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Nouvelles du Mariinsky [et du Bolchoï]
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Delph'



Inscrit le: 21 Déc 2015
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MessagePosté le: Jeu Mai 12, 2016 5:55 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Un grand merci ElenaK pour ces nouvelles. Bon pour le moment tout cela n'arrange pas mes affaires...


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tuano



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Messages: 1150
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MessagePosté le: Ven Mai 13, 2016 3:41 pm    Sujet du message: Répondre en citant

sophia a écrit:
On vient d'ouvrir un nouveau fil rien que sur le Bolchoï - et même qu'on y parle de la nouvelle saison!

Ah pardon ! Comme ce fil s'appelle "et Bolchoï"...

Sinon le Mariinsky est invité à presenter La Sylphide à Salzbourg :

http://www.salzburgerfestspiele.at/en/blog/entryid/656


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haydn
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Messages: 26499

MessagePosté le: Ven Mai 13, 2016 3:58 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, il y a de quoi s'y perdre un peu, mais l'amie Sophia m'a tellement bassiné avec ça que j'ai fini par craquer. Un complot d'idôlatres du Mariinsky qui ne voulaient plus faire chambre commune avec les ploucs de Moscou... Rolling Eyes



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Un petit "j'aime" sur la page Facebook de Dansomanie : http://www.facebook.com/Dansomanie/
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sophia



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MessagePosté le: Ven Mai 13, 2016 4:22 pm    Sujet du message: Répondre en citant

No comment! Rolling Eyes


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sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22085

MessagePosté le: Jeu Mai 19, 2016 4:17 pm    Sujet du message: Répondre en citant

La rumeur n'attendait que d'être confirmée - hélas! - et c'est désormais chose faite.
Vladimir Shklyarov était cette semaine l'un des invités du festival Noureev de Kazan, où il a dansé - avec Maria Shirinkina - le ballet Shurale de Léonide Yakobson. Dans une interview accordée à Evening Kazan, il confirme qu'il rejoindra cet automne, avec Maria Shirinkina, les rangs du Ballet de Bavière, dont Igor Zelensky reprend les rênes en septembre. Le contrat qu'ils ont signé est un contrat d'un an renouvelable. Le lien avec le Mariinsky n'est toutefois pas rompu pour le moment - le théâtre leur a accordé un congé sabbatique d'un an.
Les raisons de ce départ après quatorze années? Shklyarov dit avoir dansé tout ce qu'il désirait danser au Mariinsky et vouloir à présent étendre son répertoire. Il ajoute qu'il est important pour un danseur de s'intéresser à ce qui se passe ailleurs dans le monde du ballet (par exemple, à Kazan, il est allé voir la première du ballet d'Andrei Petrov, Esmeralda, ce qui a beaucoup surpris).
On apprend par ailleurs que son professeur est actuellement Vladimir Kim (Shklyarov fut précédemment l'élève de feu Serguei Berejnoi, qu'il évoque du reste, car c'est avec lui qu'il a préparé son premier grand rôle, à l'âge de 18 ans, dans La Sylphide, et de Youri Fateev).
Pour l'anecdote, son meilleur ami est le danseur et chorégraphe Youri Smekalov, il ne veut pas que son fils Alexei - 1 an et 3 mois - devienne danseur, et enfin, il est supporter du club de foot Zénith, bien qu'il le trouve sur le déclin.


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chien en peluche



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MessagePosté le: Jeu Mai 19, 2016 5:46 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne le reverrai donc plus en Ferkhad, même si je vais à Saint-Petersbourg... Embarassed


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paco



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MessagePosté le: Jeu Mai 19, 2016 9:45 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Ben, pour les munichois c'est plutôt une très bonne nouvelle, non ?


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Angela



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Messages: 172

MessagePosté le: Ven Mai 20, 2016 7:56 am    Sujet du message: Répondre en citant

Y E S!!! Very Happy


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sophia



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MessagePosté le: Ven Mai 20, 2016 2:59 pm    Sujet du message: Répondre en citant

paco a écrit:
Ben, pour les munichois c'est plutôt une très bonne nouvelle, non ?


Certes, mais pas de quoi me donner non plus l'envie de m'envoler fissa pour Munich. Je vois juste une énorme perte pour le Mariinsky (pour Shklyarov en tout cas, moins pour Shirinkina) - et cela n'a rien à voir avec le mouvement "naturel" qui conduit régulièrement certains danseurs bloqués dans leur progression ou réduits aux seconds rôles à rejoindre des compagnies étrangères pour y gagner une place d'étoile (comme ce fut notamment le cas de Ekaterina Petina, Daria Sukhorukova ou Evguénia Dolmatova, maintenant solistes ou étoiles à Munich).


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chien en peluche



Inscrit le: 29 Oct 2011
Messages: 1873

MessagePosté le: Ven Mai 20, 2016 5:06 pm    Sujet du message: Répondre en citant

sophia a écrit:
paco a écrit:
Ben, pour les munichois c'est plutôt une très bonne nouvelle, non ?


Certes, mais pas de quoi me donner non plus l'envie de m'envoler fissa pour Munich. Je vois juste une énorme perte pour le Mariinsky (pour Shklyarov en tout cas, moins pour Shirinkina) (...) .


Oui, c'est justement pour ça que je regrette son départ (provisoire?) du Mariinski. Car, comme on ne cessera pas de l'inviter chez nous, soit le NBS ou quelque autre société de production, je ne me fais pas de soucis pour le revoir sur scène au Japon. Mais pour le revoir avec le Mariinski...


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sophia



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MessagePosté le: Dim Juin 05, 2016 9:18 am    Sujet du message: Répondre en citant

L'Empire de Valery Gergiev s'étend désormais jusqu'à Vladivostok, à 10000 km de Saint-Pétersbourg, où a ouvert l'annexe Primorsky du Théâtre Mariinsky (ElenaK nous en avait touché quelques mots par ici).

Le 1er Festival International de Vladivostok en Extrême-Orient, placé sous l'égide du maestro, se tiendra sur cette nouvelle scène du 30 juillet au 10 août. Le programme (opéra, ballet et concert) a été dévoilé il y a quelques jours. Parmi les invités figure Hannah O'Neill, qui dansera le rôle-titre de Giselle avec Xander Parish le 6 août.



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sophia



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MessagePosté le: Mer Juin 15, 2016 8:14 am    Sujet du message: Répondre en citant

Le programme complet du festival d'Extrême-Orient est en ligne : https://prim.mariinsky.ru/en/playbill/far_east_festival_2016/
Pour le ballet sont programmés deux galas Ballet Stars of the Mariinsky Theatre, Giselle, un gala The Future of Dance: classical and modern, et Le Lac des cygnes.
Hannah O'Neill dansera Giselle le 6, mais participera également au gala "The Future of Dance: classical and modern" le 8, où elle dansera à nouveau avec Xander Parish.


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ElenaK



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Messages: 817

MessagePosté le: Dim Juin 26, 2016 7:59 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Avec énormément de retard, je poste mon "roman-fleuve" sur Spartacus de Yakobson vu au Mariinski le 12 mai dernier. Désolée pour les longueurs, mais je ne sais pas trop comment présenter un spectacle que la plupart du public français n'a jamais vu, contrairement à la version de Grigorovithch, sans donner la description détaillée de la structure du ballet. Ce spectacle est complètement différent de l'œuvre de Grigorovitch, qui non seulement s'est imposé sur les scènes, mais est devenu aussi l'unique synonyme de Spartacus. Pourtant, le ballet de Yakobson est tellement passionnant, tellement original que son oubli me paraît complètement injuste. A propos, Alla Ossipenko et Maïa Plissetskaïa mettaient le ballet de Yakobson bien au dessus de celui de Grigorovitch, car elles lui trouvaient plus de profondeur que le "héroïsme" dont abusait ce dernier.

