Nouvelles du Ballet de Dresde

[frederic]

Je ne pense pas que le ballet de Dresde apporte quoi que ce soit de vraiment nouveau dans des pièces comme Steptext ou In the MIDDLE, même si je n'ai pas vu l'Opéra de Paris dans cette oeuvre depuis longtemps: c'est très bien exécuté, aux réserves que j'ai apportées sur le pas de 2 final. Ce qui m'apparaît crucial lors de cette soirée, c'est que les personnalités des danseurs éclatent davantage ; c'est moins formaté qu'à l'Opéra de Paris et donc un peu plus libre dans l'interprétation. C'est particulièrement vrai pour NEUE SUITE, puisque c'est une pièce constituée d'une succession de pas de 2: j'aurais aimé la revoir car les couples sont formidables, très bons techniquement et totalement dans le style de Forsythe: c'est tout l'avantage d'une oeuvre qui vient pour ainsi dire d'être créée pour Dresde. C'est, je le répète, la révélation de cette soirée et qui vaut à soi seul de voir ce programme.

[sophia]

Voilà effectivement une compagnie qui, dans le répertoire qu'elle nous propose à l'occasion de cette brève tournée, ne peut laisser indifférent, tant les personnalités qui la composent sont saillantes.

J'avais vu par le passé Steptext avec Vichneva et le Mariinsky, autant dire que là, avec Courtney Richardson et ses acolytes, ce fut un choc culturel! En tout cas, une pièce qui, sans être bouleversante, est agréable pour ouvrir une soirée.

Neue Suite m'a paru très intéressant, avec son côté histoire de la musique et de la danse revisitée par Forsythe. Cette progression permet de donner un certain piment à l'exercice de style autour du pas de deux qui peut rapidement tourner à l'ennui (comme c'est plus ou moins le cas dans Woundwork). Dans ce défilé de couples, il est aussi amusant de deviner par soi-même, sans rien savoir ou presque, qui est qui (Julia Weiss, au placement tellement français, qui évoque irrésistiblement Laurène Lévy, les Russes avec leur superbe coordination des bras...). Les écoles résistent à la chorégraphie et ce n'est pas un problème. Révélation, dans ce qui est aussi pour moi le pas de deux le plus excitant de l'ensemble (New Sleep), de la Merkulova, Anna de son prénom : placement impeccable, précision d'horloger, vitesse hallucinante, humour déluré, tellement engagée dans son affaire qu'elle en a fait une chute dans In the Middle (un garçon a chuté dans Neue Suite).

In the Middle change complètement de personnalité et d'allure selon les compagnies, d'où peut-être l'impression que la chorégraphie est transformée. Je m'abstiendrai néanmoins de faire des comparaisons avec la dernière reprise à l'ONP, qui à mon sens rimait avec ennui, faute notamment de personnalités de premier plan aptes à la faire vivre. Ici, au contraire, on renoue avec l'idée (originelle?) que cette pièce est faite, sinon pour des étoiles ou des solistes au sens administratif, du moins pour de vraies individualités d'aujourd'hui. Bref, la différence (en soi ni un bien ni un mal) devient là une force. Elena Vostrotina, avec son physique hors-normes, dégage quelque chose de fascinant, mais sa danse manque de sensualité à mon goût. Résultat, on passe un peu à côté du frisson qu'est censé procurer le fameux pas de deux, ce serait ma seule réserve. Quant à Jiri Bubenicek, qui fait lui aussi partie du collectif (il danse d'ailleurs en duo avec Julia Weiss), il montre là qu'il est l'un des plus grands danseurs de notre temps, avec une qualité de mouvement et de suspension absolument inouïe.

Compte-rendu plus détaillé à venir...

[frederic]

Je pense même que Forsythe s'est amusé en créant Neue Suite avec les différentes ecoles qui étaient à sa disposition! C'est l'intérêt de compagnies comme celles de Dresde qui accueillent des danseurs venus d'horizons différents. Ce n'est pas gage de réussite, c'est même sans doute compliqué dans un répertoire purement classique mais dans Forsythe, cela fonctionne à merveille.

