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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22085
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Posté le: Jeu Oct 08, 2009 12:15 pm Sujet du message: |
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La séquence "Lehmann Brothers", j'attends avec impatience le DVD pour me la repasser en boucle quand je déprime... (et aussi quelques sorties de Brigitte en grand manitou débonnaire - conforme à son image publique hyper-contrôlée...)
Plus sérieusement, je trouve que le réalisateur a réussi à capturer là, dans sa manière très particulière de filmer les regards et les visages durant cette "négociation", tout le poids des conventions sociales, la retenue, les masques, les non-dits... Sur un plan cinématographique, c'est vraiment du grand art, une démonstration en acte de la rhétorique qui se moque de la rhétorique (et c'est moins pénible que de lire du Bourdieu)...
Plus généralement, le film distille constamment un certain humour, mais cet humour n'est jamais exposé ni imposé comme tel au spectateur, il naît de la distance amusée de ce faux Candide plongé dans les arcanes d'une institution relevant à bien des égards de l'étrangeté, et pas seulement aux yeux d'un réalisateur américain. Celui-ci au demeurant n'est pas un "innocent": il connaît non seulement le monde du ballet (il a signé un documentaire du même type sur l'ABT), mais aussi la France et ses institutions (il a réalisé un documentaire sur la Comédie Française). Si aucune séquence n'est en soi comique, presque toutes peuvent se lire aussi avec cette vision distancée et ironique, seul vecteur possible de la connaissance du lieu et des êtres qui le constituent. C'est cette polysémie interprétative qui fait justement la richesse du film et tranche avec le littéralisme adopté d'ordinaire dans les films de danse.
Par rapport aux remarques de Haydn, je ne suis pas d'accord lorsqu'il reproche notamment à Wiseman d'avoir filmé (ou du moins gardé au montage) Casse-noisette avec Pujol/Le Riche, une distribution qui ne s'est en réalité pas produite devant le public. C'est d'ailleurs un peu faux, puisqu'ils ont dansé la générale, qui est un moment comme un autre de la vie de la compagnie. Par ailleurs, ce film ne se veut en aucune manière une rétrospective objective (si tant est qu'un film puisse l'être une seule seconde, c'est bien entendu une illusion) de la saison 2007/2008, destinée à graver cette période dans le marbre pour l'avenir ou encore à rappeler quelques souvenirs du passé au spectateur ou au fan de base... Etant donné le parti-pris dépassionné adopté par le film, une nomination d'étoile, l'événement le plus politique qui soit, aurait été bien entendu hors-sujet... Le film désoriente, détonne dans le paysage du film de danse, peut-être même insupporte, car il n'est ni un panégyrique ni un pamphlet... Et ce, à aucun moment. Il ne cherche ni à mettre des paillettes sur la réalité Opéra (d'où le côté naturaliste de la réalisation vs. les films de danse qui "font rêver") ni à en faire le procès (dans ce petit monde, il n'y a pas les "sympas" ou les "pas sympas", les "forts" ou les "faibles", c'est simplement une certaine humanité en acte), et c'est en cela qu'il se situe au-dessus, ou en-deçà, des problématiques balletomaniaques habituelles et parvient à renouveler notre vision de la danse, biaisée par les passions inhérentes à cet art, et de l'Opéra, réalité propice à tous les lieux communs.
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maraou
Inscrit le: 08 Oct 2009 Messages: 59
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Posté le: Ven Oct 09, 2009 2:57 pm Sujet du message: |
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J'ai eu l'occasion de voir ce film dès sa sortie, le 7 octobre. C'était très agréable, j'étais dans une toute petite salle à Lille et nous étions 4 personnes ! Je me suis sentie tout proche des étoiles.
Je vous livre ici quelques impressions sur ce visionnage :
- Le film est long et pas très grand public. Cela me convenait personnellement mais je vous déconseille de vous laisser accompagner par une personne qui ne s'intéresse que modérement à la danse ou par un enfant. Ils risquent de s'ennuyer fortement.
- Les scènes de danse ne sont pas si nombreuses au regard des scènes d'administration et les passages sélectionnés sont essentiellement contemporains (ce qui contribue aussi à appuyer ma première remarque). En cela, l'affiche n'est pas du tout représentative.
- Les critiques ont trouvé ce film complaisant, ce n'est absolument pas mon avis. Les artistes et personnels sont présentés sobrement, sans parti pris criard. Il y a une part de démystification.
-Il n'est pas question dans ce reportage de l'Ecole de Danse (j'aurais aimé en savoir plus). On ne mentionne ni les enfants ni Mme Platel.
