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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26517
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Posté le: Mer Jan 23, 2008 10:56 pm Sujet du message: |
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Je pense que beaucoup de gens ont été touchés par ce ballet, qui, avec le recul, apparaît comme tout autre chose qu'une simple œuvre de propagande politique. Si ces représentations avaient eu lieu il y a une quinzaine d'années, il est vraisemblable que le public occidental aurait accueilli Spartacus avec beaucoup plus de réticences, et n'y aurait sans doute vu qu'une apologie de l'homo sovieticus...
Le "kitsch" de certains costumes (les légionnaires) me semble transcendé par la chorégraphie, très solidement construite. La maîtrise de Grigorovitch en matière d'ensembles est évidente, et il faut un corps de ballet d'exception pour arriver à réaliser correctement certaines figures. Je n'y ai pas vu de manques notables, et je pense que beaucoup d'autres que moi ont fait la même constatation.
Maintenant, je vous concède volontiers, Goldmund, que l'on ne regarde pas du même œil une compagnie que l'on voit occasionnellement, dans un répertoire auquel on est peu habitués. L'attrait de la nouveauté compte évidemment aussi.
Là où je ne vous rejoins en revanche pas du tout, c'est lorsque vous réduisez Carlos Acosta à un "très bon technicien". Il l'est, certes, mais il est aussi bien plus. Sinon, Spartacus serait effectivement ennuyeux comme la pluie...
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3559
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Posté le: Jeu Jan 24, 2008 12:16 am Sujet du message: |
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euh oui, moi aussi je m'étrangle un peu en lisant Acosta réduit au rang de très bon technicien... C'est avant tout, comme l'a dit Haydn plus haut, son charisme incroyable et son interprétation très humaine qui ont permis à ce spectacle d'être autre chose qu'un numéro de cirque.
Pour le côté kitsch et la chorégraphie, chaque soir je démarre comme vous, Goldmund, ces décors et costumes "Astérix" me font sourire. Il est vrai que la musique de la première scène n'arrange pas les choses (heureusement après la partition devient vraiment intéressante).
Mais chaque soir aussi, passés les 15 premières minutes, ça y est, je me laisse prendre par l'émotion. Dans mon entourage on est plusieurs à avoir observé le même phénomène, cette émotion que l'on a du mal à expliquer si ce n'est par l'interprétation très profonde que donnent Acosta, Bolchkov, Allash et Kaptsova.
Pour l'aspect propagande, je doute : c'est tout de même une histoire qui se termine mal pour l'esclave révolté... à moins que le pouvoir soviétique -Crassus- ait voulu donner le message "si vous vous révoltez contre moi -Crassus- voilà ce qui vous attend, vous les Spartacus révoltés" ??
Toujours est-il que si propagande il y a elle semble bien loin, et la force de cette chorégraphie est justement d'avoir bien d'autres choses à raconter. Concernant la qualité de cette chorégraphie, après avoir eu une impression de "déjà vu" samedi soir (Béjart, Petit, Robbins, principalement), en visionnant diverses versions antérieures à celle de Grigorovitch j'ai compris la rupture qu'il avait apporté à la danse de son époque.
Et puis peu importe, quelle émotion, quelle émotion !!!
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Jeu Jan 24, 2008 12:26 am Sujet du message: |
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Je comprends tout à fait que l'on puisse ne pas adhérer à un ballet comme Spartacus, ou du moins l'apprécier modérément. Par ailleurs, si une telle oeuvre, qui vise avant tout l'effet spectaculaire, ne présente pas des interprètes à la hauteur, elle perd beaucoup de son intérêt et de son pouvoir de fascination. Dans le cas de Spartacus, la performance ne repose pas non plus que sur le rôle-titre. Néanmoins, ces remarques s'appliqueraient aussi, à mon sens, au Lac des cygnes ou à n'importe quelle oeuvre "classique".
