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Dossier: Ivan le Terrible (Grigorovitch) / ITW JEAN GUIZERIX

 
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haydn
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MessagePosté le: Mar Avr 14, 2015 7:53 pm    Sujet du message: Dossier: Ivan le Terrible (Grigorovitch) / ITW JEAN GUIZERIX Répondre en citant

    __________________________________________________________

    A l'occasion de la reprise d'Ivan le Terrible au Bolchoï (première de cette nouvelle série, dimanche 12 avril 2015, retransmission en direct le dimanche 19 avril 2015), Dansomanie consacrera, comme pour Roméo et Juliette et La Légende d'amour, un dossier historique à cet ouvrage emblématique du répertoire Russe, qui a également figuré au répertoire de l'Opéra National de Paris de 1976 à 2004.


    En attendant la suite, un petit retour en image sur la répétition générale, où nous étions conviés, qui s'est déroulée le samedi 11 avril 2015 sur la scène historique du Bolchoï.

    Distribution

    Ivan le Terrible : Ivan Vassiliev
    Anastasia : Maria Vinogradova
    Kourbsky : Artem Ovcharenko

    __________________________________________________________
















































    __________________________________________________________

    Et quelques vues du théâtre et des saluts lors de la première du 12 avril 2015 :


    Distribution

    Ivan le Terrible : Mikhaïl Lobukhin
    Anastasia : Nina Kaptsova
    Kourbsky : Denis Rodkin




















Et beaucoup de choses à suivre...



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Dernière édition par haydn le Mar Avr 21, 2015 8:19 am; édité 4 fois
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haydn
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MessagePosté le: Mer Avr 15, 2015 5:43 pm    Sujet du message: Répondre en citant

    Dansomanie a convié un invité de haut rang pour nous parler d'Ivan le Terrible : Jean Guizerix, ancien danseur étoile de l'Opéra National de Paris, qui interpréta le rôle-titre lorsque le célèbre ouvrage de Youri Grigorovitch entra au répertoire de la compagnie nationale le 14 octobre 1976, un an après sa création au Bolchoï. En dépit de l'épreuve qu'a constituée pour lui le récent décès de son épouse, Wilfride Piollet - qui fut l'une de ses partenaires en Anastasia - , Jean Guizerix a accepté de revenir en détail sur les premières représentations françaises d'Ivan le Terrible. Il dit également avec beaucoup de chaleur, de passion même, toute l'admiration qu'il voue à Youri Grigorovitch.






    Vous avez été danseur Étoile à l'Opéra de Paris, quand avez-vous mis un terme à votre activité?

    Le couperet administratif est tombé pour moi en 1990, j'avais 45 ans. Mais j'ai continué à danser, à organiser des spectacles et des rencontres, évidemment avec mon épouse, Wilfride Piollet, et également, très souvent, avec la compagnie de Jean-Christophe Paré (actuel directeur du Département Danse du CNSMDP, ndlr.).


    Nous sommes là aujourd'hui pour parler d'Ivan le Terrible, qui va être remonté au Bolchoï. Vous teniez le rôle-titre lors de l'entrée de ce ballet au répertoire de l'Opéra de Paris en 1976, n'est-ce pas?

    Oui, c'est exact, même si on a pu lire dans certains programmes et articles de presse que c'était pas moi qui avais dansé la première. Il y a eu parfois des confusions avec l'autre titulaire du rôle, qui était Cyril Atanassoff. Et au soir de cette première représentation, ma partenaire, Dominique Khalfouni, a été nommée Danseuse étoile. Elle n'était, avant cela, « que » Sujet, et elle n'est jamais passée par la case « Première danseuse ». C'est Rolf Liebermann qui l'a promue après le spectacle. Elle incarnait Anastasia. Le troisième personnage principal, Kourbsky, était interprété par Michael Denard.

    J'ai ensuite dansé Ivan à Moscou, avec la distribution de la première, en 1977. J'en garde un souvenir ému, car ce fut l'un des plus gros succès de ma carrière, et la presse russe avait même écrit que j'étais « plus Ivan qu'Ivan »! J'ai également dansé deux fois ce ballet avec Wilfride. Noëlla Pontois, normalement prévue avec Cyril Atanassoff, ainsi que Dominique Khalfouni, ma propre Anastasia, s'étaient retrouvées indisponibles simultanément pour je ne sais plus quelle raison – maladie, blessure? J'étais, avec mon épouse au théâtre de l'Odéon. Dans le hall, nous avons croisé par hasard Hugues Gall, qui lui a demandé tout de go si elle se sentait capable d'apprendre la chorégraphie d'Ivan le Terrible en deux jours! Wilfride a accepté le défi, et effectivement, deux jours après, elle a dansé le ballet à mes côtés.



    En « récompense », comme c'était l'usage lorsqu'on remplaçait un soliste titulaire au pied levé, elle a eu droit à un second spectacle. C'était une belle démonstration de son courage et de son audace, car elle n'était pas prévue en tant que remplaçante, et n'avait réellement jamais travaillé le rôle d'Anastasia. D'ailleurs, si je me souviens bien, personne n'avait été désigné au préalable pour prendre la place de Dominique Khalfouni ou de Noëlla Pontois, en cas de problème. Cela dit, il faut être honnête, la chorégraphie d'Ivan, ce n'est ni de la danse baroque, ni du Merce Cunningham : ce sont des pas académiques, assez simples à mémoriser pour une danseuse classique. On a travaillé comme des fous durant ces deux jours qui ont précédé la représentation ; tout s'est bien passé finalement, même si je lui soufflais discrètement à l'oreille quelques indications. Ça a aussi été possible car, comme nous étions mari et femme, nous avions une connaissance parfaite l'un de l'autre, de nos corps respectifs, de nos énergies. Les choses auraient été sans doute différentes avec une partenaire disons moins « familière » - mariés en 1971, nous vivions ensemble depuis 1967.


