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Adieux d'Aurélie Dupont le 18 mai 2015
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ElenaK



Inscrit le: 24 Avr 2013
Messages: 817

MessagePosté le: Mer Juin 25, 2014 5:10 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Cette information a déjà été officialisée par le site de l'ONP dans le message concernant le départ de Laurent Hilaire.
Citation:
Clotilde Vayer, actuellement Maître de Ballet, assumera la fonction de Maître de ballet associée à la Direction de la Danse à la rentrée 2014. Aurélie Dupont, Danseuse Etoile, prendra, quant à elle, les fonctions de Maître de ballet à l’issue de la saison 2014-2015.


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Ornella



Inscrit le: 03 Mai 2013
Messages: 363
Localisation: Versailles

MessagePosté le: Mer Juin 25, 2014 6:17 pm    Sujet du message: Répondre en citant

mizuko a écrit:
Il insiste néanmoins pour que je continue à danser car il ne veut pas que je m'arrête! Alors j'organiserai mon temps pour faire les deux!

Ça, c'est une excellente nouvelle Very Happy


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sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Mer Juin 25, 2014 6:37 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Mouais... Il faut parfois savoir s'arrêter franchement.


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paco



Inscrit le: 28 Oct 2005
Messages: 3557

MessagePosté le: Mer Juin 25, 2014 9:08 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Donc, le 18 mai 2015, ce sont de faux adieux à la scène ? Laughing


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Aurélie



Inscrit le: 28 Déc 2003
Messages: 1317
Localisation: Paris

MessagePosté le: Mer Juin 25, 2014 9:13 pm    Sujet du message: Répondre en citant

sophia a écrit:
Mouais... Il faut parfois savoir s'arrêter franchement.

Laughing


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frederic



Inscrit le: 23 Jan 2007
Messages: 976

MessagePosté le: Jeu Juin 26, 2014 12:22 am    Sujet du message: Répondre en citant

Donc, si on comprend bien, ce ne seront pas des adieux et Aurelie Dupont devient en quelque sorte "principale ex étoile invitée"! Pas tout à fait excitant en effet, même si on a encore plaisir à la voir danser.


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Gaïa



Inscrit le: 09 Déc 2012
Messages: 44
Localisation: Paris

MessagePosté le: Jeu Avr 30, 2015 8:03 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Une rencontre avait lieu ce soir au Studio Bastille avec Aurélie Dupont, dont les adieux arrivent à grands pas. Questionnée par Agnès Izrine, l'étoile est revenue sur les grandes étapes de sa carrière, bien connues car répétées à longueur d'interviews, en y apportant de jolis détails.
Difficile de faire abstraction de son splendide visage et de sa voix toute douce, mais ses idées et sa vision de la danse m'ont paru intéressantes.
Quelques extraits sont à venir Smile


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Gaïa



Inscrit le: 09 Déc 2012
Messages: 44
Localisation: Paris

MessagePosté le: Jeu Avr 30, 2015 11:15 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Premiers extraits choisis de cette rencontre avec Aurélie Dupont au Studio Bastille.

Les débuts avec Liane Daydée :
"J’ai appris ce qu’était une pirouette, un entrechat, un pas de bourrée, une première position, tous ces termes-là… Ce fut un apprentissage un peu forcé, bourrage de crâne et douleurs physiques pendant 4 mois. Et j’ai été prise [à l'Ecole de danse] - sur 1600 personnes."

