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Evguenia Obraztsova sur le web : Actualités
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MikeNeko



Inscrit le: 27 Nov 2012
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Localisation: IDF

MessagePosté le: Mar Juil 09, 2013 1:32 am    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Sophia !
Par contre plus de 18 minutes... ça attendra demain et une bonne nuit de sommeil.

Ça a vraiment dû être éprouvant ces aller-retour pour la préparation, mais bon... c'est une pro de stature universelle (ce n'est plus de la stature internationale à son niveau) Smile


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ElenaK



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Messages: 817

MessagePosté le: Mar Juil 09, 2013 2:41 am    Sujet du message: Répondre en citant

Financial Times a publié un article sur Evguenia Obraztsova :

http://www.ft.com/intl/cms/s/2/3638845e-e323-11e2-bd87-00144feabdc0.html#axzz2YG3IYe5V


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sophia



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Messages: 22087

MessagePosté le: Mar Juil 16, 2013 3:17 pm    Sujet du message: Répondre en citant

De belles photos d'Evguénia Obraztsova dans Onéguine.


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Sarra



Inscrit le: 29 Sep 2009
Messages: 263

MessagePosté le: Mar Juil 16, 2013 10:18 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Ne pas comprendre, et ne pas oser demander une explication de peur de passer pour un crétin ! Embarassed Tout en priant le Bon Dieu qu'un perplexe moins idiot ose demander avant la fin de l'heure... (Et pour le moment où celui-ci se manifestera, tenir tout prêt le mouvement d'yeux au ciel propre à faire entendre aux voisins de banc que pour ne pas comprendre ça ! il faut être vraiment crétin. De quoi les voisins de bancs déduiront peut-être, intention de la pantomime rusée, que le rouleur d'yeux au ciel n'a pas -lui- une cervelle en biscuit de mer, mais en fine brioche...)
Or rien, pas de demande d'éclaircissement... Soit la classe est déserte, soit j'en suis le seul crétin. Smile<-- ici...
Résolvons-nous à lever le doigt...
Pardonnez-moi, Sophia, mais depuis que j'essaie de voir les photos annoncées, le lien me conduit -avec une persévérance égale- à une page Facebook... vide ! fors ces mots : "Photos de Obraztsova. Il n'y a aucune photo à afficher. "
Faut-il être inscrit à Facebook pour les voir ?! (Je ne suis "membre" d'aucun réseau social...).
Merci par avance.

P.-S. du 17/07, 08h
Merci, MikeNeko ! Smile Si ces photos étaient restées invisibles (à tous comme à moi-même ?), on aurait effectivement perdu beaucoup !

P.-S. du 23/07, 02h La suite du post-scriptum du 17, qui avant ce jour -cette nuit, plutôt- figurait ici, a été transférée plus bas (avec modifications...), pour les raisons dites à ce nouvel endroit.




Dernière édition par Sarra le Mar Juil 23, 2013 1:57 am; édité 3 fois
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MikeNeko



Inscrit le: 27 Nov 2012
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MessagePosté le: Mar Juil 16, 2013 10:39 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Pour Sarra Smile







Photos publiées par Ekaterina Vladimirova


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Cantalabute



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MessagePosté le: Mar Juil 16, 2013 10:48 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Apparemment, sur la foi de ces superbes photos, ses aller-retours entre sa Sylphide parisienne et sa Tatiana moscovite n'ont pas empêché Evguenia de rendre toute la profondeur et l'émotion de son personnage : une vraie grande artiste !


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MikeNeko



Inscrit le: 27 Nov 2012
Messages: 556
Localisation: IDF

MessagePosté le: Mar Juil 16, 2013 11:20 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je suis tout à fait d'accord Cantalabute... la première photo de ma 3ème ligne est saisissante...


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sophia



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Messages: 22087

MessagePosté le: Mar Juil 16, 2013 11:46 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci MikeNeko d'avoir résolu le problème! Wink J'en aurais été bien incapable. Embarassed


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Cantalabute



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MessagePosté le: Mar Juil 16, 2013 11:49 pm    Sujet du message: Répondre en citant

... et la 3ème de cette même ligne : que de choses exprimées dans ce regard et cette plume en suspend ... !


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sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22087

MessagePosté le: Mer Juil 17, 2013 8:54 am    Sujet du message: Répondre en citant

En complément de ces belles photos, quelques extraits du ballet :

Pas de deux acte III - Evguénia Obraztsova (Tatiana) / Alexandre Vodopetov (Grémine) : http://youtu.be/0KbWRVTPenk

Pas de deux acte III - Evguénia Obraztsova (Tatiana) / Alexandre Volchkov (Onéguine) : http://youtu.be/tbSO8UQx2-o

Saluts : http://youtu.be/v-c1_gcPeo4


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Sarra



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Messages: 263

MessagePosté le: Mar Juil 23, 2013 3:49 am    Sujet du message: Répondre en citant

[Il n'est pas dans mes habitudes de faire remonter un fil pour un simple ajout à un message : je choisis généralement le post-scriptum, parfois additionné à... un post-scriptum précédent. Mais comme il n'y a pas plus d'indignité à écrire un nouveau message qu'à se hisser d'une marche à l'autre pour monter l'escalier, et que c'est même la façon la plus naturelle, il n'y a évidemment aucune vertu particulière à préférer le post-scriptum...
J'aurais pourtant, aujourd'hui, continué dans cette habitude, si le résultat du supplément à l'addition n'avait été un embrouillamini tel ! que la chatte n'aurait pas réussi à faire le compte de ses petits dormant chacun dans son panier sans cesse augmenté du contenu d'un autre.
Je transfère donc ici -dans ce panier vide- un post-scriptum antérieur, auquel j'ajoute, apporté par la peau du cou, un complément.
Le post-scriptum premier était né d'un remerciement à MikeNeko, pour les -belles !- photos d'Evguénia Obraztova dans Onéguine (d'abord signalées par Sophia) qu'il avait réussi à faire apparaître.
Par la suite, Sophia a indiqué une vidéo de la scène finale d'Onéguine. Vidéo m'ayant suggéré un commentaire, et surtout le moyen de réfuter une opinion -exprimée ailleurs- qui me froissait un peu en ce qu'elle me semblait non conforme à la réalité, et d'ailleurs très peu argumentée. Réfutation s'appuyant aussi sur deux des photos mises au grand jour par MikeNeko.
Avant tout, il fallait donc remercier Sophia pour la vidéo, et de nouveau MikeNeko, révélateur des photographies.
C'est chose faite, ici : merci Sophia, encore merci MikeNeko.]