    Est-ce que c'était une expérience très différente, pour vous, de danser avec Wilfride Piollet plutôt qu'avec Dominique Khalfouni?

    Les segments, les façons de prendre les élans, de Dominique et de Wilfride étaient très différents, oui, mais nous n'avons pas vraiment eu de difficultés de synchronisation. En revanche, j'avais plus de pudeur à interpréter des sentiments passionnés, amoureux, avec Wilfride qu'avec Dominique Khalfouni, avec qui ce n'était évidemment qu'un jeu. Avec Dominique, c'était bien plus facile d'y mettre la théâtralité, la distance nécessaire... Mais de toute façon, chaque partenaire est différente, et on se comporte soi-même de manière différente en fonction de la partenaire. Avec Wilfride, il régnait une confiance particulière entre elle et moi, et d'ailleurs, ça devait se voir puisqu'à l'issue de la représentation, une personne venue nous saluer à la sortie des artistes nous a dit : « c'est merveilleux, on dirait que vous êtes mari et femme »!


    Lors de la première, saviez-vous qu'il allait se passer quelque chose pour Dominique Khalfouni?

    Non, absolument pas, ni moi ni elle ne nous doutions de quelque chose. D'ailleurs, c'était beaucoup mieux ainsi, cela nous aurait mis une pression supplémentaire. Déjà que faire une première, cela vous colle un bon trac...

    On avait eu environ un mois et-demi de répétition avant cette première. Je dois dire qu'il y avait – je ne sais pas si c'était une volonté délibérée de Youri Grigorovitch – une certaine « rivalité », ou du moins une émulation entre les deux couples principaux prévus en alternance sur les distributions, moi et Dominique Khalfouni d'une part, Cyril Atanassoff et Noëlla Pontois d'autre part. Nous répétions séparément, dans des lieux différents, et les horaires étaient arrangés de sorte que nous ne nous croisions jamais. Ainsi, nous ignorions où en était la « concurrence », et l'on sentait que la pression montait au fur et à mesure que la première approchait. Honnêtement, je pense que Grigorovitch l'a fait sciemment pour nous motiver.

    C'est lui qui avait décidé seul des distributions. Il possédait une forte autorité naturelle, et personne n'aurait osé le contredire ou lui imposer quelque chose. Grigorovitch m'a retenu pour le rôle d'Ivan dans des circonstances un peu particulières. Wilfride et moi avions l'habitude de « sécher » les classes d'Alexandre Kalioujny à l'Opéra, et nous allions prendre des cours à l'extérieur. Non que Kalioujny ait été un mauvais professeur, mais nous voulions travailler avec nos propres méthodes, issues en grande partie de notre rencontre avec Merce Cunningham en 1973. C'est lui qui nous a appris à nous passer de l'appui de la barre. De ce fait, Girgorovitch, qui allait voir les classes des solistes à l'Opéra pour faire ses choix de distribution, ne me voyait jamais, au point qu'il est allé demander des explications à la régie, et réclamer de me voir à l’œuvre lors d'un cours. C'est en m'y rendant que j'ai croisé par hasard Grigorovitch dans le couloir dit « des cent mètres » au Palais Garnier. Le régisseur qui l'accompagnait lui a dit alors « eh bien tenez, voilà Monsieur Guizerix! ». Une traductrice, Lily Denis, était aussi présente. C'est elle qui avait transcrit en français la magnifique correspondance entre Marina Tsvetaeva, Boris Pasternak et Rainer Maria Rilke. J'ai demandé à Grigorovitch : « Eh bien, vous voulez que je vous fasse quoi, deux tours en l'air ?! ». J'étais encore en chaussures de ville, et je lui ai fait un double tour en l'air dans le couloir. Il a éclaté de rire, et une sympathie – j'oserais même dire une vraie amitié - est née immédiatement entre nous.


    Il ne vous avait jamais vu danser auparavant?

    Pas que je sache, pas officiellement du moins. Je le soupçonne de m'avoir repéré dans Agon, de Balanchine. Peut-être a-t-il aussi assisté sans que je sois au courant à d'autres spectacles dans lesquels j'étais distribué, mais vraiment, c'est lors de cette rencontre impromptue au Palais Garnier que les choses se sont décidées pour Ivan. Après, au cours des répétitions, il s'est bien rendu compte de mon envie de danser le rôle, et de mon adaptation au personnage.


    Vous deviez l'intéresser particulièrement, puisque l'année suivante il vous a redemandé pour incarner Tybalt lors de la création de son Roméo et Juliette au Palais Garnier. Qu'est-ce qui lui plaisait en vous?

    C'est vrai que ce fut un de mes grand succès à la scène, et le critique anglais Clement Crisp avait écrit « It's Romeo and Juliet and Guizerix »! La presse française avait affirmé que c'était davantage « Tybalt et Mercutio » que « Roméo et Juliette ». Il y a eu aussi des choses moins élogieuses, Pierre Lartigue [1936-2008, écrivain et critique de danse à l'Humanité, ndlr.] avait déclaré que c'étaient « des larmes de lait sur un tas de charbon »...

