Le Ballet-Théâtre de Saint-Pétersbourg à Paris, octobre 2007

[sophia]

Le Théâtre des Champs-Elysées accueillera en octobre prochain le Ballet-Théâtre de Saint-Pétersbourg qui viendra avec Le Lac des cygnes dans lequel on retrouvera la danseuse étoile Irina Kolesnikova. Celle-ci interprétera le rôle d'Odette-Odile le 17 octobre, mais se produira également lors du traditionnel Gala des Etoiles du XXIème siècle qui aura lieu cette année les 22, 23 et 24 septembre.

Le site de la compagnie: http://www.spbt.ru/
Le site d'Irina Kolesnikova: http://www.irinakolesnikova.com/



Le Ballet-Théâtre de Saint-Pétersbourg est une compagnie de ballet privée fondée en 1994 et qui, après avoir connu des ennuis financiers, a été reprise en mains par l'homme d'affaires Konstantin Tashkin.

Elle comprend 64 danseurs pour la plupart formés à l'Académie Vaganova et est dédiée au répertoire classique russe: Le Lac des cygnes, La Bayadère, Casse-Noisette, Giselle...

La compagnie effectue tout au long de l'année de nombreuses tournées internationales, et il faut avouer qu'en raison du caractère un peu particulier de son directeur, extérieur au monde de l'art (qui a exclu au passage plusieurs maîtres de ballet, dont l'ancienne grande ballerine Svetlana Efremova), elle est peu appréciée des habitants de Saint-Pétersbourg, ce qui ne doit toutefois pas remettre en cause les qualités et le talent de sa soliste principale, Irina Kolesnikova.

[sophia]

Pour ceux qui ne parviendraient pas à lire les vidéos du Lac des cygnes qu'on trouve sur le site d'Irina Kolesnikova (je pense notamment aux possesseurs de Macintosh... ), voici des extraits sur YouTube:
Vidéos: Le Lac des cygnes (Irina Kolesnikova - Ballet-Théâtre de Saint-Pétersbourg)

On peut aussi signaler que certaines solistes ont quitté la compagnie, comme Elena Glurdjidze, désormais principale à l'English National Ballet, ou Anastasia Kolegova, au Mariinsky depuis 2006.

[laurence]

Celà m'a permis de regarder trois grands cygnes: Lopatkina Kolesnikova et Guillem) à la lueur de la définition du "style classique"(merci Anthony)
Qu'est ce que "Le style classique"?
Le style classique c'est "une représentation théatrale sans voix".
Assurément nos trois "signes" rentrent dans cet espace de définition
Le style classique se doit "d'établir un dialogue"et nous voyons tout de suite apparaitre de petites différences Lopatkina et surtout Kolesnikova dansent plustot pour elle même La connivence disparait au profit d'un certain "narcissisme" bien lointain de la" fraternité"(Ne pas parler que de soi même!)
Le style classique demande en effet une unité de ton des effets mais sans appuyer
La pointe légère d'humour et le coté aérien du discours de Guillem font que sans hésitation je lui décerne le titre de "classique"
Sans doute me direz vous "Le lac"est un ballet romantique et les émotions romantiques sont plus emphatiques et je ne veux pas déclencher à nouveau la guerre de Troie...

[Katharine Kanter]

Quelles que puissent être les qualités des différentes ballerines que cite Mlle. Laurence, AUCUNE n'est classique, si l'on entend ce terme pour vouloir dire

"reposant sur des principes d'une légimité telle, que l'oeuvre d'art ne vieillira jamais."

Aucune ballerine - par opposition à danseur - dans le monde aujourd'hui, ne peut vraiment être considéré comme "classique".

Les levers de jambe, geste d'un grotesque, d'une laideur, auquel l'on ne s'habituera jamais, l'arabesque penchée à 180 degrés et autres bizarreries qui s'opposent à la nature, font que la danse de femme aujourd'hui appartient à la catégorie dite "maniériste", voire baroque tardif, style "Extase de Sainte Thérèse".

Si c'est ça "le bon goût", personally, I can live without it.

[sophia]

Toute la saison danse 2007-2008 du Théâtre des Champs-Elysées est à présent en ligne, avec les programmes auxquels nous sommes désormais habitués chaque année:
- le Gala des Etoiles du XXIème siècle en septembre
- le Ballet de Saint-Pétersbourg en octobre, comme annoncé ci-dessus
- Grupo Corpo et Europa Danse en octobre
- Sara Baras en décembre-janvier
- Sylvie Guillem/Akram Khan en avril 2008
http://saison2007.retours.info/saison-liste.php?t=3

[frederic]

C'est toujours un vrai bonheur de vous lire, Madame Kanter: vos définitions du " classique" et du "beau", votre appréciation du "lever de jambe" sont irremplaçables. A vrai dire, je ne comprends pas vraiment de quoi il s'agit.