- Les images sont crues ce qui à mon sens rend l'opéra encore plus poétique : les couloirs étroits et beige façon Sécurité Sociale, le grand escalier sous un angle moins tape-à-l'oeil, et ces magnifiques plans au sous-sol ...
- J'ai apprécié l'absence de commentaires, le film sera ainsi plus agréable à revisionner de nombreuses fois.
- Quel bonheur de ne pas entendre les convenus "rêves", "plus beau métier du monde", "amour de l'art", etc. ! Le personnel, concentré fait son travail avec une précision d'orfèvre mais sans laisser transparaitre un côté "illuminé", sa tâche est dure, physique, éprouvante. Ca ne doit pas être gai tous les jours, comme dans tous les boulots en somme.
- On voit beaucoup Mlles Gillot, Letestu, Cozette. La première est éblouissante, astrale ; la seconde un peu plus lointaine; la troisième concentrée et ouverte à l'apprentissage.
- Mme Lefevre ne m'apparait pas du tout "grand manitou débonnaire" comme on pu le dire certains. Je ne suis pas influencée par ce qui se dit sur les forums à son sujet car n'étant dans le secret des dieux les opinions à son sujet me font figure de rumeurs. Partant d'une position neutre à son égard, j'arrive à la fin du film à la considérer comme une chef d'entreprise qui doit gérer beaucoup de paramètres. Ses responsabilités semblent immenses. Dans tout travail de ce genre on déplait à beaucoup de monde.
- Un petit regret, on ne voit pas suffisamment de classes collectives de répétition. J'aurais aimé en voir plus sur les pointes et les pieds des danseuses. (cf affiche)
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dusuau
Inscrit le: 30 Mar 2007 Messages: 325 Localisation: Paris
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Posté le: Ven Oct 09, 2009 3:13 pm Sujet du message: |
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maraou a écrit: |
Le personnel, concentré fait son travail avec une précision d'orfèvre mais sans laisser transparaitre un côté "illuminé", sa tâche est dure, physique, éprouvante. Ca ne doit pas être gai tous les jours, comme dans tous les boulots en somme. |
"L'homme n'est pas fait pour travailler, la preuve, ça le fatigue."
_________________ "Quand un cachalot vient de tribord, il est prioritaire. Quand il vient de bâbord aussi. "
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maraxan
Inscrit le: 24 Nov 2006 Messages: 600
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Posté le: Ven Oct 09, 2009 3:46 pm Sujet du message: |
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sophia a écrit: |
(et c'est moins pénible que de lire du Bourdieu)...
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Pour moi, lire Bourdieu (et comprendre) est excessivement exaltant et souvent jouissif, et même parfois drôle, jamais pénible...
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26499
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Posté le: Ven Oct 09, 2009 5:31 pm Sujet du message: |
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Bienvenue Maraou.
En effet, l'affiche du film est un peu trompeuse, car comme dit, Frederick Wiseman semble beaucoup plus intéressé - et inspiré, la qualité des images en témoigne - par la danse contemporaine que par le ballet classique.
Personnellement, la quasi-absence de plans tournés durant des cours, au sens strict, ne m'a pas gêné, dans la mesure où c'est précisément ce qu'on voit d'ordinaire le plus dans les films documentaires consacrés à la danse. Frederick Wiseman a plutôt mis l'accent sur l'apprentissage des rôles, la "fabrication" d'un spectacle et ses à-côtés (les obligations administratives et mondaines des personnels du Ballet de l'Opéra de Paris).
Une personne ici avait, me semble-t-il, demandé si le film était visible dans une salle de cinéma lilloise, et je n'avais pas pu lui répondre correctement. Auriez-vous la gentillesse, Maraou, de nous indiquer dans quel cinéma les balletomanes de Lille et de sa région peuvent voir le film?
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âme danSante
Inscrit le: 21 Fév 2008 Messages: 76
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22085
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Posté le: Ven Oct 09, 2009 10:33 pm Sujet du message: |
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Vous pouvez réécouter sur le site de France Musique l'émission de Lionel Esparza qui recevait lundi dernier Brigitte Lefèvre et Frederick Wiseman à propos du film de ce dernier:
Le Magazine de Lionel Esparza
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Kenzo
Inscrit le: 01 Déc 2007 Messages: 4 Localisation: Montpellier
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Posté le: Ven Oct 09, 2009 10:46 pm Sujet du message: |
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Bonjour,
Je suis allée voir le film aujourd'hui à Montpellier.