L'Ecole de danse :
"J’ai été une des rares à dire des choses sur l’Ecole de danse. Je n’ai jamais reproché la difficulté de cette école, du travail - j’étais bien consciente que c’était une école d’élite et je suis une acharnée du travail, toujours maintenant. Mais il est vrai que lorsque Claude Bessy était directrice, il y avait une méchanceté ambiante. Il y avait des chouchous, des petits rats qu’on aimait moins, et je faisais partie de ceux qu’on n’aimait pas trop, à qui on faisait facilement des piques. C’est la vérité, cela existe et c’est honnête de le dire. Je m’en sors très bien, ça ne m’a pas non plus complètement déstabilisée mais c’était plus dur pour moi que pour d’autres. [...]
J’ai aimé la danse rapidement, il ne m’a pas fallu des années. J’étais très solitaire, timide, j’avais beaucoup de mal à avoir des amis, et rentrer dans cette école, c’était ce qu’il me fallait : j’étais entourée de danseuses de mon âge, il y avait cette discipline singulière et personnelle - je travaillais comme je l’entendais sur mon corps, avec la musique, mon professeur qui me corrigeait, une rigueur qui me collait à la peau - cela m’a plu tout de suite. [...]
Je n’avais peut-être pas de problèmes à dire ce que je pensais et cela a pu déranger des adultes - même si je le disais avec beaucoup de diplomatie (sourires)."

Repérer les jeunes qui vont faire carrière et leur dire :
"Parce qu’il ne faut pas perdre de temps. [...] Je pense à Amandine Albisson à qui j’ai dit très vite qu’elle serait danseuse étoile [...]. Elle m’a dit "Mais pourquoi tu me dis ça ?" et je lui ai dit "Mais parce que cela va arriver et il faut que tu t’y prépares, c’est une responsabilité". [...] Il faut dire aux jeunes quand ils sont bons, parce qu’il n’y en a pas beaucoup, et ce n’est pas leur rendre service de ne pas leur dire. Ils deviendront des êtres à part et il faut leur dire.
Je me souviens que Michel Renault, avec qui je prenais des cours quand je suis sortie de l’Ecole de danse à 16 ans, m’avait dit : "Tu as intérêt à travailler parce que toi tu seras danseuse étoile". Cela m’avait surprise, je sortais de l’école, on m’avait dit pendant six ans que j’étais nulle et moche, que je ne ferais rien. Et je me suis dit, s’il y en a un qui y croit, allez, on travaille. Je trouve que c’est bien de le dire."

