Soirée Lifar - Ratmansky [ONP, 21 09 - 26 10 2011]

[Lulu]

[Lulu]

[sophia]

Sur le site de l'Opéra, une interview d'Aurélie Dupont à propos de Psyché : http://www.operadeparis.fr/cns11/live/onp/actualites/index.php?lang=fr#news4373

[serge1 paris]

C'était assez agréable de voir ce spectacle en ayant été prévenu par tout ce qui a été dit ici !

Que dire de Phèdre à part que la chorégraphie de Lifar et la musique d'Auric servent parfaitement de faire-valoir à Ratmansky et César Franck ?

Un côté Diaghilev de second rang tardif effectivement et le Diaghilev que j'aime le moins...

Cela m'a intéressé néanmoins de voir cette curiosité kitsch à l'antique et cela faisait bien longtemps que je n'avais pas trouvé Agnés Letestu absolument parfaite dans un premier rôle (elle s'est empêtré le pied dans la cape rouge hier soir aprés avoir bu le poison, mais s'en est bien sortie). Sabrina Mallem était mieux que parfaite dans Oenone et Froustey ravissante dans sa trop courte apparition.

Je crois bien que Psyché est pour moi la création la mieux réussie de ces dernières années à l'ONP. J'ai même gobé les décors et les costumes puisque j'avais été prévenu ! Le rôle d'Eros était évidemment ciselé sur mesure pour Hervé Moreau mais ce que j'ai vu hier soir était magnifique et bravo à Ratmansky d'avoir exhumé cette musique qui n'est jamais donnée dans son intégralité alors que cela me parait d'assez loin l'oeuvre la plus intéressante de César Franck

[medora]

[haydn]

Article plutôt favorable des Izvestia, le quotidien moscovite du soir :

Après avoir dressé un parallèle entre Serge Lifar et Alexeï Ratmansky, "tous deux nés à Kiev, et tous deux des Russes qui ont quitté le pays en quête d'une vie meilleure à l'étranger", la journaliste, Svetlana Naborchikova, loue le décor "constructiviste" de Cocteau, et l'interprétation brillante de Karl Paquette en Hippolyte.

L'essentiel de l'article est néanmoins consacré à Psyché ; le duo Dupont / Bullion est jugé harmonieux, et toujours désireux d'éviter les conflits. En revanche, la scénographie, qui "verse dans l'excès de pittoresque", est critiquée, tout comme le choix musical. César Franck est considéré comme un musicien trop sérieux pour être réduit à servir de tapisserie sonore à un ballet.

La chronique s'achève par l'inévitable couplet sur les grèves et la puissance des "syndicats de travailleurs de l'Opéra de Paris" qui ont "saboté la Première avec le défilé hiérarchique de tout le corps de ballet" et la représentation de Faust à l'Opéra Bastille.


Ратманского захлестнул собственный талант, par Svetlana Naborchikova (Известия / Izvestia)

[sophia]

Pour Ratmansky : pas né à Kiev, mais travaillé à Kiev.

[haydn]

Très belle soirée, sur laquelle je reviendrai très rapidement.

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio ont complètement transformé Psyché, et ont été, à juste titre, très bien applaudis.

Dans Phèdre, là, ce sont Stéphane Bullion et Josua Hoffalt qui ont été impressionnants, nous donnant enfin à voir quelque chose qui ressemble à du Lifar. Et superbe Aricie, toute pétillante, de Mathilde Froustey.

_________________
Un petit "j'aime" sur la page Facebook de Dansomanie : http://www.facebook.com/Dansomanie/

[Gracian2]

Cocteau constructuriste rejoint Georges Auric dodecaphoniste .... alors qu'il suffirait de jeter un coup d'oeil sur Google pour savoir de quoi on parle.

Oui, mais à quoi bon ! C'est l'époque de l'"a-peu-prés"

[sophia]

Oui, une Psyché tout autre et enfin le ton juste pour servir la chorégraphie de Ratmansky : tendresse, fraîcheur, légèreté, une once d'humour et d'exagération feinte aussi parfois, tout y était. J'ai beaucoup pensé ce soir à The Dream d'Ashton. Gilbert raconte véritablement une histoire et trouve dans le long adage un lyrisme insoupçonné aux côtés de Ganio, là où Dupont ne semblait qu'exécuter joliment - et avec le romantisme qu'on lui connaît d'ordinaire - des pas, dont il faut pourtant savoir dépasser le néo-classicisme très gentiment déstructuré (pas trop envie de critiquer Bullion qui a repris le rôle de Moreau en dernière minute). Le couple Gilbert/Ganio est en osmose parfaite et il faut bien dire aussi que, seuls ou à deux, leur danse est un rêve. Le corps de ballet était également beaucoup plus en place (les quatre Zéphyrs, j'adore!), bien plus investi dans la narration. Franchement, ces décors, ces costumes de fleurs et d'animaux ont certes un petit côté cheap et kitsch, mais ils n'arrivent pas à me perturber, je trouve que tout cet ensemble fonctionne merveilleusement, comme un univers à part entière, surtout quand l'interprétation, comme c'était le cas ici, est parfaitement (res)sentie.

Quant à Phèdre, unique objet de mon ressentiment ce soir... Que dire, que dire sinon que je trouve que cette deuxième distribution est objectivement préférable à la première, pour à peu près tous les rôles, mais peut-être plus encore du côté des garçons, Bullion en Thésée et Hoffalt en Hippolyte, tous les deux vraiment crédibles malgré les costumes. Agnès Letestu est davantage dans le jeu théâtral, dans la nuance des sentiments, que Marie-Agnès Gillot, qui imposait surtout une force, celle de son physique et de son charisme. Mais bon...

