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Nouvelles du Royal Ballet / News from the Royal Ballet
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sophia



Inscrit le: 03 Jan 2004
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MessagePosté le: Mar Jan 17, 2023 5:23 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Quand je l'ai vu au RB (ce devait être avec Cojocaru), La Sylphide était couplé avec Ballo della Regina. Et j'insiste, la production de Kobborg est très riche.
J'ai un souvenir extraordinaire de cette soirée.


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Katsu



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Messages: 1312

MessagePosté le: Mar Jan 17, 2023 8:20 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je trouve au contraire qu'un ballet très court est plus susceptible d'attirer le grand public qu'une Sylvia.
Je dois me tromper au vu du témoignage de paco.


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paco



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Messages: 3547

MessagePosté le: Mar Jan 17, 2023 11:24 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Sylvia avait fait le plein, Coppélia aussi. Et les commentaires sur les réseaux sociaux britanniques étaient plutôt du genre "ça nous change de Casse-Noisette, dommage que ce ne soit pas repris plus souvent".

Mais peut-être que la production de la Sylphide sera reprise, je ne sais pas quels sont les projets pour les prochaines saisons.


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CatherineS



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Messages: 1487

MessagePosté le: Mer Jan 18, 2023 4:22 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Perso, je préfère Sylvia ou Coppélia à la Sylphide Bournonville, ballet bien trop court à mon goût. Je préfère de très loin la version Lacotte.
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paco



Inscrit le: 28 Oct 2005
Messages: 3547

MessagePosté le: Mer Jan 18, 2023 5:35 pm    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai vu trois fois la Sylphide (une fois ONP, 2 fois ENB). J'ai trouvé ce ballet assez difficile d'accès comparé aux autres grands classiques. Pour un public néophyte il n'y a pas vraiment d'occasions d'accrocher : ni un "tube" musical, ni de grands Pas de deux ou variations qui "marquent". Et surtout un synopsis assez dilué, sans réelle tension dramatique.

En comparaison, Sylvia et Coppélia sont plus faciles. D'une part, tous deux reposent sur des partitions gorgées de "tubes" (au ROH le solo avec pizzicato de Sylvia ne manque jamais de provoquer des bruissements de satisfaction dans le public, genre "je connais", pareil pour la Mazurka de Coppélia Un peu l'équivalent de la Danse des petits cygnes dans le Lac). D'autre part, la construction dramatique de ces ballets est plus "évidente", elle ménage les montées en tension, alterne moult ensembles et variations qui marquent les esprits. Je trouve que ce sont des ballets plus "narratifs". Bref, pour un spectateur peu spécialiste du ballet il est plus facile d'y trouver des repères et d'accrocher.


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CatherineS



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MessagePosté le: Mer Jan 18, 2023 6:02 pm    Sujet du message: Répondre en citant

La seule musique à laquelle j'accroche sans problème c'est la danse écossaise à la fin du premier acte !
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paco



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Messages: 3547

MessagePosté le: Ven Fév 10, 2023 7:20 pm    Sujet du message: Répondre en citant

La date des adieux de Laura Morera au Royal Ballet est fixée au 17 juin, dans le 3e acte d'Anastasia.
Mais ses véritables adieux se feront lors de la tournée au Japon qui suivra la semaine suivante, dans A Month in the country.

Laura Morera continuera cependant de faire partie de la compagnie, comme coach pour les reprises de ballets de McMillan.


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paco



Inscrit le: 28 Oct 2005
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MessagePosté le: Dim Mar 12, 2023 2:56 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Quelques impressions de la reprise de Woolf Works, actuellement à l’affiche du ROH. Il s’agit de la 2e reprise de ce ballet en 3 actes de McGregor, créé en 2015 et déjà repris une première fois (avec captation cinéma) en 2017. J’avais beaucoup aimé cette œuvre à sa création et m’en étais fait l’écho, et je me souviens que même les plus averses au style de McGregor avaient aimé la captation cinéma de 2017.