Pour en revenir au ballet de Grigorovitch, je crois qu'il faut, pour l'accepter comme une oeuvre d'art à part entière, le replacer dans l'histoire de la danse russe et aussi dans l'esthétique d'une époque. On le fait bien dans d'autres disciplines artistiques - la peinture, la littérature, la musique... -, je ne vois pas pourquoi il faudrait s'abstraire du contexte, sous prétexte que l'on a affaire à du ballet, car lui aussi a une histoire, liée qui plus est aux autres arts (notamment en Russie). On ne peut pas non plus en juger seulement à l'aune des productions léchées qu'on voit, par exemple, à l'Opéra de Paris, il s'agit là d'un tout autre style (esthétique, chorégraphique...). Après, il est bien évident que toutes les oeuvres du passé ne se valent pas, que certaines "vieillissent" mieux que d'autres (encore que cela soit très relatif, et pardon pour le lieu commun), nous touchent davantage pour des raisons x ou y, etc... Par ailleurs, Grigorovitch n'a pas inventé Spartacus, il a repris un drame-ballet créé au Kirov (par Léonid Jakobson, je crois) en éliminant une grande partie de la pantomime pour chorégraphier un ballet visant à exalter la virtuosité masculine, notamment au travers des sauts et des portés athlétiques. Cette nouvelle chorégraphie est aussi à mettre en relation avec les valeurs héroïques développés par le livret du ballet et incarnés par les personnages (dont nul ne niera évidemment la dimension idéologique qu'elle avait à l'époque de la création).
J'ai parlé plus haut de "cirque" (et pas forcément pour filer la métaphore romaine) en matière de plaisanterie et sans volonté de critique. Il n'empêche, ce côté "grand spectacle" assumé, plein de bruit et de fureur, et quand même un peu vulgaire, est une dimension esthétique indéniable de Spartacus... (peut-être la seule pour certains, mais bon...) Ce n'est évidemment pas Giselle ou Le Lac des cygnes! La chorégraphie de Grigorovitch, pour autant, ne me semble pas n'importe quoi. L'oeuvre est construite de manière très rigoureuse, l'anecdotique est gommé au profit des aspects symboliques de l'histoire, et le kitsch, certes présent au travers des costumes notamment, me semble très secondaire dans une scénographie qui apparaît plutôt très épurée (et de ce point de vue très moderne, au moins pour l'époque). Tout est mis au service de la logique tragique, avec une montée en puissance d'acte en acte, une tension de plus en plus palpable, et de ce point de vue, la chorégraphie est d'une grande habileté, sachant jouer de ses effets de sidération sur le spectateur, grâce à un sens aigu du crescendo dramatique. C'est ce qui me semble survivre de l'oeuvre aujourd'hui, le contexte politique et idéologique n'étant plus vraiment d'actualité...
Spartacus est une oeuvre emblématique non pas tant de la danse russe en général (un domaine bien trop large) que du répertoire et du style du Bolchoï (il serait évidemment stupide d'attendre une performance de même niveau de la part des danseurs de l'Opéra qui n'ont ni le style ni le physique pour ce type de chorégraphie, car tout simplement, ils ne sont pas formés pour cela) et très honnêtement, qu'on aime ou pas le ballet lui-même, je ne vois pas ce qu'on peut sérieusement reprocher aux danseurs sur l'ensemble de ces quatre représentations parisiennes (et Acosta est quand même autre chose qu'"un très bon technicien"). Personnellement - je précise cela sans aucune fierté particulière à l'égard de qui que ce soit (ce serait bien ridicule!) -, je n'ai pas découvert le Bolchoï ce mois-ci à Paris et j'ai vu à plusieurs reprises cette compagnie dans divers ballets. Tout cela pour dire que l'attrait de la nouveauté et de l'exotisme (qui me semble plus souvent jouer dans l'autre sens, celui du dénigrement) ne s'applique pas tout à fait au jugement (avec ses limites) que je peux porter sur cette compagnie. Connaissant à présent (un peu) quelques solistes et le corps de ballet, je ne pense pas du tout que tout soit parfait au Bolchoï (et ils ont très certainement aussi leur lot de représentations "plan-plan" comme chez nous), qu'il n'y ait pas de réserves à émettre sur tel ou tel point (c'est là l'objet d'un autre débat, et par ailleurs, j'ai déjà écrit que je préférais un autre style de danse, incarné par le Mariinsky, enfin, tout dépend dans quoi, mais bref, peu importe...)..., mais en même temps, si les danseurs du Bolchoï ont tellement touché les spectateurs parisiens (enfin, il me semble, car des ovations comme on en a entendu ce mois-ci, jamais, vraiment jamais, on ne voit ça le reste du temps), c'est par leur attitude scénique, leur bonheur manifeste de danser, leur générosité avec le public. Ils sont très, très forts techniquement (après, on peut évidemment ne pas apprécier ce style explosif, pas aussi académique et policé qu'au Mariinsky) - filles et garçons -, ils ont envie de danser, ils se donnent entièrement, et le public reçoit cette émotion particulière qui vient de la scène. Alors oui, - restons au cirque -, que demande le peuple?...
