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NIKOLAJ HÜBBE invité de Dansomanie

 
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haydn
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MessagePosté le: Mer Nov 14, 2007 10:36 pm    Sujet du message: NIKOLAJ HÜBBE invité de Dansomanie Répondre en citant

Après Flemming Ryberg, c'est Nikolaj Hübbe, actuel Principal au New-York City Ballet, et successeur désigné de Frank Andersen à la tête du Ballet Royal du Danemark, à compter de la saison prochaine, qui est l'invité de Dansomanie, toujours dans la foulée des "Journées Bournonville" qui se sont déroulées à Paris en octobre dernier.







Qu’est-ce qui vous a incité à postuler à la succession de Frank Andersen?

Lorsque j’ai monté la Sylphide en 2005, à Copenhague, dans le cadre du Festival Bournonville, j’ai été très agréablement surpris ; la compagnie répondait bien à mes sollicitations, son attitude était positive, et les gens me sont apparus plus disponibles que quelques années auparavant. Si cette expérience n’a pas été le motif unique de ma candidature à la direction du Ballet Royal du Danemark, elle ne m’a en tout cas pas découragé à postuler, bien au contraire.

En fait, dès l’âge de 26 ans, j’ai touché à la mise en scène ; j’ai été invité un peu partout à travers le monde, et cela m’a permis de voir comment travaillent les autres compagnies. Mais le Ballet Royal du Danemark, c’est la troupe au sein de laquelle j’ai grandi. J’en connais les traditions, et c’est une chance de pouvoir y revenir, après avoir vu les choses d’un œil extérieur.

Je vais par ailleurs mettre un terme à ma carrière de danseur ; c’est une chose qui se fera naturellement, j’ai fait vingt ans de scène, c’est à mon avis suffisant et il est temps pour moi d’arrêter. Ma dernière représentation aura lieu le 10 février 2008, avec le New York City Ballet. Après, ce sera fini.



Quelle politique artistique entendez-vous mener à la tête du Ballet Royal du Danemark?

En tant que danseur, on se fixe souvent des sortes de défis physiques, pour se motiver. Je voudrais m’imposer un défi de même nature pour diriger la compagnie. Mon ambition est d’y introduire une dose d’inconnu, d’aventure. Cela peut évidemment faire un peu peur aux gens ; en même temps, je pense que cela va les intéresser. Néanmoins, je ne succèderai pas à Frank Andersen dans un esprit de rupture. Nous avons tous les deux de fortes personnalités, mais je n’ai pas l’intention de faire la révolution. Ce serait stupide de ma part, et fatal à la compagnie. Le Ballet Royal du Danemark existait avant moi, et existera après moi. Pourquoi, dans ces conditions, vouloir tout défaire?

Bien sûr, comme lors de tout changement de direction, il y aura des nouveautés. Cela se fera progressivement, avec le temps. Si révolution il y a, ce sera une «révolution de velours». En tout état de cause, ma première saison sera largement marquée par l’héritage de Frank Andersen ; ce sera un mélange de tradition et de nouveauté ; j’en ferai l’annonce officielle en mars 2008.



Ferez-vous des «infidélités» à Bournonville?

Frank Andersen a déjà ouvert le répertoire du Ballet Royal du Danemark à d’autres chorégraphes que Bournonville, et a ainsi contribué à élargir les horizons du public et des danseurs. Paradoxalement, c’est comme cela que l’on renforce sa position face à la tradition.

Dans les années 1930, Balanchine a été directeur par intérim du Ballet Royal du Danemark ; il est revenu à Copenhague en 1950, puis encore une fois aux alentours de 1960. Il appartient de la sorte également à la tradition danoise. Il fera donc partie du répertoire de la compagnie, sous ma direction. Pour moi, trois chorégraphes majeurs ont établi de vraies traditions : Bournonville, Petipa et Balanchine. Il y aura également une place pour Jerome Robbins. Ses ballets possèdent une humanité, une sensibilité qui conviendra au Ballet Royal du Danemark, j’en suis sûr. Robbins est d’ailleurs aussi venu à Copenhague dans les années 1950 pour y monter Afternoon of a Faun, et à ce titre, il fait aussi partie de l’histoire de la maison.

Balanchine pour sa part adorait la musique, et de ce point de vue, son approche de la danse est similaire à celle de Bournonville.

Pour les hommes, le style Bournonville est parfaitement compatible avec Balanchine : rapidité et musicalité en sont les caractéristiques premières. «He entertains with steps – That’s why I like Bournonville», disait Balanchine. «Steps for the sake of steps».