J’ai trouvé intéressant de retourner voir ce ballet, huit ans après sa création et dans deux distributions en partie renouvelées. C’est à ces reprises que l’on voit la profondeur d’une œuvre et si elle peut s’inscrire durablement au répertoire d’une institution (dans cet esprit, j’ai toujours regretté que l’ONP ait remisé aux oubliettes le petit chef-d’œuvre que fut Wuthering Heights, j’espère que José Martinez le ressortira des cartons).

J’ai assisté à deux distributions ce samedi (dont la première alignait rien moins que 6 Principals, et quels Principals !) : Ferri/ Bracewell/ Naghdi/ O’Sullivan/ Hayward/ Kaneko/ Magri/ Sissens/ Richardson en matinée ; Osipova/ Clarke/ Hamilton/ Gasparini/ Buvoli/ Tonkinson/ Dias/ Edmonds/ Dixon en soirée.
A l’issue de ces deux représentations, mon sentiment est que Woolf Works est définitivement une œuvre splendide, source de multiples interprétations. Un ballet particulièrement émouvant, touchant, percutant, qui réussit un équilibre parfait entre narratif et symbolisme. Deux représentations saluées par une standing ovation d’une salle comble, deux interprétations si différentes, deux fois trois heures de tension émotionnelle, de visuels fascinants, et de danse superlative.

Woolf Woks fut le premier ballet narratif de McGregor écrit pour le Royal Ballet au début du mandat de Kevin O’Hare. Le suivant fut Dante, en co-production avec l’ONP – et que l’ONP verra ce printemps. Woolf Works est une réussite incontestable. Il s’agissait d’un tournant majeur dans le parcours de McGregor, qui s’essayait au ballet narratif et s’était efforcé d’écrire pour les effectifs d’une « compagnie de ballet » (les élèves de la RB School étant également sollicités au 3e acte), et pas uniquement, comme souvent en danse contemporaine, pour quelques solistes choisis.

La grande réussite de ce ballet est son approche d’ « art total » : l’harmonie entre la chorégraphie, les créations visuelles absolument fascinantes du scénographe, et la partition musicale envoûtante, créent une alchimie qui maintient le spectateur constamment en haleine : passant de moments puissamment émotionnels (les évocations de la jeunesse de Virginia Woolf, puis sa mort ...) à des parenthèses virtuoses où défilent des images fascinantes (travail extraordinaire de reflets de lasers sur des écrans de fumée, créant des velums artificiels au-dessus de la tête des spectateurs – au parterre, tandis qu’à l’amphi on a la sensation d’être au-dessus de nuages d’un bleuté glacial ... Le tout envoûté par une partition musicale qui crée une tension continue – orchestre du Royal Ballet au grand complet, amplifié pour créer des couleurs électro très en phase avec ce que l’on voit-.

L’autre réussite est d’avoir réussi à créer une écriture « narrative » (que l’on connaisse ou non l’œuvre de Virginia Woolf, que l’on ait lu le synopsis ou non, on comprend ce qu’il se passe devant nous), tout en évitant le littéral-pantomime, et réussissant à raconter de façon symbolique les sentiments et les tensions psychologiques des personnages par des ensembles, des éclairages, des mouvements du corps sans cesse renouvelés et en accord avec la profondeur du propos. On est à la fois ébahi par les moments de virtuosité électrique (à la limite de ce qu’un corps humain peut débiter comme virtuosité des bras, jambes, mains, visages, dos ...), émerveillé par certains visuels d’une beauté magique (l’effet laser-fumée du 2e acte), hypnotisé jusqu’à la nausée par cet océan du 3 acte, dont les vagues se meuvent avec une lenteur extrême tandis que Virginia Woolf se meurt devant nous. Beaucoup d’émotion, de fascination, de tension.