Dernière édition par sophia le Jeu Jan 24, 2008 12:44 am; édité 1 fois |
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goldmund
Inscrit le: 24 Sep 2006 Messages: 34
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Posté le: Jeu Jan 24, 2008 12:40 am Sujet du message: |
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merci de vos réponses trés intéressantes, je ne cherche pas à argumenter car j'ai bien conscience de ne pas être vraiement à la hauteur en critiquant un ballet.
Je ne voulais pas ramener Carlos à un trés bon tecnhicien uniquement, il a en effet une belle et émouvante présence scénique, et je suis aussi d'accord sur le fait que l'émotion croit dans la soirée.
Je n'ai sans doute pas assez de recul ni de références pour avoir pu apprécier la part de beauté de ce ballet en faisant abstraction de ce qui est désuet ou insuffisant.
Mais il y a 1 an, j'ai vu pour la première fois Gisèle à Garnier, et là, j'ai trouvé cela sublime...
Bonne soirée
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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akhmatova
Inscrit le: 27 Mar 2007 Messages: 341
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Posté le: Jeu Jan 24, 2008 1:24 am Sujet du message: |
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Lundi, je me suis rendue à l'opéra avec trois jeunes personnes, deux garçons de 19 ans et un autre (russe ) de 13 ans. Aucun d'eux n'a vu de ballet de sa vie, les deux de 19 ans ont vu des bribes de DVDs chez moi, assez pour les séduire et éveiller leur curiosité. Le plus jeune est venu avec sa mère d'office.
Je vous donne leur réactions en vrac.
Après le premier acte : les deux adultes : rassurez nous ce n'est pas fini ? le plus jeune : je n'ai pas pu dormir. Après le 2ème acte, les deux premiers : que vont-ils faire de plus, on est à un tel niveau d'émotion, et le petit d'enchainer : je n'avais pas, pas du tout envie de dormir. Durant le troisième acte, j'ai pu glaner un main au niveau des yeux, des corps tendus vers la scène. En discutant après avec les 2 jeunes personnes, j'ai été étonnée d'entendre leurs remarques pertinentes sur le style, la construction de l'émotion et la qualité des danseurs. J'ai posé directement la question sur l'aspect kitch, désuet etc etc, Rien à faire, ils étaient sous le charme , de la musique, de la chorégraphie et des danseurs, solistes comme la troupe. Ils ont même constaté une certaine raideur chez Antonicheva.
Personnellement, je ne crois pas pouvoir obtenir une telle adhésion à cet art avec un spectacle mouture Opéra de Paris, sous l'égide de Mme Lefevre et Mr Mortier, aussi moderne soit-il.
La modernité et la sophistication en soi ne garantissent rien. Quand on est devant un grand spectacle, cirque ou pas cirque, un spectacle total qui réunit la composition, les talents et l'énergie, on n'a pas besoin d'être un historien de l'art, du ballet, ou de la musique. Tout cela vient après, et ne fait qu'augmenter le plaisir par un plaisir intellectuel. Mais d'abord, il y a le plaisir quasi primaire, et celui là est immédiat, viscérale. Spartacus est de ces spectacles. En prime, il a été servi par de grands artistes et une excellente troupe. L'orchestre en moins, et oui les cuivres sont toujours défaillants.
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Glinka !
Inscrit le: 15 Sep 2007 Messages: 84
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Posté le: Jeu Jan 24, 2008 4:37 am Sujet du message: |
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Goldmund a écrit: |
J'ai assisté hier soir à la dernière et j'ai passé un bon moment tout en trouvant cela ...un peu ridicule. Principalement le corps de ballet lui même, on aurait dit des légionnaires d'Astérix. Avec les costumes et les décors carton pate, j'ai trouvé que cela faisait patronage. |
Bien que j'aie un peu de mal à saisir si vous avez persisté dans le sentiment du ridicule ou si votre émotion a crû au fil de la soirée, je me permets :
a) de vous contredire : vous n'êtes certainement pas -comme vous l'affirmez- un "âne bâté" (de Foix -d'ailleurs vous n'êtes sans doute pas Ariégeois) !
b) de vous approuver : vous avez raison !
Des Romains armés du glaive et du bouclier, c'est kitsch et ça fait rire ! On ne fait pas mieux comme antiquité ! À l'opéra il y aurait effectivement de quoi huer. Pourquoi pas Orphée en chiton et pallium ! Ça serait pratique tiens ! pour rouler chez Monteverdi en scooter, le véhicule à la mode des jeunes gens de l'époque -comme on l'a vu sur scène la saison passée.
