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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Mer Oct 29, 2008 11:14 am Sujet du message: |
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Critique assez partagée de Daniel Conrod dans Télérama. La première partie du ballet est jugée assez réussie :
Citation: |
Il y a dans ces Enfants de l'atmosphère, un climat propice à la rêverie et quelquefois au songe, de jolies surprises d'écriture, des personnages parfaitement aboutis (le Lacenaire de Benjamin Pech, la Garance d'Isabelle Ciaravola, le Frédéric Lemaître d'Alessio Carbone, la Mme Hermine de Caroline Bance), des costumes dans l'ensemble réussis. Martinez sait faire illusion, donner par exemple mouvement à une foule [...] |
En revanche, il juge sévèrement l'intermède dansé de Robert Macaire, ainsi que la musique de Marc-Olivier Dupin :
Citation: |
Quoi dire enfin de la musique de Marc-Olivier Dupin ? Qu'elle plombe plus qu'elle n'emporte, qu'elle bavarde davantage qu'elle ne suggère, qu'elle commente et illustre alors qu'elle devrait murmurer. |
L'article de Daniel Conrod, dans Télérama est ICI
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Jeu Oct 30, 2008 12:32 am Sujet du message: |
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Cléo a écrit: |
Lacdescygnes a écrit: |
Je suis entièrement d'accord avec vous, Cléo. Bien que j'aie quelque doute sur le caractère réellement professionnel de la critique de la danse dans la presse nationale... |
C'est un mal français. Déjà, pour le XIXe siècle, il faut recourir aux critiques étrangers pour obtenir quelques informations techniques sur les danseurs ou les ballets. Un Théophile Gautier s'enflamme littérairement mais ne connaît pas trois mots de vocabulaire technique. La plupart de ses confrères ne s'interressaient guère, comme aujourd'hui, qu'aux "productions". |
Bien sûr, il y a un "mal français" de la critique de danse (et de la critique de spectacle tout court...), prise entre plusieurs feux - non contradictoires: le conformisme intellectuel, le refus de l'analyse au profit de la seule émotion ou de la pure subjectivité passionnelle (d'adoration ou d'hostilité), l'attraction fatale exercée par le discours marketing des attachés de presse, le statut le plus souvent non professionnel de ses auteurs (de ce point de vue, et indépendamment de ses partis-pris, ce n'est pas le cas de Rosita Boisseau qui, malgré tout, n'est pas ce qu'on peut faire de pire aujourd'hui en la matière...), sans oublier le primat du "politique" dans un pays comme la France... Autant d'éléments liés du reste les uns aux autres. Bref, c'est là un vaste sujet...
La tradition critique instaurée au XIXème siècle par Gautier et quelques autres feuilletonistes me semble cependant assez différente de ce qu'on observe actuellement dans les divers organes de presse officiels, même si elle aussi était déjà "pervertie", ou "corrompue", par divers paramètres (mais quoi qu'il en soit, il n'y a pas de critique "pure", a fortiori dans un circuit économique!)... D'abord, parce que cette tradition romantique était d'essence littéraire (un aspect qui s'est à peu près totalement perdu, mais qui avait le mérite de voir dans la danse autre chose, par exemple, que des "pas"...), et donc non savante - ou non "scientifique" -, et d'autre part parce qu'elle était naturellement "balletomaniaque" (d'où, en effet, ses lacunes et ses limites, ses grandes passions, et ses petits ridicules). On s'y attachait notamment davantage aux interprètes (et en l'occurrence aux ballerines), dont il s'agissait de célébrer la gloire, qu'à la chorégraphie, au style, à la technique... Cela dit, la critique était, au XIXème siècle, un discours "in progress" (et pas seulement en France), lié à l'autonomie grandissante de l'art chorégraphique, elle n'a bien sûr plus cette excuse aujourd'hui. Gautier tient malgré tout une place privilégiée dans cette constellation critique, non seulement pour avoir été l'un des premiers à appréhender le ballet comme une forme à part entière, au même titre que les autres arts, mais aussi pour avoir développé une véritable esthétique de la danse (avec certes ses lâchetés, ou ses mesquineries, but nobody's perfect...) , dépassant largement la simple rédaction d'un compte-rendu journalistique payé à la ligne...
