyantes, et la chorégraphie, dynamique et spectaculaire, n'ont pas grand chose en commun avec l'univers sanguinolent et torturé du célèbre peintre britannique, et l'on est plutôt plongé dans l'univers "new age" et un peu aseptisé de Signes, avec tout de même, une partition musicale très supérieure aux rengaines électroniques de René Aubry. Le compositeur, Mark-Anthony Turnage, alterne des séquences s'inspirant du free jazz (à mon sens, les plus faibles) et d'autres qu'on pourrait qualifier de "néo-varésiennes". Si les notes d'intention ne contiennent aucune indication explicite, c'est en effet Edgar Varèse qui vient le plus spontanément à l'esprit de l'auditeur qui découvre les formes, les constructions sonores échafaudées par Turnage, et qui soutiennent assez efficacement le propos du chorégraphe.

Au risque de m'attirer les foudres de Jupiter, j'ai trouvé que L'Anatomie de la sensation était un ouvrage beaucoup mieux adapté à une compagnie telle que l'Opéra de Paris que ne l'était Rain, d'Anne-Teresa de Keersmaeker. Ici, on retrouve une structure relativement classique, faisant alterner soli, pas de deux, pas de trois, pas de quatre et ensembles dévolus au corps de ballet. Des danseurs de formation académique y trouvent plus facilement leurs repères, et de plus, les tempéraments forts peuvent s'y mettre en valeur.

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé, avec une Marie-Agnès Gillot magistrale, qui a dominé cette production de toute son impressionnante stature.

L'Anatomie de la sensation a par ailleurs été prétexte à un petit événement au sein du ballet de l'Opéra de Paris : la première apparition conjointe d'Aurélie Dupont et de Jérémie Bélingard, alors que Mlle Dupont avait jusqu'ici juré ses grands dieux que jamais elle ne serait, à la scène, la partenaire de son époux à la ville. On lui pardonnera d'autant plus volontiers ce parjure (quels ont été les arguments avancés par Wayne McGrergor pour la convaincre???) que le couple s'avère tout à fait harmonieux et équilibré. Il faut espérer que la direction de l'Opéra de Paris parvienne à persuader les deux étoiles de rééditer l'expérience ultérieurement.

Dans un registre plus spectaculaire et théâtral, mais moins lyrique, on louera aussi les qualités du duo Alice Renavand - Josua Hoffalt, explosif et drôle. Si le potentiel d'Alice Renavand dans le répertoire contemporain est connu depuis longtemps des balletomanes, Josua Hoffalt, plutôt perçu comme un artiste destiné aux rôles classiques nobles, se révèle tout aussi à l'aise dans les contorsions extravagantes qu'exige Wayne McGregor de ses interprètes.

Mathias Heymann a pour sa part gagné en assurance, et s'affirme sur scène avec plus de force, d'énergie, en s'affranchissant d'un maniérisme qui pouvait, parfois, apparaître excessif. Sa danse est à présent plus tournée vers le public, plus généreuse, moins "léchée" et moins bridée par ce souci obsessionnel, quasi-narcissique, de "faire beau".

Dorothée Gilbert et Myriam Ould-Braham, n'ont pour leur part jamais démérité, mais on peut regretter que la chorégraphie - fait paradoxal dans la mesure où il s'agit toutes deux d'artistes appréciées et demandées expressément par Wayne McGregor - ne leur permette pas de se mettre en valeur autant que les autres solistes. L'énergie de Mlle Gilbert et l'hyper-laxité de Myriam Ould-Braham ne demandent pourtant qu'à s'exprimer.

La partie réservée au corps de ballet est relativement modeste, et seule la personnalité de Hugo Vigliotti parvient à s'extraire véritablement de la masse. Il faut espérer que ce danseur, qui se distingue très favorablement à chacune de ses interventions sur scène, puisse gravir rapidement les échelons de la hiérarchie, d'autant qu'il possède un vrai tempérament de soliste.

Enfin, c'est anecdotique, il m'a semblé reconnaître quelques mesures de "La Carmagnole" noyées dans la partition de Turnage : hallucination auditive, discret clin d'œil du compositeur à la récente tournée du Bolchoï, ou allusion perfide à l'histoire du lieu (la Bastille)?