La rencontre avec Pina Bausch, version complète :
"Quand je suis sortie de l’école, j’ai très vite compris comment cela se passait dans le corps de ballet [...]. J’ai beaucoup bossé en me disant : "Quand tu seras Sujet, ce sera plus calme". A cause - disons grâce à l’Ecole de danse, j’ai beaucoup travaillé ma technique, parce que les danseurs à technique sont en apparence irréprochables, ils savent tout faire. Je prenais deux cours par jour, j’étais une acharnée. Et je faisais tellement bien mon travail qu’on ne me mettait que dans les ballets techniques : Etudes, Sérénade, les pas de trois du Lac, de Paquita, toutes les choses difficiles qui font peur parfois à certaines, je les avais.
Mais un jour je me suis réveillée. Cela faisait deux-trois ans que je me faisais la réflexion. J’étais Sujet, mais... qu’est-ce que je m’emmerdais (sic) ! Les autres trouvaient que je dansais bien, que j’étais solide, mais je voyais bien que ce n’était pas du tout ça, que j’étais l’inverse. Comment faire pour changer du jour au lendemain, et dire à la direction, aux partenaires, aux danseurs qui m’entouraient : "En fait je me suis trompée, c’est pas ça que je veux faire, c’est aller de l’autre côté, faire des choses émotionnelles, fragiles, travailler le théâtre, faire ressortir ma sensibilité" ? Personne ne m’aurait écoutée - d’ailleurs, en tant que Sujet personne ne nous demande notre avis, c’est normal. [...]
Et Pina Bausch est arrivée. [...] Brigitte Lefèvre était venue nous voir au cours de danse et nous avait dit "Pina Bausch vient avec le Sacre du Printemps". C’est un ballet que j’avais vu quand j’avais 16 ans. [...] Je n’avais jamais vu de danse contemporaine. J’ai été complètement choquée, éblouie, j’ai adoré, détesté, je voyais ces corps de femmes qui ne ressemblaient pas à nos corps de danseuses classiques - c’était un choc émotionnel très fort. Alors quand Brigitte Lefèvre nous a dit "C’est un ballet très dur, ceux qui veulent le faire, venez dans mon bureau me le dire", j’y suis allée dans les cinq minutes. Pina Bausch a fait faire des auditions, elle a vu tous les danseurs, les Pietragalla, Dupond, tout le monde. Elle a choisi dix filles, dix garçons, j’en faisais partie. Elle nous a essayés à plein de rôles différents dans Le Sacre. La place pour laquelle elle m’avait choisie était une place où la danseuse se faisait extrêmement mal. Je me tapais avec le coude, j’avais tout un passage dans la terre avec la tête complètement en arrière, c’était très douloureux. Je me faisais vraiment mal, et un jour elle est venue me voir, elle me dit : "Mais pourquoi tu fais ça ?". Je lui dis "Ben, c’est la choré, Mme Bausch" (rires). Elle me dit : "Mais ce n’est pas pour ça que je t’ai choisie, je t’ai choisie pour tes faiblesses". C’était fabuleux, je me suis dit : elle m’a vue. Mon rôle était difficile mais ce n’était pas la façon de faire qui lui plaisait, c’était comment moi j’allais me sortir de cette fragilité tout en faisant cette chorégraphie extrêmement physique. J’ai été obligée grâce à elle de réviser toute ma vie, toute ma carrière, toute ma façon de danser. Comme j’attendais cette clé, je l’ai saisie tout de suite. [...]
On a travaillé deux, trois mois, on a fait des spectacles incroyables, c’était vraiment une équipe, une famille. Et après je ne pouvais pas retourner en arrière, j’ai continué - elle m’a sauvée. J’ai pris confiance, elle a vu en moi cette fragilité et que c’était beau, cela m’a donné envie de la développer. Et puis petit à petit, en quelques années, l’avis et l’oeil de la direction ont évolué, comme moi j’ai évolué dans mon chemin. C’était parfait."

Elle n'a pas suivi Pina...
"J’étais Première danseuse, quand même ! (rires) [...] Pina Bausch était quelqu'un de tellement incroyable qu’on n’avait qu’une envie, la suivre. C’était une espèce de gourou qu’on aimait tout de suite. D'ailleurs, deux ou trois danseuses ont démissionné et sont parties chez elle. Et après le Sacre du Printemps, j’ai fait une petite dépression. Mon groupe de danseurs me manquait : on avait été tous ensemble, sept jours sur sept, sept heures par jour… elle voulait les danseuses pas maquillées, pas coiffées, pieds nus, les pieds dans la terre - pendant trois mois, cela fait un petit lavage de cerveau. Avec cette musique qui nous ensorcelait toute la journée, on était complètement bourrés d’émotions, de travail, de fatigue, on avait mal partout, on était soudés. A côté de nous, l’autre groupe de danseurs était en train de créer Sylvia de Neumeier : quelque chose de très frais, très blanc, très pur, très bien coiffé… Et comme j’étais Première danseuse, je devais enchaîner sur la création de Neumeier. [...] Je n’ai pas pu. Pourtant j’étais Première danseuse, ça ne se refuse pas d’être remplaçante d’Elisabeth Platel, mais je leur ai dit "Je ne peux pas". [...] Ils m’ont écoutée et je ne l’ai pas fait. J’ai pris un mois et demi pour redescendre de mon petit nuage."