Je dirais que c'est cette "vision" esthétique (qu'on la partage ou non importe peu finalement), appelant forcément un certain recul par rapport à la représentation brute, qui manque d'évidence aujourd'hui à la critique, à toute la critique, du moins pour ce qu'il en reste. Raison pour laquelle, la plupart du temps, elle n'apporte rien au lecteur... L'exercice est, faut-il le rappeler, non seulement légitime mais aussi nécessaire, sachant que sa principale raison d'être et de durer est là.
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Cléo
Inscrit le: 21 Sep 2008 Messages: 124 Localisation: PARIS
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Posté le: Jeu Oct 30, 2008 1:38 am Sujet du message: |
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sophia a écrit: |
lGautier tient malgré tout une place privilégiée dans cette constellation critique, non seulement pour avoir été l'un des premiers à appréhender le ballet comme une forme à part entière, au même titre que les autres arts, mais aussi pour avoir développé une véritable esthétique de la danse (avec certes ses petites lâchetés, ou ses mesquineries, but nobody's perfect...) , dépassant largement la simple rédaction d'un feuilleton journalistique payé à la ligne... |
Loin de moi l'idée de contester les qualités littéraires de Théophile Gautier ni sa place dans l'Histoire de la Danse. Comme tout artiste et, a fortiori comme artiste romantique, Gautier a eu la prescience de l'importance du ballet en tant qu'Art à part entière. Mais il n'en reste pas moins vrai que sa critique trouve ses limites dans son manque de vocabulaire technique. Lorsqu'il s'indigne des "positions de compas forcés" en parlant de l'arabesque où qu'il emploie des expressions du genre "ces coquetteries dont elle a le secret", il reste dans le domaine de la subjectivité pure; ce qui n'est déjà pas mal en soi quand on s'appelle T. Gautier. S'intéressant aux ballerines (mais cela n'empêche pas, dans le principe, de s'intéresser à la technique), il a opposé le style païen et chrétien d'Elssler et Taglioni. Mais ce n'est pas lui qui a défini l'opposition balloné/Tacqueté de ces deux ballerines. En tant que balletomane, la deuxième définition me parle plus que la première.
Mais Gautier avait du génie; son style était évocateur. Ce que je voulais dire en citant son nom était, en quelque sorte, "et quand il n'y a pas le génie de T. Gautier, voilà ce que ça donne". Ce qui m'amène tout naturellement à Rosita Boisseau que je n'accusais certainement pas d'être malhonnête. Elle a une idée et elle s'y tient. Mais je défie quiconque de pouvoir se faire une représentation, même imprécise, de la chorégraphie d'un ballet qu'elle à présenté.
Et nous voilà dans le "mal français" en terme de critique chorégraphique; celui auquel même le grand Théophile, qui n'était jamais lâche, a succombé : celui de vouloir que la danse soit une expression des goûts du temps présent, au mépris parfois des conventions propres à cet art. Cette tendance enferme la danse dans un rôle d'artifice et de mode où la nouveauté d'aujourd'hui sera le ringard de demain. Gautier voulait absolument que le ballet incarne les idéaux du romantisme et il annonçait bien haut que les ballets d'Aumer ou de Gardel ne valaient pas la peine d'être remontés ("les goûts de nos pères nous semblent aujourd'hui...").
Une certaine tendance de la critique de danse aujourd'hui jetterait tout aussi bien le vocabulaire classique à la poubelle sous prétexte qu'il est étranger au monde contemporain. J'ajouterai que les pires de ces journalistes FONT du style aux dépends de l'intérêt purement informatif de la critique (leur "feuilleton"). Regarderaient-ils du côté des romantiques?
CE QUI NOUS RAMENE AUX ENFANTS DU PARADIS : Pensez vous, Sophia (et les autres) que le ballet de José Martinez, indépendamment de son achèvement, est passéiste dans sa forme ou qu'il est porteur d'un quelconque renouveau du ballet d'action?