    C'est un peu immodeste de ma part de vous dire quelles étaient mes qualités, et ce qui, en moi, a suscité l'intérêt de Youri Grigorovitch. Ivan est un personnage trouble, passionné tant par l'amour que par la guerre. Il y a une scène que j'apprécie particulièrement, c'est celle du Bouffon, Ivan déguisé, en fait, au milieu des Boyards et qui soudain tombe le masque et sort son fouet, en se moquant de lui-même. Cette dualité, entre force et diabolisme, peut-être que Grigorovitch l'avait aussi sentie en moi.


    Comment expliqueriez-vous l'attitude de la presse française, qui a étrillé les ballets de Grigorovitch montés à Paris, d'abord Ivan le Terrible, puis, l'année suivante, Roméo et Juliette, alors qu'au contraire, le public a réservé un très bon accueil à ces productions et que les salles étaient pleines?

    Difficile à dire... lorsque nous avons présenté Ivan en tournée au Japon, en 1977, cela a aussi été un triomphe auprès de l'assistance. Je crois que dans tous les ballets de Grigorovitch – je connais aussi Fleur de pierre, La Légende d'amour, Spartacus évidemment, et aussi sa Bayadère -, il y a de la fougue, de la passion, de l'énergie presque surdimensionnée. Cela plaît au public. Pour moi, ce fut aussi exaltant de jouer Ivan, même si je ne suis pas comme cela dans la vie. Cela donne une sensation de force, de puissance, lorsqu'on incarne un tel personnage.

    Pour préparer le spectacle, j'avais lu énormément de choses sur Ivan. Ma mère m'avait procuré des livres, des documents historiques sur la vie d'Ivan le Terrible, et je m'étais vraiment imprégné du personnage. Et vraiment, sur scène, je vivais moi-même toute cette violence, cet emportement, et cette fragilité aussi. Car sans doute, comme tous les tempéraments en apparence forts, Ivan est en réalité plus vulnérable qu'on ne pourrait l'imaginer. Il y avait donc une part d'Ivan en moi, en mon esprit. Mon corps en a aussi gardé des traces. Il fallait déployer une grande force physique, mes genoux notamment se sont longtemps souvenus de certaines scènes! C'est usant, et tout de même, on n'est pas fait pour marcher sur les genoux!


    Était-ce très différent de ce que vous aviez l'habitude de faire à l'Opéra de Paris?

    Oui, clairement. Outre les questions de style proprement dit, il y avait une appréhension nouvelle de l'espace. Grigorovitch, qui est paradoxalement lui-même d'une taille plutôt petite, nous demandait de « danser grand ». Il fallait occuper toute la place disponible sur scène. Cela semble aujourd'hui une évidence, mais à l'époque, notre répertoire à l'Opéra de Paris ne nous préparait pas du tout à cela. Pas plus qu'à la dimension théâtrale des ballets de Grigorovitch. A l'époque, on avait à notre répertoire Béjart, Balanchine, Robbins, en ce qui concernait les chorégraphes « contemporains », vivants. Cela n'avait rien à voir, c'était une autre façon de travailler. Et il y avait la musique aussi, Prokofiev, c'est la Russie, c'est de la cavalerie lourde!

    J'avais aussi regardé le film d'Eisenstein. Je sais que lors de la reprise de 2003, Nicolas Le Riche, qui est pour moi un ami, s'est beaucoup inspiré de l’œuvre cinématographique. En ce qui me concerne, j'ai gardé plus de distance par rapport à cela. Déjà, mon maquillage, qui avait été réalisé par Norbert Schmuki [futur Maître de ballet à l'Opéra de Paris et au Ballet National de Marseille, puis directeur du Ballet de Zurich, ndlr], était très différent.

    Ce qui fait aussi l'attrait de cette fresque, c'est qu'elle est, comme dit, d'un genre totalement inhabituel à l'Opéra de Paris. Cela n'a rien à voir avec les Coppélia et autres Sylvia que nous avions à notre répertoire. C'est cela qui a attiré le public.

    Pour nous, une autre chose tout à fait nouvelle, c'était le sol sur lequel on dansait. Ce n'était plus du parquet ou du linoléum, comme nous en avions l'habitude, mais un véritable tapis, tendu et broqueté [i.e. fixé sur les bords avec des clous de tapissier, ndlr]. C'est Grigorovitch qui avait demandé cela explicitement, et il était peint d'une couleur assez sombre. Je pense qu'à l'origine, c'était une idée de Youri Vladimirov, le créateur du rôle au Bolchoï, pour limiter les dégâts sur les jambes des danseurs. A l'époque, on n'avait que rarement de vrais planchers de danse, tels qu'on les connaît de nos jours – à l'Opéra de Paris, ils avaient été introduits dans les années 1970 pour certains ballets de Balanchine, il me semble -, et donc, cela permettait d'avoir une surface un peu moins dure. Ce tapis nous a aussi été très utile lorsque, quelque mois après, nous avons redonné Ivan le Terrible dans la cour carrée du Louvre, en plein air. Il pleuvait très fréquemment dans la journée, au point que le public se demandait comment nous pourrions assurer les représentations le soir. En fait, le tapis était enroulé et mis à l'abri, et installé juste avant le spectacle, de sorte que nous disposions d'une surface sèche pour danser. Il me semble que Youri Grigorovitch était revenu pour cette série de représentations au Louvre, mais je n'en suis plus absolument certain.