Une remarque, curieuse ou non, pour commencer... Sans doute par le même phénomène psychosensoriel que la sensation de "déjà vu" -qui change en souvenir une observation datant de l'instant-, je crois reconnaître en Evguénia Obraztsova lisant (voir les deux photographies où le plan rapproché prouve que la ballerine incarne son personnage jusqu'à ce "mouvement de cils" traduisant toujours, dans nos images toutes faites, la perfection d'une comédienne), je crois reconnaître en elle l'image que j'avais de Tatiana à ce moment de l'œuvre de Pouchkine (chapitre III, strophe IX) : "Quelle attention elle met maintenant dans la lecture des romans qui l’abreuvent de leurs séduisantes fictions ! Tous ces fils de l’imagination, l’amant de Julie, et Malek-Adel, et De Lynar, et Werther, ce martyr de lui-même, etc."*
(Теперь с каким она вниманьем
Читает сладостный роман,
С каким живым очарованьем
Пьет обольстительный обман!
Счастливой силою мечтанья
Одушевленные созданья,
Любовник Юлии Вольмар,
Малек-Адель и де Линар,
И Вертер, мученик мятежный...)
.
Et je serais presque persuadé que le livre qu'elle tient sur scène n'est ni un livre factice ni -encore moins !- la Nouvelle Héloïse comme le voudrait un "naturel" illusoire, mais... Eugène Onéguine, ouvert précisément à la page de cette strophe ! Tant l'art du comédien -je n'ai ici la prétention, si c'en est une, que de m'en remettre sur ce point à Diderot, texte si connu !- est le naturel par l'artifice (ce qui implique -étonnant qu'il faille encore le redire ! mais apparemment il le faut...- que, tout comme le peintre "se regarde peindre" et ajoute repentirs sur reprises pour amener la création en cours à l'idée qu'il en a, le danseur, la ballerine doit "se regarder danser"... (Cf la réponse demi-boutade d'un pianiste célèbre : " - Ressentez-vous l'émotion des pièces que vous jouez ? - Chaque fois que le soin de ne pas faire de fausses notes m'en laisse le temps, oui.") Sinon, il faudrait que le chorégraphe prescrive à la ballerine dansant Juliette -par exemple- : "Ne te regarde pas mimer ton suicide, ma fille ! Mais que la pointe sûre / d'un stylet sans ressort / fasse en toi la blessure / d'où viendra ta vraie mort..." -rimes improvisées crânement en plein bombardement de soleil, "35°C à l'ombre", et gravées sur la glaise de mon abri.) *

Je n'ai jamais vu Onéguine -et je ne le verrai probablement jamais -Voir un jour ce ballet à Moscou, dansé par Evguénia Obraztsova : il faudrait diminuer la probabilité à un tel degré ! qu'entre elle et le zéro ne pourrait se glisser rien d'autre que les scrupules d'un évadé fiscal jurant sur l'honneur ne pas l'être ; ou l'art poétique d'un financier américain ayant appris les métaphores dans les tables d'intérêts d'un banquier suisse ; c'est dire la grandeur de l'espoir...
Mais la vidéo de la scène finale (Sophia), ajoutée à ces photographies (MikeNeko), me permet de revenir sur deux phrases d'Evguénia Obraztsova dans l'entretien accordé à Dansomanie.

Oui, comme le dit la ballerine, Tatiana est bien le personnage principal -même si l'œuvre s'intitule Eugéne Onéguine, ou Onéguine tout court, et non Tatiana Larine ; et même si dans le roman-poème elle ne fait son entrée que bien après Onéguine et sort avant lui, qui finit seul en scène.
Elle en est le personnage principal comme, si Onéguine était le seul sujet d'un tableau de peintre (un portrait de jeune homme -vingt-six ans, двадцати шести годов, peut-être vingt-sept ou vingt-huit à la fin selon la durée de l'ellipse des strophes XXXV à XXXIX du dernier chapitre), elle serait la lumière du tableau : lumière toujours "personnage principal", finalement.

Mais -avec l'humilité requise- je contredirai Evguénia, pour qui Onéguine "ne change pas entre le début et la fin du ballet". En réalité Onéguine évolue lui aussi. Si la chorégraphie ne le fait pas percevoir changeant (je ne peux en juger, n'ayant -pour le redire- pas vu le ballet), c'est que le chorégraphe, dont on ne doute pas qu'il sache sur le bout des doigts son art chorégraphique, n'a donc pas bien lu -et je le dis cette fois comme je le pense, sans devoir d'humilité : car rien n'établit supérieurement qu'un chorégraphe sache mieux lire qu'un quidam-, n'a pas lu bien profondément Eugène Onéguine...
Onéguine change ; mais, pour son malheur et celui de Tatiana, beaucoup moins graduellement qu'elle. Or dans nos représentations mentales, toute évolution prend généralement l'aspect de degrés successifs ; on connait pourtant la réfutation que nous propose souvent "la vie", plus ou moins autour de nous : oui l'on peut changer tout soudain, un bouleversement peut nous réformer moralement "de fond en comble".
"Plus de doute, hélas ! Onéguine s’est épris de Tatiana comme un enfant. Il passe les nuits et les jours dans les perplexités d’une méditation amoureuse."
("Сомненья нет: увы! Евгений
В Татьяну как дитя влюблен;
В тоске любовных помышлений
И день и ночь проводит он.)

(Ce n'est que l'équivalent chez lui -mais si tardif !- du : "ainsi que les feux du printemps font soudainement germer une graine qui sommeillait inerte"
(Так в землю падшее зерно
Весны огнем оживлено)

par quoi Pouchkine figure l'amour surgissant en Tatiana.

On peut dire -certainement après bien d'autres, bien plus savants et autorisés !- qu'en Onéguine l'amour pour Tatiana a cheminé, invisible à lui-même, depuis le premier moment : à la place de Lensky il aurait choisi Tatiana plutôt qu'Olga : n'est-ce pas qu'il l'aimait déjà ?
Tout comme Lensky mais plus profondément et non par songerie de jeune "poète" revenu d'une Göttingen un rien brumeuse, autrement dit avec plus de réalité, Onéguine avait lui aussi avait son unique promise. Hélas sa vie a déterminé son esprit à ne l'apercevoir qu'à la fin. Pour utiliser une image facile : cet amour souterrain, dans le "bon fond" d'Onéguine (à qui Pouchkine donne bien des traits pareils aux siens, quand bien même brouillerait-il les cartes juste après ! Cf -entre autres- chapitre I, strophes LV-LVI), a fini par faire doline : effondrement final enfin visible : "Plus de doute, etc.".
En Tatiana, Onéguine a d'emblée rempli la silhouette d'un amour préexistant, sans objet nommé, qu'incarnera ensuite -par sa seule apparition- le jeune homme : "dès longtemps son jeune cœur, sans attendre personne, attendait quelqu’un."
(Давно сердечное томленье
Теснило ей младую грудь;
Душа ждала... кого-нибудь)
"Tous ces fils de l’imagination, (...) tous se fondirent en une seule image aux yeux de la jeune rêveuse, celle d’Onéguine."
(Счастливой силою мечтанья
Одушевленные созданья,
(...)
Все для мечтательницы нежной
В единый образ облеклись,
В одном Онегине слились.)