(suite à venir)




Dernière édition par Gaïa le Ven Mai 01, 2015 12:03 am; édité 1 fois
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haydn
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Messages: 26512

MessagePosté le: Ven Mai 01, 2015 12:03 am    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Gaïa de nous avoir si vite résumé l'essentiel des déclarations d'Aurélie Dupont Smile



_________________
Un petit "j'aime" sur la page Facebook de Dansomanie : http://www.facebook.com/Dansomanie/
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Alexis29



Inscrit le: 22 Avr 2014
Messages: 1244

MessagePosté le: Ven Mai 01, 2015 12:17 am    Sujet du message: Répondre en citant

Oui un grand merci Smile


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Garance39



Inscrit le: 22 Déc 2012
Messages: 54

MessagePosté le: Ven Mai 01, 2015 12:31 am    Sujet du message: Répondre en citant

Merci beaucoup pour cet intéressant compte rendu !!! Smile


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Bernard45



Inscrit le: 06 Avr 2008
Messages: 498
Localisation: Orléans

MessagePosté le: Ven Mai 01, 2015 8:59 am    Sujet du message: Répondre en citant

Une phrase d'A.D. m'interpelle :

"C’est un ballet que j’avais vu quand j’avais 16 ans. [...] Je n’avais jamais vu de danse contemporaine."

Nous sommes en 1989, elle entre dans le corps de ballet de l'ONP. Cela signifie que pendant toutes ces années d'école de danse, on lui a soigneusement caché l'existence de la danse contemporaine. Alors qu'on pouvait en voir un peu partout déjà à cette époque, et bien des années auparavant.


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sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
Messages: 22086

MessagePosté le: Ven Mai 01, 2015 9:11 am    Sujet du message: Répondre en citant

Sans doute les choses changent-elles aujourd'hui avec les nouvelles générations et seront-elles de plus en plus amenées à changer - et c'est heureux! -, mais même dans le domaine de la danse classique, j'ai souvent été frappée - pour ne pas dire choquée - par l'inculture, voire l'incuriosité, des gens de l'Opéra pour tout ce qui n'était pas Opéra. La méfiance vis-à-vis du monde extérieur y a toujours été cultivée et y perdure parfois encore. La forteresse, ce n'est pas qu'une image.
Alors la danse contemporaine, en 1989, pensez! (mais heureusement Brigitte nous a changé tout ça Laughing Mr. Green)
Après, comme partout, il y a des tempéraments plus ou moins curieux.


Merci Gaïa! (j'y étais aussi) Wink


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Ornella



Inscrit le: 03 Mai 2013
Messages: 363
Localisation: Versailles

MessagePosté le: Ven Mai 01, 2015 12:25 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Gaïa pour cette transcription !

Concernant Le Lac des cygnes, elle a dû y renoncer à cause d'une blessure au genou gauche (lors d'une répétition de McGregor si j'ai bien compris), alors même que son genou droit est douloureux depuis longtemps. Elle était très déçue car elle se sentait prête à relever le défi !
Et pour La Sylphide, en 2013, c'était une blessure musculaire près de la hanche... Dommage, car elle aimait beaucoup ce ballet.

Hervé Moreau s'est quant à lui déchiré le biceps en répétant Together alone, le jour de la première. Elle nous a donné des nouvelles rassurantes de son "ami proche" !

La rencontre a été intégralement filmée, et certains extraits feront partie d'un nouveau documentaire qui devrait être diffusé le 19 juin.




Dernière édition par Ornella le Ven Mai 01, 2015 6:31 pm; édité 1 fois
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Gaïa



Inscrit le: 09 Déc 2012
Messages: 44
Localisation: Paris

MessagePosté le: Ven Mai 01, 2015 3:39 pm    Sujet du message: Répondre en citant

La suite !

