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maximilien
Inscrit le: 25 Mai 2008 Messages: 21
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Posté le: Ven Mai 03, 2013 11:52 am Sujet du message: |
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Oui, je suis de l'avis de Haydn, la confrontation des deux Faunes fut bien le moment passionnant de la soirée. On pourrait se souvenir aussi du Faune de Lifar à mi chemin, chronologiquement et conceptuellement de Nijinski et Robbins. Il était sans décor et sans nymphe ce qui accentuait le coté, disons... "plaisir solitaire" de la performance.
Cyril Atanassof à qui Lifar avait transmis son rôle pourrait très bien le remonter si l'idée en venait aux futurs programmateurs, ce qui d'ailleurs m'étonnerait.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Ven Mai 03, 2013 12:32 pm Sujet du message: |
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Soirée Béjart/Nijinski/Robbins/Cherkaoui-Jalet
2 mai 2013
Une soirée très bien composée et rythmée (deux entractes pour de si courtes pièces, c'est beaucoup trop, mais au moins ils sont placés là où il faut), où la sidération n'est vraiment pas là où l'on croit qu'elle est.
Très attendu, le Boléro de Cherkaoui n'avait pas fait l'objet d'une grosse campagne de communication - une fois n'est pas coutume pour une première. Cette épuisante débauche d'énergie, qui prélude le plus souvent aux créations, était-elle seulement nécessaire? Les noms de Cherkaoui et de son complice Jalet - ne parlons pas de celui de Marina Abramovic, la grande prêtresse du body art qui leur est associée - suffisent d'eux-mêmes à attirer aujourd'hui les foules, enfin celles qui se piquent de "vraie" culture - ce mot miroir aux alouettes. Un silence entretenu quasiment jusqu'à la dernière minute, deux-trois articles bien ciblés - New York Times, Figaro -, deux-trois concepts aptes à aiguiser les esprits et les langues - transe, vortex, spirale, spirale, vortex, transe... -, deux-trois photos glamour habilement choisies - il faut dire que la pièce, quoique sombre, est, vue de près, assez photogénique -, le tour est joué et la curiosité du spectateur avivée à son maximum, sans qu'on ait vraiment le temps d'avoir une indigestion d'informations. Le souvenir de Sous Apparence - dont on ne rappellera pas le résultat calamiteux - nous est encore cuisant.
Béjart, pour le Boléro, c'est une référence qu'on peut difficilement éviter, à l'Opéra de Paris ou ailleurs. S'il est sans doute important de rappeler l'origine nationale et espagnole de cette danse, qui se souvient, en-dehors de quelques chercheurs, du Boléro de Bronislava Nijinska créé par Ida Rubinstein? De fait, les versions postérieures à celui de Béjart, oeuvre quasi princeps, ont le plus souvent tenté de s'en démarquer à toute force, en mettant en scène un groupe, plutôt qu'un homme - ou une femme - seul, unique, héroïque. C'est le cas, par exemple, de la version de Thierry Malandain pour le Ballet Biarritz et de celle de Krzysztof Pastor, créée récemment pour le Het Nationale Ballet. Et c'est le cas, à nouveau, de celle de Cherkaoui-Jalet pour l'Opéra de Paris. Les onze danseurs convoqués pour ce Boléro new look sont pris (prisonniers?) dans un tournoiement collectif, qui évoque formellement, plutôt que Béjart et son dieu solitaire, les danses des derviches tourneurs. On peut aussi penser, au moment où les danseurs entrent en scène, presque en glissant sur le sol, vêtus de longues capes noires, au célèbre tableau des Partisans d'Igor Moisseiev. Mais les comparaisons pittoresques et/ou ethniques s'arrêtent là. Boléro est un ballet en noir et blanc, un ballet urbain, un ballet bien dans l'air du temps, qui réutilise, dans un écrin moderne, mobile et (auto-)réflexif, le motif primordial et mythique de la spirale pour suggérer la transe, naturellement induite par la musique de Ravel. Cette spirale, qui fonde, comme cela a été amplement dit et répété, l'écriture chorégraphique, se trouve redoublée par d'incessants jeux de lumière, qui encerclent les danseurs, sans cesse tournant sur eux-mêmes, et par des effets de miroir qui démultiplient à l'envi la scène, sans pour autant évoquer quelque ailleurs. On pense à l'Afterlight de Maliphant, transposé en version chorale, en version "grand opéra". Un travail séduisant pour l'oeil, sans doute, mais qui tourne immédiatement à vide.
