Le NYCB aux Etés de la Danse [Châtelet 28/06-16/07 2016]

[Alexis29]

Le festival est en difficulté ? Aucune compagnie n'est encore annoncée pour l'an prochain ?

[haydn]

Il était question du Joffrey Ballet en 2017 et du Houston Ballet en 2018 (ou inversement). On remarquera tout de même le tropisme americanophile plus que marqué de ce festival quand on dresse la liste des compagnies invitées depuis sa création :


2005 - San Francisco Ballet
2006 - Alvin Ailey American Dance Theater
2007 - Le Ballet National de Cuba
2008 - Les Grands Ballets Canadiens de Montréal
2009 - Alvin Ailey American Dance Theater
2010 - Ballet de Novossibirsk
2011 - Miami City Ballet
2012 - Paul Taylor Dance Company + Alvin Ailey American Dance Theater
2013 - Wiener Staatsballett
2014 - San Francisco Ballet
2015 - Alvin Ailey American Dance Theater
2016 - New York City Ballet
2017 - Joffrey Ballet (ou Houston Ballet)
2018 - Houston Ballet (ou Joffrey Ballet)


En 14 ans, 12 compagnies US, on ne me fera pas croire qu'il s'agit là du simple fait du hasard...

Les finances des Etés de la danse n'étaient pas franchement au beau fixe, et son directeur-fondateur, Valéry Colin, a quitté le navire l'an passé, ce qui n'est pas signe que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Pour ce qui est du NYCB, je pense que l'organisation aura pu compter assez largement sur des fonds d'origine nord-américaine, via du mécénat notamment, et que là, le financement doit être assuré. Quand les enjeux politiques priment, l'intendance suit toujours.

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[serge1 paris]

J'avais remarqué les mêmes choses que Haydn, en particulier l'exfiltration discrète de Valery Colin que j'avais interprétée comme un chant du cygne pour les Etés de la Danse.

Ce qui serait infiniment regrettable car ce festival aura apporté quelques grands moments.

Mais malgré l'augmentation sidérale des prix et déjouant tous les pronostics, la location semble excellente pour toutes les soirées du NYCB, et il ne faut pas trop compter sur les tarifs réduits en dernière minute.

Pour les années suivantes, cela reste incertain et cela ne pourra pas être au Châtelet qui va connaitre une longue fermeture pour travaux.

[paco]

[sophia]

Sept Balanchine dans la journée. Voilà qui est fait!

Du bon, du moins bon, et du très très bon.

[Mameuh]

Le Châtelet est censé fermer pendant deux ans pour rénovations !

[rothbart]

[sophia]

Balanchine / Tchaïkovsky
Samedi 2 juillet, 14h30
Balanchine en noir et blanc
Samedi 2 juillet, 20h

Du bon, du moins bon, et du très très bon, c'est ainsi que l'on pourrait résumer cette journée marathon, au parfum inhabituel, au cours de laquelle le balletomane décidé et bien en forme pouvait s'enfiler jusqu'à sept Balanchine en deux représentations. Qui dit mieux? Les deux programmes de ce samedi rassemblaient des ouvrages appartenant à des époques et à des veines très différentes, d'une part, des ballets composés sur la musique de Tchaïkovsky (programme "Balanchine / Tchaïkovsky"), d'autre part, des ballets sur des musiques de Stravinsky et Hindemith (programme "Balanchine en noir et blanc"). C'est là que l'on se dit que l'inspiration du maître est tellement riche et vaste que chacun peut y trouver une nourriture consistante, chacun peut y trouver son compte, à un moment ou à un autre. Si l'exercice de l'enchaînement des représentations n'est pas vraiment ma tasse de thé (mais on fait ce qu'on peut pour tout voir), on n'est cependant jamais gagné par l'ennui ou par une impression de redite - celle que laisse si souvent la chorégraphie "néo-classique" débitée au kilomètre. Si réserve il y a, c'est ailleurs qu'elle réside - dans certaines interprétations. Le NYCB a Balanchine dans le sang, n'en doutons pas, mais il ne danse pas aujourd'hui que du Balanchine et ne convainc dès lors pas de la même manière, autrement dit avec la même force, dans toutes ses oeuvres.