SPARTACUS
Mariinski-2
12 mai 2016

Musique : Aram Khatchatourian
Chorégraphie : Leonid Yakobson
Décors et costumes : Valentina Khodassevitch

Direction musicale : Karen Dourgarian

Direction chorégraphique de la reprise : Viatcheslav Khomiakov

Sapartacus - Andrei Ermakov
Phrygie - Sofia Goumerova
Egine - Ekaterina Kondaourova
Marcus Crassus - Nikolai Naoumov
Centurions - Serguei Kononenko, Aleksei Atamanov
Harmodius - Konstantine Zverev
Chrysogonus, l'affranchi de Crassus - Islom Baïmouradov
Le héraut - Naïl Kharnassov
Lentulus Batiatus, le propriétaire de l'école des gladiateurs - Andrei Yakovlev
Les compagnons d'armes de Spartacus :
Thessalonien - Aleksei Kouzmine
Arcill - Dmitri Pykhatchov
Brezover - Andrei Ouchakov
Gannicus - Naïl Enikeev
Erostenes - Dmitri Charapov
1er compagnon d'armes - Trofim Malanov
2d compagnon d'armes - Aleksandre Kourkov
3e compagnon d'armes - Aleksandre Neff
Le marché aux esclaves :
L'Egyptienne - Youlia Kobzar
La mère de l'Egyptienne - Natalia Novikova
Les marchands - Guennadi Nikolaev, Vladimir Silakov
L'acheteur - Soslan Koulaev
La servante - Valeria Karpina
Les gladiateurs :
L'Africain - Aleksandre Beloborodov
Le Numide - Maxim Lynda
Le Gaulois - Vassili Tkatchenko
Le rétiaire - Grigori Popov
Le mirmillon - Aleksei Kouzmine
Le pitre athénien - Vadim Beliaev
L'esclave mourant - Grigori Popov
Le festin de Crassus :
Ménade - Svetlana Ivanova
Satyre - Ernest Latypov
Les Étrusques - Chamala Gousseinova, Denis Zaïnetdinov, Fedor Mourachov
Les filles de Gadès - Olga Belik et les artistes de ballet
Les hétaïres - Alissa Petrenko, Elena Androssova, Alissa Roussina, Maria Cheviakova, Maria Lebedeva
Les mimes - Oleg Demtchenko, Daniil Lopatine, Yaroslav Ryjov, Ilia Jivoï, Aleksandre Fedorov

Spartacus de Leonid Yakobson est un des plus surprenants des ballets, qui ne ressemble à aucun autre.  Il l'était lors de sa création en 1956 et le reste encore, soixante ans plus tard. Le ballet épique aborde un thème héroïque, mais le traite sans emphase, il n'y a pas un seul morceau de bravoure, mais des interprètes parmi les plus grands ne le dédaignent pas, certains critiques d'aujourd'hui lui reprochent des longueurs ainsi que la répétitivité et parfois même l'archaïsme de ses moyens artistiques, mais les spectateurs regardent le ballet en retenant le souffle et les salles sont toujours pleines. Il faut dire que le spectacle, conçu comme une fresque antique gigantesque  avec un langage chorégraphique absolument unique, devenu un grand événement pour le ballet soviétique,  a donné matière à de gros débats dès sa première au Théâtre Kirov, le 27 décembre 1956, ce qui n'a pas empêché ni sa gloire éclatante ni son succès sans pareil auprès du public.

Pourtant, c'est un peu par hasard que Leonid Yakobson est devenu le premier chorégraphe de Spartacus. L'histoire nous dit que c'est vers la fin de 1941, au moment le plus dramatique de la guerre contre l'occupant nazi, que le Théâtre Bolchoï commande à Aram Khatchatourian la musique pour le ballet Spartacus sur le livret écrit encore dans les années 30 par Nikolaï Volkov en collaboration avec le chorégraphe Igor Moïsseïev. C'est à ce dernier qu'appartient l'idée du ballet. Pour de différentes raisons, le travail est interrompu à cette époque-là et n'est repris que vers 1950, mais, cette fois-ci, au Théâtre Kirov. En trois ans et demi, Khatchatourian, inspiré par son voyage en Italie organisé exprès à cette occasion, compose la musique pour un ballet de quatre actes. 

La partition est terminée en février 1954, mais le ballet n'a pas de chorégraphe. Igor Moïsseïev, déjà trop occupé avec sa compagnie, vient de temps en temps rencontrer la troupe du Théâtre Kirov, sans que ça débouche sur un avancement quelconque. Fedor Lopoukhov, qui en 1955 est mis, pour une énième fois, à la tête du ballet Kirov, cherche un chorégraphe pour le nouveau spectacle, mais ceux vers qui il dirige son regard sont pris en ce moment-là. Et c'est ainsi que Lopoukhov, ne pouvant plus attendre, s'adresse à Leonid Yakobson, qui, lui aussi, a déjà été chassé du Théâtre à deux reprises, dont la dernière en 1950, juste après le succès de son premier grand ballet Chouralé, suite à un article dénonciateur d'un collègue visant le chorégraphe et ce en pleine campagne "anti-cosmopolitisme". 

Yakobson n'a que dix jours pour prendre connaissance du livret et de la partition et procéder aux  répétions. Mais le livret de Volkov/Moïsseïev et, par conséquent, la partition de Khatchatourian ne satisfont pas  le chorégraphe. Il refait le livret (Nikolaï Volkov lui donne la carte blanche à condition de garder les droits d'auteur), en le réduisant à trois actes, afin de donner plus de cohérence à la dramaturgie du ballet, et demande au compositeur de faire la même chose avec la musique ce que Khatchatourian refuse catégoriquement. Les deux, le chorégraphe et le compositeur, ont des personnalités très fortes, inflexibles et des tempéraments explosifs, chacun d'eux est confiant en son propre génie et refuse céder aux exigences de l'autre. Le conflit artistique a même tourné en conflit bien réel. Lors d'une discussion animée dans la rue, Khatchatourian, en gesticulant d'une façon trop agitée, touche par hasard le visage de Yakobson, qui, croyant avoir reçu un coup, tout de suite rend le pareil. Et c'est ainsi qu'une vraie bagarre explose au milieu de l'avenue Nevski. Cet épisode, largement connu grâce à la femme de Yakobson, qui, ayant été le témoin direct de ces événements, n'a pas omis d'en livrer les détails, ne peut que susciter un sourire. Au moment où les deux serviteurs des Muses en sont venus aux mains, ils se dirigeaient ensemble chez les Yakobson pour déjeuner. 

Après ça, Khatchatourian rentre à Moscou, mais la partition du ballet est toutefois réduite de quatre à trois actes et arrangée selon les exigences du nouveau livret. "La voie Appienne", les danses des guerriers de Spartacus après la prise du palais de Crassus ainsi que les scènes avec les pirates  sont coupées. En revanche, la musique de "Saturnales", le tableau qui n’existait pas dans le livret d’origine, est composée des morceaux initialement écrits pour d'autres scènes. Contrairement à Nikolaï Volkov et Aram Khatchatourian, qui envisageaient le ballet comme le récit de la vie et la mort héroïque de Spartacus, le chef des peuples révoltés, "le meilleur des gens", Yakobson conçoit son spectacle comme "les scènes de la vie romaine". "Le triomphe de Rome", "Le marché aux esclaves", "Le cirque", "Les Saturnales", "Le rébellion des gladiateurs", "Le camp de Spartacus", "Le festin chez Crassus", "La chute de Spartacus" - les scènes, dont la plupart pourraient être des spectacles indépendants - présentent de différents aspects de la vie romaine avec les bacchanales, les divertissements sanguinaires, les fêtes populaires, les sévices et la souffrance des populations assujetties. L'histoire de Spartacus sert de canevas qui réunit toutes ces scènes épisodiques dans une narration dramatique. En même temps, Leonid Yakobson a gardé dans son ballet les protagonistes principaux introduits par Nikolaï Volkov, qui, ayant trouvé la source littéraire pour son livret chez Plutarque, a emprunté à celui-ci les personnages de Crassus, de Spartacus et de sa femme Phrygie et, pour nouer l’intrigue, a rajouté les personnages d’Egine, la concubine de Crassus, et de Harmodius, un jeune Thrace faible de caractère.