Dans les deux cas, les pas ont pour fonction de «propulser» littéralement la musique. Il faut savoir oublier qu’on porte des justaucorps dans Balanchine et des tutus romantiques dans Bournonville ; si l'on fait abstraction de ces différences «vestimentaires», on se rend vite compte que les deux mondes ne sont pas si éloignés. Bournonville et Balanchine sont des «classiques». La plupart du temps, les chorégraphies meurent en même temps que leurs chorégraphes ; pour Bournonville, Petipa et Balanchine, c’est différent, leur œuvre survivra toujours. Ils sont devenus quasiment des archétypes. C’est un peu comme notre architecture actuelle qui, malgré tout, demeure basée sur celle des anciens Grecs, avec pour modèle le Parthénon d’Athènes.

Il y a bien sûr des différences entre Balanchine et Bournonville ; en général, le premier choisissait mieux ses musiques que le second… Par ailleurs, Bournonville n’écrivait que des ballets narratifs, avec une «histoire». Balanchine avait aussi une autre vision de la femme. Chez Bournonville l’homme et la femme sont mis sur le même plan, tandis que chez Balanchine, c’est la femme qui est mise en avant.

Pour les hommes, Balanchine compose des «grands allegro» à la russe, qu’on ne trouve pas chez Bournonville. De manière générale, les variations strictement classiques chez Balanchine sont plus marquées par l’influence russe.

Mais Balanchine n’écrit pas que des ballets pour les femmes : Apollon, Le Fils Prodigue, Donizetti Variation, Agon, Les Quatre tempéraments, Symphonie en trois mouvements, Duo Concertant, Chaconne comportent de grands rôles pour les hommes. On pourrait ajouter à cette liste Square dance, qui renferme l’un des plus beaux soli masculins de tout le répertoire. Bien sûr, à côté de cela, il y a Sérénade, mais il faut vraiment tordre le cou à cette légende selon laquelle Balanchine n’aurait composé que pour la femme.

Bournonville, lui, en effet, valorise plutôt les danseurs masculins – notamment au travers de ses «leçons» ; il n’en reste pas moins que pour l’interprète, l’essentiel n’est pas de briller par des prouesses techniques, mais de rendre justice à l’œuvre ; il faut avant tout être au service de l’action, sinon on n’est plus qu’une pin up ou un sexy boy.

Il y a trois ou quatre ans, j’ai monté un divertissement de Bournonville pour le New-York City Ballet, et je l’ai également fait travailler aux élèves de l’école de danse. C’était une compilation d’extraits du Conservatoire, de Napoli, de Jockey Dance et de la Kermesse à Bruges. J’ai monté La Sylphide au Canada ; la Fête des fleurs à Genzano a aussi souvent figuré dans mes programmes ; cela fait toujours du bien, de retourner à ses racines.

Cela m'a manqué de danser La Sylphide, mais j’ai eu la chance, durant mes seize années de carrière à l’étranger, d’être régulièrement invité à Copenhague, à Rome ou en Allemagne pour incarner James. En revanche, d’autres ballets «à histoire» ne me faisaient pas défaut, et j’ai très bien pu me passer de Roméo et Juliette par exemple. Les deux ballets narratifs que j’aime vraiment sont Giselle et La Sylphide, bien plus que La Bayadère ou Don Quichotte.



Envisagez-vous de reconstituer des ouvrages de Bournonville qui ne figurent actuellement plus au répertoire du Ballet Royal du Danemark?

Reconstruire des ballets de Bournonville? Napoli, La Sylphide, A Folktale sont restés au répertoire et sont marqués du sceau de la tradition. Leur interprétation a évolué naturellement, en osmose avec le temps. On ne peut pas les danser comme en 1930 ou en 1950. Alors, reconstruire des ballets oubliés, sortis du répertoire? Non, cela reviendrait à reprendre des choses sclérosées, qui n’ont pas évolué dans le temps ; je ne souhaite pas me lancer dans des reconstitutions au sens « muséal » du terme, c’est un travail minutieux qui revient aux érudits, aux historiens. En revanche, je peux envisager de me baser sur un ouvrage oublié de Bournonville pour en faire un ballet «contemporain», actuel.


Qu’adviendra-t-il de la tradition des danseurs de caractère, si spécifique au Danemark? Avez-vous vous-même songé à faire une carrière de danseur de caractère?

