La Belle au Bois Dormant – ABT [Bastille 02-10/09/2016]

[frederic]

Je ne puis qu'être en total désaccord avec vous Marie-Ange: je vois à l'inverse une compagnie totalement investie dans les propositions de Ratmansky, chorégraphe en résidence de l'ABT. Et il est saisissant de voir à quel point et le corps de ballet et les solistes ont progressé depuis la création il y a 18 mois. Je ne suis pas un partisan forcené des reconstructions mais ce que fait Ratmansky nous permet de réfléchir sur l'esthétique même du ballet classique ( et personnellement, il me sera difficile de revoir désormais la version Noureev ou celle du Royal Ballet). J'ai hâte de découvrir son Lac par la Scala en novembre. Là encore, Ramansky a préféré des compagnies moins prestigieuses peut-être mais ouvertes à ce travail. Alexeï Ratmansky est la meilleure chose qui soit arrivée au ballet classique depuis bien longtemps.

[rothbart]

L'amateur de ballet classique a la chance de pouvoir apprécier plusieurs versions d'une même oeuvre et de pouvoir les comparer à défaut d'avoir un répertoire plus large d'oeuvres. Cette reconstruction pique la curiosité, elle est ou se donne l'air d'une machine à remonter le temps. Dès lors, on en accepte le principe: ne pas demander ce qu'on ferait aujourd'hui. Si le manège de Désiré surprend, on en accepte les limites dans la mesure où cela nourrit notre soif de savoir. Pour ma part, j'ai adoré (j'y étais le 6). Je me suis laissé transporter totalement par le charme suranné et de la chorégraphie et de la scénographie. Notamment, je trouve merveilleux de voir l'extraordinaire sens de l'organisation de l'espace dont faisait preuve Petipa, y compris dans les moindres petites scènes, tout n'est qu'harmonie, élégance. D'habitude, cela se révèle dans les fameux morceaux conservés et là, il est agréable de le constater dans l'intégralité de son ballet.
Alors oui, on en fait moins pour plus d'élégance. On prend son temps, on dessine, on est moins dans le faire, le dire, l'action à effet immédiat: c'est délicieux comme un berlingot ou bonbon à la violette d'autrefois.
Faut il dire "on ne peut plus voir, la version un tel ou un tel", je ne crois pas. Au nom de cette diversité justement. Et puis là, nous sommes sur le coup d'une émotion à chaud. Néanmoins, cet engouement pour les reconstructions à partir des notations Stepanov n'est pas près de disparaitre et... on en redemande.

[Marie-Ange]

..."la meilleure chose aux danseurs...?" Demandez-leur ce qu'ils en pensent (hors médias publicitaires)! ... Je n'insinue pas que ce que leur servent les autres chorégraphes actuels serait meilleur!

[Ballerina]

Justement Marie-Ange, savez-vous ce qu'en pensent les danseurs?

[sophia]

Peut-être serait-il bon de faire au moins la différence entre LES danseurs et DES danseurs! Et en quoi est-ce étonnant? C'est le contraire qui le serait (comme d'ailleurs pour les créations d'aujourd'hui, auxquelles tout le monde est, paraît-il, "tellement heureux de participer"...). Vikharev disait - publiquement - la même chose en Russie, pour le déplorer, mais il y en avait quand même un certain nombre qui était prêt à le suivre. Le fait est qu'une partie des danseurs, comme une partie du public, ne veut pas être bousculé dans ses petites habitudes, chacun préférant sa petite version, forcément la meilleure du monde. Mais tout le monde ne pense pas pareil.

Jann Parry sur Dance Tabs trouve que la production n'a pas la grandeur de celle de Vikharev (et, de manière amusante, ramène tout à Ashton).

[Eva]

Une des danseuses est tombée à la fin du deuxième acte aujourd'hui.
Je dois avouer que je n'arrive pas à me laisser séduire par cette version.

[frederic]

C'est si peu important qu'une danseuse tombe si elle ne s'est pas blessée.

[Eva]

C'est sûr, mais cela m'a surprise, surtout vu sa position.

[sophia]

Sarah Lane et Herman Cornejo ont effectivement dansé la diagonale originale dans le pas de deux - sans les poissons donc -, telle que décrite plus haut par Ratmansky. Ces petites variantes, associées à des interprètes, font partie du charme de cette production - à usage certes très balletomaniaque -, et viennent nous rappeler que le ballet était, dans la tradition du XIXe siècle, une forme "ouverte" (à l'inverse des "versions" modernes).
Sarah Lane est une Aurore d'une grande vivacité, qui fait montre d'un beau phrasé, aérienne et terrienne à la fois, et dont la grâce juvénile rappelle un peu Cassandra Trenary (ce sont sans doute les deux Aurore les plus "naturelles" de la série). Sa présence est toutefois plus affirmée et son interprétation plus nuancée et aboutie.
Espérons que quelqu'un a filmé Herman Cornejo dans sa variation, car il était simplement parfait : tout y était - précision, articulations, accents, placements, épaulements, batterie rapide et ciselée, puissance et élégance mêlées - avec ce petit supplément d'âme et d'émotion que l'on ne trouve que chez les danseurs d'exception. Preuve s'il en est que cette variation "old style" peut être au moins autant, sinon plus enthousiasmante que celles auxquelles nous sommes habitués aujourd'hui. Des bravos ont fusé, mais si tous les gens "savaient", c'est debout qu'il aurait fallu l'applaudir.
Très belles prestations de Devon Teuscher, lumineuse en Fée des Lilas, et de Nancy Raffa, vraiment remarquable en Carabosse haute comme trois pommes et haute en couleurs.
Bravo à "nos" petits rats - ils ont été parfaits et mignons-comme-il-fallait avec leurs petits pourpoints, perruques et chaussures à boucles -, qui ont accompagné les danseurs tout au long de cette série (sans doute un merveilleux souvenir pour eux), ainsi qu'à l'orchestre de l'Opéra, vif, coloré, nerveux, rapide, en phase avec la vision de Ratmansky.
La salle était pleine pour cette matinée, et le public plus chaleureux qu'au début de la tournée.
Je suis triste de quitter cette Belle au parfum unique, à la poésie légère et spirituelle, mais ravie qu'elle existe et que l'ABT et Ratmansky nous l'aient offerte et l'aient ainsi défendue. Ce n'est pas un bijou clinquant, qui éblouit et sidère en une vision unique, plutôt un joyau délicat, dont les curiosités - les sinuosités presque - s'apprécient et se savourent petit à petit, en sachant prendre son temps. Un objet anti-moderne à ce titre, et pourtant en rupture totale avec le train-train monotone et conservateur des "versions" débitées en "séries". Cinq représentations pour moi, des découvertes renouvelées à chaque fois, et un charme qui s'insinue, lentement mais subtilement, au fond du coeur.

