La Danse, Le Ballet de l'Opéra de Paris (F. Wiseman)

[sophia]

Encore toute une série de critiques, souvent critiques, sur le film de Wiseman (normal, le film sort aujourd'hui):
- L'article de France-Soir reproche notamment au film son absence de point de vue et sa vision (paradoxale!) exclusivement idyllique de l'Opéra:
Opéra de Paris - Une infiltration sans point de vue, par Lisa Gougué
- La critique d'Il était une fois le cinéma, la plus intéressante, reprend le qualificatif de "film institutionnel", qui "[laisse] la parole uniquement aux têtes pensantes" et où les danseurs sont "finalement réduits au rôle de marionnettes exécutrices":
La Danse, le ballet de l'Opéra de Paris, par Caroline Santoyo
- Sud-Ouest est en revanche littéralement émerveillé - jusqu'à la nausée (émerveillé par l'Opéra - vu de loin - ou par le film?):
L'Opéra ou la vie intime d'un ballet unique, par S.A. (?)
- Quant au Figaro, il ne se mouille pas vraiment sur l'affaire ("Cet aspect décousu, ces longueurs, ces sempiternels levers de soleil sur le Palais Garnier peuvent agacer ou bien séduire"), sinon pour nous assener de manière aussi péremptoire qu'arrogante que l'Opéra de Paris est "officiellement (sic) la meilleure compagnie du monde":
Le Ballet de l'Opéra de Paris pas à pas, par Ariane Bavelier
- A noter également, une interview du réalisateur par Marie-Christine Vernay dans Libération, mais non accessible en ligne, de même que l'article du JDD (pas très positif non plus, me semble-t-il).

Pour les séances à Paris: http://www.lefigaro.fr/cinema/2009/10/07/03002-20091007ARTFIG00015-la-danse-.php

[Malixia]

Avec 13 copies, La Danse, le Ballet de l'Opéra de Paris fait pâle figure à côté des 408 distributions de Fame, le remake

Voici la liste des villes et cinémas qui le diffusent :

Bordeaux - Utopia Saint Siméon
Hérouville Saint Clair - Le Café des images
Lyon - Cinéma Comoedia
Montpellier - Diagonal-Capitole
Rennes - Ciné TNB
Ris-Orangis - Les Cinoches
Toulouse - Utopia

Paris 3° - MK2 Beaubourg
Paris 6° - L'Arlequin
Paris 8° - Elysées Lincoln
Paris 9° - Les Cinq Caumartin
Paris 19° - MK2 Quai-de-Seine

[maximilien]

Enfin un bon article! C'est dans Télérama de ce mercredi.

[Malixia]

Effectivement, je l'ai lu aussi et l'ai trouvé plus qu'honnête.

Voici le lien.

[pedro]

C'est signé Samuel Douhaire et intitulé: "Dans les pas des petits rats"
"Il rend un hommage émouvant à la beauté éphémère de la danse, à la quète impossible de la perfection...."

[sophia]

Les Inrocks ont aimé aussi...
http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/t/1254499200/article/la-danse/

Et cinq lignes expédiées et expéditives dans L'Express qui le note "passable"...

[sophia]

Interview de Fred Wiseman par Ariane Bavelier dans Le Figaro d'aujourd'hui: «Transmettre la beauté» (7/10/09)

Prochain film... le Crazy Horse!

[haydn]

Autre article plutôt positif, celui de Jean-Baptiste Morain, dans les Inrocks :

[sophia]

Je venais de le poster, Haydn!

[Kate]

Un autre article positif sur le site de Resmusica.

[haydn]

Je reviendrai bientôt sur ce film que j'ai enfin vu également...

Une petite private joke quelques minutes avant la fin : sur les portants où sont disposés les costumes de Paquita prêts à être distribués aux danseurs, l'une des étiquettes portant le nom du / de la destinataire a été malicieusement trafiquée, et avec un peu d'attention, on arrive à lire ... "Lefèvre"...

Ces jeunes, plus aucun respect, on vous le dit!

[Ingrid]

Un article dans Les Echos de ce jour : www.lesechos.fr/info/loisirs/020162405872-choregraphie-francaise.htm

[sophia]

Je viens de voir ce film et j'en ressors non pas éblouie - car ce n'est absolument pas le terme adéquat ici - mais extrêmement impressionnée par la qualité de la réalisation ainsi que par son contenu en termes de réflexion portée sur un art résolument indissociable d'une institution, et la manière de le dire, de l'écrire, de le filmer... Pour l'instant, encore toute "ébouriffée" par ce documentaire très riche et qui ouvre à diverses interprétations, je dirais simplement (et platement) que le film de Frederick Wiseman offre un regard complètement renouvelé et inédit sur la danse - loin des parti-pris exclusivement fascinés (ou fascinés ou premier degré, avec leur lot de perversion ou de travestissement plus ou moins conscients de la réalité) qui caractérisent la plupart des films de danse, oeuvres de "spécialistes" amoureux, que nous connaissons bien - tout en donnant à discuter et à penser, au point qu'il me faudra sans doute un peu de temps pour mettre toutes mes idées disparates en place et livrer un compte-rendu nécessaire qui rende justice à ce très grand film.