Les événements historiques racontés dans le spectacle se sont déroulés dans les années 70 avant J.C., ce qui correspond au déclin de la République romaine. Yakobson dresse le portrait de la société romaine en déliquescence dans sa diversité : des patriciens aux esclaves, en passant par des légionnaires, des hétaïres, des artistes de rue, des affranchis et autres populations, libres ou pas. Crassus, qui se trouve tout en haut de cette société, se présente comme un personnage statuaire. C'est un dieu vivant, dont les pieds ne touchent jamais les pavés romains. C'est toujours debout, porté par des esclaves, qu'il apparaît dans les rue de Rome à l'occasion de grands événements  comme le retour triomphal des légions ou les fêtes des Saturnales. Et c'est seulement  dans sa villa ou encore sur le champ de bataille contre l'armée de Spartacus (ce qui est assez symbolique : les esclaves révoltés renversent le dieu de son piédestal) que l'on puisse enfin l'apercevoir à pied. Il est donc normal que ce personnage ne danse pas dans le ballet, au contraire, c'est les autres qui dansent pour le divertir. C'est à Egine, sa concubine, que revient l'honneur de personnifier la haute société romaine hédoniste embourbée dans le vice. A elle s'opposent Spartacus, qui incarne l'honneur, le sens de devoir et l'esprit de liberté, et Phrygie, qui est l'incarnation de l'amour pur. Le spectacle dénonce l'esclavage, mais la ligne d'opposition ne passe pas forcément entre les asservisseurs  et les esclaves ni entre les patriciens et la plèbe, comme elle ne passe pas non plus entre les riches et les pauvres. Par exemple, il est très peu probable que les filles de Gadès, qui dansent au festin de Crassus, soient libres. Mais leur façon de rigoler de l’humiliation et du sort piteux de Harmodius, au moment où celui-ci est amené chez Crassus après la trahison d'Egine, les place de côté des asservisseurs. Pareil pour le pitre d'Athènes, qui ne se gêne pas de bouffonner, en se moquant de l'esclave mourant dans la scène des Saturnales. En même temps, ceux des compagnons d'armes de Spartacus, qui quittent son camp, en suivant les hétaïres, et trahissent ainsi  la cause noble de la lutte à mort au profit d'une vie plus facile, malgré leur sort tragique (ils se font crucifier), on a du mal à les placer d'un côté ou de l'autre. Ce sont donc plutôt les principes moraux des personnages, notamment, leur aspiration à la liberté, qui servent de la ligne de démarcation pour Yakobson. Ainsi, l'opposition de Rome et des esclaves révoltés traitée dans le sujet de Spartacus se généralise, en fin de compte, au conflit du bas et du spirituel, du vice et de la vertu.

Le chorégraphe, privé du travail depuis six ans, plonge enfin dans les répétitions. Yakobson, connu pour sa manière de travail bien autoritaire et pour ses recherches  sans cesse pendant les répétions, travaille cette fois-ci d'une façon différente. Selon le témoignage de son épouse Irina Pevzner, danseuse du Théâtre Kirov, il ne cherchait rien en répétitions, ne s'arrêtait pas sur les détails comme si tout était déjà prêt dans sa tête. Néanmoins, les doutes l'envahissent de temps en temps, et alors il tient conseille avec ses collègues afin de trouver une solution à une scène qui n'aboutit pas. Dans son travail de recherche du langage chorégraphique pour Spartacus, Yakobson s'inspire de l'art antique largement représenté dans les collections du musée de l'Hermitage. Grâce à son amitié avec le directeur du musée Boris Piotrovski, il organise même une visite privée pour ses danseurs dans les sous-sols de l'Hermitage où à l'époque est conservé le Grand autel de Pergame, encore inaccessible aux simples mortels. Son élan émotionnel très énergique et l'atmosphère de créativité  "contamine" les collègues de Yakobson. Fedor Lopoukhov, le directeur du ballet déjà bien expérimenté dans la matière,
en profite pour recueillir et documenter les retours enthousiastes des membres de la troupe. Par la suite, en utilisant ses notes comme joker, il parvient à calmer les débats après la répétition générale. Lopoukhov, lui-même chorégraphe remarquable, qui cherchait de nouvelles formes des spectacles de danse, appréciait énormément le talent de son collègue Yakobson. Il se rendait compte que Spartacus allait être une révolution dans le ballet soviétique en général et dans le Théâtre Académique Kirov en particulier. La plastique libre du nouveau langage inventé par Yakobson spécialement pour ce ballet, qui puise ses sources dans les recherches de Fokine, Lopoukhov et Goleizovski, était  trop éloignée des canons de la danse classique, qui régnait  inconditionnellement sur la scène académique soviétique à cette époque. Les jambes en dedans et, surtout, l'absence des pointes posaient le plus de problèmes. Certains artistes se posaient des questions si, après ça, ils n'allaient pas perdre leur qualification de danseurs classiques. Le chorégraphe a même été obligé de tricher, en assurant les danseurs que ce n'étaient que des répétitions et que le ballet serait sur les pointes, mais, en réalité, il était convaincu que la danse sur les pointes aurait été déplacée dans un spectacle consacré à l'antiquité.

Khatchatourian, ce "Rubens de la musique" comme l'a qualifié Boris Assafiev, a composé une partition très expressive qui met en relief chaque scène, chaque personnage. Dans son ballet, il utilise largement des leitmotivs. Yakobson, dont les chorégraphies partent toujours de la musique, en fait pareil. Pour chaque personnage ou un groupe de personnages, il invente ses propres pas caractéristiques, qui sont néanmoins reliés par l'esthétique commune. Sensible aux problèmes d'authenticité, Yakobson trouve une solution plastique pour la "symphonie chorégraphique" de Khatchatourian (où il n'y a pas de formes classiques comme pas de deux ou pas de trois... habituelles pour les ballets,) dans les arts plastiques antiques. Auprès le Grand autel de Pergame, il trouve l'idée d'adopter la stylistique des tableaux vivants : les hauts-reliefs qui s'animent et évoluent sous les yeux des spectateurs dans une esthétique dansante inspirée par la sculpture et la peinture de la céramique antique. Chaque haut-relief est en quoique sorte la quintessence de la scène qu'il représente. Le langage unique que Yakobson élabore  spécialement pour Spartacus est centré sur la pose. (Parmi les poses les plus caractéristiques, on trouve une espèce d'attitude revisitée avec le genou dirigé vers le sol, la jambe d'appui restant souvent fléchie, qui est utilisée pratiquement dans toutes les danses féminines.) Les poses sculpturales, liées par des mouvements dansants, surprenants à la fois de leur beauté  et de leur naturel évident, découlent les unes des autres avec une fluidité, qui ne peut que prouver la thèse de Yakobson selon laquelle même dans  la statique il y a de la danse. En créant ce nouveau langage, la "coréplastique", comme il l'appelait lui-même, le chorégraphe cherchait à trouver une solution aux problèmes de l'interaction de la danse et de la pantomime posés par Noverre. Ce que Yakobson reprochaient aux ballets classiques et, surtout, aux dramballets c'est que la pantomime et la danse y étaient complètement séparés ce que réduisait le rôle de la danse au divertissement, alors que, pour lui, la "danse en action" n'était rien d'autre que l'union de la danse et de la pantomime ce qu'il a pleinement réalisé dans Spartacus

Cette coréplastique a un énorme impact artistique sur le ballet qu'elle semble surélevait à un autre niveau de perception. L'art au caractère le plus conventionnel devient un véritable spectacle dramatique dansé d'une intensité émotionnelle difficilement égalable. Spartacus, un ballet de grand style, avec ses nombreux décors somptueux signés par Valentina Khodassevitch, qui rappellent des péplums et frappent par leurs fastes et la richesse inépuisable de leurs détails, et sa stylistique, qui renvoie à l’architecture et aux arts plastiques antiques, est un spectacle d'envergure. Le mariage de la théâtralité apparente avec un langage chorégraphique, qui visuellement s'inscrit parfaitement dans cette esthétique, mais, au fond, a une logique tout à fait naturelle, qui n'admet aucune fausseté, fait du sorte que l'on peut regarder Spartacus comme un grand film. Cet effet est renforcé par le découpage des scènes dans le style "pendant ce temps-là" que Yakobson a appliqué notamment dans "Le festin de Crassus", en intercalant dans  celui-ci la scène de séduction de Harmodius par Egine dans une tente. 

Certes, pour que tout cela fonctionne, il faut que les interprètes soient à la hauteur de la conception du chorégraphe.  La première mondiale de Spartacus a été dansée par Askold Makarov (Spartacus), Inna Zoubkovskaïa (Phrygie) et Alla Chelest (Egine). Comme on le sait, souvent, dans son travail, Yakobson partait de l'individualité de ses artistes. C'est donc pour eux, en quelque sorte sur mesure, qu'il a créé les rôles. Et aujourd'hui, le Théâtre Mariinski peut réunir au moins trois distributions différentes, capables d'interpréter le ballet d'une façon tout à fait remarquable comme ça a été le cas le 12 mai dernier. 

