Nouvelles de la danse à Berlin

[Claudia]

[haydn]

Une perle que je n'avais pas repérée dans cette interview : a la fin la journaliste demande complaisamment (mais peut être aussi perfidement) si Don Quichotte, qui véhicule des clichés "douteux" sur les Gitans, ne devrait pas aussi disparaître du répertoire, Christiane Theobald répond que "Gitanos" n'a pas une connotation péjorative en espagnol contrairement au "Z-Wort" en allemand. Par "Z-Wort" comprenez "le mot avec un Z", c'est à dire Zigeuner ("Tsigane"), qu'elle refuse de prononcer en raison de son caractère présumé injurieux et raciste. M. Theobald indique par ailleurs que pour la rédaction du programme de la prochaine reprise de Don Quichotte, elle avait pris contact avec des représentants des communautés Rom et Sinti, pour s'assurer que le texte ne contienne rien de contraire à la doxa du politiquement correct. On hallucine.

_________________
Un petit "j'aime" sur la page Facebook de Dansomanie : http://www.facebook.com/Dansomanie/

[Claudia]

Tout ça prend des allures kafkaïennes.

[sophia]

Mais certains trouvent ça très bien!

[Angela]

"Die Eigenbezeichnung Sinti und Roma ist wesentlicher Teil unserer Identität als Minderheit. In unserer pluralistischen Gesellschaft sollte dieses ureigenste Recht auf Selbstbestimmung respektiert werden."

https://zentralrat.sintiundroma.de/sinti-und-roma-zigeuner/

[haydn]

Ce n'est absolument pas la question. Le problème, c'est que Mme Theobald veut soumettre le texte du programme de Don Quichotte au contrôle et à l'approbation préalable des représentants des communautés Rom et Sinti. En français, sous l'Ancien régime, on appelait ça la Censure. Zensur, auf Deutsch.

_________________
Un petit "j'aime" sur la page Facebook de Dansomanie : http://www.facebook.com/Dansomanie/

[Prisca]

Mais jusqu'où ira-t-on ? A l'époque, je n'avais pas réalisé combien Benjamin Millepied était dans l'air du temps en supprimant le maquillage des négrillons de la Bayadère... OH pardon, je devrais dire enfants !

[sophia]

Et comme d'habitude dans ce genre d'affaires, 4.3.2.1.... "vous n'avez rien compris, c'est que de la fakeuniouze"! Ce n'est donc plus de la censure (certes au nom du Bien, reconnaissons le...), comme annoncé notamment par la Frankfurter Allgemeine Zeitung, mais une simple annulation due au COVID.
Changez rien, les chevaliers de la justice sociale, vous êtes géniaux!

[Katsu]

Encore l'extrême drouate !

A ce sujet, Ratmansky avait eu une position ambivalente (travaillant aux quatre coins du monde, il faut savoir pratiquer le grand écart), même si je ne pense pas qu'il veuille sincèrement réviser ses productions sur la base des critères woke.

[JulietteA]