Commençons par le moins bon. Le programme Tchaïkovsky / Balanchine m'a ainsi laissé un sentiment plutôt mitigé.
Tout commençait pourtant sous les meilleurs auspices avec Sérénade (qui n'est vraiment pas mon ballet préféré de Mr B.), mené par la merveilleuse Sterling Hyltin ("Waltz Girl"), ballerine aérienne et rêveuse à la technique de fer, à laquelle Megan Fairchild ("Russian Girl"), à la danse vive, bondissante et terre-à-terre, et Rebecca Krohn ("Dark Angel") offrent un contrepoint efficace. Le corps de ballet danse Sérénade avec naturel et évidence, vivacité et légèreté, en en faisant bien ressortir toute l'inspiration romantique, héritée de Giselle.
Mozartiana m'a paradoxalement davantage séduite lors de la deuxième vision - et sa dimension baroquisante m'est apparue aussi de manière plus évidente -, malgré une distribution en-deçà de celle de la première. Certes, on peut compter ici sur la présence magnétique de Sara Mearns - vraiment la reine de cette compagnie -, mais le cast masculin n'est pas tout à fait du même niveau. Troy Schumacher ne démérite pas, loin de là, dans la Gigue, il possède même un certain sens théâtral (qui n'est pas la qualité que l'on cultive le plus au NYCB), mais passer après le virtuose et joyeusement bondissant Daniel Ulbricht n'est pas chose aisée. Trop d'approximations émaillent en revanche les pirouettes de Chase Finlay dans le Tema con Variazioni. Pour le reste, même si ce ballet n'est pas déplaisant en soi et possède en outre de jolis costumes, était-ce franchement indispensable de le faire venir à l'Opéra? Il est passablement anecdotique. En tout cas, si l'on cherche l'excitation dans la danse - et Dieu sait que Balanchine peut être excitant -, on repassera...
La vraie déception de ce programme est toutefois venue de Tchaïkovsky Piano Concerto n° 2, un ballet, pourtant extraordinaire, dans lequel s'éprouvent violemment toutes les limites des compagnies américaines dans le style bulle de champagne néo-petipesque, a fortiori si on se met à les confronter à leurs homologues russes (j'avais dit que je n'en parlerai pas, mais c'était trop tentant). Problème de distribution (une Teresa Reichlen à la danse très sèche et sans beaucoup de subtilité, secondée par Savannah Lowery, massive et d'un prosaïsme presque gênant - on peut sans doute rêver mieux au sein même de cette compagnie...) et problème de style du corps de ballet, dont me gêne moins le côté parfois brouillon (on sent qu'une énergie commune les anime, par-delà certains physiques qui surprendraient dans des compagnies européennes ou russes) que le côté terriblement terre-à-terre. D'un coup, j'ai compris pourquoi, à New York, on n'appelait pas ce ballet Ballet Impérial - titre sous lequel on le connaît ailleurs -, cela aurait presque l'air d'une blague. Un bon point paradoxal toutefois dans cette compagnie clairement dominée par les femmes : la prestation de Tyler Angle, excellent partenaire bien sûr (mais il n'y a presque que des excellents partenaires dans cette troupe), mais aussi soliste d'autorité, à la danse puissante et précise.