Dans le Boléro, quelle que soit la forme adoptée, c'est, plus encore que l'hypnotisation, la sidération, savamment entretenue par la lancinante musique de Ravel, qui semble être, encore et toujours, l'effet recherché. Las, cet effet-là n'a pas lieu. Le ballet est peut-être bien troussé, spectaculaire et joli à regarder, indéniablement réalisé par de vrais pros (ce n'est pas Sous Apparence, hein!), il n'éblouit - il ne donne l'impression de ne pouvoir éblouir - que par sa sophistication visuelle et scénographique. Et le reste alors? Pas de tension, pas de crescendo chorégraphique, pas de libération, pas de catharsis non plus. Ce à quoi on assiste, c'est simplement à l'éternel retour du même, à une transe refermée sur elle-même, à une transe qui tourne - littéralement - sur elle-même, sans jamais ouvrir la perspective ni le regard sur rien d'autre qu'elle-même, une transe qui n'emmène nulle part, sinon dans la contemplation narcissique de son propre ego, clinquant et même pas déplaisant à voir du reste (l'on pouvait craindre l'alliance, souvent terrible, du monde de la danse et du monde de la mode, mais les costumes réussissent à être beaux et surtout "balletiques"). Un autre aspect gênant réside dans l'utilisation de la troupe, tout aussi bling-bling que le reste, et à ce grand bain d'indifférenciation à laquelle elle conduit. Etait-il en effet à ce point indispensable, sinon pour satisfaire les egos des uns et des autres et faire l'affiche (ou le tiroir-caisse), de convoquer autant d'étoiles maison, autant de "spécialistes" reconnus du répertoire contemporain made in ONP? Boléro est une création peu technique, mais très physique et éprouvante, dans laquelle "nos" danseurs ne semblent pas si à l'aise que ça (ceux qui ont vu la pièce Faun de Cherkaoui, avec James O'Hara et Daisy Phillips, comprendront aisément). C'est surtout une création dans laquelle aucun danseur (aucune danseuse donc, mais n'ergotons pas, n'est-ce pas ici fondamentalement la même chose?) ne se distingue vraiment de son voisin, dans laquelle aucun danseur n'est franchement d'emblée reconnaissable (le grimage n'arrange rien, il est vrai). Bref, une fois de plus, ce qu'on accepterait sans peine d'une compagnie attachée à un chorégraphe ne résiste pas forcément à l'épreuve de la scène de l'Opéra.
Mais voilà qui est beaucoup trop parler sur ce qu'on aura probablement oublié d'ici vingt ans (là, peut-être que je m'avance dangereusement..). La soirée, construite autour de la thématique des Ballets Russes, a eu - paradoxalement - un peu de mal à décoller, avec L'Oiseau de feu version Béjart, certes un tantinet vieillot dans la forme et dans l'esprit, mais qui manquait surtout, en l'espèce, de mordant et de flamme, dans les ensembles comme dans les soli. Mathias Heymann paraît encore prudent dans sa danse, et s'il a de beaux élans lyriques dans les bras, il ne convainc pas véritablement dans ce rôle d'oiseau "révolutionnaire", où l'on imaginerait presque plus son Phénix - rôle en réalité réduit à peu de chose -, incarné par Allister Madin. Les deux Faunes, celui de Nijinsky puis celui de Robbins, étaient donc le coeur et l'âme, à tous égards, de cette soirée. La sidération, à défaut de naître du Boléro, est ainsi venue, étrangement, de L'Après-midi d'un faune, belle et authentique pièce de musée, revivifiée ici par l'interprétation de Nicolas Le Riche (dont je n'avais pas gardé un souvenir si fort dans le rôle). Il y a non seulement la justesse du geste et des poses "à l'antique", mais il y a aussi ce pouvoir qu'il a de nous emmener "ailleurs", dans un univers, à la fois attirant et inquiétant, à mi-chemin entre animalité et humanité, barbarie et civilisation. Afternoon of a Faun de Robbins est une superbe relecture de Nijinsky, un "pas grand-chose", tout en subtilité et en art de la suggestion. Hervé Moreau et Eleonora Abbagnato (qui retrouve là un de ses rôles marquants, jadis dansé avec Le Riche) sont, c'est certain, saisissants de beauté, mais ils m'ont paru donner, surtout elle en fait, une interprétation un peu trop appuyée et démonstrative de ce duo pris au piège du narcissisme. Je crois bien que j'aurais aimé un tantinet plus de détachement - de deuxième degré? - dans la présence.
Dernière édition par sophia le Mer Mai 08, 2013 10:09 am; édité 3 fois |
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Ven Mai 03, 2013 2:40 pm Sujet du message: |
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La critique de Philippe Noisette dans Les Echos.
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26659
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serge1 paris
Inscrit le: 06 Jan 2008 Messages: 877
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Posté le: Ven Mai 03, 2013 8:49 pm Sujet du message: |
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C'est gentil de labelliser "critique" le papier de Noisette dans les Echos mais j'ai beau décortiquer ce papier dans tous les sens j'ai du mal à y trouver la moindre opinion au sujet de la création mondiale tant attendue !