    Après, j'ai eu la chance d'être invité chez lui, à Moscou, où il m'a reçu avec Natacha [Natalia Bessmertnova, ndlr], son épouse. Avec elle, j'ai dansé le deuxième acte de Giselle à l'occasion d'un gala. Plus tard, il m'a demandé d'être au jury des Benois de la danse. J'ai pu ensuite à mon tour inviter Grigorovitch chez moi, à Paris, avec notre interprète, Lily Denis, dont je vous ai déjà parlé. Youri Grigorovitch a toujours été charmant envers moi, il a également permis à mon fils de découvrir Casse-Noisette dans des conditions exceptionnelles au Bolchoï. « ¨Pour toi, tout ce que tu veux ! », me disait-il en riant. En tout cas, Grigorovitch est quelqu'un qui reste très cher à mon cœur.


    Vous avez encore des contacts avec lui?

    Malheureusement pas de manière régulière. Notre ami commun, le producteur François Duplat, m'avait un jour demandé une interview – justement à l'occasion de la retransmission au cinéma d'un spectacle du Bolchoï -, mais je n'étais pas disponible à la date voulue. Je le regrette beaucoup, car j'aurais voulu en profiter pour rendre hommage à Youri Grigorovitch et raviver le souvenir de toutes les belles choses que nous avons vécues ensemble. Je me rappelle que lors de la reprise d'Ivan le Terrible à l'Opéra Bastille, en 2003, il était, le soir de la première, assis juste devant moi, en compagnie de Natalia Bessmertnova. Il a passé son bras derrière le siège, et m'a tenu la main durant presque toute la représentation, en marmonnant : « Mon Ivan, mon Ivan ! ». Grigorovitch est un être immensément passionné, et avec Ivan, nous avons en quelque sorte vécu une passion commune. De toute façon, Ivan le Terrible exigeait de la passion, il fallait un engagement de tous les instants, sans cela, ça n'aurait rien donné.


    Lors de la reprise d'Ivan à l'Opéra de Paris en 2003 justement, avez-vous été sollicité en tant que répétiteur?

    Non. Youri Grigorovitch et Nicolas Le Riche avaient expressément demandé à ce que je sois assistant aux répétitions, mais la direction de l'Opéra de Paris s'y est formellement opposée. J'ai toutefois vu certaines représentations. Ce qu'a fait Nicolas Le Riche était très différent de ma propre interprétation du rôle d'Ivan, et au début, j'ai été très étonné. Mais c'est aussi ça la richesse d'une œuvre, de permettre des lectures différentes. Je me garderai bien de porter un jugement de valeur sur le travail de Nicolas, même s'il n'a pas du tout vu les choses de la même façon que moi. De même, Eleonora Abbagnato était une Anastasia tout autre que Dominique Khalfouny, et Karl Paquette [Kourbsky, ndlr] n'était pas Mickael Denard [titulaire du rôle en 1976, ndlr].


    Peut-on revenir brièvement sur les représentations d'Ivan le Terrible au Bolchoï en 1977, sur desquelles vous aviez été invité également, suite à votre succès à Paris?

    Je me souviens d'une anecdote lors d'une représentation dans laquelle je dansais Ivan. Il y a, avant le cataclysme final, une sorte de scène de folie, dans laquelle le tyran passe un bâton derrière ses épaules. Il y a un moment d'arrêt où il faut rester immobile sur scène avec ce bâton dans le dos. Le public s'est levé, m'a applaudi tant et si bien que le chef d'orchestre n'a pas pu continuer. Et la j'étais si ému que je me suis mis à pleurer. Je ne comprenais pas ce que j'avais bien pu faire pour que je ressente autant d'émotion, et qu'elle se soit, à ce moment, transmise au public.








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haydn
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MessagePosté le: Mer Avr 15, 2015 6:39 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Et ce n'est pas fini... d'autres choses à suivre...



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france



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MessagePosté le: Mer Avr 15, 2015 9:49 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour ces photos et cette interview : c'est passionnant !


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Malixia



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MessagePosté le: Jeu Avr 16, 2015 8:53 am    Sujet du message: Répondre en citant

En effet, merci pour ce reportage captivant !


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haydn
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Messages: 26495

MessagePosté le: Jeu Avr 16, 2015 7:30 pm    Sujet du message: Répondre en citant

    Carnets d'histoire de la danse : Ivan le Terrible




    Programme original d'Ivan le Terrible, Moscou 1975



    Ivan le Terrible, ballet en deux actes

      Musique : Mikhaïl Ivanovitch Tchoulaki [1908 - 1989, d'après Serge Prokoviev [1891-1953] - extraits de l'Ouverture russe, de la Troisième syphonie en fa mineur et de la cantate Alexandre Nevski
      Livret : Youri Nicolaevitch Grigorovitch [1927 - ...]