[édité par la modération : pas d'attaques personnelles, merci de vous en tenir au strict débat d'idées]

[note de la modération : sur le fond, frédéric conteste la conception de la danse en tant qu'"objet de musée", figé dans l'histoire, que semble, selon lui, défendre Mme Kanter]

[sophia]

Comme la presse française n'en parle pas, je signale cet article peu enthousiaste paru aujourd'hui dans The Herald à propos du St Petersburg Ballet Theatre qui, avant de se produire ce soir à Paris, a donné deux représentations (Le Lac des cygnes et Casse-Noisette) ces derniers jours à Glasgow.

Lien vers l'article

La critique ne porte pas tant sur Irina Kolesnikova qui, selon la journaliste, "continue de gagner en artistique et en expressivité" et est la "seule raison pour conserver la foi dans cette production", mais plutôt sur la production elle-même. Il semble par ailleurs que la scène du "Glasgow Royal Concert Hall" ait été de taille insuffisante pour que ce Lac des cygnes paraisse au moins correct.

Nous verrons bien ce que cela donne au TCE, mais peut-être est-il bon de signaler cet article "juste comme ça", car d'ordinaire, les journaux anglais sont plutôt très favorables aux Russes en général et à cette compagnie en particulier (qui tourne beaucoup en Grande-Bretagne), et surtout n'ont pas cette arrogance, doublée d'ignorance, qu'adopte souvent en France une certaine presse vis-à-vis de la Russie...

[sophia]

Des photos sur le site d'ArtsWorld qui organise les tournées du Ballet-Théâtre de Saint-Pétersbourg: http://www.arts-world.co.uk/index.php?pg=13&gallery=2

[sophia]

Tel qu'en lui-même, enfin, Le Lac des cygnes, un Lac éternel dépourvu d'arrière-pensées psychologisantes et dénué de sous-entendus oedipiens, un Lac au premier degré qui ne renonce pas à l'esprit du conte, un Lac comme on l'aime, enfin comme moi je l'aime...

Le Ballet-Théâtre de Saint-Pétersbourg donnait donc hier soir, dans un Théâtre des Champs-Elysées qui affichait complet depuis plusieurs semaines, une unique représentation du Lac des cygnes, pour signer ses débuts sur le sol français, alors même que cette compagnie itinérante d'une cinquantaine de danseurs tourne régulièrement en Europe et un peu partout dans le monde.

Cette production du Lac adopte le texte chorégraphique de Konstantin Sergeev, qui est aussi celui de la version dansée au Théâtre Mariinsky. La scénographie quant à elle, signée Simon Pastukh et Galina Solovieva, possède un petit côté "parvenu" et "nouveau riche" (difficile d'échapper au syndrome pour une compagnie qui, outre le fait qu'elle est dirigée par un homme d'affaires, n'a pas 350 ans d'âge...) - "big is beautiful!" -, qui n'enlève toutefois rien à son lustre et à sa beauté. Des costumes rutilants qui paraissent tout droit sortis de l'atelier de couture, des architectures gothiques comme aurait pu en rêver Viollet-le-Duc, des forêts qui ressemblent à des cathédrales et des ruines pour couronner le tout, les scénographes ont sans conteste parfaitement assimilé le fantasme néo-médiéval forgé par le XIXème siècle.

Pour ce qui est de la danse, la compagnie - on s'en doute un peu - est loin de s'élever au même niveau technique et artistique que le Mariinsky (c'est, entre autres, flagrant sur le plan de la vélocité et de la précision technique), ou que celui d'un théâtre national, mais cela a-t-il vraiment un sens de faire ce genre de comparaison? En dépit de cette remarque préliminaire, le spectacle m'a paru bien plus qu'honorable, très homogène dans les ensembles ou les petits soli, et pas seulement illuminé par la présence de l'étoile Irina Kolesnikova, comme pourrait le laisser supposer la communication faite autour de cette troupe. Le corps de ballet des cygnes notamment est magnifique, irréprochable dans les deux actes, manifestant à la fois discipline et style. Les danses de caractère sont bien exécutées, bien qu'à mon sens de manière un peu trop sage et scolaire pour une troupe russe (on peine à effacer en soi le souvenir du Bolchoï, qui suit une autre chorégraphie, dans ce passage...). La théâtralité est également bien rendue, dans le "style Saint-Pétersbourg" (sans excès donc), par les artistes, notamment dans les rôles mimés: l'interprète de Rothbart, Dymchik Saykeev, était très juste de ce point de vue. Tout se passe cependant comme si le corps de ballet dans son ensemble ne laissait pas - ou ne voulait pas laisser - apparaître de véritables personnalités, faisant montre d'un brio, d'une virtuosité ou d'un éclat particuliers (sans faire évidemment référence ici aux actes blancs, où le but n'est justement pas pour les danseuses de se faire remarquer). Malgré cela, on perçoit derrière chaque geste l'intention, le style et l'école, qui rendent le spectacle intéressant et valable, et en font autre chose qu'un simple divertissement égal à n'importe quel autre dans sa médiocrité. Enfin, loin des spectacles où les demi-solistes nous donnent parfois la nette impression d'inverser la hiérarchie en brillant davantage que les solistes principaux, cette homogénéité, cette "fadeur" du corps de ballet permettent de mettre d'autant plus en valeur, tel un écrin, la ballerine Irina Kolesnikova, proclamée "star" par les affiches et la publicité, mais authentique "étoile" à l'aura internationale, aux côtés de laquelle son partenaire, Dimitri Akulinin, peine vraiment à exister (il faut dire que la version de Sergeev ne fait qu'exacerber cette dimension où seule la ballerine a droit d'être reine).