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Jeu Oct 30, 2008 11:12 am Sujet du message: |
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Cléo a écrit: |
il a opposé le style païen et chrétien d'Elssler et Taglioni. Mais ce n'est pas lui qui a défini l'opposition balloné/Tacqueté de ces deux ballerines. En tant que balletomane, la deuxième définition me parle plus que la première. |
Bien sûr, mais on ne peut pas pour autant faire passer le discours métaphorique pour inférieur au discours techniciste, ce sont là deux manières différentes de voir et d'appréhender la danse… Sans chercher le paradoxe à tout prix, j'aurais même tendance à penser que le regard poétique est plus intéressant, à défaut d’être plus pertinent, que le point de vue savant, ou tout du moins pseudo-savant. En tout cas, au regard de cet exemple, devenu un cliché de la critique, la première opposition me paraît justement bien plus riche de sens et d’implications esthétiques... Cela dit, ne jouons pas les "demi-habiles", l'imaginaire et le savoir technique sont tous deux nécessaires, et la métaphore n'excuse certainement pas l'ignorance, même lorsqu'on s'appelle Gautier! Mais en effet, brisons-là, car peut-être que notre modérateur va finir par perdre patience…
Cléo a écrit: |
CE QUI NOUS RAMENE AUX ENFANTS DU PARADIS : Pensez vous, Sophia (et les autres) que le ballet de José Martinez, indépendamment de son achèvement, est passéiste dans sa forme ou qu'il est porteur d'un quelconque renouveau du ballet d'action? |
Pour le dire dans une coquille de noix, ni l'un ni l'autre.
Pour ce qui est du soupçon de passéisme, résumé dans la formule de "manque d'audace", je dois dire que c'est quelque chose qui me dépasse. Je crois que c’est vraiment symptomatique de la France ! Depuis quand crée-t-on à partir de rien, sans s’inscrire dans une histoire, une filiation, y compris pour la contester (ce qui n’est pas le cas ici, c’est certain) ?… José Martinez, formé à l'Opéra dans une certaine tradition classique, ouverte toutefois à nombre de chorégraphes contemporains, a subi diverses influences, qu'on ne va pas énumérer ici, mais qu'il paraît revendiquer et assumer pleinement, et sans arrière-pensée, dans son discours. Peut-être ces emprunts sont-ils trop premier degré alors? Si son ballet est "médiocre" en tout cas, ce n’est pas pour son absence de langage personnel et/ou original identifiable, ce n'est certainement pas non plus parce qu'il est narratif, c’est pour d’autres raisons… Ce qui me gêne peut-être davantage (disons que c'est à la fois la qualité et le défaut du ballet), c'est plutôt le caractère hétéroclite des références et le "bric-à-brac" chorégraphique dont témoigne l'oeuvre, qui en disent sûrement très long sur l'Opéra et son répertoire actuel, tellement débridé qu'il en devient un fardeau et un frein paradoxal à l'imagination. Mais c'est là un autre débat que j'entame... En attendant, Martinez aurait donné dans un style plus franchement contemporain, considéré par je ne sais quelle équation bien française comme forcément "plus audacieux", un style lorgnant par exemple du côté de Wayne McGregor ou de Preljocaj (pour ce dernier, on a déjà les "jeunes chorégraphes"... Sont-ils plus "audacieux" que Martinez, parce qu'en particulier non narratifs? J'en doute vraiment, on reste autant, sinon plus, dans l'exercice de style, et avec une prise de risque limitée...), il est évident qu'on le lui aurait reproché aussi, et exactement de la même manière... Donc, classiques ou modernes, puristes ou novateurs, on n'en sort pas et personne n'est jamais content...
