Théâtre des Champs-Elysées 2010-2011

[sophia]

Je connaissais déjà Anna Karénine, passé par Rueil-Malmaison il y a quelques petites années de cela (avec une autre distribution), j'aurais aimé découvrir un autre ouvrage, comme la mythique Giselle rouge ou le plus récent Onegin, mais j'ai eu toutefois beaucoup de plaisir à le revoir, d'autant que le TCE permet cette fois de bien mettre en valeur le ballet et la troupe.

Si l'on se plonge dans le programme (léger) et que l'on voit que la chorégraphie date de 2005, on peut s'étonner du fait que Boris Eifman soit par ailleurs assimilé à l'avant-garde - un qualificatif qu'il s'agit évidemment de replacer dans le contexte soviétique des années 70, non dans une hypothétique histoire de la danse universelle. L'oeuvre respire en effet les influences occidentales néo-classiques - MacMillan, Cranko ou Neumeier, voire Ek?, dans les duos, Béjart dans l'ensemble final -, pour autant, elle parvient à développer un style propre, bien identifiable, mélange de drame dansé, de théâtralité expressionniste et d'acrobatisme un brin soviétique, avec des portés particulièrement spectaculaires. Ces spécificités formelles peuvent du reste finir par irriter tant elles semblent systématiques chez Boris Eifman, tout comme l'alternance mécanique duos / ensembles qui structure le ballet. Pour autant, on est face à une oeuvre extrêmement bien construite, concentrée, presque brève, et qui ne cherche pas à se noyer dans le pittoresque et les mille et un détails d'un roman "hénaurme". Elle nous ramène au traditionnel ballet narratif, mais celui-ci n'est pas non plus envisagé au premier degré, comme une pure illustration d'une oeuvre à péripéties, prétexte à beaux costumes et jolis décors. Point n'est besoin du reste de connaître à fond l'oeuvre de Tolstoï, elle est réduite ici au trio formé par la femme, Anna, le mari, Karénine, et l'amant, Vronsky, mis en scène dans des décors et des costumes d'une esthétique très épurée. Kitti ne fait, me semble-t-il, qu'une brève apparition, Lévine est absent, etc... Même le fils d'Anna, présence discrète dans la version 2007, semble avoir disparu de la version 2010 de la chorégraphie. Eifman traite le roman de manière à la fois naturaliste et symbolique, cherchant surtout à montrer le conflit entre l'individu - les aspirations d'Anna à la liberté et à la passion amoureuse - et une société oppressive, ou tout au moins normative, qu'incarne ici le corps de ballet. C'est lui qui semble guider constamment l'action, notamment dans la deuxième partie, où son emprise se resserre autour d'Anna, provoquant la folie et la mort de l'héroïne. Ce "corps" très abstrait, dont on suit les métamorphoses spectaculaires, s'oppose aux corps très vivants des héros, à la limite parfois de la crise d'épilepsie. On peut parfois trouver cela un brin pompeux et artificiel, mais force est de reconnaître le talent magnifique et très "physique" des danseurs de la troupe d'Eifman (interdit aux "petits" ou aux "charnus" de quelque sorte d'entrer), solistes comme corps de ballet, dont la russité hyperbolique, presque démonstrative (tant l'excès semble ici la norme), se dégage dès le premier regard, en accord avec le patchwork tchaïkovskien (très beau d'ailleurs, avec une bande-son bien pensée et qui ne fait pas souffrir l'oreille) qui accompagne l'action. Cette distribution en particulier montre bien le contraste entre la rigidité conventionnelle de Karénine (Oleg Markov) et la sensualité romantique qu'offre Vronsky (Oleg Gabyshev) à Anna, servie par l'interprétation magnifique et tout en contrastes de Masha Abashova, un physique et un lyrisme assez proches du sublime - et toutes les autres semblent bâties sur le même modèle...

[serge1 paris]

Merci Sophia de rendre son nom à Anna Karénine : sur le site du théatre ce n'est toujours pas Masha Abashova !

C'est bien le moins que l'on puisse faire car elle est vraiment admirable tout comme ses deux partenaires d'ailleurs ....

La résistance physique de ces trois danseurs dépasse l'imagination tellement cette chorégraphie sollicite les corps avec des sauts et des portés qui paraissent d'une difficulté extrême ainsi que pour Anna une présence sur scène quasi permanente !

Peut être que Sophia va nous expliquer Boris Eifman mais en tout cas ses danseurs ne vivent pas sur la même planète que nos danseurs parisiens pour lesquels cette chorégraphie ressemblerait probablement à un catalogue de blessures...