Aux antipodes d'Ulyana Lopatkina, lointaine et ultime, dont le cygne marmoréen, mallarméen, a d'abord les traits d'Odette, très différente aussi de Svetlana Zakharova, qui recrée les contours d'un cygne idéal, mais dont l'Odile n'échappe pas toujours aux "effets", Irina Kolesnikova propose en Odette un cygne souffrant, mélodramatique, presque tragique, d'une expressivité très appuyée mais magnifiquement assumée. Grande et élancée, elle correspond idéalement aux standards russes concernant le rôle, et à sa technique parfaite s'ajoute une interprétation très construite et très équilibrée du rôle: elle est, chose rare, autant Odette qu'Odile, et son personnage de l'acte III, sensuel et vipérin, sans vulgarité toutefois, se distingue radicalement du cygne royal et fragile qu'elle incarne dans les deux actes blancs. Quelle que soit l'appréciation personnelle que l'on puisse porter sur la représentation et sur l'interprétation offerte de ce double rôle, on a affaire là, incontestablement, à un travail artistique très abouti et maîtrisé.

Je termine en mentionnant, en vrac, quelques regrets: au premier chef, le recours à la fin heureuse et soviétique, un peu mièvre pour le coup, qui est en cohérence avec le registre du conte, mais qui est contraire aux intentions musicales de Tchaïkovsky; puis, les éclairages dans les actes blancs (auxquels peut se joindre éventuellement un problème de maquillage), qui donnaient des cygnes une image trop humaine, trop terrestre. Par ailleurs, le Théâtre des Champs-Elysées dispose d'une scène assez étroite qui ne se prête pas forcément à ce genre de productions, et l'on sentait fréquemment les danseurs gênés dans leur élan et leurs mouvements, à tout moment confrontés, malgré eux, à la proximité des dégagements.

[maraxan]

Même si moi, j’aime les versions avec plein de choses que je ne comprends pas, qui m’ouvrent l’esprit et qui font durer le plaisir (ou le questionnement) éternellement, j’ai aussi trouvé assez sympa cette production sans arrière pensée, un peu light (variations abrégées ou transformées, mais c’est tout à l’avantage de la cohésion technique quand on n’a pas une compagnie nationale) du lac avec de bons solistes.
J’ai beaucoup aimé l’élégance, la souplesse et l’élévation de Dmitri Akulinine dans cette version peu valorisante pour Siegfried. Je suis un peu moins enthousiaste sur Irina Kolesnikova. J’ai un problème avec son Odette à la souffrance monolithique (alors que son Odile me semble plutôt réussie) et je trouve que son port de bras dans le deuxième acte n’est pas à la hauteur (lourdeur et manque de souplesse), ce qui dans le rôle d’Odette est assez handicapant compte tenu des Odettes « sur le marché » actuellement (Klimentová, Oaks, Lopatkina, Zakharova entre autres). Et ce n’est pas uniquement un effet de carrure même si une autre chose m’a perturbé hier. Je n’ai rien contre les ballerines athlétiques (même si je préfère les danseurs fins) mais il faut les associer à des partenaires athlétiques également. Zenaida Yanowski et Kenneth Greve, Elena Glurdjidze et Arionel Vargas, ne font pas ressentir ces caractéristiques. Ce sont des partenariats équilibrés, les fortes personnalités y trouvent également du répondant. Cela peut transformer littéralement une représentation. Cet été à Versailles, le merveilleux Friedemann Vogel « étouffé » par Sofiane Sylve, s’est véritablement épanoui avec Daria Klimentová alors qu’il n’avait jamais dansé avec elle (ils ne sont pas dans la même compagnie et il remplaçait au pied levé Dmitri Gruzdyev blessé la veille). Hier, Dmitri Akulinine que je trouvais excellent avec une réelle présence dans les parties mimées du premier acte, était trop stressé dans ses moments avec Odette et surtout Odile, qui, soit dit en passant, le regardait rarement.
Bref, au finish, tant au point de vue de la technique ou de la dramaturgie, rien n'a déclenché du lyrisme sur scène et de l'émotion dans la salle.