Quant à la deuxième option soulevée, le ballet de Martinez est-il porteur d'un quelconque renouveau du ballet d'action? Pas plus que je ne le vois comme "passéiste", je crois que ce serait bien présomptueux, voire un peu ridicule, de prétendre qu'il renouvelle le ballet d'action... Il faudrait déjà qu’il trouve sa place dans l’Histoire, qu’il engendre quelque chose… Or, pour l'instant, je le vois comme un spectacle chorégraphique d'une certaine ambition, plaisant et agréable à bien des égards, mais rien de plus... Peut-être le défaut du ballet de Martinez est-il de rester trop littéral, trop illustratif par rapport à un film mythique qui a forgé une imagerie prégnante (on ne peut certes pas accuser le public d’avoir à l’esprit ce modèle, du reste revendiqué comme tel), à la différence de ce que serait un simple livret, mais surtout, je crois qu'il n’exploite pas avec suffisamment de liberté, ou alors de manière inégale, les possibilités uniques du théâtre et de la danse par rapport aux spécificités du cinéma. Et ce manque apparaît évident, dès lors que la distribution est plus faible dramatiquement et scéniquement parlant…
Dernière édition par sophia le Jeu Oct 30, 2008 11:18 am; édité 1 fois |
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nabucco
Inscrit le: 14 Mar 2007 Messages: 1462
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Posté le: Jeu Oct 30, 2008 11:18 am Sujet du message: |
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J'ai du mal à dire pour ma part de ce ballet peu réussi à bien des égards s'il est passéiste ou moderne. Sur la question du renouveau du ballet narratif, je répondrais volontiers que ce genre est extrêmement vivant et n'a au fond guère besoin d'un quelconque renouveau; la meilleure preuve en est pour moi le ballet de Kader Belarbi Wuthering Heights qui parvenait à une remarquable fusion entre la danse et la narration; les classiques revisités de Mats Ek, l'oeuvre considérable de Neumeier sont d'autres exemples dans ce domaine. Il est vrai, en revanche, que rares sont les spectacles de danse contemporaine type Théâtre de la Ville qui recourent à la narration, sinon indirectement . Je trouve ça d'ailleurs un peu dommage, ce n'est pas passéiste de raconter une histoire...
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Jeu Oct 30, 2008 12:04 pm Sujet du message: |
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Les distributions du 30/10 et du 3/11 ont été inversées. Ce seront Eléonora Abbagnato et Mathias Heymann qui danseront ce jeudi soir et Eve Grinsztajn et Bruno Bouché qui assureront la représentation de lundi prochain :
30 octobre 2008 à 19h30
GARANCE Eleonora Abbagnato
BAPTISTE Mathias Heymann
FREDERICK LEMAITRE Josuha Hoffalt
LACENAIRE Benjamin Pech
NATHALIE Mélanie Hurel
LA BALLERINE Aurélia Bellet
MADAME HERMINE Caroline Robert
LE COMTE Christophe Duquenne
DESDEMONE Charline Giezendanner
3 novembre 2008 à 19h30
GARANCE Eve Grinsztajn
BAPTISTE Bruno Bouché
FREDERICK LEMAITRE Karl Paquette
LACENAIRE Vincent Chaillet
NATHALIE Alice Renavand
LA BALLERINE Sarah Kora Dayanova
MADAME HERMINE Ghyslaine Reichert
LE COMTE Aurélien Houette
DESDEMONE Nolwenn Daniel
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rothbart
Inscrit le: 09 Avr 2008 Messages: 424
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Posté le: Jeu Oct 30, 2008 12:24 pm Sujet du message: |
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Ce ballet n'est à mon sens ni passeïste ni moderne ou bien il est les deux .Il est surtout un ensemble de savoirs éparses rassemblés en un tout qui n'est pas homogène et qui ne permet pas de définir un style identifiable.
Cet aspect scolaire est comme une entrave impropre à déclencher une émotion et c'est bien là tout le problème de ce ballet.
il y a une volonté de faire évoluer le ballet d'action sur un terrain contemporain sans renier les fondamentaux du classique ce qui est en soi assez positif.Mais ce tiraillement devient gênant car au bout du compte,on aboutit à un exercice un peu pénible de synthèse qui est assez réussi dans l'ensemble mais peu efficace au niveau du ressenti affectif.
Finalement ,on se retient beaucoup ,par peur d'être ringard.Dans la danse comme dans la mise en scène.On fait des décors figuratifs,mais alors sur chassis apparents et en noir et blanc,quitte à ce que la production ait un look de pompe funèbre.On fait dans la pointe et même temps dans l'expression corporelle....Rien ne semble vraiment assumé.On a l'impression qu'il a fallu faire des concessions aux uns et aux autres.