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nabucco



Inscrit le: 14 Mar 2007
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MessagePosté le: Dim Juil 03, 2011 4:16 pm    Sujet du message: Répondre en citant

haydn a écrit:
Au risque de m'attirer les foudres de Jupiter, j'ai trouvé que L'Anatomie de la sensation était un ouvrage beaucoup mieux adapté à une compagnie telle que l'Opéra de Paris que ne l'était Rain, d'Anne-Teresa de Keersmaeker. Ici, on retrouve une structure relativement classique, faisant alterner soli, pas de deux, pas de trois, pas de quatre et ensembles dévolus au corps de ballet. Des danseurs de formation académique y trouvent plus facilement leurs repères, et de plus, les tempéraments forts peuvent s'y mettre en valeur.

Mais c'est exactement ce que je pense, même si nous le disons de manière très différente. Rain, c'était un défi, que les danseurs de l'Opéra n'ont hélas pas relevé, alors qu'ils auraient pu y gagner un abandon, une liberté qui non seulement leur a fait cruellement défaut pour Rain, mais leur manque aussi pour le ballet même le plus classique. L'Anatomie de la sensation Rolling Eyes (je ne me ferai pas à ce titre), c'est en effet totalement dans leurs cordes, sans risques, propre sur soi, bien élevé : dans ces conditions - et c'est là que nos opinions se séparent - pourquoi faire du contemporain s'il ne remet rien en cause?
En ce qui concerne les "tempéraments forts", c'est bien ce qui me gêne dans ce que j'ai vu : MAG=Aurélie Dupont=Dorothée Gilbert=MOB : des corps très beaux, mais totalement interchangeables.
En ce qui concerne la scénographie, j'avais l'impression de quelque chose déjà vu et revu, ces deux panneaux blancs qui prenaient des positions certes différentes de scène en scène, mais qui auraient pu être interverties sans rien changer, tant elle peine à créer de réelles atmosphères (et je repensais aux formes géométriques tout aussi sobres que Patrice Chéreau avait utilisées pour sa mise en scène de Wozzeck de Berg: à première vue, ils semblaient tout aussi inexpressifs, mais l'intelligence de leur utilisation parvenait vraiment à créer une atmosphère unique à chaque scène - ça existe en DVD). Mais les lumières font que de toute façon on n'y fait guère attention, tellement elles sont laides et vulgaires : l'espèce d'orange ou le motif de grille qui sert de cadre au quatuor, pour le coup, c'est quelque chose que je n'avais jamais vu sur une scène, il faut oser pour aller aussi loin dans le kitsch !
Pour finir, la musique (je m'abstiens de développer sur la danse, ça vaut mieux) : "néo-varésien", sans doute, mais vraiment, très loin quand même des grandes pièces de Varèse, et j'ai trouvé que c'était quand même un gâchis de recourir à l'Inter pour si peu... Sans doute c'est mieux que les éternels Glass et Cage qu'on nous inflige à longueur de temps (ou que la musique de Genus), mais c'est vraiment frappant de voir à quel point la danse contemporaine (ou ce qu'on nous fait passer pour) ignore avec constance ce qui se fait de mieux dans le domaine de la musique d'aujourd'hui - j'ai toujours pensé le plus grand mal de Béjart, mais au moins lui s'est confronté avec la musique de Boulez...


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haydn
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Messages: 26514

MessagePosté le: Dim Juil 03, 2011 5:33 pm    Sujet du message: Répondre en citant

En ce qui concerne Béjart et Boulez, je me suis toujours demandé comment le chorégraphe avait réussi à convaincre Pierre Boulez d'accepter qu'on utilise sa musique pour un ballet. Boulez a en effet toujours refusé que d'autres (y compris musiciens, seul un très petit nombre de chefs, tels David Robertson, ont été autorisés à diriger ses œuvres) s'"approprient" ses compositions. De plus, Boulez défend une position extrêmement ferme - ses détracteurs diront dogmatique - quand à la non-expressivité absolue de sa musique, ce qui pose problème dans le cas d'une réutilisation pour un ballet, la danse plaçant, par la force des choses, des "images" sur les notes, leur donnant de facto une sorte de pouvoir d'expression, d'évocation "parasite".



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Jules



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MessagePosté le: Dim Juil 03, 2011 10:11 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Rain, c'était un défi, que les danseurs de l'Opéra n'ont hélas pas relevé


Je pense exactement l'inverse. les danseurs étaient formidables, ou : je les ai trouvés formidables. Ce n'est pas là que le vide était abyssal...

Faudrait voir à ne pas confondre la poule et l'oeuf Wink comme quoi tout est relatif


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