C'est en cela que Tatiana -comme le souligne Evguénia Obraztsova- est d'abord en-dessous d'Onéguine. Elle le rattrape dès que, plus lucide sur Onéguine que lui-même sur lui, c'est de l'être en son essence qu'elle devient amoureuse, et non plus d'une nébulosité à forme humaine, quand lui n'est encore pour lui-même que l'oisif à la mélancolie vaguement fulgurée de cynismes autant que de lucidités, et passant d'un ennui à un autre.

Tatiana ne s'élève pas "plus haut qu'Onéguine" -du moins si Evguénia veut faire comprendre par là que Tatiana est supérieure à Eugène-, mais plus vite, vers la même hauteur de ciel où les deux jeunes gens auraient trouvé, sous l'effet de la même force d'un amour égal, comme deux corps de même densité et de même volume dans un fluide, le point d'équilibre de leur félicité -s'il n'y avait eu la fin que l'on sait.
Tatiana aurait-elle pu aimer, aimerait-elle (elle l'aime !) un pantin creux, un dandy vide ?

Ces petites rectifications (qu'il n'est pas interdit d'estimer discutables) n'ont pas pour but d'apporter contradiction à Evguénia Obraztsova par "malin plaisir" de l'infiniment petit ayant cru voir erreur chez l'infiniment grande. Elles ont pour intention de faire ressortir combien, entre ce moment de l'interview à Dansomanie où Evguénia avouait n'en être encore qu'à la préparation de son rôle et celui où elle l'a dansé sur scène, combien elle a réussi, par son intelligence, par son travail, par son talent, à s'incarner en Tatiana, qu'en quelque sorte elle a, comme cet oiseau ramenant à la promise l'anneau du bien-aimé mort en terre étrangère (chanson russe), ramenée à sa Russie.

"Je serai une Tatiana russe", disait-elle à Sophia (et Haydn). Cela ne peut que répondre à : "Russe jusqu'au fond de l'âme, et sans le savoir, Tatiana aimait l'hiver russe et ses froides beautés" (chapitre V, strophe IV)
(Татьяна (русская душою,
Сама не зная почему)
С ее холодною красою
Любила русскую зиму)

Et c'est cette russitude profonde en Evguénia/Tatiana, "jusqu'au fond de l'âme", dont j'ai eu en contrepoint, presque tout de suite, au début du pas de deux final vu dans la vidéo indiquée par Sophia, le sentiment : par cette fluidité spéciale -terme propre à me faire comprendre je pense, bien que "mot premier venu"- , des bras en particulier, fluidité qui en plus d'être la traduction littérale du texte de Pouchkine, chapitre VIII, strophes XL à XLII (j'ai souligné le pertinent selon le sens que j'en ai) : "Qui n’aurait reconnu dans la princesse la Tania, la pauvre Tania d’autrefois ? Dans l’angoisse d’un regret insensé, Onéguine tombe à ses pieds. Elle frissonne et se tait. Elle le regarde sans surprise, sans colère. L’œil éteint d’Onéguine, son air suppliant, son reproche muet, elle a tout compris. La simple jeune fille, avec le cœur et les rêves d’autrefois, revit en elle.
Elle ne le relève pas, et, sans le quitter des yeux, elle ne retire pas sa main inanimée aux lèvres avides qui la pressent. À quoi rêve-t-elle ? Un long silence se passe ; puis elle lui dit doucement : C’est assez, levez-vous.
" [texte original non ajouté cette fois, trouvable sur le web], qui en plus d'être le mouvement même d'une désolation de cœur (dans le livre elle pleurait en silence avant l'entrée d'Onéguine) -la force inverse n'ayant pas encore paru sur le champ du combat-, fluidité qui en plus d'être le mouvement de la pauvre Tania, de la "biche timide" d'autrefois, est à mon idée l'une des marques de ce "rêve d'hiver" paraphant l'âme profondément russe.
Si je m'en sentais habilité par la moindre connaissance sérieuse, je pourrais ajouter que cette fluidité d'Evguénia/Tatiana dans cette scène (j'ai vu seulement celle-ci) n'est pas sans correspondre à la fluidité de l'expression (selon Gustave Aucouturier, le grand traducteur) qu'apporte -nouveauté considérable ! dit le même- Pouchkine à la littérature russe.

J'ai regardé alternativement (compte YT Lenaruses), plusieurs fois bien sûr, cette scène interprétée tantôt par Evguénia Obraztsova et son partenaire, tantôt par Nina Kaptsova et le sien.
Dans les mots qui vont suivre, j'essaie autant que possible d'éviter le péremptoire, qui n'a jamais changé une préférence en loi de la nature, ni une hypothèse en vérité digne du Saint des Saints ; je n'assène aucun mot en majuscules, de crainte que l'agrandissement de la casse montre plus la fatuité de l'argumentateur que la valeur de l'argument. C'est donc avancer, si l'on veut, sous les dehors de la subjectivité.
Sous la réserve -donc- de la subjectivité, mais étayée -du moins était-ce mon intention- par un raisonnement a priori plus recevable qu'un "C'est moi qui vous le dis", l'interprétation de la Tatiana d'Evguénia Obraztsova (dans cette scène finale, évidemment, puisque je n'ai regardé qu'elle) me paraît supérieure à celle de Nina Kaptsova.
La subjectivité revendiquée n'est pas celle du goût et des couleurs (par quoi souvent on s'exonère de pousser plus avant sa propre argumentation), mais celle du postulat évoqué plus haut : enfin dansé à Moscou, la ballet Onéguine doit rendre à la Russie (autant dire : à Pouchkine) ce qu'il lui doit.

L'une et l'autre ballerines traduisent évidemment le déchirement de l'esprit de Tatiana ; dans le même cerveau la lutte d'une volonté contre non pas une autre volonté sienne et antagoniste, mais contre une force adverse : quelle ballerine russe -simplement : quelle ballerine de niveau raisonnable- serait assez analphabète pour ne pas comprendre ce que le moindre des lecteurs comprend ?! -dans l'âme de Tatiana, l'affrontement entre l'amour pour Onéguine, inextinguible, irrévocable, et la convention sociale à quoi, par pureté, par noblesse, par droiture, par loyauté, par honneur, la jeune femme a accepté d'être liée irrévocablement aussi.
Contre son amour même -toujours vif !- pour ce premier homme ayant incarné son attente, contre le rêve -non érodable, insoluble dans le temps- du bonheur qui était si possible, si proche ! (ce sont les mots de la jeune femme) Tatiana ne sera ni une maîtresse -ce que d'ailleurs le nouvel Onéguine, c'est-à-dire : l'ancien tel qu'en lui-même la catastrophe de son propre amour soudain découvert l'a changé, ne voudrait- ni non plus une fugitive.

