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Nouvelles du Mariinsky [et du Bolchoï]
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sophia



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MessagePosté le: Ven Juil 31, 2015 12:54 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Brigitte Lefèvre devrait se poser en femme providentielle, elle est en ce moment même à Moscou pour l'enregistrement de Bolshoi Balet. Laughing


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paco



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MessagePosté le: Ven Juil 31, 2015 2:37 pm    Sujet du message: Répondre en citant

je n'osais pas l'écrire, mais je pensais exactement la même chose !!


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Cantalabute



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MessagePosté le: Ven Juil 31, 2015 4:30 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Heu ... vous croyez vraiment que ce serait un bien pour le Bolshoï ... Confused ?


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sophia



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MessagePosté le: Lun Aoû 03, 2015 9:11 am    Sujet du message: Répondre en citant

"Ici, le ballet est loin d’être cette pièce inabordable et prétentieuse que l’on connaît en France."

Dans le Bondy Blog, repris par Libé, Alice Babin raconte une soirée de ballet au Mariinsky (La Sylphide vue des galeries), d'un point de vue davantage socio-culturel que balletomaniaque.

Testé et approuvé! Smile


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haydn
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MessagePosté le: Mer Aoû 05, 2015 2:59 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Interview assez intéressante de Natalia Ossipova au site russe Russia Beyond the Headlines, en prévision de la venue de la danseuse au Bolchoï pour y interpréter le rôle de Tatiana, dans Onéguine :

    RBTH : Que diriez-vous du style auquel vous avez consacré cette saison ? A-t-il été vraiment difficile de le manier ?

    N.O. : Très difficile. Si l’on compare le style russe au style anglais, je dirais que ce dernier est plus délicat. Les deux styles diffèrent surtout au niveau de la présentation artistique. Ainsi, dans les ballets de Frederick Ashton – j’ai dansé Un Mois à la campagne, The Dream et La Fille mal gardée – le jeu des danseurs est travaillé jusque dans les détails, tout comme les mises en scène. L’artiste ne doit rien inventer, il lui suffit d’insuffler la vie à son personnage et d’y ajouter son sentiment. Ce qui me plaît beaucoup.

    Il était très difficile d’apprendre le geste juste. Je ne peux pas être comme les danseurs britanniques parce que j’ai une autre école. Mais je fais de mon mieux et ils m’aident. Je ne suis peut-être pas toujours le sillage du style, mais mes pédagogues me disent que j’arrive à « mixer », que grâce à mon école russe, plus ouverte, je crée un contraste intéressant.

    Frederick Ashton est spécialiste de très beaux ports de bras, ces mouvements que les Britanniques exécutent un peu sèchement. Chez nous, les Russes, le haut du corps est plus souple et, à condition de ne pas forcer, ça donne un enchaînement très joli.

    RBTH : La saison prochaine vous revenez au Bolchoï non seulement avec votre ballet griffé Giselle, mais également avec Onéguine de John Cranko, que vous avez interprété cette année à Londres.

    N.O. : Onéguine est mon rêve de toujours, mais je n’ai pas pu le réaliser à l’American Ballet Theatre. J’ai eu peur qu’il ne se matérialise pas non plus ici : j’ai commencé à répéter après une blessure et il restait très peu de temps. Mais tout s’est bien passé et j’ai enfin dansé le rôle de mes rêves. Je crois que c’est l’une de mes meilleures danses et sans aucun doute le plus grand succès de cette année de travail à Londres.


« Le ballet anglais est plus délicat », par Anna Galaïda (Russia Beyond the Headlines)



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sophia



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MessagePosté le: Jeu Aoû 06, 2015 7:10 am    Sujet du message: Répondre en citant

Elle a annoncé à Gazeta Kultura qu'elle devait danser Onéguine au Bolchoï avec David Hallberg en octobre prochain, mais la représentation est encore incertaine (liée au retour ou non d'Hallberg, toujours blessé).
Elle dansera également au Bolchoï Giselle avec Serguei Polounine (pour deux représentations).