Dès le premier tableau, "Le Triomphe de Rome", Leonid Yakobson et Valentina Khodassevitch nous plongent dans l'univers captivant multicolore de Rome antique, tel qu’ils l’imaginent. Une scène de masse impressionnante, orchestrée dans les meilleures traditions d'Alexandre Gorski, où chacun d'innombrables personnages est à sa place et joue un rôle bien précis.  Un véritable défilé militaire se déroule sur la scène du Mariinski.  Le héraut s'agite pour annoncer le retour glorieux des troupes. Menés par les tribuns et les centurions, les légions avancent en marquant les pas stylisés et en levant les bras dans les saluts romains.  C'est avec  la tenue digne des militaires professionnels que les artistes de la compagnie font la démonstration de l'habilité avec laquelle ils manipulent les scutums, les pilums, les glaives et autres poignards. Les rangs biens alignés des archers passent à l'allure légère faisant référence à la marche de la cavalerie. Les étendards, les têtes des loups sur les casques des porte-enseigne, les cuirasses, les capes blancs, rouges ou pourpres... Toute cette diversité des détails en met plein la vue du spectateur. Lorsque ce flot des militaires s'interrompe, la place devant l'arc de triomphe se remplie de plèbe, mais les soldats de la cohorte urbaine interviennent sans tarder pour rétablir l'ordre public et le défilé des troupes reprend. Les gracieuses citoyennes romaines saluent l'armée avec des fleurs. Les marchands avec les fouets font avancer les captifs, qui déposent le butin aux pieds des vainqueurs et se prosternent en attendant l'arrivée du cortège de Crassus. Chrysogonus, son affranchi (Islom Baïmouradov), se trémousse obséquieusement dans l'attente de son maître. Enfin, arrive Crassus (Nikolaï Naoumov), couronné de laurier, se délectant de son succès  debout sur un char de triomphe tiré par l'Africain (Alexandre Beloborodov) et  les Thraces Spartacus (Andreï Ermakov) et Harmodius (Konstantine Zverev) chargés de fers. Phrygie (Sofia Goumerova), la femme fidèle de Spartacus, se serre craintivement contre l'épaule de son époux. Tout le monde se courbe devant le triomphateur. Seuls Spartacus au regard fulminant garde la tête haute et Egine (Ekaterina Kondaourova) reste couchée imperturbablement sur sa litière. 

En quelques minutes seulement, les portraits des personnages principaux sont dressés grâce au génie du chorégraphe et le talent dramatique des artistes. Celui-ci tient le rôle particulièrement important dans le ballet, dont le langage chorégraphique ne suppose pas la démonstration de la virtuosité des danseurs, ce qui ne veut pas dire que la chorégraphie est dépourvue des difficultés pour les interprètes. La danse sur les demi-pointes (les artistes sont chaussés des sandales), les placements de corps inhabituels, les pieds en dedans suscitent des muscles peu sollicités chez les danseurs classiques. C'est le paradoxe de Yakobson. Il a toujours considéré l'école de la danse classique comme une base indispensable pour ses interprètes, mais jugeait sa présence dans les spectacles comme inutile (quoique, sa position là-dessus évoluait tout au long de sa vie professionnelle).

Contrairement au "Triomphe de Rome", le "Marché aux esclaves" se déroule modestement sur le proscenium. Le rideau, qui cache le plateau (où on est en train de préparer la scène suivante), le siège curule d'un client haut-placé et le tapis, sur lequel une jeune fille égyptienne (Youlia Kobzar) est obligée de faire la démonstration de ses talents, sont les seuls décors de cette scène. Yakobson l’a considérablement réduite, en coupant notamment la danse des garçons éthiopiens et la danse de l’esclave grec (la musique de celle-ci est utilisée pour le cordax du second acte), mais en sept minutes à peine qu'elle dure, le maître absolu de la miniature a réussi à raconter toute la tragédie de l'esclavage, qui détruit les vies de gens, volent leurs destins, brisent les familles.  Dans la danse égyptienne, Youlia Kobzar contorsionnait son corps à la plastique parfaite, dessinait de motifs fantasques avec ses mains croisées d'une façon imitant un serpent et, pendant ce temps-là, ses yeux racontaient la terreur de la jeune fille qui, privée de sa patrie et de sa maison, se retrouve en tant que la marchandise parmi les clients excités et les vendeurs blasés, qui ne pensent qu'à l'argent. Consternée, elle implore d'un geste désespéré son futur maître de ne pas la séparer de sa mère. En vain, on reste imperméable à ses supplications et les prières de sa vieille mère agenouillée. Menacée des coups de fouet, elle se fait emmener. Lentulus Batiatis (Andrei Yakovlev), qui choisit des recrues pour son école de gladiateurs, s'excite en découvrant les guerriers  thraces. Il repousse violemment Phrygie qui ne veut pas être séparée de son mari et emmène Spartacus et Harmodius comme le bétail, en tirant la corde attaché à leurs cous. Phrygie, désespérée, est achetée par Egine et se laisse emmener de force par Chrysogonus. Andrei Yakovlev, l'interprète constant du rôle du propriétaire de l'école de gladiateurs, campe un personnage psychopathe. Ses gestes larges à l'amplitude maximale et sa mimique très vive rendent son Lentulus un peu grotesque ce qui constitue un contrepoint au dramatisme de la scène du cirque. 

Dans le tableau du cirque, Yakobson a coupé "l'enlèvement des Sabines", mais a conservé les trois combats des gladiateurs. Ces épisodes des combats surprennent par leur véracité historique, leur efficacité et la grande diversité des moyens plastiques utilisés par le chorégraphe, qui lui permet d’atteindre un résultat saisissant, mariant le naturel et la théâtralité. Yakobson a mis en scène trois combats complètement différents. Le spectateur se fait tout de suite absorber par le combat entre l'Africain, le Numide et le Gaulois. On tâte l'adversaire, jongle avec les poignards, les coups partent très vite et déjà le Gaulois (Vassili Tkatchenko) est tué. On ne se réserve plus, tous les moyens sont mis en jeu : sauts, coups de pieds, crocs-en-jambe, on roule par terre et on termine par frapper  l'adversaire avec son propre arme. Le Numide (Maxim Lynda), mortellement blessé, demande grasse. L'Africaine (Alexandre Beloborodov), confus par sa victoire, hésite. Il ne sait plus s'il doit achever son concurrent ou demander grasse pour lui ou pour soi-même. Le niveau d'attention porté aux détails est très élevé et va jusqu'à la morphologie des combattants. Ainsi, on distribue toujours dans le rôle de l'Africaine les danseurs avec la même silhouette longiligne. Par contre, le maquillage de corps n'est pas toujours impeccable, faute de résistance. Mais de toute façon, c'est un problème récurrent, qui concerne aussi les autres personnages et les autres ballets. (C'est dommage car ça fait tache, dans le sens direct comme figuré, lorsqu'on voit les traces des maquillages laissées par les partenaires sur les robes immaculées de Phrygie et d'Egine, ou encore de Nikyia.)  En même temps, on ne peut que se féliciter que le très expansif "politiquement correct" avec ses bonnes intentions absurdes (dont, comme on sait, est pavé le chemin vers l’enfer) n'a pas encore envahi les théâtres russes et on peut regarder ce Sapartacus tel quel sans craindre le scandale. Qu'est-ce qu'il aurait fallu faire dans le cas contraire ? L'abandonner, changé la nationalité du personnage ou inviter des artistes étrangers ?

La mise en scène du combat entre le rétiaire (pêcheur) et le mirmillon (poisson) fait penser au duel de Mercutio et de Tybalt dans Roméo et Juliette de Leonid Lavrovski. Le rétiaire  leste (Grigori Popov) doit attaquer le mirmillon puissant (Alexeï Kouzmine). Mais quelles sont les chances de ce frêle, malgré toute son agilité, sans protection sur son corps, muni seulement d'un trident et d'un minable filet, qu'il ne tarde pas de perdre, contre ce massif mirmillon, ayant endossé son armure, contre son bouclier et son épée ? C'est de la pêche au requin ou à l'orque. Désarmé, blessé, le rétiaire continue à narguer le mirmillon, en essayant de mobiliser ses dernières forces. Avant de trouver sa mort, il maudit Rome. Cette scène est une de plus  prégnante dans le spectacle, surtout lorsqu'elle est interprétée par un grand artiste comme Grigori Popov, qui sait trouver de nuances justes pour peindre un personnage marquant, qui gagne forcément les cœurs des spectateurs. Ce qui distingue son rétiaire c'est la dignité avec laquelle il meurt et ça rend sa mort encore plus tragique. 