Nina Kaptsova, Evguénia Obraztsova, suivent l'une et l'autre dans cette lutte intérieure les jalons marqués par la chorégraphie -c'est d'abord la chorégraphie qui (à l'évidence d'après le discours final de Tatiana) établit le chemin de cette lutte.
Mais d'un jalon à l'autre, il y a façon et façon de figurer le conflit des pensées : et la façon d'Evguénia Obraztsova me semble bien plus pouchkinienne, bien plus conforme à l'esprit du roman-poème (voire : à sa lettre) que celle de Nina Kaptsova (dont -faut-il le dire ?- il n'est ni dans mon intention ni dans mes capacités de nier le grand talent, dans l'absolu).

Par ailleurs, la beauté d'Evguénia, autre par sa perfection que celle -moins achevée- de Tatiana décrite par Pouchkine, et autre que celle de Nina, ne fait rien à l'affaire ici : nous dirons qu'elle correspond à ce qu'indique la strophe XVI du chapitre VIII : "Belle de son charme insouciant, elle [Tatiana] était assise à côté de la brillante Nina Voronskaïa, cette Cléopâtre de la Néva, et vous seriez convenus avec moi que, si éclatante qu’elle fût, Nina ne pouvait éclipser sa voisine par sa beauté de marbre."

Chacun sait qu'à la fin du texte, ce n'est pas Onéguine qui sort, mais Tatiana. Le jeune homme reste seul en scène -avec l'auteur/narrateur qui d'un coup (ré)apparaît à nos yeux en se tournant vers nous : "Lecteur, en cet instant cruel pour notre héros, nous allons l’abandonner pour longtemps… pour toujours."
Tatiana est sortie d'un mouvement : "Elle sort à ces mots." (ces mots-là : "Mais je me suis donnée à un autre, je lui serai éternellement fidèle.") 
Est-ce à dire que ce "laconisme" de comportement est comme un soufflet ? Qui traduirait sèchement une victoire de la femme sur l'homme ainsi éconduit ? Seule une lecture bien superficielle peut amener à cette interprétation ! Si quelques mots de Tatiana évoquent le dédain passé d'Onéguine (qui n'en était pas un absolument : relire le chapitre IV, strophes XI à XVI) pour l'opposer à son amour présent, c'est davantage un argument désespéré que la jeune femme se fait à elle-même que le motif -ayant venimeusement "attendu son heure"- d'une vengeance : de ce pain-là Tatiana -la noble- ne s'alimente pas ! Son amour pour Onéguine est indiscutable. Indiscutable aussi le sentiment si navrant qu'un bonheur tout simple, avec lui, était tellement possible. Elle pleure à la lettre d'Onéguine, c'est indiscutable. Etc.
Sa sortie soudaine et sans retour -qui dans la chorégraphie, où Tatiana a la présence finale, trouve équivalent dans le mouvement désignant à Onéguine la porte- est, dans le livre, à la fois un procédé de l'auteur interrompant tout net son œuvre (procédé-choc qui laisse le lecteur pantois -comme un dormeur éveillé en sursaut- en le renvoyant sans transition de la fiction, à quoi il croyait, au réel où il est livre en main) en éteignant la lumière -Tatiana- qui jusqu'alors faisait apparaître le personnage, et -cette fois sur le plan de l'énoncé et non plus de l'énonciation- pour Tatiana épuisée de tension (encore une fois : relire le texte, strophes XL à XLVII du dernier chapitre !) elle est la pente la plus facile -je dirais : la pente nécessaire avant la syncope-, ses jambes se mouvant pour elle -avant elle pour ainsi dire-, dont l'esprit débattait encore, à souffrance.

Il n'y a ici -définitivement : non !- ni "victoire" de Tatiana ni "défaite" d'Onéguine. C'est l'effet d'une lecture de surface que de raisonner en ces termes, "victoire" ou "défaite" de l'une ou de l'autre, si "victoire" pour elle/lui alors "défaite" pour lui/elle.
Il y a en vérité double défaite : défaite de Tatiana, défaite d'Oniéguine, devant l'entité doublement victorieuse : les conventions sociales -desquelles on peut dire sans trop de distorsion de réalité que Pouchkine en a péri.
(Le seul mot d'où proviendrait éventuellement l'erreur -car c'en resterait une- de penser "victoire" en un personnage et corrélativement "défaite" en l'autre serait : "... partout apparaît devant toi l'image de ton vainqueur." (chapitre III, strophe XV). Mais c'est à l'évidence une doux second degré de l'auteur/narrateur, à ce moment-là du livre, jouant avec un de ces clichés dont il vient de prévenir le lecteur que lui s'en affranchirait dans ses ouvrages.)

Pas de victoire de Tatiana sur Onéguine. Pas davantage de victoire de Tatiana sur elle-même, puisque -dit plus haut- ce n'est pas une Tatiana dédoublée qui lutte d'un être à son double, c'est Tatiana aux prises avec un fantoche social s'étant insinué de force en elle, et se faisant passer impérieusement pour elle. Et par qui Tatiana est vaincue.

Tatiana ne s'est pas mariée : elle a été mariée -verbe à la voix passive-, tout comme l'avait été sa mère à Dmitri Larine ; et -finalement- tout comme Filipièvna sa vieille nourrice ( "Sans doute que Dieu l’a voulu ainsi. Mon Vania était plus jeune que moi, mon cœur ; et pourtant je n’avais que treize ans. La svakhâ vint chez sous deux semaines durant, et enfin mon père me donna sa bénédiction. Je pleurais amèrement de frayeur. On me défit ma tresse pendant que je pleurais et l’on me conduisit à l’église en chantant.").
Il est impensable en ce temps-là de s'affranchir de ces lois -sinon trivialement (amant, mari trompé, etc.), ce que la droiture de Tatiana lui interdit.
Pourquoi donc, alors qu'enfin ! Onéguine a rejoint Tatiana dans la conscience de son amour pour elle, qui l'aime "depuis le premier instant", ne se donnerait-elle pas à leur amour maintenant réciproque ? Dans l'esprit d'une jeune fille en âge d'aimer, d'une jeune femme, la question la plus posée de soi à soi-même est sans doute : "Est-ce que je l'aime ?". Ce débat de soi avec soi peut amener la victoire de l'un sur l'autre : mais Tatiana n'en est plus là ! -n'en a jamais été là ! Elle aime Onéguine ! Elle est certaine de son amour pour lui !
La sortie soudaine de Tatiana est une reddition aux "conventions sociales" (cette expression pour, disons, faire à la fois rapide et -je l'espère- parlant). Ce sont ces rigidités (ahurissantes, quand d'aujourd'hui on y pense froidement -sans toujours voir... celles d'aujourd'hui !) qui seules triomphent. Comme à la fin du Feldmarschall, dans Chants et Danses de la Mort, la mort : "Moi seule triomphe !".
Le geste de Tatiana qui dans le ballet remplace cette sortie : le bras désignant la porte, doit donc avoir exactement la même valeur ! Dans sa modalité, il doit signaler non une victoire, mais un abandon de la lutte, dans un combat su d'emblée inégal pour l'être affrontant une force écrasante -certitude qui doit l'empreindre aussi de désolation. Tatiana se livre au couteau social.
C'est exactement ce que l'on comprend dans ce mouvement de bras lorsque fait par Evguénia Obraztsova ; quand chez Nina Kaptsova la brusquerie, la violence qu'il a signifie bien trop : "Dehors !" -voire : "Fiche-moi le camp !"- (son bras en vibre sur l'attache !), ce qui n'est pas du tout -je crois avoir dit pourquoi ci-dessus- conforme à l'esprit de cette fin, chez Pouchkine.