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sophia



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MessagePosté le: Ven Aoû 07, 2015 3:50 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Raymonda
Ballet du Théâtre Mariinsky
Saint-Pétersbourg, Théâtre Mariinsky
26 juillet 2015


Raymonda est un ballet rare et mal aimé. Aujourd'hui, peu de compagnies se risquent à donner l'ouvrage dans son intégralité, se contentant, au mieux, de son divertissement final, facile à insérer dans un gala ou une soirée mixte. L'ABT possédait le ballet à son répertoire, mais n'en donne plus de nouvelles depuis longtemps, l'Opéra de Paris s'est débarrassée de la production Noureev après avoir en avoir dansé peut-être la série de trop en 2008, et sans doute ne reste-t-il plus aujourd'hui que le Bolchoï, avec la production de Grigorovitch, et le Mariinsky, avec celle de Konstantin Sergueïev, à le programmer encore, de temps en temps, autrement dit le moins souvent possible*. Raymonda connut, certes, une forme de renaissance en 2011 grâce à la reconstruction fastueuse, d'après les notations Stepanov, de Serguei Vikharev pour la Scala, mais si elle a le mérite d'exister, l'avenir d'une telle production, montée en quelque sorte par accident à Milan, n'en demeure pas moins incertain.

Pourquoi un tel ostracisme? Œuvre de la fin d'une vie, Raymonda a parfois passé pour une redite – une compilation maladroite des ingrédients ou des motifs ayant fait le succès de La Bayadère, de La Belle au bois dormant et du Lac des cygnes. Si la partition de Glazounov est une symphonie fabuleuse aux couleurs variées, qui parvient à s'élever au niveau de celles de Tchaïkovsky, le livret de Lydia Pashkova, au pittoresque très éclectique, ne brille certes pas par sa subtilité dramatique ou sa profondeur psychologique. Dans son château provençal, Raymonda, nièce de la Comtesse Sybille de Doris, attend le retour des croisades de son bien-aimé, Jean de Brienne, fils du roi André III de Hongrie. La belle se prend à rêver devant son portrait, quand surgit, entouré de sa suite, un chef Sarrasin, Abderrahmane, prêt, pour la conquérir, à lui offrir toutes les richesses du monde. Le suspense est minime : la vertueuse Raymonda résiste sans trop de difficultés à ses avances, matérialisées par des danses étrangères, sarrazine et espagnole (Panaderos). De retour de la croisade, le valeureux Jean se débarrasse à temps de son rival. Dans une harmonie retrouvée, reflétée par de nouvelles danses de caractère (cette fois polonaise et magyare) et un grand pas classique, les noces des deux jeunes gens peuvent enfin être célébrées. Gentes demoiselles, preux chevaliers ou farouches Sarrasins – et même l'ombre d'une féerique Dame blanche -, Raymonda déploie, sur une carte imaginaire qui nous promène de la Provence des cours d'amour à l'Orient des croisades (avec en prime quelques escales du côté de l'Espagne et de la Hongrie), toutes les figures obligées d'un Moyen-Age fantasmatique. Le souci de cohérence et d'unité n'a jamais été la vertu principale du ballet du XIXe siècle. Que Raymonda soit si peu goûté tient évidemment à d'autres raisons que ses incongruités ou ses anachronismes. L'absence totale de tension dramatique (Abderrahmane a-t-il une chance? Raymonda va-t-elle lui céder? sont des questions que le spectateur n'est guère amené à se poser), jointe à un imposant décorum – que peu de compagnies peuvent en réalité se permettre -, serait, bien plus que son caractère rocambolesque, à mettre en cause. Les personnages, pures apparences, restent lointains, comme privés de chair. Le ballet, dans ses tableaux successifs, ne semble finalement viser qu'une seule chose : exhiber la virtuosité des interprètes, exalter la pure beauté de la danse. Tout le plaisir de Raymonda est là – et nulle part ailleurs. La virtuosité est d'ailleurs littéralement portée à son paroxysme avec Raymonda, rôle aux innombrables variations créé à l'origine pour Pierina Legnani, qui, incidemment, « inventa » les trente-deux fouettés du Cygne noir. Raymonda ne peut, dès lors, se satisfaire de la moindre médiocrité, fût-elle charmante. La grandeur est son air, son parfum, sa substance même – la raison première et ultime de sa rareté.

