Anne Teresa de Keersmaeker au Théâtre de la Ville (Paris)

[haydn]

Anne Teresa de Keersmaeker, qui va quitter la Monnaie de Bruxelles à la fin de la saison, revient au Théâtre de la Ville, à Paris, avec deux créations et quelques reprises, ainsi que le signale le Figaro :

[haydn]

Le Monde publie un commentaire-interview, en écho à la venue d'Anne-Teresa de Keersmaeker :

[haydn]

Après l'interview, la brosse à reluire, avec une critique élogieuse de Rosita Boisseau, dans Le Monde, toujours :

[laurence]

Anne Teresa de Keersmaker 2e programme dommage j'ai raté le premier qui parait il était" transportant"Le deuxième lui me laisse de glace: les jeunes filles en brodequins noirs et en culottes "petit bateau"dans une "ronde de nuit"
La séduction perverse du couvent des oiseaux prend un coté "champ de bataille"en répétition...
La "Grande fugue" montre de trés beaux enchainés ds l'espace les mouvements sont simples d'une belle énergie mais un peu vides: une 'guirlande" de Noel factice ceinture un trés beau sapin d'un vert profond...
Et puis une grande forêt de bouleaux ou déambulent peut être les 3 soeurs dans des portés "provinciaux"car Paris décidément est devenue une ville de province...

[sophia]

La critique de Vincent Le Baron sur Altamusica:
Hypnotique et entêtant

[nabucco]

J'ai vu le second programme, et en dehors de Grosse Fuge qui ne passe pas (je l'avais vu à Lyon l'an passé) j'ai trouvé ce spectacle extraordinaire. Je le redis, aucun chorégraphe aujourd'hui n'a à mon avis autant le sens de la musique que Keersmaeker.
L'abstraction sans faille qui est à la base du style de Keersmaeker ne me facilite pas la tâche quand il s'agit d'en parler; tout ce que je peux dire, c'est que ces pièces et en particulier Verklärte Nacht/La Nuit transfigurée, par leur musicalité et par la richesse de la danse, constitueraient un enrichissement considérable pour le répertoire du ballet de l'Opéra de Paris. Dommage que Keersmaeker soit si rétive à la transmission de ses pièces à d'autres compagnies, ça pourrait nous éviter des niaiseries à la Orlin...

[laurence]

Expliquez moi pourquoi "La grand fugue "ne passe pas ...
Les autres pièces, elles non plus ne laissent pas de souvenir... si ce n'est un chorégraphie sèche construite en effets répétitifs toujours dans la même dynamique :montée en puissance acmée redescente... bien scolaire n'est ce pas!
Il faut qu'elle arrête la flute et qu'elle travaille le cello...
Pourquoi "Rosa" était très intéréssant parceque Greeneway dans ses plans magnifiques apportait une ellipse riche de sens
La danse contemporaine est porteuse de sens et même le quotidien en est infiltré... Cette jeune femme semble avoir oublié que dans une chorégraphie le sens n'est pas seulement donné par la musique mais le mouvement à lui aussi une ame intérieure
C'est peut être ce qui différencie la danse de la gymnastique...

[laurence]

Finalement Nabucco trés difficile cet équilibre entre la Danse et la Musique: un vrai travail de funambule
Dans une chorégraphie ou la musique ressort vainqueur inconsciemment les musicologues sont d'une grande indulgence...

[nabucco]

Difficile, certes - mais je dois dire que ce n'est pas en tant que mélomane (et pas musicologue!) que j'ai apprécié ce spectacle, l'interprétation du Duke Quartet n'étant pas vraiment du niveau des grands quatuors qu'on peut voir régulièrement à Paris.
Je vais écrire un blasphème: je trouve que le rapport de Keersmaeker à la musique est beaucoup plus profond, intéressant, et même émouvant, que celui de Balanchine, qui donne certes de très jolies choses, mais reste plus à la surface de la musique...

[laurence]

Emouvant sans doute comme les culottes petits bateaux...ce coté un peu simplet et prévisible m'exaspère J'aime décidément la magie du "Songe"et pas les bretelles de caraco qui sentent trop la camisole Mais bon tout ceci est vraiment "Une affaire de gout"n'est ce pas le titre d'un trés joli film de Bernard Rapp?

[nabucco]

C'est cette fois en plein coeur de l'hiver qu'Anne Teresa de Keersmaeker rend visite sa traditionnelle visite annuelle au Théâtre de la Ville. En attendant de pouvoir en parler par moi-même, voici un article de Libération sur la pièce de cette année, Zeitung, inspirée par Bach et Webern.

[nabucco]

Les sources d'inspiration d'Anne Teresa de Keersmaeker sont multiples: volontiers littéraires ou mythiques (Kassandra, chef d'oeuvre incompris), elles sont cependant plus encore musicales, avec un parcours qui la porte de Steve Reich à Mozart, de Stravinsky à Coltrane - et, avec Zeitung, de Bach à Webern. Cette pièce dont le Théâtre de la Ville aura eu les honneurs de la création mondiale s'impose dès sa naissance comme un des sommets de l'oeuvre de de cette artiste discrète et exigeante.
Cette inspiration musicale, comme l'abstraction rigoureuse de la danse, fait d'elle une isolée dans la scène chorégraphique flamande, plus habituée aux coups d'éclat, aux bons sentiments et au verbiage qui s'épanouit dans le creuset des Ballets C. de la B., avec un succès que l'aspect spectaculaire de leurs propositions suffit sans doute à expliquer.
Rien de tout cela ici: la musique elle-même n'y est pas vecteur d'émotion, mais élément architectural fournissant des structures que la danse explore. La danse s'inspire de la musique, elle ne l'illustre pas; à quelques moments, les danseurs ne font qu'écouter la musique, à d'autres c'est la musique qui se tait pour laisser les danseurs mieux la découvrir dans leur corps.
Zeitung est souvent une pièce solitaire: on danse parfois à deux, à trois, ensemble, mais le danseur est souvent seul, comme nous le sommes tous face à la beauté. Chacun s'approprie donc à sa façon la musique, avec en dénominateur commun la rigueur impitoyable de l'oeil de la chorégraphe: une même énergie, une même précision décidée. Cela ne va pas sans une certaine violence parfois, sans doute - mais la rigueur ici est à tout prendre bien plus importante que l'énergie, qui ne vient jamais vraiment perturber l'élégance distanciée d'un style chorégraphique plongeant ses racines dans la musique.
Doit-on le dire? Le public du Théâtre de la Ville, s'il est venu en masse et a applaudi chaleureusement cette création, n'a pas fait à la pièce le triomphe qu'elle méritait. Peut-être les perturbations occasionnées par une spectatrice à l'attitude inqualifiable* ont-elles calmé ses ardeurs; plus sûrement, l'abstraction chorégraphique exige-t-elle une qualité d'attention que le public du Théâtre de la Ville, souvent abonné depuis longtemps et routinier, n'est pas capable de lui accorder.

*Lors d'un des rares moments de silence, elle a crié "Belles acrobaties, mais où est la musique?" - ceci dans une pièce qui n'est aucunement acrobatique et où la musique est présente pendant 90 % du temps...