Agée de 51 ans à la création en 2015, à l’époque on disait « mais comment fait-elle ? » ... eh bien c’est désormais à presque 60 ans qu’Alessandra Ferri reprend le rôle de Virginia Woolf !! En 2015 on parlait de miracle, aujourd’hui on ne sait plus que dire devant la juvénilité de ce corps (des six o’clock à 60 ans !!!), cette technique d’une trentenaire (si le premier acte est relativement « facile » pour le personnage principal, le 3e acte est en revanche un quasi-solo de 35 minutes d’une grande difficulté, à l’écriture dans la lignée d’un McMillan), cette présence magnétique. La Virginia d’Alessandra Ferri est spectrale. La douleur qu’elle exprime, tantôt lyrique tantôt lugubre, fascine par la beauté des mouvements. Standing ovation et fleurs ... Lors des World Ballet Day d’octobre, chaque année on voit Ferri à la barre dans le studio du RB, avec l’humilité d’un membre du corps de ballet. Eh bien on en voit aujourd’hui le résultat : une danse toujours aussi fluide, maîtrisée, presque « facile ». A quand une nouvelle prise de rôle au Royal Ballet ?

Mais la grande question, à l’issue de la matinée, était : mais ce soir, après Ferri, que pourra bien faire Natalia Osipova dans ce rôle ? Eh bien, et c’est à cela que l’on voit à la fois le génie d’Osipova et la profondeur de Woolf Works : ce fut tout autre chose, et tout aussi fascinant, magistral, extra-ordinaire. Osipova s’investit dans le rôle avec son engagement dramatique – quasi expressionniste- habituel, n’hésitant pas à ce que son visage exprime une forme de laideur dans les passages douloureux. Là où la Virginia de Ferri est spectrale, presque fataliste, celle d’Osipova est désespérée, révoltée. Son troisième acte est scotchant dans l’alternance entre rébellion et douleur, elle se consume dans une ultime éruption volcanique. Sa danse est comme d’habitude superlative, mais pour elle comme pour Ferri on n’y pense plus, tant elle transcende la difficulté technique par l’interprétation qu’elle vit jusqu’au plus profond de sa chair. Dans les messages qu’elle poste sur Instagram, on comprend qu’Osipova est émotionnellement marquée par ce rôle. Cela se ressent dans son interprétation, tout particulièrement au 3e acte, où le désespoir qu’elle insuffle à sa danse est particulièrement impactant et hypnotisant. Une interprétation anthologique. Aux saluts Reece Clarke l’ayant poussée vers l’avant-scène pour qu’elle recueille sa propre ovation, il s’est alors produit ce que j’ai rarement vu au Royal Ballet : tous les danseurs sur le plateau l’ont spontanément applaudie, comme un hommage admiratif.

Les distributions des autres rôles ont elles aussi permis de voir deux interprétations différentes de l’œuvre : à la juvénilité solaire, irrésistible de Reece Clarke (et à sa puissance élégante de grand félin), le miroir en matinée fut la présence sculpturale, magnétique de William Bracewell, parfaitement en harmonie avec la Virginia spectrale de Ferri.
En soirée, Melissa Hamilton s’est emparée du deuxième acte (où le rôle qu’elle danse est écrasant) de façon phénoménale : énergie, virtuosité, présence de feu : elle a littéralement embrasé le plateau.
En matinée, c’est Joseph Sissens qui a mis le feu au premier acte, avec des toupies d’une rapidité surréaliste et, surtout, un charisme irrésistible.

Je pourrais souligner, rôle par rôle, les différences d’interprétations entre les deux distributions (il est évident qu’entre Laetitia Dias et Mayara Magri, aux personnalités si fortes et si différentes, le troisième acte ne fut pas le même), mais il y en aurait encore pour des pages et des pages. C’est en fait cela qui m’aura le plus enthousiasmé dans ces deux représentations : McGregor a réussi à retranscrire en ballet toute la complexité de l’œuvre de Virginia Woolf, y permettant de multiples interprétations. Comme une Giselle ou un Lac, cette œuvre s’inscrit dans la lignée des chefs-d’œuvre où les interprètes peuvent constamment créer leur propre approche des personnages. Il faut maintenant souhaiter que la complexité des systèmes de droits n’empêcheront pas à d’autres compagnies superlatives de s’emparer de cette œuvre. Jusqu’à présent, seule la Scala a programmé ce ballet.