C'est à ce titre un privilège immense de croiser la route de Raymonda au Théâtre Mariinsky, sur la scène même où le ballet fut créé. C'en est encore plus un de pouvoir assister à ce spectacle grandiose avec Ouliana Lopatkina, ballerine rare, ballerine d'un autre temps, qui a su miraculeusement préserver la majesté et le mystère qui font tout le prix (le seul?) de ce ballet d'apparat. La production de Konstantin Sergueiev (1948) offre, à l'instar de son Lac des cygnes, un mélange unique de faste et de simplicité, qui permet de donner, à défaut de sens, toute sa place à la danse. Les décors de Simon Virsaladze n'ont ni la sophistication de ceux de Nicholas Georgiadis pour la production Noureev, ni le charme pittoresque des toiles peintes dans le style troubadour de la reconstruction de Vikharev, ni leur photogénie commune, mais ils en imposent à la vue, avec un naturel et une élégance qu'il faut sans doute éprouver en direct, sans pour autant écraser. Très littérale, cette production ne se préoccupe pas, par ailleurs, d'étoffer la narration et notamment de pimenter le ballet en approfondissant le dilemme de Raymonda et en accordant une plus grande importance chorégraphique et scénique à la figure, mi-fascinante mi-inquiétante, du Sarrasin, comme ont pu le faire plus tard Youri Grigorovitch ou Rudolf Noureev dans leurs propres versions. Abderrahmane a sans doute droit à quelques pas de bravoure en plus, qui renvoient à l'esthétique soviétique de la production, mais demeure en grande partie un rôle de pantomime, ce qu'il était à l'origine. Jean de Brienne, apparition tardive et jusqu'au bout fantomatique, est une figure plus fade et conventionnelle encore. On perçoit que la grande affaire ici, dans la fidélité totale à l'esprit du ballet impérial, est de préserver la prééminence, sinon le statut sacré, de la ballerine en tant que magicienne de la scène et virtuose de la danse. Fort logiquement du reste, les rôles des « amies », Henriette et Clémence, sont largement minorés par rapport à celui de Raymonda. Les variations qui leur sont dévolues ailleurs sont ainsi distribuées à d'autres solistes féminines dans le Tableau du Rêve et dans le Grand pas hongrois.

On peut faire confiance à Lopatkina pour interpréter le rôle-titre avec une noblesse dépourvue d'afféterie et d'arrogance déplacée. L'âge n'y fait pas grand-chose, elle paraît toujours aussi lumineuse et intemporelle – présence rêveuse et rêvée dans le rôle de la jeune châtelaine à sa fenêtre. Par-delà le ballet lui-même, il y a certainement quelque chose du rituel ou de la cérémonie religieuse dans ses désormais (trop) rares apparitions scéniques, réunissant le public local dans une ferveur discrète, immanquablement conclues par des rappels interminables et des brassées de fleurs. Formellement, rien de spectaculaire ni de démonstratif dans sa technique – qui n'est pas celle de Tereshkina ou de Novikova –, mais une leçon de style et de présence toute classique, qui brille plus particulièrement dans les adages : celui du Rêve, au sublime phrasé, dont les renversés n'en finissent pas de chanter vers les cieux, ou celui du Grand pas, où la réserve aristocratique semble exhaler, au milieu de la joie, un soupçon de mélancolie. Pour cette représentation de fin de saison, Lopatkina retrouvait son vieux partenaire, Danila Korsuntsev, revenu depuis peu à la scène après un long arrêt. S'il a pu montrer par le passé une danse plus souple et puissante dans les manèges, il s'inscrit toujours dignement dans la grande tradition du cavalier et « portefaix » impérial. Même s'il est des danseurs plus enthousiasmants au Mariinsky, que demander de plus, à vrai dire, à cette pâle figure, authentique point faible du ballet, toutes versions confondues? On s'attache paradoxalement davantage à Abderrahmane, interprété par un Youri Smekalov à la théâtralité aiguisée, quoiqu'un peu caricaturale, même si celui-ci ne possède pas la séduction sauvage et le caractère presque tragique du personnage tel que le mettent en scène les versions Grigorovitch et Noureev.