La danse ne doit pas être vraiment bien acceptée puisque nous étions dans une salle minuscule (presque aussi petite petite qu'une loge d'opéra c'est dire...), bref passons.
Le film démarre et je suis au départ très enthousiaste.
Beaucoup de passages de ballets contemporains, mais aussi purement classiques, Paquita et Casse-noisette : j'ai vraiment adoré.
Les passages avec les étoiles comme Laëtita Pujol, Agnès Letestu, José Martinez entre autres sont agréables.
Les "prises de bec" entre Pierre Lacotte et Ghislaine Thesmar sont très amusantes.
Ce qui m'a énormément manquée, ce sont les noms inscrits en dessous des personnes qui sont filmées... même si on connaît bon nombre de ces danseurs, ce n'est pas évident.
Par ailleurs, j'ai l'impression que ce "film" n'est pas un film mais plutôt un "coup de projecteur sur". il n'a rien d'un documentaire puisque pas d'interview..., et rien d'un film non plus.
J'ai été ravie de voir ce film car il y en a vraiment très peu sur la danse, cependant un peu déçue par certaines longueurs et surtout par le manque d'un petit quelque chose qui ferait que ce film serait pour moi à la hauteur de mes attentes.
Bref, je recommande ce film à des personnes pas franchement pressées (c'est assez long) mais passionnées comme moi et qui redemandent toutefois des films tels que "La Danse"
Bien à vous...
_________________ "on vit tant qu'on danse, on vit parce qu'on danse" Noureev
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petitflo
Inscrit le: 30 Sep 2009 Messages: 33
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Posté le: Sam Oct 10, 2009 12:47 am Sujet du message: |
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Je suis absolument ravi de constater que je ne suis pas le seul à être gêné par les journalistes évoquant un documentaire complaisant, ou pire, un film de commande (cela ne concerne cependant qu'une petite partie des critiques, dont celle du Monde qui titrait ""La Danse" : portrait officiel de l'Opéra de Paris"). Je me dis, gentil que je suis, que par une forme de déformation professionnelle, ces critiques peuvent être justement désarconnés par le refus du réalisateur de faire apparaître des sujets à polémiques, ou ne serait-ce qu'une explication, un discours, autour des choses qu'il montre (= le boulot d'un critique ! ) Une autre méthodologie, stricte, et la rigueur qui s'ensuit, pour mister Wiseman !
En réponse à des remarques de maraou et haydn, je trouve également que le film a un côté "élitiste" et expose beaucoup les étoiles. Aucune image de l'école de danse, c'est vrai, pourtant Frederick Wisemann y est passé ! Il faut là, je crois, bien comprendre qu'il n'était pas jouable, techniquement, de "tout dire"et "tout montrer" du Ballet de l'Opéra... En particulier, il est très difficile de capter sur une pellicule l'histoire d'un groupe, de suivre et de raconter avec justesse le parcours d'un petit nombre. D'où (c'est mon interprétation du moins!) ce choix. Pareillement pour l'absence d'évocation des grêves en hiver 2007/08 : les aborder aurait peut-être perturbé la trame du film, plus que cela ne l'aurait enrichie..
Je suis très curieux de connaître la réaction des non-balletomanes (chacun ses défauts ) devant ce film. Je ne suis pas sûr du tout que l'absence de repères (légendes, noms, etc etc etc) soit davantage pour eux un élément d'inconfort, dans la mesure où ces noms resteraient silencieux dans leurs imaginaires... Et puis, au bout de 2h40, on comprend tout de même bien que cette femme sûre d'elle aux cheveux courts, c'est la directrice de la maison ! A voir, à voir...
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22085
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Posté le: Sam Oct 10, 2009 9:25 am Sujet du message: |
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Le côté volontairement totalisant du film ainsi que sa durée inhabituelle (2h40) nous rendent sans doute plus enclins à voir des manques ou des oublis... Mais là, nous projetons en quelque sorte notre propre subjectivité sur un film qui se veut au contraire dépassionné, au moins à la manière d'un idéal esthétique qu'on cherche à atteindre.