D'ailleurs, Goldmund, vous qui avez « découvert l'univers du ballet » (ce sont vos mots) le lundi 10 octobre 2006 et qui demandiez ici, l'avant-veille de la découverte, ce que signifiait le schéma du défilé et s'il se faisait toujours sur la marche des Troyens, souvenez-vous -justement- des Troyens à Bastille : épée ? Foin du kitsch ! De l'historique : de la Kalachnikov ! Giulio Cesare (un Romain) au TCE ? Kalachnikov ! Ici : des glaives ! Mais le public de Garnier n'a pas hué. Il a applaudi. Il a fait une ovation à la nouveauté. Des Romains portant casque à la romaine, c'était nouveau.
Sinon, j'abonde tout à fait dans le sens de Haydn*. Enlevez Acosta, Matvienko, Lunkina, Allash, Shipulina, Kaptsova, enlevez le Bolchoï, la scène et les fauteuils, et vous verrez : Spartacus ? Ennuyeux comme la pluie !*
*****
*Je ne le suivrai pas pour le talent de Grigorovitch. Un intervenant a d'ailleurs nié sinon son talent, du moins sa grandeur. Grigorovitch n'est venu saluer que le soir de la première. Un grand chorégraphe vient se faire applaudir tous les soirs. C'est à ça qu'on le reconnaît.
*Mais je le suivrai sur l'apologie : Le Lac des cygnes il y a trois ans (Châtelet, Mariinsky) : apologie plutôt mal reçue du cygnus sovieticus. Or le temps estompe l'apologie. Il y a effectivement de quoi dire un grand Спасибо au temps qui a passé...
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Jeu Jan 24, 2008 6:55 pm Sujet du message: |
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Sur fond de tournée parisienne, le Bolchoï triomphe à Londres et reçoit trois récompenses aux National Dance Awards, décernés par le Critics' Circle (meilleure compagnie de danse, meilleure danseuse: Natalia Ossipova, meilleur début: Ivan Vassiliev).
Un petit reportage sur Vesti, en version anglaise: http://www.vesti.ru/videos?cid=2&vid=119619
On y voit notamment A. Iksanov, directeur du Bolchoï, et N. Ossipova. Ivan Vassiliev dansait à Paris.
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Silk
Inscrit le: 01 Déc 2006 Messages: 165
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Posté le: Jeu Jan 24, 2008 7:11 pm Sujet du message: |
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Tout a été ( et très bien ! ) dit par chacun d'entre vous au sujet de SPARTACUS. Je voudrais juste ajouter un avis personnel...
Ayant eu la chance de voir les interprètes d' "autrefois" , j'ai été absolument emballée par la prestation d'Alexandre VOLCHOV en Crassus, moi qui pensais que le créateur du rôle Maris LIEPA était inégalable... Certes, Maris LIEPA avait sans doute encore plus de puissance technique que Alexandre VOLCHOV mais ce dernier a donné plus de relief au niveau de l'interprétation. Je ne suis pas prête d'oublier son regard absolument halluciné quand il est entré en scène, un regard qui évoquait immédiatement quelque empereur romain proche dela folie.
Quel remarquable (jeune) danseur ! Son jeu était d'une subtilité et d'une profondeur que je n'aurais jamais pu soupconner dans ce rôle.
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3559
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Posté le: Jeu Jan 24, 2008 7:16 pm Sujet du message: |
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je suis tout à fait d'accord avec vous, Silk.
Mardi comme samedi j'ai eu le sentiment que ce Crassus de très haut niveau était pour beaucoup dans l'alchimie inoubliable de ce spectacle. Depuis j'ai parcouru le site Y... pour voir ses performances dans d'autres ballets, et eu confirmation qu'il est un artiste extraordinaire !
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Michel
Inscrit le: 06 Avr 2004 Messages: 23 Localisation: Moscou
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Posté le: Jeu Jan 24, 2008 10:52 pm Sujet du message: |
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Ekaterina Krysanova and Natalia Osipova are the first soloists now. Nelli Kobakhidze, Anna Rebetskaya, Vitaly Biktimirov, Vyacheslav Lopatin and Denis Savin are promoted to soloists.
It was announced today at Bolshoi’s site .
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Michel
Inscrit le: 06 Avr 2004 Messages: 23 Localisation: Moscou
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