Raymonda offre à nombre de solistes l'occasion de participer, de manière éphémère, à cette célébration collective et soigneusement hiérarchisée que consacre le ballet de Petipa : Kristina Shapran, ballerine en devenir, brille dans la variation de Clémence dans l'attente de plus hautes destinées, Ekaterina Ivannikova conjugue vivacité et précision dans la variation du Rêve, Valeria Martynyuk révèle une danse ciselée, riche d'accents et d'épaulements dans la variation du Grand Pas, tandis que Filipp Steppin déploie une virtuosité enthousiasmante dans la variation de Béranger, le troubadour d'Aquitaine – soudain propulsé étoile masculine du ballet. Festival de variations pour les solistes, Raymonda exalte aussi la beauté impressionnante du corps de ballet du Mariinsky, qui séduit tout particulièrement dans le divertissement final, incomparable morceau d'éloquence, où s'entremêlent à égalité danses de caractère et danse académique - ces deux pôles du grand ballet symphonique à la russe. Loin d'être ces pensums un peu plats qu'elles sont le plus souvent ailleurs, la Mazurka et surtout la Danse Hongroise, menée par la merveilleuse Olga Belik, sont des modèles d'élégance et de vivacité joyeuse, à la flamme toujours bien tempérée. On comprend là que la danse de caractère n'est pas le parent pauvre – et un peu rustre - de la danse académique, mais qu'elle en est, dans l'architecture rigoureuse du ballet impérial, le pendant nécessaire, également raffiné et digne d'admiration.

*Un bémol tout de même : la Raymonda du Bolchoï a eu les honneurs d'une retransmission de Pathé Live, et celle du Mariinsky, après avoir été donnée en décembre dernier à Baden-Baden, sera de la tournée américaine la saison prochaine – sans doute une première.


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haydn
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MessagePosté le: Dim Aoû 09, 2015 7:48 pm    Sujet du message: Répondre en citant

La version illustrée de la critique de Sophia est maintenant en ligne :




    26 juillet 2015 : Raymonda (Petipa / Sergueïev) au Mariinsky (Saint-Pétersbourg)

      Raymonda est un ballet rare et mal aimé. Aujourd'hui, peu de compagnies se risquent à donner l'ouvrage dans son intégralité, se contentant, au mieux, de son divertissement final, facile à insérer dans un gala ou une soirée mixte. L'ABT possédait le ballet à son répertoire, mais n'en donne plus de nouvelles depuis longtemps, l'Opéra de Paris s'est débarrassée de la production Noureev après avoir en avoir dansé peut-être la série de trop en 2008, et sans doute ne reste-t-il plus aujourd'hui que le Bolchoï, avec la production de Grigorovitch, et le Mariinsky, avec celle de Konstantin Sergueïev, à le programmer encore, de temps en temps, autrement dit le moins souvent possible. Raymonda connut, certes, une forme de renaissance en 2011 grâce à la reconstruction fastueuse, d'après les notations Stepanov, de Serguei Vikharev pour la Scala, mais si elle a le mérite d'exister, l'avenir d'une telle production, montée en quelque sorte par accident à Milan, n'en demeure pas moins incertain.

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haydn
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MessagePosté le: Mar Aoû 18, 2015 7:57 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Avec beaucoup de retard, mon compte-rendu sur la Fontaine de Bakhtchisaraï au Mariinsky le 28 juillet dernier. La version illustrée suivra incessamment.



