Prix de Lausanne 2012 (29 janvier - 4 février 2012)

[sophia]

En attendant le gala du 40ème anniversaire, qui verra notamment la présence, parmi les nombreux invités "people", de la Princesse Caroline de Monaco, voici mes impressions sur la journée des sélections - bien que la finale soit elle-même déjà passée...

Prix de Lausanne - Jour 5 (sélections)

Pas de "nouvelle star" à Lausanne pour le 40e anniversaire, c'est un peu l'impression globale que cette édition nous aura laissé, sans pour autant nous frustrer du plaisir de la découverte. Si les sélections auront permis de voir - et parfois de révéler - quelques magnifiques danseurs, il n'en était pas moins difficile, à la fin de cette longue journée, de s'accorder sur un, deux ou trois noms susceptibles de faire une absolue unanimité. Faut-il le rappeler, le Prix de Lausanne s'intéresse moins au produit fini ou au candidat parfait - s'il existe - qu'au potentiel du jeune danseur. C'est cette logique pédagogique, en soi pertinente et originale, qui le distingue depuis sa création des compétitions internationales du type YAGP ou Varna, lesquelles évaluent et récompensent avant tout une performance - extra-ordinaire. Elle n'en est pas moins discutable à certains égards, en ce qu'elle semble devenir de plus en plus un prétexte à constituer les effectifs des écoles partenaires. Un concours, quel qu'il soit, n'est qu'un tremplin, une porte d'entrée, mais il devrait aussi pouvoir continuer à nous faire rêver. Realpolitik plutôt que vivier à fantasmes - peut-être est-on simplement en train de changer d'époque...

J'en viens à présent aux prestations elles-mêmes.

Le groupe des 15/16 ans, presque essentiellement constitué de filles, frappe tout d'abord par sa grande homogénéité. Dans l'ensemble, j'ai d'ailleurs pris beaucoup de plaisir à les regarder, tout au moins dans la variation classique. S'il en est évidemment de plus faibles ou de moins assurés que d'autres, beaucoup de ces jeunes candidats montrent déjà une belle technique et des qualités scéniques et stylistiques intéressantes, à un titre ou à un autre. On déplorera toutefois l'abus, chez les filles, de Traces, l'une des variations de Cathy Marston, qui, en plus de lasser profondément le spectateur, ne permet guère aux nombreuses filles du groupe de se distinguer les unes des autres. La variation de la Fée des Lilas, si elle tend à remplacer cette année les Coppélia en série des éditions précédentes, est en revanche donnée dans des versions chorégraphiques différentes (d'une pertinence variable, mais c'est une autre question) qui permettent à chacune de se singulariser.

La première candidate, la Brésilienne Paula Alves (101) fait preuve d'une belle maturité et d'une grande force scénique tant dans la variation du pas de trois de Paquita que dans celle de Traces. Ce n'est peut-être pas du grand style, mais son travail est déjà très impressionnant. L'Américaine Hannah Bettes (108), que je n'avais pas vraiment vue à l'oeuvre jusque-là, a tout pour se retrouver en finale - même à Lausanne : elle est très jeune, elle a une personnalité rayonnante et fait montre d'une aisance scénique presque insolente, en plus d'une technique extrêmement assurée. Peut-être pourra-t-on déplorer aussi chez elle ces tics scéniques parfois pénibles propres aux habitués des concours - regards aguicheurs et autres adresses insistantes au public? A vrai dire, elle m'a davantage séduite dans Traces, où elle se différenciait franchement des autres, que dans sa Coppélia, un peu trop rentre-dedans à mon goût. Quoi qu'il en soit, cette Hannah a un très grand potentiel. C'est aussi manifestement le cas de la Japonaise Amari Saotome (110), plus incertaine techniquement dans la variation du pas de trois de Paquita, mais d'une liberté et d'un charme incroyables dans Momo de Didy Veldman. Oubliées de la finale, j'ai bien aimé les prestations des deux jeunes Chinoises, Liang Shiyin (118), piquante et stylée dans la variation du pas de trois de Paquita (mais malheureusement desservie par un enregistrement présentant une orchestration calamiteuse), et Ge Myao (119), un vrai tempérament, que ce soit dans Coppélia ou dans Momo. La Fée des Lilas a obtenu un certain succès auprès des candidates, deux en tout cas m'ont particulièrement plu, dans des styles très différents : celle de la Brésilienne Thamires Chuvas (117), un vrai potentiel elle aussi, et, plus encore, celle de la Japonaise Kaho Ogawa (124), d'une élégance et d'une classe rares. La candidate qui m'a toutefois le plus impressionnée dans ce groupe est sans conteste l'Espagnole Sonia Vinograd (120), issue du Conservatoire de Barcelone : elle n'est pas d'une expressivité folle, le haut du corps est encore un peu raide, son costume est plutôt moche, mais pour le reste, on ne peut que saluer sa musicalité exceptionnelle, la virtuosité de son bas de jambe (quelle petite batterie!), la beauté de ses sauts, dans une variation (le solo du pas de trois du Lac) qui met parfaitement en évidence toutes ses qualités. Un choc que cette fille tout de même - contre toute attente -, on n'est plus habitués à voir un travail aussi raffiné dans les concours et, bien souvent également, sur les scènes des théâtres les plus réputés...