Le combat collectif entre les Samnites et les Thraces va crescendo. Deux combattants des camps opposés s'affrontent pendante que les autres temporisent. Après, deux autres se joignent à eux et peu à peu les autres interviennent. Très vite, il y a des premières pertes.  Quand les deux camps s'alignent sur deux rangs opposés pour croiser leurs épées, on se rappelle encore de Montaigu et des Capulet de Lavrovski (Yakobson était un grand admirateur de son Roméo et Juliette). Lorsque des cadavres couvrent la périphérie de l'arène, il ne reste plus qu'un seul Thrace contre cinq Samnites. Les visages des gladiateurs étant cachés, ce n'est qu'un ce moment-là que le public découvre qui est Spartacus. Quoique, le spectateur bien attentif, peut le reconnaître avant, grâce aux certaines nuances de son costume identique avec les autres pour le reste : c'est le seul qui a les spartiates qui montent jusqu'aux mollets et la couleur de ses habits est un peu plus vive que chez les autres. Spartacus, grâce à sa force, son habileté et la ruse, bat à plate couture tous ses adversaires, il triomphe, mais, lorsque le combat est terminé, il refuse  d'achever son dernier concurrent blessé. Au lieu de ça, il lui tend sa main, un geste qui l'oppose pour la première fois, encore symboliquement, à Rome. Mais dans la musique de ce troisième combat, on entend déjà le leitmotiv des fanfares qui reviendra plus tard dans le thème de Spartacus. 

Ce troisième tableau est conçu comme le cirque dans le cirque, ou plutôt comme l'amphithéâtre dans le théâtre. Les gradins des Romains ce trouvent au fond de la scène, la loge d'honneur, où on aperçoit Crassus avec Egine, à droite, un peu en oblique. Ainsi, la salle de théâtre se transforme en prolongement des gradins de l'autre côté de la loge d'honneur. Cet effet est renforcé par la mise en scène : les personnages à l'arène s'adressent aussi bien au "public" sur scène qu'aux spectateurs en salle. Yakobson propose donc aux spectateurs de regarder les combats des gladiateurs tels que les voient les Romains. Mais si pour ceux-ci ce n'est qu'un divertissement, ce n'est pas le cas pour le chorégraphe. A travers ces combats, sans faire de déclarations politiques, il arrive encore une fois à montrer la monstruosité de la dépravation de Rome et la tragédie de l'esclavage. Un malingre Lentulus Batiatus, fouet à la main, s'agite comme un possédé et donne des coups aux hercules qu'il oblige à tuer les uns les autres  pour divertir la foule, qui a payé pour ça et s'est acheté ainsi le droit de juger qui doit vivre ou pas. Dans ce tableau, à travers les comportements des gladiateurs vainqueurs, Yakobson ébauche également des portails des futurs compagnons d'armes de Spartacus. L'Africain, qui restera avec Spartacus jusqu'à la fin, a une attitude plus humaine envers son adversaire vaincu, il n'oublie pas que, gagnant ou pas, il n'est qu'un esclave. Alors que le Mirmillon est impitoyable avec son concurrent, il reconnaît pleinement le droit du plus fort et ne semble être intéressé que par son propre succès. On devine en lui Thessalonien (les deux rôles sont traditionnellement tenus par le même artiste), qui fera partie de ces compagnons de Spartacus qui, détournés par les hétaïres, quitteront son camp avant le combat déterminant.   

Dans le second acte, nous sommes au tournant de la narration. Des rencontres cruciales et de la prise des décisions on passe à l’insurrection armée. Le tableau de Saturnales commence par le monologue de Phrygie qui rêve de la rencontre avec son mari. Désespérée par leur séparation, elle tend les bras dans la direction d’où elle attend l’arrivée de Spartacus et repousse symboliquement la maison où elle est l’esclave. Impuissante, elle serre les poings et menace ses oppresseurs. L’arrivée de Spartacus transforme le monologue en adage pendant lequel Phrygie raconte sa souffrance. Dans cet adage, plus qu’ailleurs Yakobson a mélangé la danse et la pantomime. Bien qu’il renonce aux gestes conventionnels des ballets classiques (ces personnages ne font pas de serments en levant deux doigts, ne passe pas leurs mains près du visage pour parler de la beauté de quelqu’un etc…), il en reprend parfois certains. Notamment, on peut voir Phrygie avec les deux mains posées sur les épaules ce qui désigne l’esclavage. Sofia Goumerova est probablement la meilleure interprète du rôle de Phrygie actuellement au Mariinski. Elle mime finement l’état émotionnel de son personnage, qui, envahi par des sentiments très différents à la fois, allant de la joie au désespoir, sourit à travers les pleurs. Par contre, Andrei Ermakov a une particularité de la mimique, qui fait que son sourire semble parfois forcé. Dommage, car la mimique est particulièrement importante pour ce duo. Phrygie et Spartacus se tendent les bras l'un vers l'autre et n'arrivent pas à détourner leurs regards, ne pouvant pas assez s'admirer mutuellement après une longue séparation forcée. Après la rencontre avec sa femme, Spartacus donne rendez-vous à ses camarades. Mais ce qui reste invisible pour la ronde de nuit et même pour Lentulus Batiatus, qui a du flair pour les gladiateurs, ne sera pas inaperçu par la maligne Egine, qui va aussitôt entreprendre Harmodius afin de lui soutirer tous les secrets. A la différence de l’adage chaste de Phrygie et Spartacus, celui d’Egine avec Harmodius est bien plus sensuel. Les déhanchements sont un des leitmotivs chorégraphiques d’Egine (on en retrouve aussi chez Grigorovitch). Sa plastique est basée sur les poses à l’inspiration égyptienne, avec le bas de corps en profil et les épaules orientées frontalement. Ekaterina Kondaourova campe un personnage perfide, calculateur, ambitieux mais blasé, mort émotionnellement. Elle ne semble prendre aucun plaisir à ce jeu de séduction avec Harmodius, qui, néanmoins, aveuglé par sa beauté, mord tout de suite à l’hameçon.

Dès que les personnages principaux quittent la place, celle-ci est aussi tôt envahie par la foule fêtant les Saturnales. Vadim Beliaev fait toujours de l'effet dans le rôle du Pitre athénien, qui divertit la foule, en dansant un cordax sur une place romaine. Un escogriffe grimaçant mène les cinq mimes, qui grouillent autour de lui comme des fourmis, dans une danse impudente, mais pleine d'humour presqu’innocent. Ensemble, ils forment des constructions acrobatiques suggestives. Cet effet est renforcé par les costumes des mimes, avec les minois sur la partie arrière de leurs culottes. Dans les Saturnales, Yakobson continue à développer le thème de la cruauté et de la dégénération morale de Rome. Crassus fait son apparition sur la place, debout sur une civière portée par les esclaves, tel un dieu vivant, faisant la concurrence à la statue de Saturne présente ici-même. Lorsque l’un de ses esclaves bronche, Chrysogonus s’acharne sur lui avec un poignard pour prendre obséquieusement sa place dans le cortège. L’esclave est laissé mourir, la foule continue à fêter, seul le pitre a l’air de s’intéresser au mourant, mais pas pour de bons motifs. Arrive Spartacus avec ses camarades. C’est sur leurs bras que l’esclave meurt en souffrance sur proscenium où ils forment un haut-relief vivant sur le fond du rideau : les personnages statiques s’animent, sans pourtant casser la composition sculpturale. Dans la dramaturgie du ballet, cet épisode s’avère déterminant. Placé juste avant le tableau de rébellion, il se présente comme la dernière goutte qui fait déborder la coupe.

"Le rébellion des gladiateurs" est la scène la plus courte du ballet. Pourtant, elle contient deux tableaux : la prison des gladiateurs et la descente. Ça commence par le monologue de Spartacus qui appelle les camarades à rompre leurs chaînes et à se soulever. Bien que Leonid Yakobson estimait d’avoir complètement échappé au lexique classique dans ce ballet, on en retrouve certains éléments, quelques grands sauts notamment, dans ce monologue. Andreï Ermakov est le plus jeune des interprètes actuels de ce rôle. Son interprétation de ce monologue de Spartacus, le seul solo que l’on pourrait à la rigueur considérer comme un morceau de bravoure, ne manque pas de fougue. Ses gestes sont précis, les sauts sont d’une grande élévation et le manège des jetés en tournant revisité est particulièrement énergique. Ses camarades d’armes n’ont pas d’autre choix que de suivre un tel leadeur. Ils rompent leur chaines, suppriment les gardiens et font justice de Lentulus Batiatus qu’ils laissent pendu sur le mur de la caserne. Le tableau suivant est très bref, mais spectaculaire. On voit une descente aux flambeaux de l’armée de Spartacus, un interminable serpentin des feux dans le noir. Certes, cette scène à effet visuel n’est peut-être pas la plus importante pour la narration, mais elle constitue un point culminant sur le plan esthétique, musical est dramaturgique du second acte.