La Fontaine de Bakhtchisaraï, née sur la scène du Kirov en 1934, a connu un succès fulgurant et s’est imposée, après la Seconde Guerre mondiale, dans tous les théâtres du bloc communiste. Le ballet de Rostislav Zakharov a même obtenu une certaine reconnaissance au-delà du Rideau de fer, et a notamment figuré à l’affiche du théâtre de Bâle, en Suisse, au milieu des années 1960.

Curieusement, l’une des clés de la réussite initiale de La Fontaine de Bakhtchisaraï fut la musique de Boris Assafiev, d’une esthétique aujourd’hui datée, mais novatrice dans l’URSS de Staline. En 1932 déjà, Assafiev avait conquis les faveurs du public pétersbourgeois avec Les Flammes de Paris, qui, au travers de pastiches, avait permis la découverte de Grétry, Méhul ou Gossec, quasi-inconnus jusqu’alors sur les rives de la Néva. Avec La Fontaine de Bakhtchisaraï, Assafiev réutilise les mêmes recettes et stylise nombre de danses populaires de l’Occident slave (cracovienne de l’acte I) et de l’Orient soviétique (danse du ventre de l’acte II, danses tatares…). Le compositeur rejoint ici la démarche d’un Glazounov mais, contrairement à ce dernier, il ne s’en tient pas à un académisme rigoureusement tonal. La musique d’Assafiev flirte – un peu comme celle de Chostakovitch, le génie en moins – avec les limites de l’acceptable dans le cadre contraignant de la doctrine du «réalisme socialiste». Lors de la représentation du 28 juillet 2015, à laquelle nous avons assisté, l’orchestre du Mariinsky, placé sous la direction de Boris Grouzine, a plutôt bien servi cette partition qui ne demande qu’à devenir tonitruante et vulgaire, pour peu qu’elle soit confiée à une baguette inexpérimentée.

Lors de la création, les décors et les costumes conçus par Valentina Khodasevich – sous la supervision de Serge Radlov, l’un des maîtres de l’avant-garde théâtrale soviétique (et contemplé avec suspicion par les autorités pour son modernisme affiché) - furent grandement loués, et n’ont aujourd’hui rien perdu de leur attrait visuel. L’ensemble est beaucoup plus opulent et chatoyant que dans les austères productions de Simon Virsaladzé, emblématique de l’ère brejnévienne. L’influence de Radlov est aussi perceptible sur la chorégraphie. L’un des axes du travail de Radlov était la recherche d’une certaine unification des arts du cirque, du théâtre et de la danse. Il marqua aussi bien Vassili Vaïnonen que Rostislav Zakharov. Les exhibitions circassiennes de l’acte IV de La Fontaine de Bakhtchisaraï portent de toute évidence sa marque. Nail Khairnasov – le commandant Tatar – et ses troupes du corps de ballet masculin, auxquels sont dévolus l’essentiel des exploits sportifs, se sont acquittés de leur tâche avec beaucoup d’énergie et de présence, tout en préservant, mutatis mutandis, une certaine élégance, une finesse même (les tours en l’air et leurs réceptions sont toujours soignées), qui caractérise le Mariinsky.

Le livret, adapté d’un poème de Pouchkine, a recours à quelques vieilles ficelles héritées du dix-neuvième siècle, mais qui conservent toujours une certaine efficacité. La plus voyante est la mise en scène de la rivalité entre deux femmes, en l’occurrence Maria, fille d’un prince Polonais, embarquée de force lors d’une razzia le soir de ses fiançailles avec le beau Vaslav, et Zarema, la femme du Khan Tatar Ghirei, délaissée à l’arrivée de la jeune beauté slave. Marius Petipa ne s’y était pas pris autrement pour La Bayadère ou La Fille du Pharaon. Pour la création, le 28 septembre 1934, on avait réuni une distribution de grand luxe : Galina Oulanova (Maria), Olga Iordan (Zarema) et Konstantin Sergueïev (Vaslav qui allait surtout faire parler de lui en tant que chorégraphe et maître de ballet). Un tel plateau ne pouvait s'inscrire que dans une logique de confrontation entre stars.

