Opéra national du Rhin, soirée REVES

[Pierre]

Opéra national du Rhin, soirée REVES

La nature est très belle cette année en Alsace, de beaux verts pour ce printemps tardif qui forment un bien joli écrin au théâtre de la Sinne. Il faut dire que c'est toute la ville qui s'est métamorphosée et embellie par l'arrivée du tramway inauguré en grande pompe samedi dernier par le Président de la République. En tous les cas, le maire, Jean-Marie Bockel devait être fatigué par toutes ces agapes, car on ne l'a pas vu hier soir à la représentation concoctée par Bertrand d'At. Il n'a presque rien raté.

La salle était moyennement pleine, ethniquement monochrome, sociologiquement plutôt placée sous le signe du troisième âge. Bref cela manquait de couleur et de jeunesse alors que le spectacle était clairement affiché "JEUNE PUBLIC". Comme l'année passée, ce titre n'a aucun sens vis à vis de la programmation et l'on ne comprend pas alors que les professeurs n'y ait drainé leurs classes avec le soutien financier de la mairie. A quoi bon des places vides ?

Trois parties à ce spectacle avec, originalité, un entracte placé au beau milieu de la deuxième pièce. Allez, un bon point ! On va reconnaître à M d'At un certain art dans la façon de monter une soirée de "variété". Comme Brigitte Lefèbvre nous sait bien accommoder les plats parfois, nous avons eu le droit à Mulhouse à 3 mets qui a priori allaient bien ensemble.

Tout d'abord une création plutôt démonstrative et brillante d'un chorégraphe invité, Zong Miao, puis une pièce à thème amusante, j'y reviendrai, et enfin un petit ballet narratif en costumes d'époque. De quoi réjouir toutes les curiosités.

Premier hic, rien dans la fosse alors que nous sommes au siège d'un des meilleurs orchestres français. Le Bœuf sur le Toit de Darius Milhaud sur un mange disque, c'est vraiment un sacrilège... Tout le programme pouvait parfaitement être interprété par des musiciens en chair et en os, cela aurait donné un autre lustre à la soirée et n'aurait pas forcément coûté très cher.

Deuxième hic, la deuxième pièce et la troisième sont des créations imposées par le dit Bertrand d'At. C'est comme si les soirées de danse du palais Garnier étaient au 2/3 chorégraphiées par Melle Lefèbvre... et clairement, d'At, c'est comment dire... de la danse brouillonne. Rien de révolutionnaire, rien de classique, aucune provocation, mais c'est sans style, c'est du contemporain délavé, du Béjart de kermesse paroissial. De quoi mettre par contre en valeur le travail pétillant de Mr Zong Miao.

Tian Di Jen (Ciel, Terre, la nature humaine)
Trente minutes sur une musique (enregistrées) de percussions, de luth chinois dansée par ces demoiselles intégralement sur pointes et ces messieurs en grand style académique ! La danse se rapproche de celle de Roland Petit mélangée avec une gestuelle d'inspiration kung fu comme on peut en voir dans les films de John Woo. Au début, ce mélange est surprenant et on a peur de basculer dans le mauvais goût. En fait, le mariage de cette technique classique parfaitement assimilée par Zong Miao et la sauce piquante venue de Chine se fondent parfaitement en un style très personnel; le tout, par ailleurs merveilleusement dansée par le Ballet du Rhin.

Alternent des scènes à quatre guerriers, puis quatre gracieuses princesses, puis plusieurs pas de deux, des soli, des ensembles et enfin une sortie de scène assez spectaculaire combinant le recouvrement de la scène par un grand carré de soie rouge et la traversée des écrans de papiers par nos guerriers bondissants.

Allez on va tous les nommer ces très bons danseurs visiblement ravis de danser autre chose que de la soupe : Raoul Diaz, Maroto Casasola, Harris Gkekas, Boyd Lau, Thibault Taniou. Virginie Bigois, Erika Bouvard, Stéhanie Madec, Keiko Nisugi, Myrina Branthomme, Alexandre Van Hoorde, Sandy Delasalle.

Zong Miao a été formé à l'académie de danse de Pékin, depuis 93 navigue entre le Jeune ballet de France, Caracas, Toulouse, Boston, Mulhouse...

6 portraits
Se présentent sur scène un voyou, une maman, un idiot du village, un chérubin (sur la musique des Noces de Mozart), une fofolle, et enfin Manchega (sur une musique de Gotchalk)
L'entracte intervient après cette démonstration de courts soli et doit permettre aux spectateurs d'imaginer 3 couples improvisant autant de pas de deux sur trois musiques enregistrées issues d'une banque musicale de 21 titres. C'est au public (on se croirait chez Robert Hossein !) de voter à main levée pour savoir qui va avec qui. L'idée est très amusante, elle décoince la salle et l'effet est sauvé par la qualité des danseurs
Mariages pébicites votés par la salle, tirage au sort des morceaux et improvisations. Bonne idée, mais cela manque de génie chorégraphique.

Le Bœuf sur le Toit
Pièce produite par d'At pour le ballet de Pecs en Hongrie en 1984, reprise ici par 12 danseurs de la compagnie. Evocation du cinéma des années 1920 avec le flic, le charlot, le kid, la vendeuse de fleurs aveugle, etc., etc., etc.
C'est gentil et totalement inoffensif. Rideau.