Du livre-poème au ballet, le chorégraphe a légué à Tatiana ce que Pouchkine dit pour finir d'Onéguine : "Par quel tourbillon d’émotion son cœur est agité !"
("В какую бурю ощущений
Теперь он сердцем погружен!")
.
Or cette tempête de souffrance se lit bien mieux sur le visage d'Evguénia, à la fin : ses traits sont littéralement bouleversés de douleur (bouleversés : mot bien commun, mais ici c'est le mot qu'il faut, dans son sens premier). En Tatiana à ce moment il n'y a que douleur : elle sait qu'est maintenant anéanti rien de moins que ce sublime-là, conservé jusqu'à ce jour : "C’est décidé dans les conseils d’en haut ; c’est la volonté du ciel : je suis à toi. Toute ma vie est une preuve certaine que je devais te rencontrer. Je le sais, c’est Dieu qui t’a envoyé à moi ; c’est toi qui seras mon gardien jusqu’au tombeau ; c’est toi qui m’apparaissais dans mes rêves ; inconnu, tu m’étais déjà cher ; ton regard me suivait ; ta voix résonnait dès longtemps dans mon âme. Non, ce n’était pas un rêve. À peine entré, je t’ai reconnu." (Lettre de Tatiana) -qu'est anéantie sa vie même, en tant qu'existence pourvu d'un sens.
Il ne peut y avoir que douleur et rien d'autre : la fermeture des mains -geste final- doit signifier la fin de tout (ainsi chez Evguénia), et il ne faut pas que l'on puisse y lire -ainsi chez Nina- comme une sorte de rage : la tempête de douleur morale épuise trop l'être pour laisser place à quoi que ce soit d'autre que : douleur.

Ce détail, un geste plus parfait (si ce mot admet d'être soulevé vers le superlatif) chez Evguénia, n'est pas à mes yeux qu'un détail, justement : il n'est que l'ultime de tous ceux manifestant chez elle l'art d'être vraiment la Tatiana de Pouchkine.
Cette fluidité d'ensemble, déjà évoquée. (Il y a trop d'"anguleux" chez Nina Kaptsova, un peu trop de "brusque" çà et là -par exemple quand elle se libère de l'embrassement d'Onéguine -vers 3'10 dans chaque vidéo- : son geste n'est pas de la Tatiana de Pouchkine dans son essence, ni de la Tatiana dans la circonstance l'ayant faite maintenant de haut parage, mais d'une femme qui fait comprendre sans aménité à son mari : "Laisse-moi ! j'ai ma migraine.").
Cette perfection des multiples "abandons" (au sens qu'a ce mot en danse classique), propres à montrer ce qu'aurait pu être le bonheur commun -du moins tel qu'elle en rêvait au temps de sa lettre, tel qu'Eugène le rêve en ce temps -tout récent- de la sienne-, le bonheur commun de Tatiana jeune fille -de Tania, son être éternel- et d'Onéguine ayant enfin trouvé qu'on ne peut vivre que "dévoré par la soif d'amour" (et quelque gentille ironie qu'ait alors Pouchkine pour son personnage, qui du coup "fut sur le point de saisir les principes de la versification russe"...) ;
Ce premier "abandon", où si bien entendu l'esprit -le cœur si l'on préfère- précède le corps et conduit d'abord la tête à s'incliner de compassion amoureuse, le bras se tend ensuite d'une douceur sans hésitation, d'une douceur franche contemporaine de la pensée. (Bras ne pouvant donc, chez Tatiana, se tendre en deux saccades comme le fait Nina Kaptsova, lesquelles veulent trop montrer au spectateur -trop "théâtralement"- "le conflit intérieur", mais ici laissant surtout l'impression que le siège de la pensée est quelque peu le membre lui-même, et contredisant le principe psychologique, si vrai ! "Quand je délibère, ma décision est déjà prise." ; alors qu'en vérité le bras de Tatiana se tendait à Onéguine "de toute éternité", l'esprit n'ayant eu qu'à trancher les amarres d'un geste déjà tracé -ce que fait comprendre Evguénia.)

"Je serai une Tatiana russe !"... -Au moment final, devant le visage bouleversé de douleur d'Evguénia Obraztsova, et ses larmes, je ne suis probablement pas le seul à avoir vu se superposer en transparence à cette douleur et à ces larmes celles de l'Innocent -l'âme russe incarnée- : "Coulez, coulez larmes amères ! Pleure, âme chrétienne !" (Boris Godounov, la fin).
Tu es une Tatiana russe, Génia !


Je ne voulais en aucune façon ("qui suis-je ?! pour...") diminuer une ballerine afin d'en grandir une autre (chacune d'ailleurs prima ballerina). Je voulais simplement, si possible à l'aide d'arguments vérifiables, montrer que de deux excellences un peu dissemblables de forme, l'une que je veux bien croire sur parole excellente, l'autre ressentie excellente par la raison et l'émotion, celle-ci -d'Evguénia Obraztsova- était la plus excellente ; et pour le cas -jamais impossible !- où on lui dénierait le rang qu'elle a atteint, du moins à en juger par cette seule scène : le pas de deux final d'Onéguine, enfin pour autant qu'un inconnu quelconque (votre serviteur) le puisse jamais, je voulais redire son rang ici : le premier.

