Bilan de la Saison 2005-2006 à l'ONP

[Pierre]

Haydn, me permettez-vous comme l'année passée d'ouvrir ce sujet par ce qui s'est passé hier soir ?

Lors de la représentation samedi 1er juillet de Iphigénie en Tauride, alors qu'un silence religieux enveloppait les rues de la Paris et de sa banlieue because match de foot France-Brésil, une révolte de sauvageons grondait sous les ors du Palais Garnier à la fin du premier acte.

"Mortier démission !"
"Si t'es pas content, va voir le match !"
"Scandaleux...", "Une honte..."
"Rentre chez toi c.....d..."
etc.

Le pauvre Marc Minkovski a dû balayer toute la salle d'un regard noir pour reprendre la partition de Gluck sous les vivats d'un public très excité qui réservera finalement un triomphe aux interprètes musicaux de cette œuvre pleine de Grèce, de guerre de Troie, etc.

Rien à voir avec la mise en scène archi nulle de Warlikowski qui place les rois de la Grèce dans un dortoir glauque d'une maison de retraite.

Ce qui a choqué une partie du public n'est pas la vacuité et l'indigence de cette transposition contemporaine, mais c'est encore une fois avec Mortier, le reflet de la misère humaine projeté crument aux spectateurs : la maladie, la vieillesse, la saleté, la laideur, etc.

C'est toute la violence de cette laideur contemporaine, c'est-à-dire ce reflet de la mort inéluctable, que nos sociétés cachent honteusement, qui choque ici, et que Gérard Mortier aime à montrer dans ses productions : le SDF dans les Noces, une ivrogne dans Don Juan, des vielles dans Iphigénie, voilà pourquoi l'on crie "Mortier démission..."

C’est évidemment un mauvais procès car l’Opéra (ballet + lyrique) ne parle que de mort, de sang, d’amour, de trahison… Oui Christophe Warlikowski, tout comme Christoph Marthaler méritent de passer aux oubliettes de cette saison non pas pour avoir essayé de "moderniser" un livret, mais tout simplement parce que leurs spectacles sont mauvais. Allez donc plutôt voir l’Elixir d’Amour mis en scène par Laurent Pelly…

[Aurélie]

[haydn]

Heu je croyais qu'il était question de ballet...

En ce qui concerne le lyrique, il y a eu certes des mises en scènes contestables et contestées, mais aussi quelques réussites comme cette Iphigénie en Tauride dont vient de nous entretenir Pierre. La scénographie a été huée, mais la qualité de la réalisation musicale a fait l'unanimité de la critique.

[Pierre]

Question Ballet, voici le tiercé :

Lac
Bayadère
Parc

2 Noureev, 1 Prelojcaj.

[Aurélie]

Question ballet, je retiendrai la révélation d'Emilie Cozette dans le Lac des cygnes, la découverte de Christelle Granier et de Jean-Philippe Dury dans le spectacle jeunes danseurs et aussi au concours de promotion, le spectacle de l'école de danse et ses nombreux jeunes talents, et les beaux fouettés de Sabrina Mallem dans Paquita. C'est tout!

[haydn]

La saison n'est pas entièrement terminée, aussi me réserverai-je la possibilité d'amender ce bilan à l'issue des dernières représentations du spectacle Béjart et de La Dame aux camélias.


Comme Aurélie, je retiendrai avant tout la performance d'Emilie Cozette dans le Lac des cygnes, où elle s'est montrée l'égale des meilleures interprètes du rôle. On n'oubliera pas non plus la Gamzatti très applaudie de Dorothée Gilbert.

Chez les messieurs, les grands souvenirs resteront Emmanuel Thibault (si, enfonçons le clou) dans Rubis, en début de saison, Jean-Philippe Dury, époustouflant dans Artifact Suite, de Forsythe, et Nicolas Le Riche, dont le Boléro a mis le public de l'Opéra Bastille en transes.



Pour compléter ce rapide tour d'horizon, je rejoindrai également Aurélie en ce qui concerne Christelle Granier, dont j'avais personnellement particulièrement apprécié le tempérament dans Le Parc, de Preljocaj, et j'ajouterai le nom de Claire Bevalet, qui s'est engagée avec une remarquable conviction dans le personnage d'un des Sénateurs du Caligula de Nicolas Le Riche. Par ailleurs, le jeune Mathias Heymann confirme de spectacle en spectacle tous les espoirs qu'on avait légitimement placés en lui. Enfin, mention particulière à Mathieu Ganio, dont j'avais contesté la nomination à mon sens prématurée en tant qu'Etoile mais qui, toute cette saison durant, a accompli un remarquable travail pour parfaire son jeu d'acteur et donner une réelle épaisseur aux personnages qu'il a incarnés. Il faut notamment le remercier de la manière dont il s'est investi dans le difficile rôle-titre de Caligula.


Un gros regret pourtant : l'absence de tout rôle de premier plan pour Myriam Ould-Braham et pour Emmanuel Thibault (si l'on excepte Rubis), qui aurait pourtant fait un excellent Solor. Lui confier, comme cela avait été prévu, le Comte de N. dans la Dame aux camélias n'était ni plus ni moins qu'une insulte faite à son talent.