Sa nomination d'étoile, une surprise ?
"Ah oui. Il faut être honnête, quand on est Première danseuse et que l’on commence à avoir de petits rôles, on se dit "bon, là ils m’ont repérée". Ils m’ont donné Casse-Noisette, ça s’était bien passé, j’avais eu 3 spectacles avec 4 partenaires parce que tout le monde s’était blessé, j’avais résisté à tout ça. [...] Don Quichotte avec Manuel Legris, c’était la cerise sur le gâteau, le choix du roi. J’avais eu deux ou trois spectacles avant, j’avais ce spectacle le 31 décembre [1998], et j’en avais un autre le 4 ou 5 janvier. Je sentais que j’avais un peu le vent en poupe. Mais je n’y croyais pas trop parce que j’étais jeune, je sentais que je n’étais pas encore prête [...]. J’en rêvais, j’avais l’ambition pour (mon but, c’était d’être danseuse étoile et rien d’autre), je travaillais beaucoup, mais quand ça m’est arrivé je me suis sentie complètement vidée - en me disant "Ben zut, ça y est, c’est fini, j’y suis !" (rires). Pour moi c’était comme un jeu, une partie, j’aime beaucoup jouer, c’est quelque chose qui m’excite. Quand j’avais dix ans, je m’étais dit : "Bon, qu’est-ce qu’il faut faire : tu rentres petit rat, après tu rentres dans le ballet, tu es Quadrille, et après tu es danseuse étoile. OK. On y va." Et je l’ai pris comme ça. [...] C’était plus compliqué que ça, mais dans la démarche, c’était aussi simple que ça. Quand ça m’est arrivé, j’ai eu peur et je me suis dit "Je ne suis pas prête." [...]
J’ai assumé mon titre deux-trois ans après je pense. J’ai mis du temps. C’est difficile, parce qu’on est danseuse étoile du jour au lendemain. Lundi vous êtes Première danseuse, mardi vous êtes danseuse étoile. Je m’étais dit : "Qu’est-ce que j’ai de plus… que lundi ?" (rires). [...]
Quand on est jeune danseuse étoile, on doit emmagasiner, apprendre une quantité de rôles inimaginable. Votre Lac des Cygnes, c’est votre premier Lac des Cygnes. Quand vous dansez La Belle au bois dormant, c’est votre première Belle au bois dormant. Que des nouvelles chorégraphies à apprendre. Et il faut que ça passe dans le corps, que ce soit comme une récitation, un souvenir de récitation - c’est là que ça devient beau. C’est agréable quand c’est dans le corps comme une chanson qu’on reconnaît à la radio. Donc les premières années sont difficiles parce qu’on se sent jugée tout le temps. On apprend tout, on danse tout pour la première fois. Moi j’avais le sentiment à chaque fois de ne pas faire assez bien parce que c’était nouveau, je ne savais pas où aller.
Quand j’ai regoûté, au moins trois ou quatre ans après, là ça m’a plu, et je me suis dit "là, tu es danseuse étoile". Tout d’un coup, j’étais moins en panique sur la difficulté technique, je savais mieux me préparer physiquement, j’avais mûri le rôle, j’avais des choses différentes à dire, je savais mieux les dire [...]."