Effectif considérablement réduit chez les garçons du groupe A, moins mûrs globalement que les filles du même âge, plus stéréotypés peut-être aussi. Le Brésilien Daniel Robert Silva (201) se distingue toutefois par la légèreté de ses sauts et une technique soignée dans la variation de La Fille mal gardée, le Japonais Tomotaro Sano (204) n'est pas mal non plus de son côté dans celle de La Sylphide. Quant à notre représentant français, Célestin Boutin (206) - le beau gosse du Prix de Lausanne (au coude à coude avec le Paraguayen Gaspard Junior Caballero (203), déjà star sur Facebook...) -, il ne démérite pas, tout comme Juliette Roustan (122), petite danseuse très vive, dans le même groupe - mais, trop juste sur le classique, c'est surtout dans la variation contemporaine qu'il impose ses qualités de danse et son charisme.

Du bon, du très bon, de l'excellent même, chez les filles du groupe B - toutes ou presque m'ont plu, au moins sur l'une des deux variations. J'ai par exemple beaucoup aimé la variation de la Vision, interprétée par la Portugaise Andreia Mota (301), qui a su se montrer parallèlement très convaincante dans la variation contemporaine, comme c'est souvent le cas avec les candidates issues du Conservatoire de Lisbonne. J'ai été séduite de la même manière par les deux prestations de la Française Johanna Raynaud (321), qui présentait rigoureusement le même programme (la Vision + Tender Hooks), en conférant un charme très français à la chorégraphie du Royal Ballet. Je ne reviens pas sur les "claques" si différentes de l'Espagnole Anna Casasola Fontseca (309) et de la Coréenne Joung Eunyoung (314), chacune ont leurs beautés... Pour autant, les candidates japonaises m'ont paru ici absolument souveraines : Madoka Sugai (306) - Raymonda - est celle qui a récupéré le plus de croix enthousiastes sur mon programme, avec Ayaka Fujii (314) - Gamzatti, et Akane Ichii (320) - Kitri. Dans la variation du Rêve de Raymonda, Madoka Sugai montre une musicalité et un lyrisme admirables - la puissance, parfaitement contrôlée, qu'elle déploie ensuite dans Libera me n'en est que plus étonnante. Elle n'a certes pas les lignes de la ballerine idéale, mais elle sait parfaitement utiliser son physique atypique. Ayaka Fujii est une Gamzatti qui saute, qui attaque et qui mord - on aime! Quant à Akane Ichii (pourquoi n'est-elle pas en finale?), elle a un charme fou, du naturel et du piquant, elle occupe merveilleusement la scène, bref, son énergie débordante et son tempérament joyeux conviennent idéalement à une variation de Kitri qui sombre pourtant aisément dans toutes les démagogies.

Chez les garçons, le niveau m'a paru en regard nettement plus hétérogène. Des fautes techniques, des imperfections en tous genres et une crispation certaine sont ainsi venus entacher les prestations - c'était même parfois un peu désolant. De fait, les "meilleurs" candidats du groupe se distinguent sans trop de mal. Le Chinois Wang Mingxuan (401) - j'ai déjà parlé à moultes reprises de Monsieur Parfait - a toutes les qualités du danseur classique idéal : l'élégance, la précision technique, la musicalité, les lignes... et son Prince de Casse-noisette est de toute beauté. Un autre Chinois, Wang Le (407), est sans doute un peu plus juste sur la technique académique, mais il a une personnalité d'évidence très affirmée, qui fait mouche dans Tender Hooks - l'une des interprétations de cette variation que j'ai préférées au final. Les Chinois semblent cette année avoir surmonté leurs faiblesses en contemporain - on leur a en tout cas souvent fait ce reproche les années précédentes. A mes yeux, le Brésilien Edson Barbosa (406) impose surtout une personnalité et une présence - son Don Quichotte est plein de fougue et de puissance, mais d'une propreté tout de même aléatoire. Nous avons eu enfin droit à de très bons Solor, avec le Japonais Ryo Kato (419), plus convaincant encore en contemporain (la variation Outsight, que j'ai également beaucoup aimée avec l'Australien Calvin Richardson (411)), l'Allemand de Zürich Michael Grünecker (424) (sans doute celui que j'ai préféré dans cette variation), et l'Australien, également de Zürich, Nikolaus Tudorin (422), plus inattendu peut-être dans le rôle, eu égard à son gabarit, qui nous a offert un superbe manège de grands jetés, d'une amplitude remarquable.

[sophia]

Des nouvelles en passant de Kevin Poeung, glorieux finaliste l'an dernier et image du Prix 2012 : il vient d'être engagé par le Northern Ballet, basé à Leeds.
Son professeur à l'English National Ballet School conduisait cette année une délégation de quatre étudiants.