Le réalisateur refuse délibérément la magie et l'illusion - tout ce qui fait palpiter le coeur de l'amateur ordinaire - et il y a fort à parier que nombre de balletomanes et de "fans" ne s'y retrouveront pas pour cette raison qu'il se situe délibérément par-delà les problématiques habituelles, esthétisante (la beauté des corps en mouvement) ou idéologique (le "star-system"), sans pour autant les ignorer au fil des séquences. Emanuel Gat pourrait à cet égard être la métaphore du néophyte un peu perdu et Brigitte Lefèvre le guide initiatique de cette "relation de voyage" au coeur d'un monde, un guide plus vrai que nature dans cette mise en scène perpétuelle d'elle-même que dessine en creux le film. Pas d'étoiles à la une qui brilleraient de mille feux, au-dessus de la pauvre et laide humanité, juste des danseurs au travail - tous membre d'une même troupe et d'une même institution dépeinte de manière quasi-naturaliste et dans ses diverses facettes, ni belles ni laides, simplement vivantes - et au service d'un art rude et exigeant où l'extraordinaire naît paradoxalement de l'ordinaire perpétuellement contraint. Cet aspect non pas neutre ni objectif (l'illusion ultime), mais véritablement dépassionné (le film essaime tout de même quelques clins d'oeil engagés ici ou là... ah! les fringants mécènes de chez Lehmann Brothers... une séquence à mourir de rire...), représente à vrai dire un grand bol d'air frais dans l'évocation d'un milieu clos, à bien des égards étouffant, et qu'on pourrait croire réservé à une seule caste de "connaisseurs".

La danse est donc ici montrée, non sans humour parfois, dans sa quotidienneté et son caractère hautement initiatique (ah! ces dialogues cryptiques entre Thesmar et Lacotte...), mais aussi dans sa paradoxale banalité et son ennui diffus (qui a envie d'être danseur après ça, sinon celui pour qui c'est une fatalité ?... Point de rêve ni d'artifice ici). Un ennui que le film distille du reste (certains spectateurs ont quitté la salle durant la projection) - pourquoi se le cacher, mais pourquoi s'en offusquer pour autant (il appartient au propos, me semble-t-il, tout comme le montage, savant, reflète l'inlassable répétition qui fait l'essence même de la vie du danseur) ?...

Que dire sinon que les scènes de danse et de spectacle sont admirablement filmées - je pense notamment à Genus et au Songe de Médée, Paquita est en revanche plus décevant - avec un grain et un angle de vue tout à fait inhabituels qui rendent aux visages toute cette richesse et cette expressivité que l'on perd parfois dans la salle. C'est aussi cela l'apport du langage cinématographique, dès lors qu'un maître en la matière se trouve derrière la caméra...

On ne peut sans doute pas ignorer les a priori négatifs qui entourent/entouraient ce documentaire (une bande-annonce "au pays des merveilles" qui n'en reflète pas du tout le contenu, un titre d'une platitude à pleurer et pourtant justifié après-coup, un refus délibéré de "nommer" comme pour échapper au didactisme, une publicité sur le site même de l'Opéra pouvant laisser craindre le film de commande et/ou de propagande en contradiction avec la "neutralité" affichée de longue date par l'auteur, aspect largement exploité par les critiques du film, en grande partie négatives), mais c'est seulement en le voyant, débarrassé des préjugés et des polémiques plus ou moins justifiées, qu'on parvient à saisir toute la cohérence du propos de Wiseman (jusqu'à ses plans répétés et apparemment inutiles), en forme de radioscopie engagée d'une institution et d'hommage paradoxal à un art et à ceux qui le font.

[Bernard45]

Un article paru dans l'Huma de mercredi et signé Muriel Steinmetz :
http://www.humanite.fr/2009-10-07_Cultures_Un-Americain-a-Paris-qui-va-a-l-Opera

[haydn]

Quelques mots, comme promis, sur le film de Fredecick Wiseman, que j'ai découvert hier seulement, dans des conditions pas tout à fait optimales, car le projecteur de la salle de cinéma où je m'étais rendu était manifestement mal réglé, ce qui rendait l'image légèrement floue, et donc le visionnage (2h45 tout de même) relativement fatigant.