[haydn]

Retour comme promis sur la soirée Lifar / Ratmansky du 28 septembre, qui, pour moi, a pris des allures de révélation, et cela, il faut bien le dire, grâce aux interprètes.

Phèdre tout d'abord, a été transformé par la présence de Josua Hoffalt dans le rôle d'Hippolyte. C'est la principale figure masculine du ballet, Serge Lifar, se sachant moins virtuose, s'était, lors de la création, réservé Thésée, moins exigeant sur le plan technique.

Josuah Hoffalt a pour lui la fougue de la jeunesse, une danse très élégante et stylée, mais sans maniérismes déplacés. Il appartient à une génération qui n'a évidemment jamais connu Serge Lifar sur scène, mais d'instinct, il retrouve les postures, les expressions que la photographie nous a heureusement léguées. On pourra en dire de même de Stéphane Bullion, Thésée d'une présence impressionnante, théâtrale, au mime très juste, et qui sait user avec pertinence de l'avantage que lui procure son physique sculptural pour se rendre crédible dans cette tragédie antique. Même le costume - pourtant difficile à porter - dont il est affublé ne paraît ici plus choquant ou involontairement comique.

La Phèdre d'Agnès Letestu est moins échevelée, mieux maîtrisée que celle de Marie-Agnès Gillot. Point de naturalisme ici, on retrouve la distanciation requise, même si l'on aurait aimé un jeu plus outré. C'est un peu une Sarah Bernhardt sur pointes que l'on voudrait voir ici.

Comme Agnès Letestu, Sabrina Mallem (Oenone), souligne à juste titre le caractère presque "balanchinien" de la chorégraphie de Lifar, qui évoque constamment des ouvrages tels Le Fils prodigue, que le maître de la danse américaine avait composés pour l'Opéra de Paris avant la seconde Guerre mondiale. On appréciera également la fort belle performance de Mathilde Froustey, Aricie délicieusement épicée, et qui a réussi à donner vie à ce rôle relativement modeste.


On aura assisté ensuite à un chamboulement de même nature avec Psyché ; le nouvel ouvrage d'Alexeï Ratmansky a été véritablement transfiguré par Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio. L'histoire et les intentions humoristiques du chorégraphe devenaient ici parfaitement lisibles. Mathieu Ganio s'est avéré primesautier et drôle, sans verser dans la vulgarité, tandis que Dorothée Gilbert aura bluffé le public par une danse limpide, d'une très grande propreté, digne hommage à l'école française. Elle aussi, mutine, vive, a su conquérir le public et, fait remarquable, entrainer à sa suite le corps de ballet, beaucoup moins atone que lors de la première. Toute sa cour, composée de Mlles Albisson, Granier, Kamionka, Clément, Ranson et Robert s'est, grâce à elle, prise au jeu, contribuant, tout comme l'excellente Vénus d'Alice Renavand, qui avait précédemment fait la démonstration de son talent dans Phèdre. Bref, la chorégraphie est ici apparue bien plus intéressante, au point de faire oublier la kitscherie de la scénographie. En fait, il faudrait, de manière plus exacte, dire que M. Ganio et Mlle Gilbert sont parvenus à assumer totalement cette kitscherie, et la faire passer pour ce qu'elle est : du second degré. Une totale réussite, à laquelle l'Orchestre National d'Île-de-France aurait également apporté sa contribution. Même la partition tonitruante de Georges Auric est apparue relativement supportable ; le chef, Koen Kessels, semble y trouver ses marques au fil des représentations, et a su mieux faire ressortir la ligne mélodique - en vérité très classique - que lors de la première, où le fracas de la percussion et des cuivres dominait de trop.

_________________
Un petit "j'aime" sur la page Facebook de Dansomanie : http://www.facebook.com/Dansomanie/

[haydn]

Et côté people - ou plutôt personnalités du monde de la danse - on aura remarqué la présence de Monique Loudières et de Wayne McGregor...

_________________
Un petit "j'aime" sur la page Facebook de Dansomanie : http://www.facebook.com/Dansomanie/

[LysNoir]

Je n'ai pas le temps en ce moment de tâter du ballet mais je suis contente, pour les danseurs que vous citez, de votre critique...J'aime beaucoup Gilbert, Ganio et Bullion, vraiment très charismatique. Bon, vivement que je reprenne le chemin de Garnier, en attendant je vous lis...

[haydn]

Démolition en règle de Phèdre par Philippe Noisette dans Les Echos. Apparemment, beaucoup n'ont toujours pas fini de régler des comptes avec le "collabo" Lifar, et le travail de sape consciencieusement mené depuis le milieu des années 1970 continue à faire ses ravages...

Philippe Noisette est en revanche beaucoup plus indulgent envers Psyché, "déluge d'inventions visuelles".


La victoire de Psyché, par Philippe Noisette (Les Echos)

[sophia]

Ce n'est pas parce qu'il y a eu (et qu'il y a encore) en France un fort rejet idéologique de Lifar que, par réaction, ses ballets doivent être mis aujourd'hui au-dessus de la critique. Je n'ai pas le souvenir que Suite en blanc et, plus sensible, Les Mirages aient reçu un semblable accueil il y a quelques années, et c'était pourtant sous Mortier.