Avant d'avoir vu ce pas de deux filmé au Bolchoï, j'étais certain que si -invraisemblable hypothèse- la scène finale avait été au théâtre pareille à celle de la vidéo de répétition du site d'Evguénia (cf plus haut, Sophia), c'est-à-dire sans costumes, sans décors, sans autre musique qu'un piano faisant effet d'un instrument pas très bien accordé, et pour seul accessoire une chaise comme venue de Café Müller (en nombre ici réduit à l'unique, par distillation extrême du désastre sentimental générique à quoi parvient le roman-poème de Pouchkine), j'étais certain que si jamais les entorses aux anecdotes de l'authenticité russe avaient parfois, jusqu'à cet instant, suscité sourires ou rumeurs, ce dénuement soudain et total de la mise en scène, pour peu que l'on y voie Evguénia Obraztsova telle qu'elle est dans la vidéo : sans aucun apprêt mais cependant portant sur elle, outre sa beauté absolue, son art (là nous n'avons d'yeux que pour elle) -et cela dit non par idolâtrie enamourée : par simple traduction de notre ressenti-, cette scène finale ainsi réduite à son essentiel aurait amené ce silence (de nature reconnaissable entre mille !) allant de pair avec les révélations fondamentales : en fait de bonheur nous sommes tous -comme Onéguine- des Balaam qui sur le chemin n'avons pas su voir l'ange -nos yeux enfin descellés, c'est trop tard...
"Ô hommes ! [= Ô mortels !] vous êtes tous semblables à notre grand’mère Ève : ce qui vous est donné ne vous attire pas. Un serpent vous appelle à lui sans relâche à l’arbre mystérieux ; il faut qu’on vous donne le fruit défendu ; sinon, le paradis n’est plus le paradis."
Je me demande toutefois, maintenant, après la représentation sur scène où Evguénia est à des sommets que la préparation ne peut montrer, si la plénitude en affect de cette répétition nue ne venait pas d'un "effet Koulechov"inversé, dont le Mosjoukine (alors non plus réceptacle d'une émotion inférée de l'image antérieure, mais source inconditionnelle de cette émotion) aurait été ici, évidemment, Evguénia Obraztsova, ballerine toujours mais notre sœur humaine tout autant, nous parlant entre les séquences... Sans la moindre recherche de séduction vestimentaire (le blond de ses cheveux ne jouant harmonieusement sur le noir d'une sorte de gilet d'échauffement que par simple hasard) ; sans maquillage dirait-on tellement elle apparaît pâle, fatiguée même ; mais avec une puissance émotionnelle étonnante... Ses yeux immensifiés encore -on ne voit qu'eux !- par le soupçon de fatigue et la pâleur -une émouvante, belle pâleur de lumière cendrée- constamment dans les nôtres : regard direct sans précédent me semble-t-il dans les vidéos du site ; simple comme celui d'une amie de longue date, qui tout en nous expliquant aurait jusqu'à l'air de partager quelque douleur qu'elle connaîtrait de nous.
J'espère -pour conclure ce mot- qu'Evguénia, la ballerine et notre sœur humaine, trouvera un chorégraphe sachant la regarder comme elle nous regarde là.
Quand je veux me figurer la ferveur de l'hommage d'un créateur à une personne à honorer, c'est toujours la même image qui me vient à l'esprit, souvenir d'une lecture ancienne. L'oxymore qui la constitue symbolise la transmutation de la moindre valeur en sublime ; et l'impossibilité de fait annulée par la force du grand art soumis à l'intensité de l'amour. Cette image qui conclut un des récits de Trout Fishing in America (Brautigan) : de vieilles boîtes de fer blanc rouillées, de fleurs fanées, de feuilles mortes, de babioles défraîchies, l'auteur, en hommage à d'humbles oubliés dont la pauvreté le trouble, pour n'avoir de richesse posthume que ces moins que brimborions, fera un cerf-volant montant au-dessus des nuages, jusqu'aux étoiles naissantes.
Chez Evguénia heureusement rien de pareil : de multiples grandeurs. Mais je souhaite que le chorégraphe qui créera une œuvre pour elle recueille, de tous les rôles où elle excelle, ceux le plus près de son être le plus vrai (parmi eux, Tatiana bien sûr) ; de son être aux yeux pour nous à leur périhélie : de lumière la plus grande dans notre ciel mental ; ceux le plus près encore de l'Evguénia au sein de laquelle la petite fille répond à sa maman : nié znayou... ("- Génia, veux-tu être ballerine ?"),
Et qu'il ait à cœur d'en faire lui aussi un cerf-volant atteignant cette élévation d'où l'on voit toujours sur la Terre la nuit noire céder au soleil.



«Кто любит более тебя,
Пусть пишет далее меня»
.
Smile
Pouchkine, Eugène Onéguine

[*Traduction : Tourguéniev, Louis Viardot]

*** *** ***

* Addendum - 1er septembre (c'est la rentrée !)

Il ne sera certainement pas jugé incompréhensible d'avoir désiré mettre en parallèle le ballet (le peu que j'en ai vu par les vidéos) et l'opéra (auquel il a emprunté ne serait-ce que le nom du prince -Grémine-, anonyme chez Pouchkine comme on le sait, à une initiale près : N). En fait : en semblant de parallèle : car non pour comparer ce qui ne peut l'être -art chorégraphique et art musical, talent respectif du chorégraphe et du compositeur- mais par simple curiosité d'avoir sur l'opéra des avis comme on pouvait en lire ici et là sur le ballet.
C'est dire que j'ai banalement feuilleté le n° 43 de l'Avant-Scène Opéra. Lequel, feuilletage fait, ne m'a cette fois encore guère amené plus loin que l'utilité pour quoi il avait été acheté : disposer... du livret, quand la version que j'avais de l'opéra (B. Khaïkhine, 1955) ne le donnait pas. Mais incidemment il m'a procuré la pénible surprise d'y remarquer la même expression (du moins : sa proche parente) que celle dont, par les lignes précédant cette note, je voulais souligner l'inanité. Pareil à la ballerine qui aurait eu tort "de se regarder danser", tel chanteur -en l'occurrence : E. Belov- a eu selon Lischke celui de "s'écouter chanter" (mais probablement pas, je pense, comme les chanteurs corses qui pour ça se mettent la main sur l'oreille sans que personne ne le leur reproche).