Je crois qu'il faut laisse à José Martinez le temps de murir son style.Après tout le grand Petipa lui même n'a pas été un génie dés le début ni tout le temps.
Je ne crois pas que cette oeuvre restera "ad vitam" au répertoire de l'opéra mais je crois que Martinez devrait renouveler ce genre d'expérience un peu plus tard,en ayant pris le temps de la réflexion.
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Egon
Inscrit le: 25 Oct 2008 Messages: 9
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Posté le: Jeu Oct 30, 2008 3:24 pm Sujet du message: |
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Pour Cléo : "...il faut recourir aux critiques étrangers pour obtenir quelques informations techniques sur les danseurs ou les ballets."
Je viens d'apprendre pour info que Roger Salas, prestigieux critique journaliste de danse à El Pais, vient ce WE à la pièce de Jose Martinez.
Ce journaliste très reconnu pourra apporter peut être une vision plus objective (même qu'il n'est pas la "bible" non plus)
Pour Haydn, oui, j'anime ce blog avec d'autres passionnés de la danse :
http://zappingdanse.wordpress.com/2008/10/25/lifar-petit-martinez/
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maraxan
Inscrit le: 24 Nov 2006 Messages: 600
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Posté le: Jeu Oct 30, 2008 7:00 pm Sujet du message: |
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J’attendais d’avoir vu les trois distributions des Enfants de Paradis pour dire mon sentiment… C’est toujours difficile d’appréhender une création et je pense que le revoir plusieurs fois est nécessaire, notamment ici parce qu’il est très touffu.
La création de ballets en plusieurs actes est assez rare même si à Paris on ne s’en rend pas trop compte car c’est plus fréquent qu’ailleurs. Les compagnies anglaises qui s’y risquent rament beaucoup pour trouver du public (Le public de ballet est souvent… plan-plan…) et regardent à deux fois avant d’investir dans ces productions. Le choix du thème est assez original, plutôt que de faire une énième version de Casse-noisette ou autre classique dont la musique est bétonnée par le temps. Personnellement, je salue cette entreprise, même si le résultat est loin d’être l’extase.
Si on pense que le ballet doit être la hauteur de la réputation du film, on attend sans doute beaucoup trop… Maintenant, le film, que beaucoup avouent ne pas avoir vu d’ailleurs, a-t-il la réputation à la hauteur de sa valeur ? A voir… il n’a en tout cas pour moi aucune aura mais je reconnais que l’avoir vu aide à la compréhension… Je préfère donc le ballet notamment parce qu’il est débarrassé des dialogues parfois risibles (que certains encensent, peut-être comme le témoignage d’une époque -qui m’est inconnue-, et surtout, du ton monocorde, voire faux, des acteurs -là aussi style d’époque j’imagine).
L’œuvre de José Martinez en a beaucoup d’accents me semble-t-il et restitue une esthétique assez similaire. C’est une œuvre plaisante mais il faut bien le dire moyenne, un peu comme la musique assez "bande son" ce qui ici n’est pas un reproche car étant donné le sujet et la direction chorégraphique donnée, plutôt interprétative que stylisée, on ne s’attendait pas à du Stockhausen. En tout cas, quels beaux costumes ! Franchement, Agnès Letestu a un talent incroyable de ce côté là également ! (Et d’ailleurs, s’est-elle fait plaisir en donnant à chaque Ballerine un costume différent lors du bal ? Celui de Nolwenn Daniel est exquis…) Je ne trouve pas que les divers styles de chorégraphie soient gênants dans ce ballet car la multiplicité des personnages et des tableaux, leur relative brièveté également transposent à chaque fois dans des univers différents alors pourquoi pas…
Bref, c’est un divertissement agréable mais qui n’a rien de marquant, pas de force directrice. Le principal handicap, est qu’il y a beaucoup trop d’artifices et de rares moments phares, c’est ce qui plombe un peu l’impression générale. Il y a beaucoup de personnages, et avec une structure plus simple, des moments de répits dans le cours de l’histoire qui permettraient de mieux camper les personnages clés, aux danseurs de s’investir dans l’interprétation, aux spectateurs de se les approprier, cela donnerait une épaisseur dramatique qui fait un peu défaut.
