Don Quichotte à l'Opéra Bastille

[haydn]

Oups, ça c'est pas gentil Pierre!!! Mais c'est vrai que Yann Bridard est plus crédible en Torero façon Latin Lover que Karl Paquette, même si, question danse pure, j'ai légèrement préféré ce dernier.


Et pour les musiciens, c'est vrai qu'il n'y a guère qu'en Russie et dans certains pays de l'ex-bloc soviétique, comme la Hongrie, où la musique de ballet est considérée comme une affaire sérieuse. Certes, il y a, au Bolchoï comme au Kirov, et comme partout dans le monde des représentations de routine ou l'orchestre se contente du minimum syndical, mais là bas, au moins, les grands chefs n'ont jamais hésité à mouiller leur chemise pour diriger des représentations de ballet, où l'on ne se contente pas d'envoyer des seconds couteaux.

Hier les Kondrachine, Svetlanov, et aujourd'hui encore les Gergiev ou les Rhojdestvenski ne trouvent pas indigne de se "comprommettre" dans le Lac des cygnes ou la Bayadère...

[Pierre]

Non, non, je le trouve assez crédible dans son rôle même en beau blond. Paquette est un excellent danseur, mais je pense qu'il a un problème avec cette cape. Soit elle n'est pas assez lourde, voir les accessoiristes et couturiers, soit il n'a pas assez travaillé son rôle. Ce qui est sûr c'est qu'il y a un truc qui cloche.

[haydn]

Avis aux experts en tauromachie alors! C'est un domaine où je suis d'une parfaite ignorance. Mais je sais que nous avons des lecteurs espagnols et sud-américains qui pourront peut-être nous donner une opinion éclairée sur la question!

[Pierre]

Dans les travers masculins représentés dans de Don Quichotte, il y a aussi la boisson. Qu'est que l'on picole et que l'on fume dans les ballets de Petipa.

Entre la fille du Pharaon, la Bayadère, Don Quichotte... Cela y va sec !

[haydn]

Considérait-on cela à l'époque véritablement comme un défaut pour un homme?!

[sophia]

"Qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre...", dit le valet de Molière, et en outre fumer est un véritable art de vivre chez les romantiques et plutôt la pipe d'opium que la pipe de tabac d'ailleurs.
Sinon, pour me préparer à "Don Quichotte" que je n'ai pas encore vu, j'ai revisionné des passages de deux dvd, celui de l'opéra de Paris et celui de l'ABT avec Barychnikov. Comme vous parliez de l'orchestre, celui de ce dernier est absolument terrible, il est dirigé par Paul Connelly qui a beaucoup sévi à Paris et ailleurs et très honnêtement, on se croirait au cirque!!! Je ne sais pas comment les danseurs ont fait pour le suivre. A part çà, il ne fait pas dans la dentelle et l'ensemble n'est pas ce qu'on fait de plus raffiné. Sur le plan chorégraphique, c'est aussi une version très allégée par rapport à Noureev.

[Pierre]

C'était Paul Connelly hier...

[sophia]

Et bien, première nouvelle, je croyais qu'il ne dirigeait plus l'orchestre de l'Opéra. Cela fait un moment, me semble-t-il, que l'on a droit à David Coleman, qui, contrairement aux autres musiciens souvent gauches dans leur corps à côté des danseurs, est très bonhomme et a beaucoup de présence scénique!!! Mais c'est une remarque vraiment très, très anecdotique.

[haydn]

Ben non, c'est Colemann qui semble à présent indésirable à l'Opéra... il ne devrait pas diriger de spectacle l'année prochaine, et ce sont Paul Connelly et Velo Pähn qui devraient se partager les ballets de la saison 2004-2005...

[Pierre]

Question technique :

A la toute fin du deuxième acte, l'orchestre termine par un magnifique crescendo (enfin quand c'est bien joué ), un coup de cloche puis un pianissimo dominé par les bois dont les flûtes.

Tout ceci se noie toujours dans les applaudissements d'un public légitimement impatient.

Le rideau se ferme sur Don Quichotte, la reine des Dryades, Cupidon et Kitri (si je ne dis pas de bêtise) quelques secondes plus tard, donc je suppose que l'on manque quelque chose... enfin quand c'est bien joué .

Seraient-ce quelques pizzicati de cordes ? Quelle est la tonalité ?
Merci aux érudits de nous éclairer ... avec un petit bout de partition...