Les rôles qui l'ont marquée, et quelques phrases sur la pantomime (cf. le récent sujet de discussion sur le forum) :
"Il y en a plein plein plein… Il y a des rôles qui m’ont marquée quand je n’étais pas danseuse étoile : tous les ballets de George Balanchine, que je sois dans le corps de ballet ou devant, j’ai eu le même plaisir. Je pense aux Quatre tempéraments par exemple. J’ai évidemment adoré danser le Sacre de Pina, toutes les tragédies, mais je les ai dansées tard, à un âge où on n’a plus de complexes ; pas forcément plus de choses à dire, mais on les dit mieux, c’est plus clair. Cela ira peut-être plus vite si je vous dis les ballets que je n’ai pas aimés ! (rires)
Danser Giselle à 26 ans et à 40 ans, c’est très différent. Je l’aime plus aujourd'hui que quand j’en avais 26. [...] Giselle est un ballet que j’ai eu du mal à apprécier, et je me suis toujours dit que les choses que je n’appréciais pas faire, c’est parce que je les faisais mal, ou pas assez bien. J’ai toujours eu du mal (c’est peut-être un tort) à danser les ballets qui ont marqué des générations entières, j’avais l’impression d’être un numéro de plus. Pour avoir la sensation de ne pas être un numéro dans Giselle, c’est beaucoup de travail, je trouve. Giselle, ça se danse partout, il y en a eu des millions, et je me suis dit : "à part mon plaisir personnel, à quoi ça sert ?".
J’ai adoré danser Roméo et Juliette, la musique de Prokoviev m’a tiré des larmes tous les soirs… La Sylphide de Pierre Lacotte j’ai adoré, c’est un rôle extrêmement mutin [...].
J’adore le jeu, l’humour en scène - c’est ce qui m’a plu dans Don Quichotte. Je trouve qu’il y a quelque chose de très moderne dans l’humour. J’ai toujours eu du mal en tant que spectatrice et danseuse avec les pantomimes très classiques qu’on nous apprend, encore aujourd'hui. C’est un langage que peu de gens comprennent dans la salle. Même moi, professionnelle, par exemple dans Le Lac des cygnes (elle mime le moment où le cygne blanc raconte son histoire au prince à l’acte 2), on ne comprend pas, alors soit c’est très moderne, soit c’est vraiment poussiéreux. J’aime bien essayer de me mettre à la place de quelqu'un qui ne connaît pas la danse pour ajouter un peu de modernité, en tout cas de simplicité. Quelque chose de plus sobre."

Sur l'expression, l'instinct et la simplicité :
"J’ai travaillé ce que moi j’aime regarder chez les autres. Ce qui m’a touché, j’essaie de le reproduire. Je trouve que l’instinct en scène est quelque chose de beau. Les gens qui ont de l’instinct sont souvent très justes. J’ai beaucoup travaillé ça, l’instinct. Il y a plein de choses que j’ai découvertes toute seule et que je vais apprendre aux plus jeunes. [...] Le rendu des expressions ou émotions de la vie de tous les jours n’est pas le même en scène. Les regards bas et longs, en scène, expriment une réflexion (elle mime). Et s'il se passe le temps de réflexion, vous voyez que je suis en train de réfléchir (elle mime toujours). Mais si je le fais vite, à aucun moment vous ne voyez que je réfléchis. Il faut que ça soit comme une partie de ping-pong : si moi je prends le temps de regarder, vous avez le temps de comprendre que moi, je réfléchis. C’est une histoire de timing [...]. Ça, je l’ai découvert seule. Il y a l’angle aussi : si je vous parle comme ça (elle mime, se tourne de profil), ça ne passe pas, on ne verra rien du tout. Il faut tricher. J’adore travailler ça. L’instinct, le regard beaucoup, prendre le temps de faire les choses pour qu’il y ait un échange, la musique - c’est le plus important. Mon corps donne le rythme, et la musique donne les émotions. L’instinct reprend le dessus et je découvre d’autres choses. [...] Et quand on rencontre un partenaire comme soi, ça se sent tout de suite, et on n’a pas besoin de se dire des choses, et l’instinct en scène nous rend normaux, humains, et ça rend les choses plus modernes. [...]
J’ai vraiment envie d’emmener les jeunes que je vais faire travailler sur cette voie-là. La simplicité, c’est ce qu’il y a de plus difficile à trouver, tant dans le geste que dans l’émotion. On a toujours envie de maquiller tout quand on est jeune, de faire des "chichis", rajouter des ports de tête, des mains. Mais en fait, c’est beau quand c’est simple, pas maquillé, sobre. Ça prend du temps à l’assumer. Quand j’avais fait travailler Léonore Baulac et Germain Louvet sur Casse Noisette, j’effaçais tout ce que j’appelais les "trucs qui servent à rien". Ils me disaient : "Là ça commence à faire vraiment simple..." et je disais : "Oui mais c’est pas assez simple, là tu peux retirer". Ils sont jeunes et on pourrait dire que quand on est jeune, tout est simple, tout est frais et il n’y a pas de choses en trop - au contraire [...]."