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Alexis29



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Messages: 1243

MessagePosté le: Sam Mar 25, 2023 2:03 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Interview de Laura Morera, principal et muse du très regretté Liam Scarlett.

https://www.youtube.com/watch?v=FPARZnF2Uwc


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Katharine Kanter



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Localisation: Paris

MessagePosté le: Sam Mar 25, 2023 4:21 pm    Sujet du message: Laura Morera Répondre en citant

That woman is the real McCoy.

"All Cash, no Flash" as our American, er "friends" might say.

The tremendous advantage of being neither beautiful, nor even pretty, nor having what is called "a beautiful bod", is that one has to actually think about everything one does.

The beauty is in the Movement.

Leslie Collier was the same type of dancer - all quality, no fakery.

The Interview Mr. Alexis links to is extremely moving.

She talks about Liam Scarlett, and also, about how it was classical music that set her on the path.

(BTW, she speaks English perfectly, and slowly enough for those who don't understand the language that well.)

Lucky those who will have her as an instructor.


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chien en peluche



Inscrit le: 29 Oct 2011
Messages: 1873

MessagePosté le: Sam Mar 25, 2023 6:59 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Quoiqu'un peu tardivement, merci beaucoup, paco, pour votre compte-rendu si intéressant que je viens de commander un DVD de Woolf Works. Quant à The Dante Project, j'en ai reçu un, avec deux autres DVD du RB, aujourd'hui😊


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sophia



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Messages: 22085

MessagePosté le: Lun Avr 17, 2023 4:30 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Répétition de La Belle au bois dormant ce soir à 20h30 : https://www.youtube.com/live/hYYUSb0wX3k


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paco



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Messages: 3547

MessagePosté le: Mar Avr 18, 2023 11:37 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Ce soir, avant le début de la représentation du ballet Cendrillon, Kevin O'Hare est venu devant le rideau prononcer un discours afin de célébrer les 40 ans de carrière du chef machiniste du ROH. Ovation du public, discours plein de sensibilité.

A la fin de la représentation, Yasmine Naghdi est allée chercher ledit chef machiniste, qui est venu saluer sous les ovations et tapements de pieds du public, tandis que Kevin O'Hare lui apportait un magnum de champagne sous les applaudissements des musiciens de l'orchestre et des danseurs réunis sur le plateau.

Le ROH est vraiment une institution unique. Quel théâtre au Monde transmet à ce point cet esprit de "grande famille", invitant le public à partager ces instants et à faire partie, lui aussi, de la maison ?

Concernant cette nouvelle production de Cendrillon - oui il s'agit bien d'une nouvelle production : c'est toujours la chorégraphie de Ashton, mais décors et costumes sont totalement nouveaux et n'ont rien à voir avec la production précédente-, je reviendrai dessus après avoir vu les deux autres distributions (ce soir c'était Naghdi-Ball-Magri, demain Kaneko-Bracewell, et début mai je verrai Osipova-Clarke).

Spontanément, trop de pluie d'étoiles dorées, trop de meringues, trop de bonbons et flocons à mon goût, cela m'a paru davantage un goûter d'anniversaire dans le Midwest américain qu'un ballet de Prokofiev à la sauce british ... Mais vu la quasi-unanimité de louanges de la presse à l'égard de cette nouvelle production, je me dis que je suis sans doute passé à côté de quelque chose, et que certainement la personnalité qu'y mettra Osipova me fera changer d'avis Very Happy
(Naghdi est tellement parfaite à tous points de vue que 1/ à côté d'elle Nunez paraîtrait presque une débutante, 2/ sa Cendrillon finit par être glacée, trop parfaite justement. Au point que Magri, dans le rôle de la fée, m'a beaucoup plus touché).


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paco



Inscrit le: 28 Oct 2005
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MessagePosté le: Jeu Avr 20, 2023 2:01 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Retour sur les deux représentations de Cendrillon auxquelles je viens d’assister (en attendant une troisième, cette fois avec Natalia Osipova, début mai).