[sophia]

Les qualités physiques et théâtrales sont impressionnantes, l'esthétique qui s'en dégage l'est aussi, mais je me demande quand même quelle est la "durée de vie" professionnelle d'un danseur eifmanien. Boris Eifman n'est pas vraiment réputé épargner les danseurs... On a vu du reste récemment quelques-uns des meilleurs solistes du Ballet Eifman rejoindre le Mariinsky (Youri Smekalov) ou le Mikhaïlovsky (Vera Arbuzova), pour retrouver aussi sans doute un répertoire plus varié, plus "calme" - ou chorégraphiquement moins frénétique!

[serge1 paris]

Sophia, nos messages se sont croisés !

Pour ma part , je découvrais cette chorégraphie.

Il est exact qu'elle a un côté un peu systématique mais je suis tellement admiratif de la performance physique des danseurs que je reste chapeau bas!

[sophia]

Un documentaire passionnant, et en plus illustré par des images des répétitions d'Anna Karénine :

http://www.youtube.com/watch?v=4C0kRbOwjLY

[Aurélie]

Je suis allée voir ce ballet sans trop d'espoir, je ne connaissais pas du tout cette compagnie: belle découverte. les spectacle est passionnant de bout en bout. Je pense que Tchaikovski y est pour beaucoup... Et les danseurs sont stupéfiants!

[sophia]

Toujours dans le cadre de l'année France-Russie, qui s'achève dans quelques jours, le Ballet Eifman se produira à la Maison de la Danse de Lyon du 7 au 12 décembre, avec cette fois Don Quichotte, relecture parodique du classique de Petipa, sur la musique même de Minkus. L'action se passe dans un asile psychiatrique, ça ne vous rappelle rien? On en découvre un petit extrait, étonnant, sur le site de la Maison de la Danse.

[sophia]

A propos, la date du 6 a bien été effacée du site d'Evguénia Obraztsova : http://www.evgeniaobraztsova.com/
J'espère me tromper, mais je crains que l'affiche du gala de demain ne soit plus exactement celle prévue initialement...

[sophia]

J'anticipe sur la suite de la saison danse du TCE, un peu trustée par Andris Liepa, avec Maïa et les Saisons russes du XXIème siècle... Ces dernières reviennent donc en mars-avril à Paris avec un programme composé de Petrouchka, des Sylphides et des Danses polovtsiennes.
Le site de cette 3ème édition est en ligne, avec les distributions détaillées : http://www.lessaisonsrusses.fr/

Distributions pour le moins étonnantes, puisque le rôle de Petrouchka sera interprété par... Maria Alexandrova (je crois avoir lu qu'elle allait le danser ce mois-ci à Moscou dans un spectacle privé).
Dans Les Sylphides, on retrouvera notamment, aux côtés de Nikolaï Tsiskaridze, Svetlana Lunkina, nouvelle, me semble-t-il, sur cette "entreprise à cachetons"...
Mikhaïl Lobukhin sera quant à lui sur les Danses polovtsiennes, aux côtés de Ilze Liepa et Mikhaïl Martinyuk.

[alila]

"WOW!" à été ma réaction à la lecture de

[haydn]

Ce sera quasiment une première. Comme l'a dit Sophia, elle va danser Pétrouchka le 19 décembre prochain lors d'une soirée plus ou moins privée au Kremlin (Medvedev et Poutine auraient-ils un faible pour les ballerines du Bolchoï?!). Figureront aussi au programme de ce spectacle l'Oiseau de feu et le Boléro.

Maria Alexandrova interprétera bien le rôle de Pétrouchka, qui est, en Russie comme en France, normalement dansé par un homme (merci à Manu pour les renseignements )

[haydn]

J'ai supprimé un message qui me paraissait disons un peu "excessif" dans la formulation. Sur le fond, l'auteur regrettait une mise en avant un peu trop voyante des sponsors et organisateurs lors des longs discours de présentation..

[haydn]

Trop de zèle dans ce domaine peut bien sûr être contre-productif. Cela étant dit, lorsqu'il ne s'agit pas de spectacles subventionnés, il faut bien les financer d'une façon ou d'une autre, à moins de vendre les places à un prix totalement prohibitif. C'est un peu comme la pub à la télévision, tout le monde serait content d'en être [réellement] débarrassé, mais s'il faut augmenter la redevance pour compenser les baisses de recettes, on se dit qu'il vaut mieux subir la pub, au bout du compte...

[Kate]

[sophia]

Maria Alexandrova dans tous ses éclats... Répétitions de Petrouchka, sous la direction d'Andris Liepa + un peu de Boléro et de Pavillon d'Armide :

http://www.youtube.com/user/ballet4tube#p/

Au fait, j'espère qu'elle sera à Paris ce soir (le 8, gala France-Russie à Moscou...).