Le compositeur construit les scènes su ballet autour du principe du contraste constant. Les thèmes s’alternent, les leitmotivs s’entrelacent, forment des contrepoints. Le chorégraphe suit fidèlement la musique dans sa polyphonie dramaturgique. Le troisième acte, le plus long (il dure plus d’une heure) et le plus riche en danses, commence par le haut-relief vivant du festin dans la villa de Crassus que Yakobson met en scène pour illustrer le thème de Rome dont la réminiscence ouvre la partition de ce dernier acte. Mais lorsque les fanfares de Spartacus se substituent aux leitmotivs de Rome, on se retrouve dans le camp de l’armée des esclaves insurgés où Egine, qui se retrouve parmi les hétaïres captives, met en œuvre son plan perfide. Elle entreprend Harmodius et l’entraine sous la tente où, en absence de Spartacus, les chefs d’armée des gladiateurs envahis par les fumées se divertissent avec les hétaïres. Cette scène est basée sur les contrastes des rythmes. Entre les parties rapides aux mouvements convulsifs effrénés est intercalée la danse voluptueuse d’Egine, qui hypnotise les militaires, en les mettant en transe par ses gestes lascifs. Ici, pour la première fois, Egine de Ekaterina Kondaourova semble prendre plaisir de ce qu’elle fait, comme si son personnage avait besoin d’alcool pour se sentir vivant. Le retour de Spartacus met fin à cette bacchanale. Il ordonne aux hétaïres de quitter le camp et libère les centurions des outrages que leur font subir ses camarades éméchés : on lutte contre l’injustice de l’esclavage pour la liberté et non pas pour devenir les esclavagistes à son tour. La bagarre s’engage entre les partisans de Spartacus et les mécontents, qui finissent par quitter le camp. Harmodius, séduit par Egine, part avec elle. Les chefs d’armée fidèles à Spartacus prêtent serment de mener jusqu’au bout leur bon combat.

Yakobson joue beaucoup avec l’espace. Le proscénium sert aussi bien pour les hauts-reliefs vivants que pour les scènes entières. Dans le "Festin chez Crassus", il est utilisé pour lier la narration. Harmodius hésite encore, mais Egine l’entraine avec elle. Un seul geste de sa main et le rideau opaque se lève, en laissant entrevoir à travers le voile les fastes de la bacchanale chez Crassus. Sur l’ordre d’Egine, Harmodius s’en va l’attendre tandis qu’elle se précipite pour se changer sans pourtant oublier de passer auparavant prévenir Crassus de son retour.

Bien que le "Festin chez Crassus" soit conçu comme une bacchanale, c’est plutôt décent en apparence. Les patriciens allongés sur les couchettes entourés des esclaves avec les éventails contemplent le divertissement proposé par leur hôte : la valse des nymphes, la danse étrusque, la danse des filles de Gadès. Ces danses de l’internationale romaine font monter l’atmosphère en crescendo. Les nymphes grecques balancent rythmiquement dans les mouvements ondulatoires rappelant le bercement des vagues. Elles forment des ensembles à l’architecture complexe autour d’une languissante Ménade (Svetlana Ivanova) et d’un Satyre (Ernest Latypov) que l’on prendrait volontiers pour Dionysos. La danse de Satyre cache quelques difficultés techniques : des sauts dans les directions opposées qui s’enchainent sans préparations et les portés hauts dont abonde le duo avec la Ménade. Mais, avec une partenaire aussi miniature comme l’exquise Svetlana Ivanova, Ernest Latypov n’a aucune difficulté pour les exécuter. Lorsque les danseurs grecs s’immobilisent en formant un merveilleux ensemble sculptural, entre Chrysogonus pour annoncer l’arrivée d’Egine. Celle-ci "s’isole" (en présence des esclaves, dont Phrygie, qui sont là pour meubler) avec Crassus sur le proscenium afin de lui faire part de la scission dans le camp des gladiateurs et lui raconter son plan perfide au sujet de Harmodius. Phrygie, qui entend la conversation, envoie un messager pour prévenir Spartacus.

La scène de la séduction de Harmodius par Egine révèle une certaine incohérence du livret de Leonid Yakobson par rapport au livret original. Chez Nikolaï Volkov, Harmodius n’est pas un gladiateur, mais un esclave acheté par Egine. Il se retrouve dans le camp de Spartacus lorsque l’armée de celui-ci vient occuper la villa de Crassus (que Harmodius met en feu sur l’ordre de son maître). Après, séduit par Egine, il se retrouve de nouveau entre les mains de Crassus et lui livre tous les secrets militaires de l'armée des gladiateurs. Chez Yakobson, l’activité subversive d’Egine consiste à provoquer la scission dans le camp de Spartacus. Le départ de Harmodius ne change pas grand-chose à la situation car on ne le voit pas livrer les secrets militaires à l’ennemi. Sa trahison ne peut avoir beaucoup de conséquences pour ses anciens camarades, mais plutôt pour lui-même, car, pour un leurre, il a abandonné la noble cause pour laquelle il a juré de se battre. C’est donc avant tout lui-même qu’il a trahit. Mais si le but d’Egine est déjà atteint, l’armée des gladiateurs est affaiblie, pourquoi elle continue à séduire Harmodius après son départ du camp de Spartacus ? Est-ce par plaisir de posséder ? Yakobson, voulait-il mettre ainsi un accent sur la nature perverse d’Egine et donc de Rome, dont elle est la personnification ? On aurait pu le croire avec d’autres interprètes de ce rôle. Seulement, comme on l’a déjà remarqué, Egine de Ekaterina Kondaourova est une calculatrice froide, très ambitieuse, orgueilleuse, qui ne donne par l’impression de s’intéresser quelque peu à sa proie. Pendant l’adagio avec Harmodius, qui se déroule entre trois lits, elle joue avec lui comme le chat avec une souris, l’entraine sans pitié vers sa fin. Les mouvements de son corps son pleins de volupté alors que ses yeux restent de marbre. En parlant avec Crassus, elle avait l'air bien plus excitée. Seul Harmodius, complètement aveuglé, ne se rend compte de rien : "Me tromper n'est pas difficile ! Je suis ravis de me tromper !" Konstantine Zverev est assez convaincant dans le rôle d’un personnage veule, qui cède facilement à ses passions. Dans l’adagio sensuel, riche en portés tout en fluidité, il fait la démonstration de pas mal de fougue et se jette sur le lit dans un sot vertigineux sans se ménager. Tout ça pour, au final, se faire tordre les bras par les hommes de Crassus.

Après cette parenthèse, le festin chez Crassus reprend. Egine jubile, fière de son succès, elle vide la coupe et se lance dans la fameuse variation triomphale. Remontée comme une pendule, elle tourbillonne fiévreusement dans les manèges des sauts. Tout le monde se lève pour la saluer. Mais il n'y a pas que la jubilation dans cette danse, on y lit clairement une fêlure tragique. La variation se termine par un porté dans les bras de Crassus. C'est incroyable, mais parmi les titulaires actuels du rôle de Crassus, il y a Vladimir Ponomarev, qui même après plus d'un demi-siècle de service au Mariinski ne cherche pas à se faciliter la tâche ! Nikolaï Naoumov que l'on avait plaisir de retrouver dans le rôle de Crassus le 12 mai dernier n'a pas la même théâtralité de geste que son collègue aîné. Son jeu est plus calme ce qui va mieux avec sa facture. Grand, costaud, avec les cheveux bouclés et la gestuelle impérieuse, il campe un Crassus séduisant qui n'a rien de démoniaque ni d'exalté, mais dégageant une grande force et l'assurance d'un vrai chef militaire habitué à vaincre.