A priori, il en était tout autrement pour le spectacle auquel nous avons assisté. Les deux rôles féminins principaux étaient confiés à des ballerines qui ne font pas partie des solistes les plus médiatisées du Mariinsky. Maria était incarnée par la très belle Oxana Bondareva, entrée dans la compagnie il y a tout juste un an, tandis qu’Alexandra Iosifidi – beaucoup plus expérimentée, mais peu mise en avant hors de Russie - personnifiait Zarema. Même si l’affrontement de l’ex et de la nouvelle favorite du Khan aurait pu, ici ou là, prendre un tour plus violent, cette distribution a priori «routinière», ou du moins sans grandes vedettes, s’est avérée d’une haute tenue artistique. Il en allait de même pour les rôles masculins : Vitaly Amelishko, qui faisait ses premiers pas en Vaslav, et le fougueux Nail Khairnasov (Nurali), arrivé en 2013, étaient ainsi opposés à un vétéran, Nikolaï Naumov (le Khan Ghirei). Ce subtil équilibre entre débutants – ou quasi-débutants – et solides briscards a été une vraie réussite, même si le rôle du fiancé de Maria – théoriquement le premier dans l’ordre hiérarchique – est, à tout prendre, moins intéressant et spectaculaire que les parties dévolues aux deux Tatars.

On aura également apprécié certains seconds rôles, tels le couple Elena Bazhenova / Vadim Belayev dans la Cracovienne, ou le beau duo masculin Vladislav Shumakov / Yaroslav Pushkov, gentilshommes polonais de l’acte I.

Bref, une soirée qui ne laissait a priori pas planer de grandes promesses, mais qui en aura finalement tenu beaucoup. L’émotion que dégage naturellement l’extraordinaire salle du Mariinsky, avec tout le poids de l’histoire qui s’y rattache, n’était sans doute pas totalement étrangère non plus à ce succès.



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Dernière édition par haydn le Mer Aoû 19, 2015 1:43 pm; édité 3 fois
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sophia



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MessagePosté le: Mar Aoû 18, 2015 8:53 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Serge Radlov, l’un des maîtres de l’avant-garde théâtrale soviétique (et contemplé avec suspicion par les autorités pour son modernisme affiché)


Il a notamment collaboré comme dramaturge au Roméo et Juliette de Lavrovsky, sans doute plus connu du "grand public" que La Fontaine de Bakhchissaraï, qui est une rareté en Occident. On retrouve d'ailleurs cette inspiration du drambalet (c'est-à-dire un ballet mêlant mime et danse et aspirant à la même noblesse que le drame - esthétique en vogue dans l'URSS d'alors), dont il est l'un des représentants, dans La Fontaine de Bakhchissaraï. Le grand intérêt de ce ballet est surtout de combiner cette esthétique "nouvelle" avec les références nombreuses au ballet du XIXe siècle (Zarema comme avatar de Nikiya, Maria de Raymonda, danses de caractère en nombre...).


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haydn
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MessagePosté le: Mer Aoû 19, 2015 11:24 am    Sujet du message: Répondre en citant

La critique de La Fontaine de Bakhtchisaraï est maintenant en ligne avec les illustrations :




    28 juillet 2015 : La Fontaine de Bakhtchisaraï au Mariinsky (Saint-Pétersbourg)

      La Fontaine de Bakhtchisaraï, née sur la scène du Kirov en 1934, a connu un succès fulgurant et s’est imposée, après la Seconde Guerre mondiale, dans tous les théâtres du bloc communiste. Le ballet de Rostislav Zakharov a même obtenu une certaine reconnaissance au-delà du Rideau de fer, et a notamment figuré à l’affiche du théâtre de Bâle, en Suisse, au milieu des années 1960.