Le montage (le réalisateur dit quelque part avoir tourné près de 140h de film!) traduit des choix nécessaires et subjectifs (mais qui peut dire qu'il préfère le contemporain au classique? Qu'il le filme mieux peut-être, néanmoins, ce qu'on voit à l'écran est surtout le reflet partiel d'une saison où l'on retrouvait beaucoup de chorégraphes modernes), mais je trouve finalement l'ensemble cohérent, même si un tel projet ne peut rester au fond qu'un "essai", au vieux sens du mot. Sans doute voit-on un peu plus certaines étoiles que d'autres (Gillot, Letestu, Cozette, Pujol), mais c'est aussi lié au répertoire filmé et il n'y a pas non plus d'effet de surexposition (à part B.L., mais là, on parle quasiment du Minotaure régnant sur son Labyrinthe). Ce que j'aime beaucoup dans ce film, plus encore que l'absence de commentaires et d'interviews (un aspect qui a été dit et répété dans la presse), c'est le refus de la démonstration qui nous laisse justement une grande liberté d'interprétation (que pense-t-il au fond ce Wiseman de B.L., de tel ou tel danseur, de tel ou tel ballet?... S'amuse-t-il parfois de ce monde étrange? A-t-il d'ailleurs forcément un avis circonstancié sur chaque chose, chaque être, ou fait-il simplement son travail? etc... L'ambiguïté et le mystère demeurent...).
L'Ecole de danse, j'avoue que je n'y avais pas pensé. Même s'il y a quelques scènes tournées à Bastille: le dîner avec Gergiev (nommé mais invisible...) et Sasha Waltz, Casse-noisette et Roméo et Juliette (sauf qu'on peut tout à fait ignorer que cela se passe à Bastille), le film me paraît d'abord être attaché à un lieu symbolique - le Palais Garnier - image de l'institution Opéra. Il y a là comme une évidence, et l'accumulation de plans de couloirs (style Sécurité Sociale, en effet), escaliers, cantine, sous-sol (démythifié lui aussi) le montre bien. L'école est loin à vrai dire... Il n'empêche que ça pourrait être très intéressant de voir le regard peu classique de Wiseman sur les petits rats.
A part ça, je me suis retrouvée avec bonheur dans pas mal de remarques de Maraou, et notamment celle-ci: "Quel bonheur de ne pas entendre les convenus "rêves", "plus beau métier du monde", "amour de l'art", etc. ! Le personnel, concentré fait son travail avec une précision d'orfèvre mais sans laisser transparaitre un côté "illuminé", sa tâche est dure, physique, éprouvante. Ca ne doit pas être gai tous les jours, comme dans tous les boulots en somme." J'ajouterais qu'il n'y a pas non plus le mot "étoile" dans le titre, et ça aussi c'est un grand progrès...
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dumbo
Inscrit le: 14 Avr 2006 Messages: 122
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Posté le: Sam Oct 10, 2009 10:11 am Sujet du message: |
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sophia a écrit: |
sous-sol démythifié lui aussi |
Démythifié, vraiment? Au contraire, j'avais fini par croire que ce "lac" souterrain par lequel Bourvil et de Funès s'enfuient de l'Opéra dans La grande Vadrouille n'existait pas. Si ce documentaire nous apprend quelque chose, c'est bien ça!
Plaisanterie mise à part, je n'ai pas réussi à identifier la pièce contemporaine sur une oeuvre de Bach qu'on voit répétée au début du film par un groupe de danseurs. Il me semble qu'elle n'apparaît pas au générique, quelqu'un a-t-il un indice?
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26499
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Posté le: Sam Oct 10, 2009 10:43 am Sujet du message: |
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Le "lac" sous l'opéra n'a jamais existé, c'est une invention pure et simple de Gaston Leroux, l'auteur du célèbre Fantôme de l'Opéra. Il ne s'agit que d'une simple cuve en maçonnerie de quelques mètres de profondeur, qui, une fois remplie d'eau, permet d'équilibrer la masse du bâtiment, construit sur un terrain instable et marécageux.
Si une bonne partie de la Grande vadrouille a effectivement été tournée au Palais Garnier (c'est d'ailleurs réellement l'orchestre de l'Opéra qui joue la Damnation de Faust sous la direction pour le moins hystérique de Louis de Funès), les scènes "du lac" ont, elles, été captées pour partie en studio, et pour partie dans les égouts de Paris, à côté du Pont de l'Alma...
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maraou
Inscrit le: 08 Oct 2009 Messages: 59
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22085
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Fanchon
Inscrit le: 03 Mar 2006 Messages: 378 Localisation: liege
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Posté le: Dim Oct 11, 2009 3:02 pm Sujet du message: |
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bonjour,je suis sur le point de me perdre dans la toile pour trouver des seances en belgique...rien! alors si quelqu'un a vu ce film dans le plat pays,merci de le signaler...
_________________ Fanchon
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