Le ballet des adieux et l'histoire de la blessure :
"J’avais demandé La Dame aux camélias mais... Agnès Letestu est partie avec La Dame aux camélias. (rires) Je ne lui en veux pas, je l’adore. Mais on m’a dit "Non, Agnès est partie avec il y a deux ans, c’est trop tôt." Donc je pars avec l’Histoire de Manon. Je suis ravie. Mais c’est vrai que La Dame aux camélias, c’est un ballet qui est arrivé au bon moment - parce que j’étais prête en tant que femme à le danser, mais aussi parce que j’avais envie de rôles comme ça, je les attendais. La passion, la beauté et l’horreur, toutes ces palettes différentes dans un rôle, plus la musique, les costumes, les partenaires… La Dame aux camélias, c’est pour moi le must, avec Juliette de Noureev et de Sacha Walz [qui est] un rôle intemporel, beau, moderne. La Dame aux camélias a une place précieuse dans mon cœur. [...]
[L'Histoire de Manon], c'était dans la saison, je ne sais pas si Brigitte l’a programmée exprès pour moi, je pense qu’elle a dû y penser. Je suis contente de partir avec ce ballet, car lorsque j’ai été nommée danseuse étoile, j’ai été opérée du genou droit six mois après ma nomination - ma fragilité est arrivée physiquement, concrètement. J’avais très mal au genou, je ne voulais pas passer d’examen parce que je me doutais bien qu’il y avait quelque chose de grave. En effet, j’avais tellement attendu qu’on m’avait dit : "Voilà, tu as un problème de cartilage, tu as du sang dans la rotule, c’est une catastrophe, ton genou est en miettes, tu dois te faire opérer mais tu ne danseras plus." [...] J’ai tenu six-sept mois, et je me suis fait opérer du jour au lendemain. J’avais vraiment attendu la dernière goutte de sueur froide de douleur [...]. Ça a duré un an et demi, très difficile, complètement déprimée, à me dire "bon voilà, tu as fait tout ça pour rien, c’est fini, au revoir" [...].
Et j’ai rencontré des kinés incroyables, un ancien rugbyman, rien à voir avec la danse, qui m’a dit "Mais je vais te remettre sur pointes, tu vas redanser !" (rires). Bébert, il s’appelait. [...] Il était incroyable ce Bébert - il sera là le 18. Et quand j’ai repris grâce à Bébert, je l’ai invité à ma reprise, ce spectacle complètement inespéré, et c’était L’Histoire de Manon. La boucle est bouclée et c’est bien que je parte avec ça, ça a du sens finalement."

Danseuse et mère ? Surtout une préoccupation étrange de journaliste, selon elle.
"Quel risque ? D’avoir des triplés peut-être ! (rires) [...] Je me rends compte que souvent, quand on me parle de l’Opéra, on me dit "Benjamin Millepied va apporter une grande modernité à l’Opéra". Mais l’Opéra c’est une compagnie moderne, parce que les danseurs sont modernes, vivent en 2015 [...]. Nous sommes des gens évolués assez normalement !... (rires) Donc l’idée qu’une danseuse de 35 ans fasse un enfant, finalement, ça ressemble à une dame dans la rue qui a 35 ans et envie de faire un enfant. Ça se fait de la même façon... je vous rassure ! (rires) Le choix se fait de la même façon.
Je voudrais souligner que [...] c’est votre regard que vous devriez changer, c’est le regard que les autres portent sur l’Opéra qui devrait changer. C’est fini, on ne met plus d’escalopes dans les pointes quand on a des ampoules (rires). [...] Souvent, on encense les chorégraphes, mais en fait, c’est les danseurs ; un très bon chorégraphe, s’il danse avec des nuls, le ballet sera nul ! [...] C’est le regard extérieur qui doit évoluer. [...] La seule différence avec les femmes "normales", c’est que notre reprise se fait plus rapidement. [...] A l’Opéra, je me sentais responsable de mon poste. [...] Je me suis dit : "Tu fais un enfant mais tu reviens vite, et si possible bien". C’est la seule différence. Mais sinon, nous sommes des gens modernes, et nous sommes en 2015."