[lolodanse]

Bonjour Sophia

Savez-vous si les candidats français de cette année ou de l'an dernier ont obtenu un contrat ou une mini bourse?

[karineguille]

Lolodanse, pour ce que je sais (je m'autorise une reponse Sophia), Carl Van Godtsenhoven a eu pas moins de 9 belles propositions et il a fait son choix. Vous en entendrez parler de ce jeune homme ! Par respect je prefère ne rien avouer sur son choix mais c'est une trés belle proposition pour une école.

[Bloup]

Carl Van Godtsenhoven part à Hambourg cet été.

[medora]

Quelle bonne nouvelle pour Karl; c'était à ne pas douter: ce jeune homme est bourré de talent...

[sophia]

L'an dernier, Hélias Tur-Dorvault avait été pris, suite au Networking Forum, à l'école du Ballet de Hambourg, où il est toujours. Claire Teisseyre avait aussi eu des propositions et un stage offert.

Cette année, je sais que Célestin Boutin et Juliette Roustan ont eu, via le Networking Forum, des propositions de la Palucca Schule de Dresde. Carl Van Godtsenhaven, lui, en a eu quatre (dont Hambourg) + un stage au NDT. J'ai copié plus haut les numéros des candidats dont les noms avaient été retenus. Maintenant, il faut attendre quelques mois pour avoir les résultats définitifs. Ce sont des choix à peser pour chacun.

Je voudrais toutefois souligner que ce sont plutôt les écoles que les compagnies qui recrutent des candidats en masse. Pour les compagnies, cela semble extrêmement difficile, voire impossible : celles-ci privilégient leurs propres élèves, et pour le reste, les lauréats sont prioritaires s'ils ont l'âge requis.

[karineguille]

ah ben voilà ! c'est annoncé ! Sophia qu'en est-il de Johanna Raynaud ? ses 2 variations étaient superbes !

[medora]

A-t-on des nouvelles des candidats des années précédentes?

[karineguille]

quelques photos du gala de dimanche: http://balletnews.co.uk/ballet-news-prix-de-lausanne-gala/

Un très beau gala, je pense que Sophia et Haydn y reviendront, pour ma part une très belle fin d'après-midi !

Du beau monde à l'entracte: José Martinez, Paola Cantalupo, Frederic Olivieri, Yohan Stegli, Franco De Vita, Nikolaj Hubbe, Gailene Stock et bien d'autres, tous sur leur 31 ! Beaucoup de dames fortunées aux toilettes parfois surprenantes mais je n'ai pas croisé la princesse Caroline ! Et Gil Roman en pantalon noir et baskets noires qui s'échappe très vite dès la fin du gala...

[sophia]

Oui, j'essayerai de terminer ma petite revue de la semaine demain ou après-demain. De son côté, Haydn complètera la galerie du Prix.

Très beau gala en effet, et si le clinquant était (parfois) dans la salle, le spectacle en lui-même respirait l'élégance et la sobriété.
Mes "highlights" :
1- les frères Bubenicek et Jon Vallejo dans Canon en ré majeur,
2- le duo de Malandain, La Fille au roi Louis, avec Giuseppe Chiavaro, toujours magnifique, et Nathalie Verspecht,
3- Altro Canto de Jean-Christophe Maillot, avec Bernice Coppieters (qui soutient constamment l'intérêt) et Azier Uriagereka

Le programme était un tout petit peu différent de celui que j'avais donné p. 2, je préciserai tout ça plus tard...

[jigara]

Très belles photos du Gala !

Merci beaucoup à haydn et sophia pour leur live-coverage tout au long du Prix ! Avec toutes ces photos des coulisses, on s'y croyait presque

Et bravo à tous les participants. J'ai vu quelques vidéos, et il y en a d'assez impressionnantes je trouve!

[haydn]

Merci jigara

Les jeunes danseuses japonaises font un carton non seulement au palmarès du 40ème Prix de Lausanne, mais aussi dans la presse, alors qu'en Europe, hors la Suisse, la compétition semble ignorée des médias officiels :


Winning dancer lauded for both classical, modern technique (The Calgary Herald)

[haydn]

La presse helvétique salue également la performance des Japonaises, mais se lamente sur la piètre prestation des Suisses. Il faut bien dire que le Prix du Meilleur Suisse est un peu vidé de son sens (les contorsions du règlement en témoignent), puisque faut de combattants, il n'a soit pas été décerné, soit attribué à des étrangers scolarisés en Suisse (un Allemand cette année, une Turque il y a deux ans).

Dommage, car la Tanz Akademie de Zürich a bonne réputation et forme chaque année des danseurs de valeur.

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Un petit "j'aime" sur la page Facebook de Dansomanie : http://www.facebook.com/Dansomanie/

[sophia]

Trois représentants de Zürich cette année, dont deux lauréats - Nikolaus Tudorin et Michael Grünecker - qui n'ont pas volé leur place, et la fameuse Akane Ichii, recalée, mais que j'ai trouvée absolument formidable.

J'avais eu un réel espoir en voyant la candidate suisse (scolarisée au Japon ) de cette année, mais vite envolé au regard des sélections...