      Création le 20 février 1975 au Bolchoï de Moscou

      Personnages
      - Ivan le Terrible
      - Anastasia
      - Le Prince Kourbsky
      - 6 Sonneurs de cloche
      - Boyards (h/f)
      - Opritchniks
      - Jeunes filles
      - Soldats
      - Bourgeois
      - Visages de la mort
      - Messagers de la victoire

      L'action se déroule à Moscou entre 1550 et 1560




    __________________________________________________________








    __________________________________________________________


    Treize représentations étaient initialement programmées, mais devant le succès de l'ouvrage, la direction de l'Opéra rajouta cinq spectacles, du 8 au 24 novembre 1976 :

    14, 15, 16, 18, 19, 21, 23, 26, 27, 29, 30 octobre à 19h30
    3, 6, 8, 11, 16, 19, 24 novembre à 19h30




    Distributions des représentations d'Ivan le Terrible à l'Opéra Garnier en 1976 :

      Ivan :
      Jean Guizerix (14/10, 18/10, 26/10, 29/10, 03/11, 08/11, 16/11, 24/11)
      Cyril Atanassoff (15/10, 21/10, 27/10, 30/10, 06/11, 11/1, 19/11)
      Youri Vladimirov, étoile invitée (16/10, 19/10, 23/10)

      Anastasia :
      Dominique Khalfouni (14/10, 18/10, 29/10, 03/11, 08/11, 24/11)
      Noëlla Pontois (15/10, 21/10, 27/10, 30/10, 06/11, 11/1, 19/11)
      Natalia Bessmertnova, étoile invitée (16/10, 19/10, 23/10)
      Wilfride Piollet (26/10, 16/11)

      Kourbski :
      Michael Denard (14/10, 16/10, 18/10, 19/10, 23/10, 26/10, 29/10, 03/11, 08/11, 16/11, 24/11)
      Charles Jude (15/10, 21/10, 27/10, 30/10, 06/11, 11/1, 19/11)



    Distributions des représentations d'Ivan le Terrible à la cour carrée du Louvre en 1977 :

      Ivan :
      Jean Guizerix (04/07, 06/07, 11/07, 14/07, 16/07, 20/07, 22/07)
      Cyril Atanassoff (05/07, 07/07, 09/07, 12/07, 15/07, 19/07, 21/07)
      Charles Jude (08/07, 13/07, 18/07, 23/07)

      Anastasia :
      Dominique Khalfouni (04/07, 06/07, 11/07, 14/07, 16/07, 20/07, 22/07)
      Noëlla Pontois (05/07, 07/07, 09/07, 12/07, 15/07, 19/07, 21/07)
      Florence Clerc (08/07, 13/07, 18/07, 23/07)

      Kourbski :
      Michael Denard (04/07, 06/07, 11/07, 14/07, 16/07, 20/07, 22/07)
      Charles Jude (05/07, 09/07)
      Patrick Dupont (08/07, 13/07, 18/07, 23/07)
      Bernard Boucher (12/07, 15/07, 19/07, 21/07)


    Les chefs d'orchestre Algis Juraitis (venu du Bolchoï), Ashley Lawrence et Michel Queval se partagèrent les représentations d'octobre-novembre 1976. Pour les spectacles à la cour carrée du Louvre, on eut recours à une bande pré-enregistrée avec l'orchestre de l'Opéra de Paris, dirigé par Algis Juraitis.


    Texte de présentation communiqué à la presse par l'Opéra de Paris lors de l'entrée d'Ivan le Terrible au répertoire, en 1976 :

      Avec la création d'Ivan le Terrible, Rolf Liebermann réalise un projet qui lui tenait à cœur depuis déjà longtemps : inviter à l'Opéra un grand chorégraphe soviétique et lui laisser le soin de monter un spectacle pour le ballet. Le fait ne s'était pas produit depuis la venue de Vladimir Bourmeister pour Le Lac des cygnes, il y a quelque quinze ans.

      Aujourd'hui, le choix ne pouvait être plus judicieux : Iouri Grigorovitch a doté le ballet soviétique qu'une nouvelle vitalité. Avec son style simple et vigoureux, basé sur une connaissance approfondie du vocabulaire de la danse et de ses possibilités, il en a considérablement développé les dimensions dramatiques. Il a également accru l'importance de la danse masculine et rétabli dans sa pureté la signification de la danse classique. En sa qualité de Directeur artistique, il a aussi donné une impulsion nouvelle au Ballet du Bolchoï et créé, auprès de la prestigieuse troupe, une remarquable compagnie de jeunes danseurs.

      Rien d'étonnant, en conséquence, si Grigorovitch est internationalement reconnu aujourd'hui comme la personnalité dominante de la danse soviétique.

      Après Spartacus, que le public parisien a applaudi à l'Opéra, puis au Palais des Sports, Ivan le Terrible est sans doute l’œuvre la plus significative de la personnalité Grigorovitch. Ivan a été créé dans l'enthousiasme au Bolchoï en février 1975. Quelques mois plus tard, New York lui réservait le même accueil. Etant lui-même à New York à ce moment là, Rolf Liebermann eut l'occasion de voir Ivan et souhaita d'emblée l'inscrire au répertoire du Ballet de l'Opéra. Ce sera chose faite le 13 octobre [recte : le 14 octobre]. Grigorovitch est venu à Paris dès la mi-juin et la préparation du spectacle a aussitôt commencé, reprise à la après la trêve des vacances : de part ses dimensions impressionnantes, ce ballet exige, on s'en doute, un intense et rigoureux travail.

      Vaste fresque en deux actes et dix-huit tableaux, Ivan mobilise pendant plus de deux heures une centaine de danseurs. Trois rôles se détachent, ceux d'Ivan, de la Tsarine Anastasia et du Prince Kourbski, mais en fait, boïars, hommes et femmes du peuple, tout le monde est concerné et danse pratiquement sans arrêt. De plus, tout le monde doit jouer. Car ici, la danse et le drame sont inséparables. Ivan concrétise cette notion de "théâtre de ballet " [dramballet] chère à Grigorovitch. Il croit à cette formule avec autant de conviction qu'il récuse l'idée d'un antagonisme entre danse classique et danse moderne.