Je ne connaissais pas la Cendrillon de Frederik Ashton, c’est donc une découverte pour moi. Il s’agit par ailleurs d’une production entièrement nouvelle : nouveaux décors, costumes, effets vidéo. Je suis assez partagé quant à mon ressenti final, mais d’emblée je précise que la qualité du spectacle était superlative : compagnie au sommet de sa forme, orchestre absolument remarquable, solistes fantastiques les deux soirs.

La chorégraphie en tant que telle est monstrueusement difficile, probablement la plus complexe qu’Ashton ait écrite, plus encore que Sylvia. Les mouvements ne s’arrêtent jamais : jambes, pieds, bras, visages, mains, doigts, poignets, tout est constamment en action, sans aucun répit, comme si Ashton avait voulu transcrire en mouvement la moindre double-croche de la partition. Les danseurs sont ainsi soumis à une tension permanente (mémoriser la multitude de gestes dont chacun revêt ses propres spécificités dans les détails), à laquelle s’ajoute une difficulté technique qui atteint parfois des paroxysmes incroyables, comme lorsque Cendrillon est amenée à descendre un escalier sur pointes, le Prince la tenant à peine du bout des doigts (l’Adage d’Aurore, à côté, c’est du pipi de chat !). Je m'étonne d'ailleurs que cette descente ne soit pas devenue culte, elle est inédite (jamais vu cela dans ma vie de ballettomane).

Le corps de ballet (à effectif assez réduit en comparaison des grands Tchaikovski) est tout autant sollicité dans la difficulté, à laquelle s’ajoute la complexité de la mise en place : non seulement il s’agit, à plusieurs occasions, de lever les deux bras en V tout en étant à l’équilibre sur pointes sans aucun soutien de quelque partenaire, mais en plus il faut que ces bras levés en V soient parfaitement alignés dans la diagonale des autres danseurs, et que le geste de ce V soit exécuté sur une double-croche de l’orchestre, le tout ensemble, en parfaite synchronisation ... Good luck ! (Et les merveilleuses artistes du Royal Ballet y parviennent avec un naturel incroyable, comme si c’était facile pour elles ...).

Je n’ai pas vu la dernière reprise, celle de 2011 dans l’ancienne production : cependant, quand je vois la difficulté et la complexité de cette chorégraphie, je n’imagine pas la compagnie, dans l’état où elle était à l’époque (je parle du corps de ballet), capable de réaliser les prouesses que j’ai vues ces soirs-ci. Du coup je ne sais pas si la production de cette saison est un retour aux sources de la chorégraphie originale la plus exigeante (j’oserais presque dire « cruelle »), ou si elle a toujours été comme ça (auquel cas je pense que le résultat ne devait pas être aussi réussi il y a dix ans).

Ceci mis à part, cette production m’a semblé assez bancale dans sa conception dramaturgique. En cause, une approche où « tout le monde il est gentil », qui ne permet aucune tension théâtrale. Ainsi, les sœurs sont drôles et ridicules – comme c’est le cas dans la plupart des versions de Cendrillon-, mais nullement méchantes, et le père de Cendrillon est si gentil qu’il lui prodigue des câlins à tout bout de champ. Cendrillon elle-même n’apparaît pas du tout malheureuse (en dehors de la nostalgie du souvenir de sa mère), ni maltraitée. Lorsqu’elle est interprétée par Yasmine Naghdi, la perfection totale (technique, stylistique) de celle-ci en fait quasiment une princesse dotée d’une totale assurance dès le début ... Fumi Kaneko exprime davantage de fragilité humaine, mais quand même, les situations mises en scène par Ashton, tantôt cocasses tantôt pleines de bienveillance entre les individus, ne permettent aucune compassion ni tendresse envers ce qui devrait être « la pauvre Cendrillon malheureuse ». Bref, le cœur même de l’intrigue nous échappe, on n’y croit pas un seul instant.