      Curieusement, l’une des clés de la réussite initiale de La Fontaine de Bakhtchisaraï fut la musique de Boris Assafiev, d’une esthétique aujourd’hui datée, mais novatrice dans l’URSS de Staline. En 1932 déjà, Assafiev avait conquis les faveurs du public pétersbourgeois avec Les Flammes de Paris, qui, au travers de pastiches, avait permis la découverte de Grétry, Méhul ou Gossec, quasi-inconnus jusqu’alors sur les rives de la Néva. Avec La Fontaine de Bakhtchisaraï, Assafiev réutilise les mêmes recettes et stylise nombre de danses populaires de l’Occident slave (cracovienne de l’acte I) et de l’Orient soviétique (danse du ventre de l’acte II, danses tatares…).

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MessagePosté le: Mer Aoû 19, 2015 5:26 pm    Sujet du message: Répondre en citant

J'aimerais remercier haydn et sophia pour leur critique sur les deux spectacles du Mariinski en juillet. La Fontaine de Bakhtchisaraï reste toujours un des ballets que j'aimerais voir et que je n'ai jamais l'occasion d'y assister. Mais pour cette fois-ci, c'est la critique de sophia qui m'avait très émue (Désolée, haydn Wink ). Je l'avait lue avant de partir à Tokyo pour une des représentations du programme B du World Ballet Festival organisé par le NBS. J'avais heureusement déjà vu l'Acte III de Raymonda avec le corps de ballet du Mariinski à l'occasion du Gala Lopatkina en 2006. Et cette fois, j'ai eu encore heureusement la chance de la voir danser l'adage du Rêve avec Danila Korsuntsev, beau cavalier, et aussi sa Mort du Cygne. Certes, après avoir nous émerveillés en été dernier dans le rôle de Frédéri, Alexandre Riabko n'a pas manqué cette fois aussi de me charmer en Armand avec Eichwald. Dans No Man's Land, grâce au piano de Frédéric Vaysse-Knitter et à la prestation de Cojocaru / Kobborg, j'ai vu une rare fusion de la danse et de la musique. Vertigo m'a fait découvrir toute la qualité de Gomes que je ne connaissais pas bien à côté de Vischneva. Je suis heureuse de voir pour la première fois Les Bourgeois de Simkin en live. Il a fait un grand progrès dans sa prestation par rapport à celle que j'avais vue en DVD. Je ne pense pas que Manuel Legris soit un des interprètes exceptionnels des oeuvres de Roland Petit. Mais en dirigeant la Compagnie de Vienne, la musique de Strauss lui est, me semble-t-il, devenue beaucoup plus familière. La Chauve-Souris qu'il a dansée avec Mlle Guérin, toujours belle, m'a beaucoup amusée, comme si on avait été à Vienne. Masha Alexandrova et Vladislav Lantratov étaient tous les deux les dignes interprètes de Don Quichotte qui clôture ce Gala de luxe.
Et pourtant, et cependant, ou tout simplement mais, Ouliana Lopatkina est un être dans une autre sphère. Déjà en Raymonda, quand elle est entrée en scène, elle a changé d'atmospère de la Salle. Quant à La Mort du Cygne, je ne peux en rien dire*. Elle ne dansait pas le Cygne, elle est "le" Cygne. Une danseuse mythique, exceptionnelle, divine ou encore d'autres, je n'ai plus pas un mot, aucun adjectif pour la qualifier. Je dis tout simplement que j'attends sagement le 27 novembre pour la retrouver dans La Légende d'amour.
*Je n'ai malheureusemnt jamais en l'occasion de la voir dans le Lac, puisque les dates des Tournées récentes ne m'avaient jamais convenus.