Terminons par le meilleur : le programme "Black and White", le programme parfait, le programme à propos duquel il n'y a nulle réserve à émettre, le programme qui offre en même temps une leçon de style magistrale. A l'évidence, le noir et blanc et l'abstraction néo-classique conviennent mieux à la troupe que le rose, les tiares et la nostalgie de l'Empire. Ces ballets "en noir et blanc" ont beau être considérés comme austères, voire un peu ardus, on est d'emblée emporté par la compréhension qu'ils éveillent chez leurs interprètes, qui fait qu'on ne relâche plus son attention jusqu'à la fin. Il pleut là des chefs d’œuvre intemporels et les danseurs du NYCB leur font honneur de la plus saisissante - plutôt que belle - des manières. Il est somme toute fort logique qu'ils aient ouvert la tournée là-dessus. Précipitez-vous donc pour la dernière le 8 juillet (même si l'on annonce plus ou moins tout complet).
Robert Fairchild n'est certes pas l'Apollon type (pas très grand, un peu musculeux de la cuisse, une allure de boy next door - un Américain à Paris quoi! -, on est loin de Peter Martins ou de Chase Finlay...), mais son personnage n'en est pas moins finement et puissamment campé. Le mouvement du dieu est ample, fougueux, conquérant, les interactions travaillées et immédiatement perceptibles à travers une foultitude de petits détails. Le trio des Muses est excellent, tant sur le plan collectif qu'individuel, mais est toutefois dominé - c'est aussi un peu ce que l'on en attend - par Maria Kowroski, une ballerine comme on n'en fait plus, d'une élégance racée, nerveuse, qui s'amuse presque avec la gestuelle néo-classique décalée propre à ce ballet.
Dans Les Quatre Tempéraments, c'est peut-être moins les individualités qui séduisent et emportent que l'ensemble. On a vu ce ballet mille fois, dansé par différentes compagnies. Partout, on peut y trouver au moins un soliste qui se distingue (j'ai encore des frissons en repensant à Kleber Rebello, du Miami City Ballet, en Mélancolique). La réussite ici est ailleurs - plus profonde. Les couples des trois Thèmes initiaux, très distincts, dotés d'une originalité propre, sont même presque plus intéressants que les solistes des quatre grandes humeurs - ce n'est sans doute pas là un 1er cast pour ce ballet emblématique -, Tiler Peck (qui remplaçait Abi Stafford) et Jared Angle dans Sanguin exceptés. Dans Phlegmatique, on se prend à regarder, fasciné, les toutes jeunes demi-solistes, au style impeccable, plutôt que le fade Ask La Cour, sans pour autant en être gêné. Le choeur final est simplement éblouissant, comme peut l'être, ailleurs, sous d'autres cieux, un acte blanc.
Lauren Lovette et Chase Finlay donnent ensuite une saveur et une vivacité juvénile appréciables à Duo Concertant, qui, d'un coup, paraît bien moins anecdotique que prévu.
Le clou de la soirée reste néanmoins l'épique Symphonie en Trois Mouvements, puissamment mené par Sterling Hyltin et Amar Ramasar, qui semble comme un concentré des qualités que voulait capter Balanchine en Amérique et que devait emblématiser sa compagnie.

[Ritournelle]

Reportage de TF1 avec notamment des images des coulisses et des répétitions d'Apollon avec Chase Finlay et Lauren Lovette.

[sophia]

Rhalala, ce Symphonie en trois mouvements, ça a quelque chose d'aussi viscéral que Le Sacre du printemps (en plus urbain)!...

[rothbart]

Je n'ai pas trouvé un si grand fossé entre le black & white et le tchaïko, mais je les ai vus dans le sens inverse (c'est à dire dans l'ordre des premières) et en fait, je trouve cela délicieusement complémentaire. A voir d'ailleurs si cela se confirme pour la suite.

[sophia]

Le Figaro ose le parallèle NYCB / ONP dans Balanchine.

[sophia]

Le programme "Balanchine en noir et blanc" vu par Jann Parry sur Dance Tabs.

[Ballerina]

Malheureusement l'article du figaro est pour les abonnés
J'ai reussi à avoir une place pour la matinée de samedi

[Elaine]

Mêmes regrets que Sophia : ni cours public, ni répétition publique, ce qui pourtant fait le charme de ces étés. Les soutiens privés qui financent la venue du NYCB ne prévoient probablement pas cela, pas rentable. Et on laisse faire.