L'arrivée de Millepied et son prochain poste de maître de ballet :
"Je crois aux rencontres [...]. C’est vrai qu’au bout de 32 ans de maison, je m’étais dit "Tu vas partir sur la pointe des pieds" [...], c’est la vérité, je ne pensais pas rester à l’Opéra [...]. Benjamin est arrivé et il a tout changé. D'ailleurs quand il est arrivé, il venait me demander à moi des personnes qu’il devait rencontrer, qui étaient susceptibles de travailler avec lui, et je lui ai donné plein de noms de gens qui seraient super à ma place. Je ne savais pas que c’était ma place ! [...] Il a rencontré plein de monde, et puis un jour, il repartait à Los Angeles, il m’a appelée à 23h et m’a dit : "En fait, je veux bosser avec toi". Et j’étais sur le ... ! (rires). [...] Je savais bien que je serais bête de refuser ça. Et j’ai accepté. Benjamin, c’est un [...] jeune garçon talentueux, il a cette double nationalité qui est une double qualité pour l’Opéra, il a envie de changer les choses. Tout ce qui est autour de l’information à l’Opéra, c’est ce qu’il va apporter de moderne. Ça va devenir plus accessible, on s’ouvre beaucoup au niveau des médias, d’internet. [...] Je suis très flattée qu’il m’ait prise dans son équipe, du coup je me sens très jeune ! Je vais être la plus jeune avec lui, alors que là je me sens vieille parce que je suis la plus vieille des danseuses. [...]
J’avais déjà accepté [le poste, quand j’ai fait répéter Casse Noisette en décembre]. Comme je ne faisais rien à l’Opéra à ce moment-là, j’ai accepté [de faire répéter], déjà pour voir si ça allait me plaire. Cela fait longtemps que je fais travailler des danseuses pour le concours annuel de l’Opéra, mais c’est deux variations de trois minutes. Faire travailler un ballet, leur apprendre la chorégraphie, faire travailler les garçons (il faut que j’apprenne la chorégraphie du garçon, je ne la connais pas), les faire travailler en couple, l’adage, le partenariat, comment on fait un porté, [...] comment on se prépare physiquement, le temps qu’on a entre les entrées, comment on construit un personnage, quel âge a Clara, qu’est-ce qu’elle fait - c’est du boulot, beaucoup de questions, mais c’est passionnant, ça m’intéresse."

Comment elle voit son rôle auprès des jeunes :
"Je vais les faire travailler. J’ai très envie de les responsabiliser. Je n’ai pas du tout envie de faire du copier-coller avec ce que j’ai fait, ce serait idiot et prétentieux. J’ai vraiment envie d’apprendre d’eux. Je vais les faire travailler du ciboulot, parce qu’un danseur aussi ça réfléchit. Réfléchir au personnage, à la musique, écouter la musique [...]. Se documenter sur les personnages, construire les rôles. La danse finalement, le pas, le mouvement, cela viendra à la fin pour moi. J’ai vraiment envie d’être surprise et peut-être de réfléchir à nouveau sur quelque chose qui me semblait acquis. Me dire : "Ah oui, j’y avais pas pensé, mais ce qu’elle fait c’est hyper juste - et moi je ne l’ai pas fait". Et ça, ça va me nourrir. [...]
Je ne vais pas les materner, je vais même parfois les laisser faire ce qu’ils ont envie de faire [...]. J’espère que j’aurai le goût de la justesse que j’ai pour moi, mais j’ai envie qu’ils soient eux, j’ai envie de leur faire du sur-mesure. Que mon acquis soit juste la solution à des problèmes éventuels, mais ils ne seront pas des mini-moi."

(à suivre)


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