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sophia



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MessagePosté le: Sam Aoû 22, 2015 1:12 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Pour compléter le commentaire de Haydn, j'aimerais signaler les belles prestations de Maria Adzhamova, dans le rôle de la seconde femme de Ghirei, qui a droit à un petit solo, et Alexandra Asaben, dans l'une des danses de caractère de l'acte du sérail (créditée comme danse du ventre, mais je pense qu'il s'agit plutôt d'une danse avec des clochettes Wink). Voilà deux jeunes danseuses que, pour des raisons bonnes ou mauvaises, on a très peu de chance de voir dans des grands rôles ou même simplement des demi-soli de ballets classiques, mais qui sont parfaites dans ces numéros de danse de caractère, dans lesquels, du reste, excelle la troupe du Mariinsky (et de Raymonda à La Fontaine de Bakhtchisaraï, on est gâté sur ce plan).
Pour ce qui est du ballet lui-même, cette Fontaine reste une très jolie production, dont le pittoresque orientaliste (qui occupe trois actes sur quatre) dégage même un certain faste, qui résiste bien au temps. On admire par ailleurs la grande lisibilité du ballet et des caractères, l'efficacité de la narration, le mélange bien dosé de simplicité et de spectaculaire, toutes choses que le ballet d'action d'aujourd'hui a souvent bien du mal à atteindre. Un bémol toutefois : soit la musique (la grosse limite du ballet, même par rapport aux Flammes de Paris), soit la chorégraphie, soit l'interprétation, soit (probablement) un peu des trois, l'acte I m'a paru en-deçà du reste. Les ingrédients sont traditionnels (danses de caractère, pas de deux lyrique "blanc", harmonie brisée), mais les conventions ne sont pas vraiment transcendées. A mon sens, Bondareva & Amelishko sont d'honnêtes interprètes, bien employés dans ces rôles quelque peu ingrats (surtout face à la tornade orientale), mais ils ne les marquent pas, contrairement à Iossifidi ou Naumov les leurs.


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sophia



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MessagePosté le: Ven Sep 04, 2015 12:43 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Mariinsky - 233e saison : septembre-octobre

La 233e saison du Mariinsky ouvrira, pour le ballet, le 25 septembre, avec, curieusement, une soirée Fokine.
Ce début de saison semble déjà mettre à l'honneur les deux brillantes recrues de l'Académie Vaganova, Anastasia Lukina et Renata Shakirova. Anastasia Lukina figure parmi les solistes de Chopiniana les 25 et 27 septembre, elle fera ses débuts dans le rôle de Kitty dans Anna Karénine le 1er octobre et dansera enfin le rôle de la Princesse Florine dans La Belle au bois dormant le 26 octobre (il me semble qu'elle l'avait déjà dansé la saison dernière). Quant à Renata Shakirova, elle fera ses débuts en Kitri, avec rien moins que Kimin Kim comme Basilio, le 10 octobre (ses débuts en Juliette sont déjà annoncés pour le 26 février).
Parmi les débuts attendus, on note en particulier ceux de Kristina Shapran en Odette-Odile le 22 octobre, aux côtés de Konstantin Zverev.
On se réjouira également de voir Ekaterina Osmolkina revenir au rôle d'Aurore le 25 octobre, aux côtés d'Alexeï Popov, dont j'imagine que ce seront les débuts en Désiré, et Ekaterina Kondaurova à celui de la Fée des Lilas le 26.
On notera enfin la venue du Ballet de Bordeaux les 27 et 28 octobre avec Pneuma.


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sophia



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MessagePosté le: Lun Sep 07, 2015 6:13 pm    Sujet du message: Répondre en citant

J'avais un peu plaisanté là-dessus quand Dame Lefèvre avait été choisie comme membre du jury de l'émission Bolshoi Balet enregistrée cet été à Moscou, mais non, ce n'est pas une blague...

Brigitte Lefèvre (ex ONP) et Viacheslav Samodourov (ex étoile du Royal Ballet et du Mariinsky, actuel directeur du Ballet d'Ekaterinbourg) figurent parmi les candidats à la succession de Sergeî Filine au Bolchoï.

Résultat des courses le 11 septembre (sic) :
http://www.gazeta.ru/culture/news/2015/09/07/n_7563443.shtml
http://ria.ru/culture/20150907/1235210698.html


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