Là, c’est un peu confus... Baptiste ? Garance ? Nathalie ? Lacenaire ? Le comte ? Frederick Lemaitre ? Si on n’y va qu’une fois, on est plutôt étourdi par la profusion de personnages. Les soli sont rares et courts…
Le minuscule solo de Baptiste en souffrance (après la visite du comte à Garance dans le premier acte), celui de Nathalie avec sa robe de mariée… alors que celui de Lacenaire au début du ballet, est là un peu long, d’autant plus que le personnage s’efface par la suite et n’a pas la récurrence et l’ampleur du Lacenaire du film. Les autres sont vraiment trop courts pour bien caractériser les personnages même si celui de Nathalie est très beau mais peu significatif… On se doute que c’est Baptiste le héro mais son caractère est assez diffus … Son deuxième solo (au deuxième acte) arrive trop tard… En gros, tous ces protagonistes appellent quelque chose de substantiel qui n’arrive pas… Maintenant, si l’on sait cela, alors on appréhende l’œuvre comme un tout, une accumulation plutôt qu’une continuité, et la deuxième vision passe beaucoup mieux.
Les pas de deux sont plus nourris, mais tournent souvent autour de la ballerine et de portés, assez traditionnel en ce sens, ceux entre le comte et Garance un peu à suspens (surtout dans le deuxième acte car on se demande comme elle va lui exprimer qu’elle ne l’aime pas) ; le duel entre le comte et Lacenaire est aussi assez intense. Il est encore là très court même si très fort car souligné parfaitement par une musique tragique et angoissante… la chorégraphie de la colère y est plus lisible aussi… c’est le moment le plus poignant avec le cri du comte à la fin.
Garance et Baptiste ? Quelle frustration mais après tout, c’est le thème du film ! Peut-être si José Martinez avait pris un vrai mime (c’est un métier) pour jouer Baptiste, sans jamais le faire danser, cela aurait dévié les esprits car c’est vrai qu’on se demande sans cesse quand Baptiste va danser !
Les interprètes justement… Evidemment, la deuxième distribution (Bruno Bouché and co) fait un peu bande de potes, c’est très sympa mais il manque quand même un peu de métier (ou plutôt de répétitions car il n’y a rien de difficile et par exemple, Vincent Chaillet caractérise aussi bien Lacenaire que Benjamin Pech) et une distanciation pour donner un peu le piment. Ceci dit, c’est aussi un peu illusoire, qu’un grand nom ferait un ballet car, Les enfants du Paradis, en ne privilégiant vraiment aucun rôle du point de vue de la danse comme du caractère, laisse la part belle à l’osmose de la troupe, et là, ils ont l’air de se faire plaisir sur scène car le ballet est quand même jouissif…
Mathieu Ganio et Mathias Heymann sont un peu justes sur le mime, Mathieu Ganio reste très Pierrot triste, Mathias Heymann plus beauté glacée, Bruno Bouché, plus rond, est peut-être le plus efficace dans ce domaine… mais tous, ils bougent et dansent mieux que Jean-Louis Barrault ne joue et du coup rendent sympathique Baptiste qui dans le film apparaît comme un crétin qui ne mérite que Nathalie !
Le Frédérick Lemaître du ballet est aussi pénible que celui du film, la transposition est là parfaite et malgré toute la maestria des deux autres, j’ai trouvé Josua Hoffalt irrésistible, pas tellement dans sa danse mais dans sa manière d’agir sur scène, ses relations avec les femmes, et son ego surdimensionné au moment des saluts après son ballet lorsqu’il garde le bouquet pour lui !