Insistons donc. L'expression "s'écouter parler", d'où l'on a dérivé abusivement les deux autres, est -elle- parfois justifiée : elle a une signification propre ne s'épuisant pas dans les termes qualifiant un locuteur dont le discours appellerait une appréciation négative pour ce que les mots ou le ton y seraient intentionnellement choisis par excès, ne seraient pas ceux suffisant à une situation de communication donnée ; par exemple, si le propos est volontairement trop apprêté, trop obscur, trop savant, ou le ton trop emphatique, etc., le parleur sera dit alors "précieux", "hermétique", "pédant", ou "péroreur", etc. Elle est parfois justifiée parce qu'elle désigne en fait la recherche d'un plaisir à parler débordant la volonté de communication, outrepassant la fonction référentielle ou conative (le désir d'informer ou celui d'émouvoir ou de convaincre -fût-ce soi-même !), recherche perceptible non dans les mots (auquel cas ils renverraient à l'une des catégories ci-dessus, ou à d'autres non indiquées) -ni même forcément dans l'élocution- mais dans la manifestation généralement physionomique ou posturale de la vanité. Par contre, la transposition de cette expression au domaine artistique, avec la même intention réprobatrice : "s'écouter chanter", "se regarder danser", etc., facile "finesse" pas fine du tout, n'est justifiée par rien, jamais ! Car si l'artiste recherche effectivement un plaisir narcissique (contrepartie de la souffrance qu'amène tout effort artistique), et s'il peut avoir une trop bonne opinion de soi, il attend le premier -en quelque sorte : par définition- du public et non pas de lui-même comme qui s'écoute parler (lui/elle jamais certain(e) que l'auditoire deviendra "public"...), ou encore du sentiment d'avoir réussi l'exercice de son art, et ne manifeste la seconde -du moins sur scène, pour les arts qui nous occupent ici- que par les modalités de cet exercice et non par des postures extra-artistiques : on imagine mal (mises à part les parodies) une ballerine faisant main sur la hanche un clin d'œil à la salle -"Qu'est-ce que vous dites de ça ?!"- à la fin de la variation d'Odette...

Pénible surprise. Pénible ? Vraiment. Non par l'impropriété manifeste (une de plus une de moins !), mais parce que cette impropriété, évidente si l'on réfléchit quelques secondes au sens de l'expression, dénote une reddition paresseuse -fainéante même- à la facilité : le refus, comme par choix confortable de l'aboulie, de sortir d'une ornière du langage, et de la pensée toute faite. "Sous la plume" d'un(e) anonyme ou de l'un(e) des quelconques rédacteurs(trices) de la presse grand public (dont la médiocrité, le conformisme -quotidien métabolite de la servilité-, l'absence de style ne sont plus à dire), cela ne tire pas à conséquence. Mais sous celle d'un auteur -il s'agit donc d'André Lischke- qu'une relative notoriété (certes due davantage à l'immensité de son travail de compilation qu'à l'acuité de sa réflexion) peut établir en caution, voire en modèle, cette complaisance au sillon tout tracé, à l'ornière, est pernicieuse, comme alibi de paresse intellectuelle, comme facteur de perpétuation d'erreur, ici pour peu de chose, ailleurs pour bien plus -petit creux d'avachie facilité qui finit toujours en ravin du pire.

Pénible, oui. Mais surprise, réellement ? En vérité, non : chez André Lischke la "paresse" de chercher une expression convenable est déterminée par le manque du moindre talent littéraire ! Qui a lu son Tchaikovski (Fayard) a tant et plus de preuves de sa platitude d'écriture (elle-même déterminée sans doute par une faible sensibilité artistique : car il faut n'en avoir guère pour -par exemple- trouver le programme du Reproche, soumis par Mme von Meck au compositeur -simple tact pour une aide financière-, un "effroyable programme" (sic), quand... c'est celui de beaucoup, peut-être de la majorité, des grandes œuvres musicales). (Au fait, devinez sur le haut de quel pavé s'est tenu pour l'été le parasol des lectures ?...)
(Ne commentons pas, puisque c'est ici hors sujet, son manque total de culture en matière de psychologie ! Un sac des truismes les plus convenus pour tout bagage ! Quand on veut gloser sur Tchaikovski, ça tombe mal tout de même... Rude déception ! pour qui penserait tout musicologue égalant en culture freudienne l'un des meilleurs : Dominique Jameux... -lui authentique écrivain, en plus.)
Exemple de ce renoncement à l'effort expressif (entre bien d'autres, cet exemple est choisi peut-être parce que je me reconnais vaguement -quoique partiellement- dans une description physique et me demande si je dois en conclure la même chose...) : voir pages 113-114 de l'ouvrage cité. Évocation de Mme von Meck : " Grande, maigre, osseuse, avec un visage en lame de couteau, elle a bizarrement, jusqu'à la caricature, l'aspect et les expressions typiques d'une vieille fille." Passons sur la banalité conventionnelle des termes descriptifs, qui se suivent l'un l'autre tirés moins par la volonté du rendu exact que par la ficelle inusable du cliché (et peut-être par une très lointaine réminiscence de la cousine Bette) ; mais en quoi une "vieille fille" a-t-elle réellement un aspect et des expressions typiques ? Toutes les "vieilles filles" sont donc maigres, grandes, etc. ? Et inversement ? Suis-je, parce que grand (si aujourd'hui 1,80m suffit à faire "grand", ce qui n'est plus certain), maigre, osseux, et d'expression pas toujours gaie, une vieille fille ? (Question d'autant plus tarabustante que si j'avais souhaité être slaviste -tenant de ses parents la connaissance du russe, Lischke se dit slaviste- j'aurais aimé être non M. André Lischke, mais... Mme Laure Troubetzkoy -qui n'est pas vieille, cependant génériquement fille.) Et qu'est-ce au juste qu'une "vieille fille" en tant qu'entité catégorisable, que prétendue réalité taxinomique ? N'y a-t-il qu'une façon d'être une "vieille fille" ? Etc.
Passée au crible de la finesse lischkienne, à cette grille qui n'a qu'à peine quelques gros trous, la mécène (et avec elle Tchaikovski aussi bien, finalement) en ressort inconnue comme devant. On ne demande pas à Lischke d'approfondir et d'approfondir encore, on ne lui demande pas d'être proustien -non ! ne demandons pas !-, mais enfin tout un chacun peut essayer de battre des ailes... -comme dit l'autre : même les gros dindons peuvent s'envoler un peu, parfois...)

Pour conclure, à la fois en revenant à l'expression désolante objet de cette note (sous la double forme qu'elle a prise) et en la dépassant. Demeurer dans la facilité d'une ornière plutôt que se donner le petit effort de la bonne expression : "afféterie", "maniérisme", "surcharge d'ornementations", "effets faciles", etc., etc., puis celui de la justifier par des exemples pertinents (enfin se contraindre éventuellement à l'effort supplémentaire de prouver, si c'est le cas, que l'excès provient moins d'une interprétation erronée que d'une trop bonne opinion qu'aurait l'artiste de soi-même), et d'une façon générale rester dans toute trace où la plume écrit seule des mots déjà formés, n'est pas seulement une paresse navrante et nocive, mais une attitude moralement regrettable de la part de quiconque se permet de juger un(e) artiste dans l'exercice de son art : en ce que tout benoîtement et les mains croisées sur la panse l'on se refuse pour soi-même ce que l'on exige de lui ou d'elle -ça n'est pas poli !

