Le Casse noisette de Noureev film de 1985

[laurence]

Casse noisette à toujours été considéré comme un ballet naïf et délicieusement sucré pour les soirées de Noël .
Le film de 1985 présenté ce Lundi par la Cinémathèque de la Danse, tourné en 15 jours par Noureev en studio, est une pure merveille.

En fait comme l'explique Laurent Hilaire qui a la dure tache de représenter, les deux faces du personnage principal :(le borgne boiteux et au combien mystérieux Drosselmeyer et l'incarnation parfaite de l'idéal masculin rêvé par Clara à l'orée de son adolescence): peu de films de danse sont tournés par les chorégraphes eux même. (Il cite Mats Ek et Preljocag pour « le Parc »)
L 'œil de Noureev, qui ne transigeait pas avec le corps mais dont le vocabulaire et la grammaire de la danse donnent un sens réel au propos du conte, emmène le spectateur au lieu même de sa signification.
La signification, c'est cette vision du monde de l'adolescence, que certains qualifieront de Freudienne par son « inquiétante étrangeté », dansée par Elisabeth Maurin avec infiniment de sensibilité et de légèreté . (Elle fut d'ailleurs nommée étoile, entre deux prises, comme un cadeau de Noël, le 23 décembre et se rendormit aussitôt sur son fauteuil pour la prise suivante qui heureusement ne demandait pas d' effort physique. « Voilà » dit il et il tourna les talons. Comme on le voit, Noureev avait le goût du débotté ...
Ce film, dont les décors de Géorgiadis et les costumes ; offre par sa spatialisation quelque chose de magnétique. La caméra , rarement de face ,cherche à donner la vision de quelqu'un qui promènerait son regard pour essayer de saisir la vie et non pas, dans un premier temps, une esthétique.
Les personnages de fond; la société bourgeoise, le monde des adultes, qui prendront aux deuxième acte des figures grossies et presque infernales saturent la scène dès les premières images. Devant,. les enfants jouent et dansent légers et insouciants tel Eric Camillo; les enfants de la rue enneigée jouent à saute moutons, les enfants des salons avec leurs jouets stéréotypés et sexués .Tout semble biaisé, en coin, et seule la figure de l'excentrique Drosselmeyer les entraine dans une danse ou chaque enfant semble prendre son individualité un peu comme dans ce film de Roméo et Juliette dansé par Oulanova ou chaque personnage de la foule est unique mais participe au mouvement général.
Les références cinématographiques sont nombreuses Noureev aimait le cinéma, j'ai cru voir passer « Un Américain à Paris, My fair Lady et sans doute bien d'autres...
Mais quelle magnifique danse des flocons de neige dans cette forêt qui est stratifiée comme un esprit humain :des formes blanches et contournées de la nature profonde un peu inquiétante que surplombent des statues d'anges spectateurs et puis très haut la cime des grands arbres inaccessibles. La caméra comme une bulle joue avec le près et le loin, le grand et le petit comme l'enfant qui grandit, se trouve confronter avec une angoisse de dysharmonie .
Le spectacle offert à Clara par son rêve; l'armée de grandes souris sous les ordres d'un roi qui n'est pas sans évoquer Rothbar mais aussi les visions courtes et enlevées des différentes danses de caractères par leur perfection ne sont jamais trop longues et les pas de deux dansés par Elisabeth Maurin et Laurent Hilaire reflètent un délicieux bonheur de la danse... Un moment magique magnifié par un écran gigantesque qui vous projette sans doute beaucoup dans le cerveau richement baroque de Noureev....

[maraxan]

La valse des flocons de Noureev m’a réconcilié avec Casse-Noisette après des années d’overdose de Nutcracker.

[nabucco]

Il est d'ailleurs bien regrettable que non seulement ce film (que je n'ai, du coup, pas pu voir), mais également la totalité des images filmées du Ballet de l'Opéra antérieures aux années 1990 soient encore sous le boisseau (hormis une publication sans doute non autorisée de La Sylphide Thesmar/Denard au Japon)...

[haydn]

Je ne sais pas exactement quelles sont les raisons qui font que certains de ces enregistrements, excellents, n'ont pas fait l'objet d'une re-publication en DVD, mais je présume qu'il doit y avoir des questions de droits assez complexes à régler.

[pedro]

Je signale que cette captation de Casse-Noisette a été diffusée de nombreuses fois, et encore il y a quelques semaines, sur la Chaine Mezzo

[laurence]

Je pense qu'une vision sur grand écran apporte une démesure poètique tout à fait étonnante ... et celui de la cinémathèque à Bercy vous permet d'être complètement dans le film