La soirée chez Crassus se poursuit avec la merveilleuse danse étrusque aux motifs exotiques et les changements des rythmes délicieux. C'est un véritable petit chef d'œuvre très original, dansé tantôt sur les demi-pointes, tantôt sur les talons, qui exige des interprètes une grande précision des pas et des gestes ainsi que la souplesse du corps, car il contient des éléments de la danse de ventre stylisés. Chamala Gousseinova, Fedor Mourachov et Denis Zaïnetdinov, pour qui c'était un début dans cette danse, semblaient sortir tout droit des vases antiques. Leur prestation, mêlant une délicate sensualité et l'humour à peine perceptible, ne manquait pas de synchronisation. Un chef-d'œuvre chasse un autre, et déjà les filles de Gadès viennent hypnotiser le spectateur par l'architecture stricte et élégante de leur entrée, qui fait penser à la décente des ombres dans la Bayadère. Une vingtaine de danseuses voilées apparaissent une à une d'un pas rythmé, faisant en canon la même séquence des gestes des bras, rappelant une prière, jusqu'à ce qu'elles forment un cercle. Et c'est en ce moment-là que l'on commence à leur retirer les voiles et leur gestuelle devient plus sensuelle, apparaissent les déhanchements. Les mouvement s'alternent : tantôt ils sont les mêmes pour tout le monde, tantôt ils sont différents. Parfois, de petits groupes de solistes se détachent, mais finalement il ne reste qu'une seule meneuse. La prestation d'Olga Belik en soliste des filles de Gadès n'a pas le déchaînement de Elena Bajenova, la grande spécialiste des danses orientales (et pas seulement) au Mariinski, mais elle est tout à fait captivante. La musique s'accélère et les filles se laissent s'entraîner, peu à peu elles rentre dans une transe extatique sans issue et c'est en ce moment-là que tout s'interrompe brusquement : on amène Harmodius. La musique des filles de Gadès se poursuit, mais on peut y entendre le leitmotiv des fanfares des gladiateurs. Lorsqu'elle se termine, Chrysogonus ouvre les fenêtres et on découvre les anciens camarades d'armes de Spartacus crucifiés. Harmodius, qui comprend enfin le véritable rôle d'Egine, tente à la tuer, mais se fait arrêter par les légionnaires. Egine continue à savourer sa victoire, en provoquant Hatmodius, qui se fait marquer par le fer rouge. Konstantine Zverev joie d'une façon poignante la souffrance et le cri muet qui accompagne cette exécution. Trahi, humilié, Harmodius préfère à se donner la mort en se jetant sur l'épée d'un légionnaire. Lorsqu'il tombe, en mourant, vers les pieds d'Egine, dans la façon dont Ekaterina Kondaourova détourne la tête, on peut lire un ombre d'un regret, mais ça ne dure pas. Elle boit encore pour s'oublier. La scène se termine par l'arrivée des troupes de Spartacus, mais Crassus et Egine parviennent à s'échapper.

"La chute de Sapartacus" commence par un lyrique adagio de Spartacus et Phrygie, enfin libérée, qui avec les interventions des fanfares tourne aux adieux. La jeune femme est désespérée, elle n'a même pas eu le temps à passer avec son bien aimé qu'elle vient de retrouver et déjà elle risque de le perdre à nouveau, mais Spartacus reste inflexible. Il doit combattre à mort pour la liberté. Par un mouvement berçant dans un joli porté original, il calme Phrygie et la femme dévouée apporte et bénit les armes de son mari. Ce duo a été particulièrement réussi par Andrei Ermakov et Sofia Goumerova dramatiquement, émotionnellement et techniquement. Chacun des interprètes a su exprimer la nature de son personnages. Même les petits problèmes mimiques de M. Ermakov qui ont pollué un peu le duo du second acte, ne sont plus revenus. Quant aux multiples portés, ils ont toujours été parfaits.

Pour le tableau de la bataille finale, Yakobson a encore trouvé une solution efficace en recourant aux tableaux vivants. Les mises en scènes statiques représentants de différents moment de l'affrontement entre deux armées défilent sous les yeux des spectateurs pour se déboucher finalement sur un vrai combat au moment le plus dramatique. Et que les épais soient beau en aluminium, le génie de Khatchatourian et de Yakobson ont fait du sorte que leurs étincelles touchent le spectateur droit au coeur. Les compagnons d'armes de Spartacus tombe un à un. Ils ne restent plus que deux, lui et l'Africain, entourés par les troupes ennemies. L'Africain tombe aussi et Spartacus reste tout seul. Il combat comme sur l'arène du cirque au premier acte, mais les forces sont inégales et lui aussi termine par tomber percé par une lance. Son corps glisse lentement en descendant par la lance et lorsqu'il se retrouve par terre, les fanfares romaines chantent la victoire. Crassus et Egine peuvent jubiler.

Spartacus est un ballet sur Rome antique et Egine, avant tout, et Crassus, par extrapolation, auraient pu être considérés comme ses personnages principaux, qui repoussent au second plan l'histoire de Phrygie et de Spartacus, s'il n'y avait pas le requiem final. Cette scène d'une intensité émotionnelle incroyable, qui arrive à faire pleurer même des hommes, remet tout en place. Phrygie horrifiée, un foulard noir sur la tête, erre seule dans l'ancien champ de bataille et cherche parmi d'innombrables cadavres le corps de son mari. Khatchatourian a renforcé le dramatisme de ce moment, en y introduisant le chœur féminin. Phrygie trouve enfin Spartacus. Son monologue final est le moment le plus fort du ballet. Au bout de désespoir, elle se tord les mains et met ses poings sur sa bouche pour étrangler les sanglots. Les mouvements sont très émotionnels, brusques, larges et angulaires. Les interprètes ont besoin de beaucoup de tact et d'un grand talent dramatique pour ne pas dénaturer cette scène si importante. Et là, Sofia Goumerova, mérite sans fois bravo pour son interprétation très juste, qui ne laisse pas indifférent. Épuisée, Phrygie descend sur les jambes vacillantes vers son mari, enlève son casque et ferme ses yeux. Puis elle mets son bouclier et son épée qu'elle embrasse sur la poitrine de Spartacus et l'enterre. C'est une idée de génie que Yakobson a trouvé pour l'enterrement. Phrygie prends dans les mains la terre imaginaire et parsème avec le corps de son mari. Elle est assise à genoux devant lui, la tête baissée, et ses bras se lèvent de plus en plus haut, ce qui donne l'impression qu'elle se fait enterrer avec lui, mais, au moment culminant de la musique, elle se lève et se redresse, les poings serrés, et l'espoir à la vie et à la liberté renaît. C'est comme ça, sans faire d'affiche politique, Yakobson va du personnel au général et arrive à tout dire sans emphase superflue.

D'après ceux qui ont connu le spectacle original de 1956, il y manque quelques épisodes, dont certains ont probablement disparu déjà lors des reprises précédentes (il y en a eu deux en 1976 et au milieu des années 80). En même temps, Viatcheslav Khomiakov, le maître de ballet de la reconstruction actuelle, ne cache pas avoir coupé quelques "longueurs". En revanche, une nouveauté est rajoutée : chaque "haut-relief" vivant est précédé ou suivi d'une projection du même tableau sur le rideau (sur ces photos stylisées,  prises par Valentin Baranovski leur d'une répétition générale, on reconnaît facilement la distribution de la première, qui a eu lieu le 1 juillet 2010 : Igor Zelenski, Viktoria Terechkina, Ekaterina Kondaourova, Youri Smekakov, Vladimir Ponomarev. La plupart brillent encore à l'affiche du spectacle à ce jour et même dans de différents rôles pour certains -  Mlle Kondaourova  interprète  aussi bien Egine que Phrygia, alors que M Smekalov, en plus d'Harmodius, a dans son actif le le rôle-titre). Ce procédé à un rôle liant et rajoute de la profondeur supplémentaire aux haut-reliefs vivants de Yakobson. 

Malgré ces quelques changements, il s'agit vraiment de la reconstruction du spectacle de 1956, car, déjà dans la version suivante, montée par Khatchatourian au Théâtre Bolchoï en 1962, le livret a été modifié. Harmodius y est devenu un esclave anonyme d'Egine. (Il faut croire que les autorités idéologiques soviétiques n'ont pas apprécié l'idée que la chute du soulèvement de Spartacus était due à la trahison de l'un de ses compagnons d'armes les plus proches). 