[sophia]

Ballet de la Semperoper de Dresde
William Forsythe / Festival d'Automne
Steptext – Neue Suite – In the Middle, Somewhat Elevated
Théâtre de la Ville
29 octobre 2014

L'automne parisien sera forsythien ou ne sera pas! Après le Ballet de l'Opéra de Lyon et le Ballet de l'Opéra de Paris (non inscrit au programme du Festival d'Automne, on se demande bien pourquoi), c'est le Ballet de la Semperoper de Dresde qui vient, à son tour, présenter son programme Forsythe. Si la compagnie reste encore peu connue en France, sa présence dans le cadre de cet hommage de plusieurs mois, semble pourtant pleinement justifiée. Dirigée depuis 2006 par Aaron Watkin, qui fut lui-même soliste dans la compagnie de Forsythe à Francfort, elle entretient une relation intime avec l’œuvre du chorégraphe, qui lui a non seulement confié ses plus grandes pièces « classiques », mais a aussi créé pour elle. Le chorégraphe ne cache pas du reste son enthousiasme à l'égard de ses danseurs : « Ils sont formidables, parmi les meilleurs en Europe avec le Ballet de l'Opéra de Lyon. Je mets à part le Kirov... Vous allez voir In the Middle, Somewhat Elevated comme il doit être. Et comme on ne le voit pas forcément. »*

Les quelques paroles délivrées par le maître ont évidemment de quoi aiguiser la curiosité et l'envie, autant que le programme lui-même, en forme de « best of Forsythe ». Et de fait, le Ballet de Dresde, dans le répertoire qu'il nous propose à l'occasion de cette brève tournée, n'aura certainement pas laissé le spectateur parisien indifférent, tant les personnalités qui le composent et s'y trouvent mises à l'honneur apparaissent fortes et saillantes.

Steptext, créé en 1985, est une pièce programmatique, qui constitue une ouverture de soirée judicieuse. La salle est encore éclairée, le public pas complètement installé, un danseur surgit déjà sur la gauche de la scène. Il « s'essaye » alors, dans le silence, comme pour s'échauffer avant le spectacle, à une série de mouvements de bras. Le regarde-t-on vraiment? Y prête-t-on attention? Pas sûr. En tout cas, pas de manière continue. Musique d'un corps au travail et qui se cherche, à laquelle répond le brouhaha du public, la sacralité du spectacle, conçu dans sa forme traditionnelle et frontale, est d'emblée brisée. La rupture, que ce soit avec la linéarité du texte chorégraphique ou avec les conventions de la représentation, est au cœur - le cœur en fait - de toute cette pièce. La scène, incongrue, ressemble à un grenier néo-cubiste, avec son immense tableau blanc rayée de lignes noires - lignes droites et lignes brisées -, dans lequel les danseurs auraient l'air d'improviser à partir du langage académique - avec et contre lui, comme toujours chez le Forsythe de cette période. Les interprètes, une femme en académique rouge sang et trois hommes en noir, arborent cette allure urbaine, blasée et nonchalante, emblématique de tous les ballets de Forsythe. La Chaconne pour violon de Bach les accompagne au fil de micro-séquences, esquisses de phrases chorégraphiques jouant des extrêmes, interrompues brutalement. La musique s'arrête, puis reprend. La lumière s'éteint, puis se rallume. Tout cela est sans doute devenu tellement banal qu'on ne perçoit plus ce que cela a dû représenter au moment de la création. Pour le reste, quand on a vu cette pièce dansée par le seul Ballet du Mariinsky, c'est à une sorte de choc culturel qu'il faut se préparer avec le Ballet de Dresde. On a même l'impression que le chorégraphe s'est amusé exprès à jouer de la différence physique en associant des danseurs très dissemblables - du grand et très athlétique Istvan Simon au plus compact Fabien Voranger -, mais tous très typés à leur manière. Muse de la post-modernité, Courtney Richardson capte tous les regards – parfait cocktail de puissance, de décontraction et d'humour.