Muriel Zusperreguy est superbe en Nathalie et Isabelle Ciaravola divine en Garance et surtout son partenariat avec Mathieu Ganio est intense, alors que Mathias Heymann met un certain temps à dégeler Eleonora Abbagnato et d’ailleurs, je ne suis pas certain qu’il y soit arrivé… En tout cas, il garde son pantalon au lit ! Elle semblait plus à l’aise dans son dédain avec le Comte, un Christophe Duquenne qui peut-être est LE danseur du ballet… Bien sûr, le comte n’a pas de variation mais les deux pas de deux avec Garance (surtout au deuxième acte, au premier, c’est un peu anecdotique) et celui avec Lacenaire sont assez marquants. Le personnage a une réelle épaisseur qui manque aux autres soutenue à chaque fois par une musique peut-être un peu imposante mais assez efficace…
Ben voilà, moi qui pourtant ne suis pas très bon public en général, j’ai passé de bonnes soirées, même si une fois dehors, c’est vrai qu’on n’y pense déjà plus… mais comme je ne m’attendais pas à merveille, je trouve que cela ouvre une porte sur autre chose que les ballets classiques et que c’est agréable, car c’est un travail de qualité…
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Ven Oct 31, 2008 12:12 am Sujet du message: |
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De nombreuses photographies d'Agathe Poupeney sur le site FedePhoto (merci Mizuko de les avoir signalées!): Lien vers les photos
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Ven Oct 31, 2008 12:39 am Sujet du message: |
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Vincent Chaillet a remplacé Benjamin Pech ce soir dans le rôle de Lacenaire.
Par ailleurs, nouvelles rassurantes de Bruno Bouché, qui devrait être remis pour la représentation de lundi 3 novembre.
Compte-rendu à venir dans la nuit ou demain pour le spectacle d'aujourd'hui, qui mettait aux prises Eleonora Abbagnato et Mathias Heymann dans les rôles principaux. La ballerine transalpine s'est taillé un joli succès devant une salle manifestement acquise à sa cause. Le Frédérick Lemaître de Josua Hoffalt a également été très apprécié de l'assistance, si l'on en juge par les applaudissements qui ont salué sa prestation.
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Ven Oct 31, 2008 2:08 am Sujet du message: |
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La distribution de ce 30 octobre réunissait, pour nous en tenir aux rôles principaux, Eleonora Abbagnato (Garance), Mathias Heymann (Baptiste), Josua Hoffalt (Lemaître), Vincent Chaillet (Lacenaire), Mélanie Hurel (Nathalie), Caroline Robert (Hermine), Christophe Duquenne (Le Comte de Montray), Aurélia Bellet (La Ballerine) et Charline Giezendanner (Desdémone).
L’entrée en scène d’Eleonora Abbagnato s’est avérée quelque peu déroutante : arrêtée à tort pour le vol d’une montre par deux sergents de ville de belle allure, Audric Bezard et Florian Magnenet, elle se montre une enjôleuse plus sensible au prestige de l’uniforme que véritablement effrayée par la perspective d’une erreur judiciaire...
Cependant, la forte personnalité de Mlle Abbagnato a rapidement emporté l’adhésion. Si certains choix d’interprétation peuvent prêter à débat, la Sicilienne sait habiter le rôle de Garance, lui donner une vraie épaisseur, et ne distille jamais l’ennui. Nous avons affaire à une actrice qui possède un incontestable sens du spectacle, et qui enchaîne les scènes sans aucune chute d’intensité. Ses emportements sont spectaculaires, mais contenus dans les limites du bon goût. La scène de la pension de Madame Hermine, où Fredérick Lemaître délaisse l’opulente logeuse au profit de Garance, était particulièrement réussie, et Mlle Abbagnato et M. Hoffalt forment à la scène un couple très réussi ; le tempérament explosif d’Eleonora Abbagnato a sur son partenaire un effet stimulant, qui le pousse à donner le meilleur de lui-même. Josua Hoffalt, de manière générale, signe d’ailleurs une superbe prestation, campant un acteur-chorégraphe cabotin à souhait ; les saluts qui suivent le «ballet» du second acte, lorsqu’il s’empare sans vergogne du bouquet jeté par de faux spectateurs à l’attention de la ballerine, est un moment d’anthologie. Dans cette même scène, il convient également de souligner le très bon comportement d’Aurélia Bellet, parfaite dans son rôle de star balanchinienne très glamour, qui doit s’accommoder avec stoïcisme de l’ego surdimensionné de Frédérick Lemaître.