La tradition des danseurs de caractère au Ballet Royal du Danemark sera bien entendu perpétuée ; peut-être serai-je moi-même tenté par l’expérience, mais, en tant que directeur, on peut difficilement accaparer un rôle qui revient aux danseurs de la compagnie. Il faut être absolument intègre sur le plan artistique ; pour m’inclure moi-même dans une distribution, je devrais pouvoir justifier d’être le seul capable d’apporter quelque chose de particulier, de nouveau à tel ou tel rôle, ce qui est loin d’être évident. Sinon, cela fera tout au plus une bonne «press story»…



Le Ballet Royal du Danemark est aujourd’hui une compagnie de niveau international. Comptez-vous entreprendre des actions pour la faire mieux connaître à l’étranger?

Ferai-je la promotion de la compagnie à l’étranger? Oui, évidemment, mais il faut d’abord que les Danois réalisent eux-mêmes qu’ils ont chez eux un trésor d’une valeur inestimable… Bien sûr, si nous partons en tournée internationale, et que nous obtenons de bonnes critiques, cela contribuera aussi à persuader nos compatriotes de la qualité de la compagnie.

Nous avons énormément de ressources à notre disposition, mais géographiquement, nous sommes un peu à l’écart de l’Europe, contrairement à Paris, Berlin ou Barcelone ; nous devons donc impérativement inviter des gens pour nous faire connaître. Et bien évidemment aussi, partir en tournée.

Il y a cinquante ans le monde était cloisonné, compartimenté, mais les choses ont changé. Cela n’empêche malheureusement pas qu’il y ait des guerres et des conflits politiques ; donc, il est vital que nous ayons des échanges artistiques pour faire progresser la compréhension entre les hommes. Si l'on reste cloîtré dans son jardin, on devient au pire un paria, au mieux un objet de musée.

Réciproquement, il y aura aussi une politique d’invitation d’artistes et de compagnies étrangères. A Copenhague, nous avons trois scènes à occuper, il est donc vital pour nous d’avoir des troupes invitées afin de faire vivre constamment ces lieux. Et ce sera profitable à la fois à notre public et à nos danseurs.


Quels grands danseurs du passé vous ont particulièrement marqué?

Mes «modèles» parmi les grands danseurs du passé? Ib Andersen, Henning Kronstam et Rudolf Nouréev.


Et parmi les artistes du Ballet de l’Opéra de Paris?

Les artistes du Ballet de l’Opéra de Paris que j’admire le plus sont Manuel Legris, mon idole, Nicolas Le Riche et Benjamin Pech. Ce sont des danseurs impeccables, qui ont d’ailleurs eu une carrière un peu parallèle à la mienne.

Benjamin Pech est vraiment incroyable, il y a dans sa danse une ampleur et une dynamique magnifiques.

J’ai dansé avec Manuel Legris au Japon et aux Etats-Unis. M. Legris est un artiste d’une très grande propreté, mais qui ne verse pas dans la perfection ennuyeuse. Il réalise une synthèse parfaite de technique et d’élégance. Manuel Legris, ce n’est pas « que » de la technique, c’est d’abord un danseur de très grand talent.

J’ai par ailleurs beaucoup entendu parler de Mathieu Ganio, mais je ne l’ai malheureusement jamais vu danser.

Je n’ai pas eu beaucoup de partenaires françaises : Isabelle Guérin, avec qui j’avais interprété un programme Robbins (Dances at a gathering et Other dances), ainsi que Sylvie Guillem ; avec elle j’ai dansé Giselle et Don Quichotte quand j’avais vingt ans.


Avez-vous des «regrets» artistiques?

Le rôle que j’aurais voulu danser, et que je n’ai jamais eu? Don José, dans Carmen, de Roland Petit. Quand j’étais enfant, j’avais vu Erik Brühn le faire, et cela m’avait profondément impressionné.




Dernière édition par haydn le Mer Mar 26, 2008 1:53 pm; édité 1 fois
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haydn
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MessagePosté le: Mer Mar 26, 2008 1:53 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Avec beaucoup de retard - je confesse ma négligence - l'interview que nous a accordée Nikolaj Hübbe est à présent accessible dans la rubrique "Entretiens" du site de dansomanie :

www.dansomanie.net/entretiens


Vous y trouverez également l'interview réalisée avec Flemming Ryberg, danseur de caractère au Ballet Royal du Danemark.



Liens directs :



Nikolaj Hübbe, directeur du Ballet Royal du Danemark

Flemming Ryberg, danseur de caractère au Ballet Royal du Danemark


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