Neue Suite a été créé en 2012 spécialement pour les danseurs du Ballet de Dresde et c'est une première en France. La pièce se présente comme une suite de neuf pas de deux, sur des musiques allant de Haendel et Bach à Luciano Berio, Gavin Bryars et Thom Willems. Neue Suite est quelque chose comme une brève histoire de la danse revisitée par Forsythe. L'exercice formel autour du pas de deux, qui peut à la longue s'avérer lassant (comme on a pu le voir récemment avec Woundwork 1), y gagne dès lors un nouvel intérêt. Les différences d'école qui font la compagnie de Dresde, loin d'être dissimulées dans une exécution standard, font également partie du jeu. Sans savoir forcément qui est qui, on s'amuse à les repérer, admirant au passage l'impeccable placement français de Julia Weiss - qui rappelle irrésistiblement Laurène Lévy -, ou la superbe coordination des bras de la Russe Elena Vostrotina. Des dégagés, des bras arrondis qui glissent d'une position à une autre, des révérences au partenaire, la partie Haendel, qui ouvre l'ensemble, paraît renvoyer au ballet de cour, tandis que Slingerland, un pas de deux plus ancien ajouté à Neue Suite, s'affiche ouvertement comme une variation autour du Lac des cygnes. Le duo est du reste magnifié par les lignes infinies de la belle Sangeun Lee, accompagnée par Raphaël Coumes-Marquet, d'une présence magnétique. Le pas de deux le plus enthousiasmant reste toutefois New Sleep, sur du Thom Willems – là encore un ajout d'un morceau antérieur -, comme une introduction à In the Middle. Anna Merkulova, petite blonde – petite bombe? - tonique et sensuelle, d'une insolente vélocité et d'une précision d'horloger, y est une révélation.

In the Middle, Somewhat Elevated est moins une découverte qu'une apothéose obligée – le Boléro de Forsythe en quelque sorte, avec frissons et ovations garanties à la clé. On le sait et on en a fait l'expérience, ce ballet, créé en 1987 à l'Opéra de Paris et dansé désormais partout dans le monde, change complètement de personnalité et d'allure selon les compagnies, au point qu'on peut avoir l'impression, de l'Opéra au Mariinsky en passant par le Ballet de Flandre, que la chorégraphie est transformée (la version de Francfort est toutefois un peu différente de celle de Paris). Avec le Ballet de Dresde, ce n'est pas tant le collectif, qui peut s'avérer parfois un tantinet désuni dans l'énergie déployée, qui explose, comme avec le Ballet de Flandre, que les personnalités qui le composent – toutes remarquables, intéressantes, ...différentes. Elena Vostrotina – cheveux rouges, physique hors-normes et technique diabolique -, a tout pour attirer le regard et fasciner. Sa danse manque toutefois de cette sensualité qui fait le prix du ballet – c'en est presque une caricature du Forsythe ultra-athlétique qui court souvent le monde aujourd'hui - et à vrai dire, on passe un peu à côté du frisson qu'est censé procurer le fameux pas de deux final, créé par Sylvie Guillem et Laurent Hilaire. Nulle réserve en revanche concernant le vétéran Jiří Bubeníček, un concentré rarement vu de perfection forsythienne. Il nous montre là qu'il est bien l'un des plus grands danseurs de notre temps, toutes catégories confondues, avec une qualité de mouvement et de suspension absolument inouïe.


* »William Forsythe mot à mot », entretien avec William Forsythe par Philippe Noisette, mai 2014, publié dans le programme du Festival d'automne à Paris.

[Elaine]

Une soirée qui donne une irrésistible envie de danser lorsqu'on reprend le métro.
Beaucoup de dynamisme et de musicalité chez cette troupe dans un répertoire qui effectivement ne vieillit pas. Dommage que les chorégraphies exceptionnelles ne soient pas forcément mises en valeur par des danseurs pourtant brillants, mais aux physiques si hétéroclites.
Belle découverte que Steptext où dominait Courtney Richardson. Le deuxième morceau, Neue Suite, m'a semblé plus monotone, hormis l'exception constituée par New Sleep qui a réveillé ma rangée en tout cas. Quant à In the middle, ses créateurs restent irremplaçables, malgré toute l'énergie déployée par Elena Vostrotina et ses collègues. Le pas de deux était une réussite technique mais finalement sans âme. Julia Weiss et Raphaël Coumes-Marquet ont dansé avec style.