[haydn]

A ce bilan, j'ajouterai encore, et d'autres sans doute le feront aussi, la démonstration superlative que nous a livrée Laura Hecquet dans Diamants lors du spectacle "Jeunes danseurs". Mais j'attends avec impatience sa Manon pour établir un compte "définitif" de ses talents.

[paco]

moi j'ai surtout été marqué par le Boléro dansé par Nicolas Le Riche, la prestation de Laura Hecquet dans la soirée Jeunes Danseurs, et les deux soirées "Acosta" pour la Bayadère.
Et, cerise sur le gateau, l'inattendu "Birthday" du Nederlands Dans Teater, un grand moment sous les ors de Garnier...

[Lacdescygnes]

Beaucoup de choses m'ont plu dans cette saison, et en premier lieu les soirées Jeunes danseurs et Danseurs chorégraphes: la personnalité de Samuel Murez, l'immense talent de Laura Hecquet; j'espère revoir Marc Moreau, Cyril Chokroun, Gregory Dominiak...
Le répertoire comtemporain m'a permis de découvrir la musique de Gérard Grisey (qui, oui je le sais bien, fut fort peu appréciée des spectateurs...) ou encore The Misters.
J'ai moi aussi le souvenir du Parc avec Christelle Granier...et Laetitia Pujol et Yann Bridard!
La Palme revient pour moi à Laura Hecquet, divine, qui fut un pur diamant. J'attendrai avec grand intérêt votre commentaire sur sa Manon, Haydn!

[haydn]

Je n'y manquerais pas, Lac des cygnes! Et nous sommes au moins deux à aimer la musique de Gérard Grisey ici, bienvenue au club!

[sophia]

J'ai bien aimé les séries du Parc et de Joyaux.
C'était le début de la saison, encore le temps des grandes espérances...

Il y eut évidemment Lopatkina dans Diamants et la tournée du Mariinsky au Châtelet, la perfection du Ballet Impérial avec Vishneva et l'orchestre de Gergiev dans Casse-Noisette...
L'automne est toujours la plus belle des saisons.

Puis ce fut Le Lac avec le souvenir de Laurent Hilaire en Rothbart, Zakharova bien sûr, -pour le plus beau des Noël-, Jean-Guillaume Bart, et malgré tout, le corps de ballet des cygnes, magnifique, même en nombre lamentablement réduit, dans les actes blancs.

Une Bayadère en demi-teintes d'où ressortaient surtout quelques personnalités: Agnès Letestu en Nikiya, Dorothée Gilbert en Gamzatti, Emmanuel Thibault en Idole dorée et quelques Ombres: Gilbert encore, Ould-Braham, Fiat.

Artifact Suite

La venue du NDT qui fut aussi une découverte pour moi: le 1, le 2 ou le 3, peu importe, ils nous ont offert les plus belles soirées de la saison.

Le concours de Stéphane Phavorin, Des Grieux ou Fantôme de l'Opéra.

Le spectacle "Jeunes danseurs" et quelques galas dans d'obscures salles de banlieue ou de province où l'on trouvait parfois plus d'âme que dans les grandes soirées officielles. Les talents qui s'y sont révélé, affirmé ou confirmé: Aubane Philbert, Eléonore Guérineau, Mathias Heymann, Laura Hecquet, Mathilde Froustey.

[Azulynn]

Si le bilan chiffré officiel de l'Opéra (publié sur le site de l'AROP) intéresse quelqu'un, en voici quelques extraits :

[haydn]

Merci Azulynn. Tant mieux si les spectacles d'Opéra et de Ballet ont du succès, mais espérons que cela ne dégénèrera pas trop en "machine à touristes". Tous les directeurs de grands établissements culturels en France sont actuellement soumis à des pressions considérable du Ministère de la Culture pour augmenter par tous les moyens leurs ressources propres (et permettre à l'Etat de se désengager financièrement en toute bonne conscience), d'où certaines "expériences" que l'on peut regretter, genre le concert rock "privé" organisé par une firme de téléphones portables à Garnier, ou le spectacle d'ouverture de la saison 2006-2007 (avec le défilé), réservé à l'Arop.

[paco]

la location de la salle à des fins privées pour y organiser des concerts de rock ne me choque pas trop, c'est déjà pratiqué ailleurs (en Espagne notamment).
En revanche "fermer" la location certains soirs m'agace profondément. C'était déjà arrivé il y a deux ans pour la reprise de Hurlevent, où le seul moyen de voir la 2e distribution était être membre de l'Arop : cette distribution n'était donnée qu'un seul soir, fermé à la location.

Si maintenant pour assister au défilé du Ballet en début de saison il faut être membre de l'Arop, là je trouve ça vraiment scandaleux, qu'ils nous laissent au moins des fonds de loge !...

[haydn]

L'Arop a une activité utile de lobbying et de mécénat notamment en faveur du ballet, et l'on peut comprendre qu'il y ait dans la saison l'une ou l'autre soirée réservée. Mais il est assez malvenu que cette fois, la représentation retenue soit précisément celle comportant le grand défilé (même si celui-ci sera repris, comme cela a été exceptionnellement pratiqué l'une ou l'autre fois par le passé, en milieu de saison).