      "La danse classique, dit-il, est toujours vivante, mais se transforme sans cesse, se développe. Elle n'est pas un système fixe et a une grande capacité d'absorption. La danse moderne ne la fera pas disparaître. Est-ce que l'apparition du jazz a tué l'orchestre symphonique"?

      Avec Ivan le Terrible, Youri Grigorovitch a fait œuvre originale. Une œuvre qui ne doit rien au film d'Eisenstein. : seule la musique de Prokofiev est leur lien commun.

      L'argument du ballet ne prétend pas illustrer la vie d'Ivan le Terrible, même si l'un des trois rôles principaux lui revient, et si plusieurs scènes empruntent à son existence. Le peuple russe n'en est pas moins la dominante d'un spectacle que Grigorovitch a voulut traiter sous forme de chronique afin d'offrir une vue panoramique sur une époque complexe et difficile, celle de la Russie du XVIème siècle.

      "Le principal thème du spectacle, explique-t-il, c'est la formation du caractère national russe, les traditions de dévouement et d'héroïsme, le devenir d'un monde spirituel, du sens moral de l'homme russe".

      Ivan, lui, personnage complexe et multiforme, se définit en fonction de ses rapports avec le peuple russe, les boïars, l'Opritchnina (garde du Tsar chargée de la répression) et le prince Kourbsiki. En fonction aussi de l'amour qu'il porte à Anastasie. Il est en conflit avec lui-même dans la mesure où il veut concrétiser ses vues d'homme d'Etat. Il aspire à des transformations progressistes mais ne peut s'unir au peuple. Il châtie impitoyablement et est en même temps capable d'éprouver des sentiments profonds, d'être bon. Il aime profondément Anastasie et lui restera fidèle au-delà de la mort, lorsque la Tsarine sera victime des boïars.

      En renouvelant sans cesse les formes chorégraphiques, Grigorovitch est parvenu à donner une réalité dramatique à ce personnage tout en contradiction. Il a traité son sujet en usant de toutes les possibilités offertes par le théâtre de ballet. S'il a fait appel à l'allégorie, au symbole, le spectacle n'en est pas moins fondamentalement, profondément réaliste, aussi bien par son essence sociale que par son contenu psychologique.

      La musique de Serge Prokofiev est étroitement associée au succès du film d'Eisenstein, Ivan le Terrible, pour lequel elle a été écrite [...]. Chargé à l'époque de l'illustration musicale de l’œuvre d'Eisenstein, Abraham Stassevitch en fut le premier convaincu ; il devait par la suite en réunir les pages les plus expressives en une "composition en forme d'oratorio". C'est lui aussi qui attira l'attention de Grigorovitch sur les richesses de cette partition. Stassevitch pensait alors à une illustration chorégraphique, qu'une mort prématurée n'allait même pas lui permettre d'ébaucher. Mais il avait su communiquer son enthousiasme à Grigorovitch qui, dès lors, ne cessa d'y penser.

      Le matériau thématique de la partition du film sert de base à celle du ballet. Exploitées en totalité ou en partie, les pages symphoniques n'ont pas subit de changement substantiel. Celles comportant des chœurs et des chants ont donné les thèmes nécessaires à l'élaboration de scènes nouvelles. Un système de Leitmotive en résulte, qui tient un rôle important dans le déroulement du spectacle. Certaines épisodes sont soutenus par d'autres œuvres de Prokofiev proches par le style, œuvres symphonique essentiellement intégrées sans transformation ni coupure; Il s'agit de l'Ouverture russe [...] et de trois mouvements de la Troisième symphonie utilisés pour illustrer la complexité psychologique d'Ivan, son infini bonheur et ses visions de cauchemar. Un fragment de la cantate Alexandre Nevsky a été également utilisé dans une transcription pour instrument seul. Ce travail a été réalisé par Mikhaïl Tchoulaki.

      Simon Virsaladzé est indiscutablement le plus célèbre décorateur soviétique. [..] Il s'est imposé au premier rang par ses réalisations au théâtre, cinéma, dans le domaine de l'opéra et, plus encore, celui du ballet [...]. La notoriété de Simon Virsaladzé repose notamment sur sa façon de de jouer de la lumière et des couleurs, de donner une traduction picturale de la musique et de la danse. Virsaladzé a résolu les problèmes posés par la décoration d'Ivan en associant la toile de fond traditionnelle à des variations de volumes. A l'arrière-plan, la scène présente trois demi-cylindres qui tournent sur eux-mêmes pour offrir aux regards leur côté concave ou convexe. Complétés de fresques différentes, ils suggèrent la Russie du Moyen-Age, avec ses tours, ses églises, avec aussi ses fêtes solennelles et somptueuses, ses héros aux passions tragiques. Au centre du plateau, toujours en concordance avec l'architecture des églises russes, un praticable avance ou recule et dote la scène d'une dimension supplémentaire. Enfin, le décor est complété par six cloches suspendues à leur poutre comme dans un clocher : les sonneurs tiennent en effet dans l'ouvrage un rôle important. Ils interviennent dans les moments cruciaux, dénonçant la sédition des boïars, appelant le peuple au combat, célébrant la victoire. Leurs costumes varient en conséquence : blanc pour les moments de joie, noir pour les moments de deuil, rouge pour les solennités.