[paco]

Ravi de lire que Herman Cornejo se situe toujours à un niveau exceptionnel. Il se produit malheureusement trop rarement en Europe.

[Ballerina]

Hier après midi nous avons vraiment eu un grand, très grand prince Désiré avec Herman Cornejo.
Le reste etait aussi d'excellente qualité.
Les élèves de l'école sont vraiment utilisés dans cette version, ce qui a dû vraiment leur plaire.

Sinon, nous sommes tellement habitués à voir ce ballet en tutus courts (anglais, russe, plateau, cerclette, boule, peu importe) que de voir ces juponnages surprend, mais met merveilleusement ces pas en valeur.
Pareil pour les hommes, il y a eu quelque murmures et rires surpris dans la salle, notamment lors de l'entrée des polonais du troisième acte.
Ça faisait plus de cinq ans que je n'avais pas vu l'ABT et je trouve que c'est une très belle compagnie.
Et c'est une amoureuse du Mariinski qui le dit.

[sophia]

Herman Cornejo (Prince Désiré) + April Giangeruso (Fée Argent), Isabelle Boylston (Princesse Florine)


Sarah Lane (Princesse Aurore) et Herman Cornejo (Prince Désiré)


Sarah Lane (Princesse Aurore) et Herman Cornejo (Prince Désiré)


Sarah Lane (Princesse Aurore) et Herman Cornejo (Prince Désiré)

[Brienne]

[sophia]

Oui, dans ce sens-là, bien sûr! La référence à Ashton s'impose si l'on parle de la postérité de Petipa. En revanche, il n'est rien dit de la formation du style de Petipa (danse française, mais aussi influence de l'école italienne via Cecchetti, qui dansait Carabosse et l'Oiseau bleu à la création de La Belle en 1890).

[Ornella]

Une seule représentation pour moi (matinée du 10), et cela a suffi à me combler !
J'étais attirée par la présence de Sarah Lane, et un concours de circonstances m'a permis de m'y rendre.

Étonnamment, la forme des tutus ne m'a absolument pas gênée pendant le ballet ; peut-être qu'à force de voir des photos, mon œil s'y était habitué.

Alors, bien sûr, au son de certaines notes, je n'ai pas pu m'empêcher de visualiser les pas de la version Noureev (variations de la Fée Lilas, de Florine, passage des fileuses), mais j'ai aussi remarqué des trouvailles très belles à regarder.

J'ai adoré l'Aurore de Mlle Lane : ce rôle lui va comme un gant. Elle a amené à la fois de la candeur et de la personnalité à son personnage.

Que dire de son partenaire, Herman Cornejo, à part qu'on aurait aimé le voir danser plus ? Comme l'a écrit sophia, sa variation était impeccable. He nailed it! Très impressionnant de le voir enchaîner les difficultés à la perfection, avec sérénité.

Côté seconds rôles, Carabosse est quand même bien plus rock'n'roll dans cette version ! L'arrivée sur son char est démente.

J'ai bien aimé la fée Violente (K. Williams), pas trop la fée Candide (P. Waski). La fée Canari (Z. Fang) était complètement hallucinée (comme l'exige la chorégraphie)! Très gracieuse Devon Teuscher en Fée Lilas.

Dans les suivantes de cette dernière, la belle rouquine Catherine Hurlin m'a tapé dans l’œil ; on la retrouve plus tard en Cendrillon. Coup de cœur également pour Lauren Bonfiglio (Chaperon rouge). Grande classe pour Christine Shevchenko en fée Diamant (ou Diamand selon la fiche )

Je n'ai pas été éblouie par le passage de l'Oiseau bleu et Florine, peut-être parce que j'ai beaucoup regardé la version Noureev en vidéo et que je l'avais plus en tête. Les danseurs étaient beaux (Isabella Boylson et Blaine Hoven), mais je suis restée sur ma faim niveau chorégraphie. Quant au bleu roi, pourquoi pas?

En parlant de couleur, celles des ensembles de la valse à l'acte I, non, ce n'est pas possible! Fashion faux-pas!

Sur la narration du ballet, le passage de la chasse est assez ennuyeux dans les deux versions que j'ai pu comparer. Mais la vision et le réveil rattrapent cet acte II.

[Carton rouge aux parents qui ne savent pas tenir leurs enfants (ah les gosses en matinée... )]

En conclusion, je suis sortie de l'Opéra avec une très bonne impression. Le travail de Ratmansky est une réussite. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle surpasse la production Noureev dans mon cœur, mais j'ai passé un délicieux moment!