Sur twitter

Alastair Macaulay
@AlastairMacaul3

1. Even during this century, “The Nutcracker” has often seemed a celebration of racial inclusivity. The Sugarplum Fairy’s realm contains Spanish, Chinese, Arabian, and Russian people who all dance as equals.
2. Throughout this century (in particular), people have been rechoreographing the Chinese and Arabian dances to make them seem less cheaply stereotypical than they have often been, but much work lies ahead.
(Ten years ago, many circulated a Royal Ballet rehearsal video in which a ballet master told “the Chinese dancers” to be “Chinky, mischievious”.)
4. In 2010, when I traveled the United States in a “Nutcracker marathon”, I saw Chinese dragon dances; I also saw whole African and flamenco numbers added to non-Tchaikovsky music.
5. I’m speaking of seemingly traditional “Nutcrackers”, but you can revise the ballet to feature hip-hop and yellow cabs: there’s always more going on in Tchaikovsky’s music than any one staging can possibly realise.
6. From my own experience, I’d say you have to retain Tchaikovsky’s music - though some, controversially, add numbers from other Tchaikovsky scores - or you make a hopelessly uneven array.
7. The Apollo Theatre Harlem “Nutcracker” included a huge ensemble to African drumming that made the Sugarplum pas de deux (even with Misty Copeland) seriously underwhelming.
9. The Arabian Dance has too often been a slinky sex number in which one woman is erotically manipulated by men or which she does a belly dance light years away from the amazing belly dances of the Arab world. By the way, Tchaikovsky wrote - never orchestrating - an English dance
10.I’ve seen this performed (with orchestration by an English musician, natch - and enjoy the element of parody involved.But racial/national parody isn’t always appealing: witness the words “chinky, mischievious” (yes, “mischievious”, adding a syllable excluded by the dictionary)
11. Now the Berlin Staatsballett is abolishing its “Nutcracker” altogether. Will this become a woke fashion?12.I’ve loved most American “Nutcrackers”, loathed most European “Nutcrackers”, and remember many London Christmas periods when only one company (London Festival Ballet) would perform “The Nutcracker”, while the Royal Opera House either presented other fare.
13. Ballet itself can easily seem an imposition of white Eurocentric cultural values (the Apollonian ideal) on increasingly polyethnic societies, at a time when mass migration keeps changing the world and its values.
14.I’ll see at least two London productions of “The Nutcracker” this December, though without the eagerness I had in America. I like “The Nutcracker” best when it seems to be about children who leave the Old World of Act I to discover a multicultural New World realm in Act II.15. it seems just perfect that Tchaikovsky visited America - triumphantly - between his composition of the two acts. I don’t, however, like “Nutcracker” when it seems to cater to white supremacists. What lies ahead for this 1892 ballet?
16. NB. I should add at once that Berlin sources differ. Although one newspaper said the production was cancelled for its racism, others are now saying the company’s press office is saying the cancellation is due to Covid alarm.

[sophia]

Le communiqué du Ballet de Berlin est terriblement ambigu : https://www.staatsballett-berlin.de/en/blog/wir-lieben-den-nussknacker/118
C'est juste un rétropédalage hypocrite, comme d'habitude, qui n'écarte nullement une révision allant dans le sens du vent.
L'interview de Christiane Theobald à laquelle il est justement fait référence, est d'ailleurs très claire à ce sujet.

[sophia]

"Since we also share the desire to show THE NUTCRACKER again, we see it as our duty to take a closer look at a number of questionable parts, because we don't want to simply censor them!"

"c'est notre devoir de regarder de plus près les passages problématiques, parce que nous ne voulons pas simplement les censurer"

La censure des gens bien donc.

[sophia]

Le twitt paniqué de rétropédalage est hallucinant : https://twitter.com/Staatsballett_B/status/1464571466666721286
Plainte (de qui? de quoi?) vaut donc "analyse" à présent.
Quant aux capitales pour les mal-comprenants, no comment.

(tant qu'on est dans le mensonge, à voir si l'image est même tirée de la production de Bourlaka?)

[haydn]

La malhonnêteté est évidemment poussée jusqu'au bout puisque la photo vient de la production de Nacho Duato pour le Mikhaïlovski à Saint-Pétersbourg, entrée au répertoire du Staatsballett de Berlin en 2016, et pas celle de Youri Bourlaka.

On peut retrouver l'image en question ici :

https://fastforward-magazine.de/der-nussknacker-moderner-weihnachtlicher-budenzauber-mit-zuckerguss/

_________________
Un petit "j'aime" sur la page Facebook de Dansomanie : http://www.facebook.com/Dansomanie/

[sophia]

On avait bien compris que le problème n'était pas Casse-noisette en général et que ce n'est pas le titre en soi qui allait être supprimé du répertoire. On le sait bien, nous balletomanes, un ballet n'existe que dans des versions et l'on peut très bien remplacer une version par une autre, sans nul rapport sinon la partition et/ou l'intrigue de base, ou dénaturer, dans un sens politiquement correct ou *décolonial*, une version qui se revendique "reconstruite" de l'original et qui, comme telle, est soumise à droit d'auteur.
C'est très facile ensuite de jouer sur cette ambiguïté, de nier la censure auprès des néophytes et de "rassurer" en évoquant l'incompréhension ou le malentendu (le procédé est devenu systématique, à défaut d'être systémique). La plupart des gens n'y voient effectivement que du feu et les *woke* sont trop contents de se gausser des obsessions des *réacs*, ces puristes insensés.
Il faut reconnaître quand même au Ballet de Berlin d'avoir lâché lui-même, fort maladroitement (mais c'est assez drôle pour qui a un peu de recul critique), le mot "censure" pour évoquer ses éventuelles retouches, mot d'ordinaire insupportable aux thuriféraires de la justice sociale, qui ne font qu'agir au nom du bien comme on sait.