      La peinture des décors emprunte librement aux fresques et aux icônes du temps. Les costumes témoignent de leur côté de l'originalité du travail de Virsaladzé qui les associe toujours étroitement à la symphonie de formes, de lumières et de couleurs. Dans le cas d'Ivan le Terrible, ils relèvent du tour de force dans la mesure où leur conception concilie la légèreté nécessaire à la danse et la richesse de ceux de l'ancienne Russie. Simon Virsaladzé a su recréer, avec des moyens différents, cette impression de lourdeur, de profusion ornementale, de somptuosité qu'ils avaient alors [...].



    Argument :

      Acte I

      Ivan IV, très jeune, vient de monter sur le trône. C'est ce que proclament les Sonneurs. Déjà, la main du Tsar est ferme, déjà, il tient en lisière les boyards imbus de leur pouvoir seigneurial. Il va prendre femme : sur les treize fiancées qu'on lui présente, il élit Anastasia. La jeune fille, flattée et habituée à la soumission, oublie sans chagrin le prince Kourbsky, le plus influent des boyards, très épris d'elle. De son côté, Kourbsky, en fin politique, renonce à cet amour et domine sans trop de peine une première explosion de désespoir.

      Cependant, le tocsin appelle les guerriers à un nouveau combat contre l'éternel ennemi, les Tatars. Ivan et Kourbsky mènent leurs troupes à la bataille, tandis qu'Anastasia songe avec crainte et avec tendresse à son royal époux. Les Russes ont vaincu. Une fête scelle la victoire dans l'allégresse générale.

      Depuis des semaines, Ivan IV est très gravement malade, on le croit mourant. Les boyards espèrent retrouver leur puissance perdue, chacun d'eux se croit en droit de convoiter le trône : ils sont tous d'illustre naissance. Mais au moment même où ils lèvent le masque, le Tsar miraculeusement guéri abat sur eux sa main de fer. Ivan le Terrible vient de surgir.


      Acte II

      Maître tout puissant, ayant affermi son trône par le châtiment des traîtres et la crainte qu'il inspire, Ivan le Terrible est heureux : Anastasia est le refuge cher à son cœur, peut-être aussi sa douce conseillère. Cependant, les boyards ne renoncent pas à leurs menées : voulant atteindre Ivan au plus vif, ils décident d'empoisonner Anastasia. Qui lui présentera la coupe de la mort? Ils désignent Kourbsky, leur chef. Celui-ci, qui aime toujours la jeune femme, refuse... mais ne fait rien pour empêcher l'un de ses pairs d'agir à sa place. Anastasie meurt.

      La nouvelle de cet assassinat arrive rapidement au peuple. Celui-ci se soulève ; c'est le début d'une longue période de troubles et de violences. Ivan le Terrible, fou de douleur, va se recueillir dans l'église où se trouve le tombeau d'Anastasia. Il croit la voir sortir du cercueil, entourée de ses bandelettes, mais non, il est seul dans le noir.

      Kourbsky, trop compromis par ses relations avec l'étranger et jugeant la situation perdue, s'enfuit en Pologne. Les boyards sont impitoyablement traqués par l'Opritchnina, la garde personnelle qu'Ivan le Terrible s'est constituée. Avec elle, il leur donne une chasse féroce où se mêlent la cruauté et la dérision : déguisé en bouffon, Ivan ajoute ses railleries à ses oukases sinistres. Il a réussi.

      Le pouvoir est lourd, le pouvoir est un fardeau accablant. Mais, une à une, Ivan rassemble entre ses mains les terres de Russie. Il est devenu le premier Tsar, le premier souverain russe qui ait pris le nom de César. Prisonnier de sa grandeur, il domine tout le pays.



    Découpage des scènes :

      Acte I

      1. Les sonneurs appellent le peuple
      2. Les boyards et Ivan
      3. Rencontre d'Ivan et d'Anastasia
      4. Désespoir de Kourbsky
      5. Tocsin et bataille contre les envahisseurs
      6. Anastasia pense à Ivan
      7. Célébration de la victoire
      8. Maladie d'Ivan
      9. Terrible est le Tsar!


      Acte II

      1. Le bonheur d'Ivan
      2. Le complot des Boyards
      3. Mort d'Anastasia
      4. Emeute populaire
      5. Ivan pleure Anastasia
      6. Fuite de Kourbsky et désarroi des Boyards
      7. Entrée de l'Opritchnina, garde personnelle d'Ivan
      8. Méditation d'Ivan
      9. Vie éternelle à l'Empire russe!



    Notes d'intention du chorégraphe, Youri Grigorovitch :

      L'héritage de Serge Prokofiev comporte une œuvre remarquable et malheureusement peu connue : la musique d'Ivan le Terrible. Comme c'est presque toujours le cas, on ne l'a plus guère entendu depuis que le film [d'Eisenstein] a quitté l'affiche. Même transformé en oratorio par Abraham Stassevitch, elle est très rarement exécutée. Pour la richesse de ses images et pour sa force plastique, pour son élan héroïque et patriotique, pour son lyrisme, cette musique mérite d'être restituée aux auditeurs, et plus encore aux spectateurs, car l’œuvre de Serge Prokofiev, en raison de sa spécificité, exige que les caractères humains et les événements qu'elle traduit soient rendus visuellement.

      De longues années durant, j'ai imaginé cette œuvre admirable, sur la scène du Bolchoï, transposée en un ballet qui prendrait naissance et vivrait de cela même qui inspira la musique : le peuple russe, sa beauté, et la grandeur de son âme, force impérissable de l'Etat russe. Naturellement, le ballet ne saurait prétendre reproduire exactement une époque, mais il peut exprimer sa philosophie, évoquer son image.