***
Je terminerai cette addition par une précision à propos d'une remarque qui m'a été adressée (remarque sympathique ; son auteur étant de grande gentillesse et de correction jamais démentie ; celle-ci allant même jusqu'à l'excessive modestisation de soi -se prétendre "béotien", quand on assiste à cent concerts par an ! Laughing- afin que l'interlocuteur ne se ressente pas surplombé de trop d'à-pic...). Je le fais ici, sur cette page maintenant périmée et non ailleurs, parce que pris entre deux obligations de sens inverse (un peu comme ce daimyo que le soupçon d'un guet-apens poussait à paraître les deux sabres au côté pour dissuader tout attentat, mais que la règle de cour obligeait à entrer désarmé au palais impérial, et qui trancha en ne cachant rien des poignées de ses sabres, lesquels, dégainés quand le scandale éclata, se révélèrent... lames de bois, inoffensives) : préciser, puisque je m'y sens obligé, mais ne pas contraindre à lire.
On me fait remarquer, donc, que mes mots, en particulier ceux pour Evguénia Obraztsova (pour lesquels d'ailleurs on me complimente très agréablement) montrent (pas trop j'espère !) l'effort d'une volonté expressive, mais aussi pourraient relever d'un certain plaisir... Or ce plaisir n'est jamais, pour moi, la source d'un message dans Dansomanie ! (Il peut, certes, être quasi concomitant à la rédaction, mais uniquement dans le cas -ici, plutôt rare !- d'une versification-amuserie, où l'on joue avec des contraintes qu'il s'agit de surmonter l'une après l'autre, chaque solution faisant petite joie.)

Jamais à la genèse d'un message, jamais "plaisir d'écrire", ce plaisir est souvent -c'est vrai- à la fin, mais a toujours été précédé, et bien plus durablement, de son contraire !
Quand une personne membre de Dansomanie voit un ballet en payant sa place, une part du prix sert à la rétribution des ballerines, des danseurs ; le dû de son émotion ainsi payé par ce débours, elle peut ici se limiter, pour ce qu'elle penserait être le solde, à dire l'agrément reçu en une seule phrase de gratitude, voire en un ou deux mots seulement ("merveilleux", "extraordinaire", etc.") : nul ne lui en fera grief. (Mais je ne pourrai jamais réprimer l'agacement devant qui pense avoir fait œuvre d'hommage suprême en plaçant le nom d'une ballerine entre deux astérisques, et, d'avoir appuyé deux fois une touche de clavier, donne l'air d'en attendre l'admiration universelle.)
Personnellement, je ne vois plus aucun ballet depuis longtemps déjà, et ne suis pas du tout un "balletomane" de grande expérience. En somme, même pour le peu que j'apparais à Dansomanie, en périodes espacées, j'y suis un imposteur... Pourtant il m'arrive d'avoir des sujets d'admiration que je souhaiterais rétribuer. Ne pouvant le faire par le prix du billet, il me semblerait incorrect, inconvenant, jusqu'à grossier, de ne pas m'imposer un effort pareil -toutes proportions gardées !- à celui de l'artiste. Non l'effort pour l'effort évidemment -ce qui serait simplement une sorte de potlatch un peu primaire-, mais celui qu'il faut pour passer de l'impression à l'exprimé, du perçu à l'expliqué, de l'idée à la phrase. Cela, avec la très petite quantité d'art reçue en partage : ni plus ni moins que celle de chacun.

Car le "peintre du dimanche", tout en sachant fort bien qu'il l'est et que de son pinceau ne viendra jamais qu'une modeste fleur dans son vase, a -s'il est honnête d'esprit, et toutes proportions gardées par ailleurs !- un même degré d'exigence, et de lucidité aussi, que le peintre au talent reconnu : il veut tout simplement que sa fleur "soit réussie", c'est-à-dire conforme sur la toile à l'idée qu'il en avait ; il ne se donne pas moins d'efforts dans ce but (de reprises, de retouches, d'ajouts -et ceux, corollaires, de dissimulation des premiers) qu'un grand peintre : car à quelque échelle que ce soit, la tâche est toujours celle du grand œuvre ; enfin quand il pense qu'elle l'est -réussie- à peu près, à ce moment-là oui -mais à ce moment seulement, autrement dit : à la fin- peut venir le plaisir "de la réussite". Pour autant qu'il ne soit pas révoqué par la conscience trop tardive d'un oubli, d'une maladresse, d'un illogisme, d'une inadéquation non vue d'abord, etc. -par le regret de ne pas s'être assez regardé travailler, alors que l'on ne peut pas multiplier les "éditions"...
Rappelons pour finir que la modeste "fleur dans un vase" évoquée dans ce parallèle est toujours pour moi, à Dansomanie, un hommage-gratitude. Le texte qui précède cet addendum en est un (à Evguénia Obraztsova), principalement sous la forme d'une démonstration. Quand je le rédigeais selon mes moyens, m'efforcer de lui donner valeur probante était la moindre des politesses.
Mon seul plaisir finalement : le sentiment d'avoir eu cette politesse. Cette fois, et d'autres : pour des ballerines le plus souvent, mais aussi pour des "situations" qui m'avaient touché.

Maintenant je crois avoir suffisamment développé.
Aussi, chers compagnons de ce peu de route, brisons là.




Dernière édition par Sarra le Dim Sep 01, 2013 4:31 pm; édité 3 fois
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MikeNeko



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MessagePosté le: Mar Juil 23, 2013 7:56 am    Sujet du message: Répondre en citant

Не за что Wink

C'est toujours un ravissement de vous lire Sarra (et une remontée de fil sur Evgenia n'est jamais malvenue Wink)


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sophia



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MessagePosté le: Mar Juil 23, 2013 8:44 am    Sujet du message: Répondre en citant

Encore un peu d'inspiration... Wink

De nouvelles vidéos d'Onéguine avec Evguénia Obraztsova (Tatiana), David Hallberg (Onéguine) et les jeunes Daria Khokhlova et Ivan Alexeev (Olga et Lensky) sont à retrouver par là.

C'était la dernière de la saison au Bolchoï!


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MikeNeko



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MessagePosté le: Mar Juil 23, 2013 9:50 am    Sujet du message: Répondre en citant

Chouette ! Merci Sophia... il ne me reste plus qu'à espérer que les vidéos survivent jusqu'au retour du bureau...


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sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
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MessagePosté le: Dim Juil 28, 2013 12:29 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Toujours aussi à l'aise devant l'objectif, Evguénia Obraztsova nous présente elle-même quelques extraits de ses prestations dans Onéguine :

http://www.youtube.com/watch?v=THoU0sHZsvU


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