[haydn]

La critique de Sophia est à présent en ligne sur le site de Dansomanie, avec les illustrations ad-hoc (les photos fournies par le service de presse de la Semperoper ne correspondent malheureusement pas toujours avec les distributions réelles, mais au moins, j'ai pu en avoir une de Julia Weiss!) :




29 octobre 2014 : Soirée Forsythe par le Semperoper Ballett au Théâtre de la Ville (Paris)

L'automne parisien sera forsythien ou ne sera pas! Après le Ballet de l'Opéra de Lyon et le Ballet de l'Opéra de Paris (non inscrit au programme du Festival d'Automne, on se demande bien pourquoi), c'est le Ballet de la Semperoper de Dresde qui vient, à son tour, présenter son programme Forsythe. Si la compagnie reste encore peu connue en France, sa présence dans le cadre de cet hommage de plusieurs mois, semble pourtant pleinement justifiée. Dirigée depuis 2006 par Aaron Watkin, qui fut lui-même soliste dans la compagnie de Forsythe à Francfort, elle entretient une relation intime avec l’œuvre du chorégraphe, qui lui a non seulement confié ses plus grandes pièces «classiques», mais a aussi créé pour elle.

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[sophia]

Des commentaires enthousiastes à retrouver également dans le Financial Times (article apparemment accessible?) et le New York Times.

[sophia]

Aaron Watkin présente la saison 2015-2016 du Ballet de Dresde, qui verra les premières de Manon et de 3 by Ekman.
Confirmation de la tournée de la troupe au TCE dans She was black de Mats Ek.

[sophia]

Melissa Hamilton, du Royal Ballet, rejoint en tant que principale le Ballet de Dresde pour la saison 2015-2016.

http://www.roh.org.uk/news/melissa-hamilton-to-join-semperoper-ballett-dresden-on-leave-of-absence-for-201516-season

[ptite.danseuz]

Manon, La belle au bois dormant, la Bayadère, Casse Noisette... c'est une saison riche en classique qui nous est annoncée!
Je suis aussi très intéressée par "Impressing the czar" également.
Affaire à suivre de près

[haydn]

Eh bien nous attendons vos avis si vous avez la possibilité d'assister aux spectacles

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[haydn]

Et du nouveau en provenance des rives de l'Elbe, avec cette méga-interview de Raphaël Coumes-Marquet, Soliste Principal jusqu'en juillet prochain au Ballet de la Semperoper de Dresde. Raphaël ne quittera pas pour autant la troupe, puisque dès la saison 2015-2016, il y exercera les fonctions de Maître de ballet.

L'entretien a été réalisé, comme pour Aaron Watkin (directeur de la troupe) et Julia Weiss (soliste), par Aurélie Lafaye, elle-même ancienne élève de l'Ecole de danse de l'Opéra de Paris.

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Raphaël Coumes-Marquet - Itinéraire d'un futur Maître de Ballet


Je suis originaire de Besançon. Depuis tout jeune, je baigne dans un monde, sinon de danseurs, du moins de gens attirés par l’art. Par exemple, durant la guerre, mon grand-père jouait en cachette dans un groupe de jazz américain, puis, plus tard, il créa l’école de musique de sa ville. Mes parents, eux, ont toujours voulu que nous ayons des activités extra-scolaires, et c’est comme ça qu’un jour je me suis retrouvé dans un cours de danse. Ça m’a tout de suite plu, et petit à petit, la danse classique est devenue une passion. Un jour, mon professeur de danse a suggéré à mes parents de tenter l’examen de l’École de Danse de l’Opéra de Paris; je l’ai réussi, et c’est comme ça qu’à onze ans j’ai intégré cette prestigieuse institution.

A l’époque, les élèves étaient encore installés à l’Opéra Garnier. C’était fabuleux! Je vivais près de Clichy, dans un appartement partagé avec plusieurs autres de mes camarades. Nous étions tous tellement proches que je ne me suis jamais senti seul ou n’ai souffert d’être loin de ma famille. Le matin, madame Lejeune, notre logeuse, nous préparait à manger, telle une deuxième maman. Puis nous allions à pied à l’Opéra Garnier pour nos cours de danse le matin. Nous y croisions les danseurs de la compagnie, c’était magique!


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[sophia]

Merci à Aurélie pour cette interview passionnante d'un superbe artiste!

[mirage]

Je vous conseille de suivre le Semperoper ballett sur facebook et sur youtube, oú ils sont assez actifs. Les vidéos donnent vraiment envie !!
J'espère avoir l'occasion de voir Impressing the Czar dans les prochains jours, et tenter pourquoi pas un petit compte-rendu... Pas facile, vu la folie que ca a l'air d'être.
Regardez plutôt : http://youtu.be/8sAGsrFRazs

[sophia]

Pour moi, ce fut le "choc" de l'année 2011 (vu à l'époque avec le Ballet de Flandre > compte-rendu). Ne le ratez surtout pas!