[haydn]

Oups je ferais attention ce soir, mais la coda des dryades, qui conclut l'acte 2, normalement, c 'est plutôt flonflons et compagnie... Si mes souvenirs sont exacts, elle est en Sol Majeur, avec une demi-cadence sur ré à la fin, mais je peux me tromper... j'essayerai de mettre la main sur une partition!

[haydn]

J'oubliais que j'avais le DVD pour vérifier!! Aucun doute, c'est du Sol Majeur (avec cadence parfaite sur la tonique, dans la version jouée à l'opéra de Paris, pas de demi-cadence à la dominante, comme dans l'original, pardon) ; le coup de cloche sur le pianissimo final, c'est du Lanchbery, Minkus n'a jamais écrit ça, ça se termine fortissimo normalement et sans cloche... Et j'ai beau réécouter, nulle trace de pizzicati... il y a bien quelques accords arpégés à la harpe, mais mes oreilles peuvent me trahir... Je ferais attention ce soir.

[haydn]

Pour que cette nouvelle ahurissante n'oblitère pas tout le reste, j en profite pour vous donner les impressions que m'a laissé cette représentation de ce soir :

J'y étais allé principalement pour voir le Cupidon de Mathilde Froustey, ainsi qu'Alexandra Cardinale à nouveau dans la Gitane et aussi, cette fois, dans le trio des Dryades (oui, je sais, j'ai mes faiblesses, je les assume et je les revendique même ).

Je n'ai pas été déçu. Si Mathilde Froustey n'éclipse pas Mélanie Hurel, elle n'en a pas moins fait du très bon travail, avec un cupidon très espiègle, à la limite de la perversité même ; en tout cas très drôle, et techniquement à la hauteur. Au niveau de la petite batterie, Mélanie Hurel est incontestablement supérieure - elle a l'expérience pour elle, et une telle maîtrise ne s'acquiert que par de longues années de travail - mais les tours chaînés de Mathilde Froustey étaient superbes, et elle a fait de gros efforts pour caractériser efficacement son personnage.

J'ai surtout apprécié Alexandra Cardinale dans le trio des Dryades, rayonnante, enjouée, techniquement irréprochable, et manifestement stimulée par la présence à ses cotés de l'excellente Eve Grinsztajn. En ce qui concerne Myriam Kamionka, j'attends de voir son Cupidon pour vous en parler.

Cette représentation m'a aussi permis de découvrir le meilleur - et de loin - Espada de la soirée, interprété par Christophe Duquenne, avec ce qu'il fallait de machisme, mais sans tomber dans la vulgarité. Il s'est bien fait quelques frayeurs dans le troisième acte, mais globalement, c'était très bon. M. Duquenne est un danseur de grande classe, et l'on peut légitimement fonder de belles espérances pour la suite de sa carrière. Sa partenaire, Nathalie Riqué (la danseuse des rues), fut elle aussi à la hauteur. La encore, question technique, Karin Averty lui est sans doute un peu supérieure, mais elle a fait preuve d'un formidable abattage, d'une présence scénique qui emportait l'adhésion dès sa première entrée.

Alessio Carbone fut de nouveau parfait en Gitan ; encore dommage qu'il ait été privé de Basilio, mais il ne devrait pas tarder à prendre une éclatante revanche...

Commenter la prestation de Mathieu Ganio n'a plus beaucoup de sens, étant donné sa nomination. Maintenant, c'est l'Histoire qui décidera, moi je m'éclipse!
Enfin, j'aime toujours autant la Kitri d'Agnès Letestu. Certes, il y a eu un peu de laisser-aller ce soir, avec quelques batteries un peu "savonnées" - mais elle fait ça avec tant de chic! - et un éventail expédié au ciel en guise d'arrivée sur scène, mais bon... Agnès Letestu fait toujours preuve d'un professionnalisme et d'un sang froid impressionants, et, là ou des artistes moins expérimentées se laisseraient troubler, elle continue, imperturbable, ignorant les incidents. En plus, elle possède un vrai talent comique, et sait habilement jouer du contraste entre le personnage de grande dame qu'on lui connaît à la ville, et ce côté un peu canaille qu'elle sait, quand il le faut, prendre à la scène. Du grand art.

[Pierre]

Vivement dimanche pour ceux qui auront le plaisir de retourner voir Don Quichotte. Il y aura peut-être quelques photos...

[haydn]

La représentation de dimanche est à ne pas manquer, et elle sera peut-être encore plus historique que celle de ce jeudi de l'Ascension... Et la surprise ne sera peut-être pas celle qu'on imagine. Mais bon, il m'arrive de me tromper...