Avec d'innombrables artistes participants, 600 costumes et deux milliers d'accessoires, avec les décors pharaoniques de Valentina Khodassevitch, dignes des studios hollywoodiens, différents  pour chacun des douze tableaux, Spartacus est un spectacle parmi les plus grandioses dans l'histoire du Mariinski. Il est difficile de juger comment tout ce ménage gigantesque était géré dans le passé. Lorsqu'en 2010 le spectacle est revenu sur la scène historique, les changements des décors posaient souvent des problèmes. Les entractes pouvaient atteindre une quarantaine de minutes et les incidents comiques (comme un ouvrier de scène errant parmi les "cadavres" au lever du rideau, faisant compagnie à Phrygie) se produisaient de temps en temp. Ces problèmes semblent résolus depuis que le spectacles a déménagé sur la nouvelle scène du Mariinski. En revanche, la luminosité de la fausse d'orchestre dans cette nouvelle salle étant plus forte, l'effet black out y est difficile à atteindre ce qui prive de la magie la scène de la décente des Alpes de l'armée de Spartacus. Si, avant, on ne voyait que les feux descendant en serpentin, désormais, on peut facilement apercevoir les artistes qui courent en agitant les torches. C'est aussi le cas pour les tableaux vivants de la scène du combat ultime. Maintenant, on voit les artistes changer de place lorsque la lumière s'éteint. Par contre, la durée des entractes (il y en a deux) est devenue normale et le spectacle ne dépasse plus 3h10. Toutefois, cela dépasse d'une demi heure  la durée qui est indiquée dans les programmes et sur le site du théâtre (hélas, le Mariinski et le chronométrage ne font pas la paire).

Depuis 2010, la production a déjà supportée plus d'une trentaine de représentation et il semble qu'elles ont toutes été dirigées par Karen Dourgarian, un chef d'orchestre arménien aussi expressif que la musique de Khatchatourian, invité exprès à cette occasion.


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Ballerina



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MessagePosté le: Dim Juin 26, 2016 10:27 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Elenak pour cette magnifique et très complète critique, on s'y croirait.


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ElenaK



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Messages: 817

MessagePosté le: Dim Juin 26, 2016 11:46 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je vous en prie, c'était le but. Very Happy

Au milieu de cette semaine, c'est à dire avec du retard aussi, le Mariinski a mis en ligne les distributions du mois de juillet.

Décidément, le Mariinski a fait un petit effort en matière d'invitation pour les ballets romantiques. On savait déjà que Mathieu Ganio serait le partenaire de Diana Vichneva dans Giselle les 11 et 13 juillet. Mais on ne savait pas qu'Alina Cojocaru sera la ballerine invitée dans La Sylphide de Bournonville le 2 juillet, aux côtés de Philipp Stepine.

Quelques débuts sont prévus dans Raymonde : Xander Parish tiendra le rôle de Jean de Brienne, aux côtés d'Oxana Skorik, le 5 juillet tandis qu'Ivan Oskorbine aura l'honneur de faire ses débuts dans le même rôle le lendemain, le 6 juillet, aux côté de Ekaterina Kondaourova, et, le même soir, Sofia Ivanova-Skoblikova dansera la variation.

Oxana Skorik débutera enfin dans le rôle de la Princesse Aurore (cet événement est attendu depuis octobre avant-dernier) le 15 juillet, aux côtés de Evgueni Ivantchenko. En revanche, on ne sait pas encore qui sera le prince Désiré de Viktoria Terechkina, qui tiendra le rôle principal dans La Belle au bois dormant la veille, le 14 juillet. Dans le cadre de cette représentation, on prévoit le début de Yaroslav Pouchkov en Oiseau Bleu (partenaire Anastassia Loikina).

Un autre début important (bien que prématuré à mon sens), celui d'Ernest Latypov dans le rôle de Siegfried (partenaire Anastassia Matvienko), est attendu le 24 juillet pour la clôture du festival "Les étoiles des nuits blanches".

Evgueni Konovalov fera ses débuts dans le rôle de Vasllav, aux côtés d'Oxana Bondareva, dans La Fontaine de Bakhtchissaraï le 28 juillet, tandis que Maxim Izmestiev débutera en Nourali le 29 juillet.

Maria Chirinkina tiendra, pour la première (et dernière) fois, le rôle de Paracha dans Le Cavalier de Bronze, aux côtés de son époux, le 30 juillet. Et lors de représentation suivante du ballet, qui aura lieu le 31 juillet, on attend les débuts d'Anastassia Loukina et de Romanbek Beichenaliev en Colombine et Arlequin ainsi que de Tatiana Tkatchenko dans le rôle de la Tsarine du bal. Sachant qu'une distribution inédite a finalement vu le jour lors de la dernière, à ce jour, représentation du Cavalier de Bronze, c'est-à-dire le 17 juin, avec Timour Askerov et Ekaterina Osmolkina dans les rôles principaux, Roman Beliakov dans le rôle de Pierre le Grand, Sofia Goumerova dans le rôle de la Tsarine du bal et David Zaleev en Bouffon Balakirev.

Si je ne me trompe pas, quelques débuts sont également prévus dans La Symphonie en ut de Balanchine le 20 juillet : Ekaterina Osmolkina dans la première partie Allegro vivo et Renata Chakirova avec Konstantine Zverev dans la quatrième partie Allegro vivace. Il me semble que pour Nadejda Batoeva, qui se produira dans In the Night de Robins, aux côtés de Filipp Stepine, le 21 juillet, se sera également un début.

Sont déjà dévoilées les distributions de nouvelles créations de Maxim Petrov et d'Antone Pimonov, dont les premières auront lieu dans le cadre de la soirée Prokofiev le 4 juillet avec Le Fils prodigue de Balanchine en première partie. Curieusement, cette première parie sera dirigée par Ivan Stolbov alors que L'ouverture russe et le Concerto pour violon n.2 seront dirigés par maestro Guerguiev himself. L'ouverture russe de Maxim Petrov sera interprétée par Vassili Tkatchenko, Ekaterina Ivannikova et Konstantine Zverev ainsi que Ekaterina Osmolkina et Maxim Zuzine. Le concerto pour violon n.2 d'Anton Pimonov sera dansé par Viktoria Terechkina avec Andrei Ermakov et Nadejda Batoeva avec Aleksei Timofeev. Les distributions pour la représentation du 17 juillet, bien que déjà confirmées, ne sont pas encore publiées.

Le programme de la soirée d'Ouliana Lopatkina, qui se tiendra le 3 juillet prochain sur la scène historique, est également mis en ligne avec la distribution. On aura droit, en première partie, à Carmen suite d'Alonso avec Ouliana Lopatkina, Andrei Ermakov et Evgueni Inatchenko. Dans la deuxième partie, Ouliana ainsi que Valeria Marhynuk, Ekaterina Osmolkina, Oxana Skorik, Renata Chanirova, Maria Chirinkina, Andrei Ermakov, David Zaleev, Maxim Zuzine, Danila Korsountsev, Filipp Stepine, Vladimir Chkliarov et Marat Chemiounov donneront un divertissement. Selon les rumeurs, Ouliana dansera Les fragments d'une biographie de Valdimir Vassiliev et les duos des Diamants et de Raymonde.

Hormis cette soirée, Ouliana Lopatkina se produira dans Le Cygne lors de la soirée Mikhaïl Fokine le 8 juillet et dans le troisième duo de In the Night de Jerome Robbins le 16 juillet. Les deux soirées sont assez remarquables par ailleurs. Celle du 8 juillet, nous donnera l'occasion d'admirer Svetlana Ivanova dans Le Spectre de la Rose, alors que la Shéhérazade qui clôturera la soirée réserve une surprise vraiment inattendu : Youlia Makhalina et Andrei Batalov dans les rôles principaux. Le 8 juin dernier, on se croyait déjà assistait aux adieux d'Andrei Batalov, qui s'est révélé d'être en excellente forme pour quelqu'un que l'on n'a pas vu danser depuis plusieurs années, et ce dans le rôle de Basile ! Est-ce que ce seront les adieux collectifs bis ? Quant à la soirée du 16 juillet, ce sera l'unique occasion de voir encore cette saison Olessia Novikova. Malheureusement, ce ne sera ni La Sylphide, ni Giselle, ni Romeo et Juliette, mais Marguerite et Armand d'Ashton avec comme je l'ai déjà dit In the Night de Robbins en seconde partie. Un programme un peu étriqué, mais vendu pratiquement au même prix que le spectacle du 21 juillet sur la nouvelle scène, qui sera complété par La Symphonie en ut de Balanchine. Mais que les spectateurs n'accepteront pas pour voir les deux ballerines les plus magiques de Saint-Pétersbourg (et pas seulement).

A propos du futur exode des danseurs du Mariinski pour le ballet de Munich, Oxana Skorik va finalement rester à Saint-Petersbourg, contrairement à Aleksei Popov qui compte suivre Igor Zelenski. Selon les rumeurs, il y sera engagé en tant que premier soliste.


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