A l’entracte, c’est en revanche l’excellente Desdémone de Charline Giezendanner qui aura un peu volé la vedette à Josua Hoffalt : en Othello, Alessio Carbone demeure intouchable.
On attendait évidemment aussi avec beaucoup d’impatience l’apparition de Mathias Heymann, jeune artiste actuellement très en vue à l’Opéra de Paris. Lui non plus n’a pas déçu son public. Si, surtout dans l’ultime scène du Carnaval, il ne paraît pas montrer un empressement excessif à retenir Garance, il n’en n’est pas moins un Baptiste touchant, qui, à l’instar de Mathieu Ganio, a su s’adapter à un rôle de pantomime qui ne lui laissait que peu d’occasions de faire la démonstration de sa virtuosité et de sa technique superlative. On soulignera également le duo charmant qu’il forme avec Mélanie Hurel (Nathalie). Mlle Hurel compose pour sa part un personnage complexe, qui rappelle l’interprétation cinématographique qu’en donnait Maria Casarès. Elle prend tout d’abord des allures de princesse évanescente, née plutôt d’un roman de Walter Scott que d’un mélodrame du Boulevard du Crime. Juvénile et fraîche dans la scène de l’Amoureux de la lune, elle se mue, au second acte, en grande bourgeoise bafouée mais digne.
On louera une fois de plus le remarquable Comte de Montray, brossé de main de maître par Christophe Duquenne, tout à son aise, lui aussi, dans la confrontation avec Eleonora Abbagnato.
Il convient enfin de souligner les talents comiques de Caroline Robert, incarnant une Hermine qui s’inscrit dans la ligne de celle Mlle Bance, ainsi que ceux de Christelle Granier (Pamela) et Charlotte Ranson (Rigolette), boute-en-train pétillants au bal du Rouge-gorge. Seul regret, qui ne ternira cependant pas une soirée dont l’ennui était absent, un corps de ballet masculin toujours un peu désuni dans Robert Macaire.
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nabucco
Inscrit le: 14 Mar 2007 Messages: 1462
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Posté le: Dim Nov 02, 2008 12:44 am Sujet du message: |
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Malheureusement, une deuxième tentative n'a pas amélioré mon opinion sur ce ballet qui me paraît totalement raté, n'ayons pas peur des mots (presque autant que le Proust de Roland Petit, c'est dire). Le seul moment où je ne me suis pas ennuyé est le divertissement au début du IIe acte, qui par ailleurs tue complètement la narration. Pas de personnages, une danse terne et maladroite... et bien sûr, toujours le Traité pratique de Musique d'Ascenseur du sieur Dupin...
La distribution de ce soir était évidemment beaucoup plus satisfaisante que celle que j'avais vue la semaine dernière; mais ses qualités ne faisaient que souligner la pauvreté de la chorégraphie. Tout cela est bien triste!
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Dim Nov 02, 2008 12:58 am Sujet du message: |
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Je vous trouve quand même bien sévère avec la chorégraphie de José Martinez, qui a certes ses faiblesses, mais qui témoigne tout de même d'un réel savoir faire et d'une volonté de construction affirmée. Que l'intermède de Robert Macaire "tue la narration", rien d'étonnant, c'est fait pour. On est dans la logique du "théâtre dans le théâtre", et je pense que José Martinez s'est un fait peu plaisir là, avec ce ballet de style balanchinien.
Quant à la partition, entre le Denis Levaillant de La Petite danseuse de Degas et le Marc-Olivier Dupin des Enfants du Paradis, mon choix est vite fait...
Lorsque les chorégraphes retiennent des musiques "avant-gardistes", comme Abou Lagraa avec Gérard Grisey, les balletomanes poussent des cris d'orfraie, et quand ils préfèrent des compositeurs qui s'en tiennent à une esthétique disons plus "tonale", comme c'est le cas ici, ce sont les mélomanes qui râlent... 
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