Le film alterne le bon et le moins bon, mais n'est certainement pas aussi complaisant que certaines critiques auraient pu le suggérer.

Le principal reproche que l'on pourrait adresser à l’ouvrage, c'est son caractère (involontairement?) "élitiste". Si l'absence de tout commentaire est un parti pris qui peut se défendre (le silence est certainement préférable à la logorrhée niaise et convenue qui accompagne généralement les films documentaires produits pour la télévision), on regrette tout de même qu’aucun sous-titre ne vienne préciser les chorégraphies montrées à l’écran, et éventuellement l’identité ou du moins la fonction des artistes, des personnels techniques et administratifs montrés à l’écran. Si Brigitte Lefèvre est certainement connue de la plupart des balletomanes, il en va peut-être autrement d’Olivier Aldeano (administrateur de la compagnie), ou de Renaud Fauviau, le régisseur. De fait, on a l’impression que le réalisateur s’adresse non pas au plus grand nombre, mais à une petite catégorie d’ «initiés» qui connaissent parfaitement tous les rouages du ballet de l’Opéra de Paris, et qui sont heureux de retrouver à l’écran leurs collègues ou amis.

Le film de Frederik Wiseman, tourné durant la saison 2007-2008, fait aussi (de manière délibérée?) quelques impasses. Le réalisateur américain veut nous montrer la vie quotidienne au théâtre, et s’attache à suivre toutes les catégories de personnel, de la femme de ménage à la Directrice de la danse, en passant par le cuisinier de la cantine, le gardien de loge, les teinturières, les couturières ; en revanche, machinistes ou éclairagistes font un peu figure d’oubliés.

Par ailleurs, en novembre et décembre 2007, les spectacles de l’Opéra de Paris avaient été sérieusement perturbés par des mouvements sociaux, qui, dans le film, ne sont évoqués que de manière anecdotique. C’est quelque peu dérangeant en ce qui concerne Casse-noisette, dont on nous laisse croire qu’il fut représenté normalement alors qu’il s’agit d’images tournées lors de la générale (la Première ainsi que plusieurs autres représentations furent annulées, et la distribution Pujol – Le Riche, montrée à l’écran, ne s’est en fait jamais produite devant le public). Certains regretteront sans doute aussi que la nomination de Dorothée Gilbert en tant qu’Etoile soit passée sous silence, mais là, la position du réalisateur est plus défendable dans la mesure où il veut nous montrer les artistes de la compagnie sans aucune considération de hiérarchie, et sans mettre une personnalité particulière en avant.

Enfin, il est manifeste que Frederick Wiseman est plus à son affaire lorsqu’il s’agit d’ouvrages contemporains ; le «tutu-pointes» ne paraît pas être sa tasse de thé. Ainsi, Genus (Wayne McGregor) et surtout Le Songe de Médée sont-ils magnifiquement filmées - au point qu’on en vient à regretter que ce ne soit pas M. Wiseman qui ait réalisé la captation intégrale du ballet d’Angelin Preljocaj -, alors que les images de Paquita (avec Dorothée Gilbert et Manuel Legris dans les rôles principaux) sont, elles, d’une décevante platitude. La qualité de l’enregistrement sonore est ici également sujette à caution, avec un pleurage important, qui dénature le timbre de l’orchestre.

En revanche, on prendra plaisir à suivre les séances de répétition, le travail des maîtres de ballet (avec un Laurent Hilaire particulièrement intéressant et expressif lorsqu’il enseigne à Emilie Cozette le rôle de Médée). Les images sont belles, sobres, et tout en révélant les coulisses du spectacle, ne tombent jamais dans un voyeurisme qui violerait l’intimité des danseurs. On saura gré à Frederick Wiseman d’avoir soigneusement évité le ton racoleur et boursouflé qui caractérise malheureusement une grande partie de la production audiovisuelle actuelle.

Si, comme mentionné plus haut, le côté trop «lisse» du film de Frederick Wiseman peut parfois prêter à discussion, le documentaire n’en fait pas moins preuve d’une discrète impertinence. La séance de négociation entre les représentants des American Friends of the Paris Opera Ballet et la Direction de la danse est un petit morceau d’anthologie. M. Wiseman montre avec insistance – on frise le comique de répétition – les mécènes américains réclamant divers avantages pour les «adhérents qui payent 25000 dollars au minimum», et qui, pour finir, plaident la cause des généreux donateurs de Lehman Brothers. Frederick Wiseman, lorsqu’il a procédé à la sélection et au montage des rushes, ne pouvait ignorer la faillite retentissante de la banque américaine, survenue en septembre 2008, suite à des opérations financières hasardeuses, et la résonance curieuse que prendrait inévitablement cette scène…