D'ailleurs, il me semble que ce Bolero de Cherkaoui donne lieu à d'innombrables contorsions pour arriver à ne pas dire clairement que l'affaire est... plutôt ratée.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Ven Mai 03, 2013 9:08 pm Sujet du message: |
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Bah si, les éclairages sont "superbes", qu'on vous dit!
Pour être honnête, ce n'est pas un ratage au même titre que d'autres... même si je pense que le style du chorégraphe ne se prête que très imparfaitement au style des danseurs de l'Opéra.
Certes, c'était une première, avec claque obligée et rappels un peu forcés, mais la salle, je dois dire, semblait extrêmement enthousiaste. Entre cette création et la première simultanée de La Gioconda à la Bastille, le compte Twitter de l'Opéra de Paris, émoustillé comme jamais, ne savait plus où donner du "triomphe"! 
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serge1 paris
Inscrit le: 06 Jan 2008 Messages: 877
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Posté le: Ven Mai 03, 2013 9:55 pm Sujet du message: |
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Comme chacun le sait bien : aujourd'hui la guerre se gagne sur Twitter !!!
Espérons que cet enthousiasme communicatif parviendra jusqu'à la presse anglo-saxonne dont nous attendons toujours avec impatience les réjouissantes "reviews" ...
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MikeNeko
Inscrit le: 27 Nov 2012 Messages: 556 Localisation: IDF
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NEOPHYTE
Inscrit le: 25 Sep 2011 Messages: 1064 Localisation: PARIS
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Posté le: Ven Mai 03, 2013 10:14 pm Sujet du message: |
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J'espère que Youtube me permettra de me faire une idèe plus précise de ce "Bolero".
Même si je n'adore pas la musique de Ravel, cette création donne l'impression d'être assez vivante, tout sauf ennuyeuse.
Il y a un parti-pris créatif et spectaculaire et c'est sympa.
J'imagine que chacun peut interpréter à sa façon cette spirale qui pour moi est souvent infernale... J'y vois un petit côté jugement dernier et chute aux enfers des anges déchus... avec attraction du vide intersidéral en option.
P.S:en fait pas de spirale infernale ni de jugement dernier...c'est inspiré de la culture aborigène et du chamanisme.
Dernière édition par NEOPHYTE le Dim Mai 05, 2013 11:46 pm; édité 1 fois |
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serge1 paris
Inscrit le: 06 Jan 2008 Messages: 877
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3624
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Posté le: Sam Mai 04, 2013 1:47 am Sujet du message: |
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sophia a écrit: |
Certes, c'était une première, avec claque obligée et rappels un peu forcés, mais la salle, je dois dire, semblait extrêmement enthousiaste. |
la partition envoûtante de Ravel y contribue très certainement. Quel que soit le contexte, j'ai toujours vu des salles en délire à la fin du Boléro, que ce soit en version symphonique (avec bon ou mauvais orchestre, bon ou mauvais chef), en version piano à 4 mains (avec bons ou mauvais pianistes), ou dans la version chorégraphiée par Béjart (quel que soit le danseur ou la danseuse). Il y a des oeuvres comme ça, qui font mouche dans toutes les circonstances et qui subissent sans peine tous les tripatouillages...
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Marie-Ange
Inscrit le: 12 Déc 2010 Messages: 335 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Mai 04, 2013 12:37 pm Sujet du message: |
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Allez voir, vous bourdonnerez ensuite ! Dans les Echos, Monsieur Noisette a oublié de demander aux danseurs ce qu'il en était du travail technique de ce Boléro, résultat, ses critères lui ont allumé la case facile... à l'inverse de la réalité. C'est en partie la raison qui a aimanté ces solistes à ce projet. Les spectateurs venus pour l'étoile en milieu de scène peuvent être déçus et doublement d'à peine reconnaître les danseurs - avec un peu de chance, on capte un solo d'Alice Renavand, assez époustouflant il faut bien le dire! Mais pourquoi les artistes prestigieux de l'Opéra de Paris se priveraient de l'occasion d'une mise en situation autre? L'habituel ballet à plusieurs solistes prend soin de bien illuminer chacun, mais n'existe-t-il pas en musique des partitions nécessitant d'excellents musiciens jouant ensemble? Après, être pris ou pas par le résultat est une autre affaire, moi ce Boléro m'a donné envie de le revoir, dégagée de la surprise visuelle de la 1ère fois pour avoir la place d'y entrer de plus près... si possible !
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marc
Inscrit le: 16 Fév 2009 Messages: 1157
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tuano
Inscrit le: 27 Mar 2008 Messages: 1208 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Mai 04, 2013 3:58 pm Sujet du message: |
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Ah non, surtout pas ! Payer 50 ou 80 euros pour une place aveugle ??
Le journal d'Arte hier soir a diffusé pas mal d'images du Boléro, je pense qu'on peut encore revoir le reportage en replay.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Sam Mai 04, 2013 4:03 pm Sujet du message: |
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Haydn a mis le lien un peu plus haut sur la page.
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