      Le thème principal est la formation du caractère national russe, de ses traditions de dévouement et d'héroïsme, le devenir du monde spirituel et de la morale de l'homme russe. Aussi, le personnage central d'Ivan le Terrible n'est il pas le Tsar, mais le peuple. Car c'est bien le peuple qui porte en lui la puissance nationale, qui cultive et conserve idée et morale nationales, qui les porte sur ses épaules, de siècle en siècle et de génération en génération. La destruction de la personnalité, quelque soit cette personnalité, l'élimination de l'homme dans l'homme, voilà ce qu'il considère comme antithétique à sa bonne santé morale. C'est là-dessus que se forgent le peuple, ses traditions, sa puissance spirituelle.

      Ivan le Terrible sera montré comme un homme qui aime passionnément, fidèlement sa femme, Anastasia, qui pleure amèrement la mort de sa bien-aimée, qui hait la perfidie et la déloyauté de ses boyards. Mais il sera aussi montré comme le Tsar qu "de tous les boyards est le premier", perfide et cruel.

      Ce spectacle est une chronique historique. L'action, comme il convient à la nature même du genre, est construite sur une succession de scènes que ne relie pas le fil d'un récit rigoureusement continu. Les règles de la chronique historique supposent la réunion organique de strates de qualités diverses, parfois contrastées : lyrisme, intensité et mouvement dramatique, mais aussi humour - en l’occurrence, l'humour des bouffons.

      Une fois choisi ce parti-pris de composition, il devient possible de donner une vue panoramique de l'époque - la plus vaste et la plus variée qui soit. Il ne s'agit pas d'épisodes de la vie du Tsar, mais de tableaux d'une réalité complexe et difficile : la Russie du XVIème siècle.



    Ivan le Terrible vu par la presse française :

      Comme Roméo et Juliette un an plus tard, la critique institutionnelle française a très froidement accueilli Ivan le Terrible lors de la première au Palais Garnier, le 14 octobre 1976. Le public, lui, ne s'est pas rangé à l'opinion de la presse officielle, et a plébiscité le ballet de Grigorovitch au point qu'il a fallu ajouter cinq représentations aux treize initialement prévues, les guichets ayant été pris d'assaut. A peine une demi-année après la création d'Ivan le Terrible, l'Opéra de Paris programmera, en juillet 1977, encore dix-huit autres spectacles, en plein air, dans la cour carrée du Louvre.

      Florilège :

      "L'Ivan soviétique : pas terrible" (Jacqueline Cartier, France-Soir)

      "Ivan le Terrible : navrant", "jamais je n'ai vu une telle accumulation de poncifs", "un pseudo-ballet", "Grigorovitch mérite le bonnet d'âne" (Claude Baignères, Le Figaro)

      Quelques autres voix se sont aussi fait entendre, mais davantage pour louer les interprètes, Dominique Khalfouni, Jean Guizerix et Michael Denard, que la chorégraphie elle-même :

      "Ivan était incarné le soir de la création [sic] par Jean Guizerix, un tsar nerveux et puissant, qui traduit parfaitement les aspects complexes du personnage, tendre avec Anastasie, cruel envers ses ennemis, torturé dans la solitude. Dans le rôle plus uniforme de la douce Anastasie, Dominique Khalfouny a montré un lyrisme et une grâce incomparable, s'identifiant idéalement à son personnage. Dès son entrée, elle se détache de ses douze rivales par une présence rare. De son côté, Michael Denard, dans un rôle qui semble avoir été rajouté dans un but purement chorégraphique, tant son personnage fallot [sic] de Kourbski vient comme un cheveu sur la soupe, remplit l'immense plateau nu de sa rayonnante présence, ange bleu et blond, dont les doubles tours en l'air et les sauts apportent une note virtuose au ballet" (René Sirvin, Le Figaro)

      En revanche, Natalia Bessmertnova et Youri Vladimirov, créateurs du ballet à Moscou un an auparavant, et invités à Paris pour trois représentations, se font étriller sans ménagement :

      "J'attendais, comme tout le monde, les as du Bolchoï qui ont créé ce ballet en février 1975. Je pensais que la pratique devrait leur donner ce petit "plus" qui libère l'artiste de sa technique. Déception. Si Natalia Bessmertnova est une très bonne danseuse, elle est desservie par son partenaire Vladimirov. Sans grandeur ni démesure, il ramène le ballet à l'anecdote. Technicien branlant, nous étions mal à l'aise quand il soulevait sa danseuse et qu'il chancelait à l'arrivée de ses manèges" (Jacqueline Cartier, France-Soir)





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sophia



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MessagePosté le: Ven Avr 17, 2015 8:34 am    Sujet du message: Répondre en citant

A (ré)écouter sur France Culture : la chronique d'Anna Sigalevitch dans La Dispute d'Arnaud Laporte sur Ivan le Terrible (à partir de 28'25). L'émission était initialement prévue lundi soir, mais, en raison de la grève à Radio France, n'a été diffusée qu'hier.


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sophia



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MessagePosté le: Sam Avr 18, 2015 10:06 am    Sujet du message: Répondre en citant

La représentation réunissant Ivan Vassiliev (Ivan IV), Maria Vinogradova (Anastasia) et Artem Ovcharenko (Kourbsky) est en ligne, en sept parties, sur le compte YT de From Russia with Love.


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