A partir de ce postulat, l’enchaînement des actes ne permet pas une montée en tension dramatique. Même le Prince, au II, ne semble pas particulièrement à la recherche de la femme de sa vie. Apparait d’ailleurs dans cet acte un bouffon, comme dans le Lac des Cygnes, mais ici il semble totalement anachronique au sein d’une esthétique de décors et costumes XVIIIe siècle. Au premier acte, il y a quatre variations de fées exprimant les quatre saisons, mais on se demande pourquoi ce thème. Enfin, le final est particulièrement frustrant : tandis que le fond de scène s’ouvre sur une forêt magique, et que le 3e acte n’a débuté que depuis une quinzaine de minutes (le temps de résoudre cette énigme de la pantoufle), on s’attend à un grand Pas de Deux conclusif, voire à un divertissement de variations comme dans la Belle ou Raymonda. Mais non, tout se termine tout de suite par une belle image figée du couple enlacé, et rideau – alors que l’entracte venait tout juste de se terminer 20 minutes auparavant-.

L’absence de tension dramatique est, théâtralement, partiellement compensée par le rôle prépondérant qu’Ashton attribue aux pitreries des sœurs, qui font mouche auprès d’un public qui s’esclaffe. Elles sont effectivement très réussies, mais j’avoue que ce côté « hommes jouant des rôles de femmes ridicules » ne me surprend plus du tout et me lasse un peu, d’autant que Matthew Bourne avait adopté le même concept dans sa Cendrillon « Broadway » (que j’ai finalement trouvée plus réussie que cette production-ci).

Reste alors le visuel. Et là je ne m’étendrai pas, car à chacun son goût. Il y a de très belles images çà et là, notamment au premier acte (le mendiant, par exemple, est extraordinairement costumé et maquillé, une vraie carte de tarot !). Le travail sur les perruques est également remarquable. Mais selon moi l’esthétique de la production souffre d’une surcharge globale : trop de mélanges de couleurs (pas toujours bien assorties), trop de galons dorés, trop de pluies d’étoiles dorées, bref ... « too much ». Cependant j’avoue que l’on s’y fait : j’ai été plus gêné le premier soir qu’à la deuxième vision, et il est possible que début mai je me serai totalement accoutumé à cette production et ne comprendrai plus pourquoi je l’avais peu goûtée le premier soir ...

Tout ceci étant résumé, je dois reconnaître que finalement Cendrillon est un ballet auquel j’accroche peu, sans doute aussi parce que la partition de Prokofiev est inégale : à côté de véritables tubes (les deux valses, la petite marche ...) il y a un trop grand nombre de tunnels. On est loin de l’inventivité de Roméo, et dans l’ensemble il doit être difficile d’en proposer une production et une chorégraphie qui réussissent à pallier les inégalités dramatiques de cette œuvre. Je n’ai pas vu la production de Wheeldon, peut-être y parvient-elle mieux que celle d’Ashton.

Côté danse, j’ai peur de radoter en mentionnant encore une fois la perfection absolue, surréaliste, du corps de ballet et des solistes des diverses variations. Sans même parler de la synchronisation parfaite des mouvements d’ensembles : pas un bras ne dépasse celui du voisin, pas une jambe n’est désaxée par rapport au voisin, tous les visages sont tournés impeccablement avec le même angle d’un danseur à l’autre, les toupies sont synchronisées entre les quatre chevaliers, etc. Le Royal Ballet est actuellement sur une planète difficilement imaginable pour ceux qui n’assistent pas à ses spectacles de ballet classique. En bientôt quarante ans de vie de ballettomane je n’ai jamais vu cela où que ce soit, et c’est devenu la norme depuis plusieurs saisons. Mais j’ai l’impression de me répéter de compte-rendu en compte-rendu.

Concernant les trois personnages principaux, à perfection technique identique entre Yasmine Naghdi et Fumi Kaneko mon coup de cœur va à cette dernière, qui a su donner un peu de fragilité humaine à son personnage. Mais bien entendu Naghdi a également réalisé une performance admirable. Juste un peu trop princesse « trop tôt » par rapport à l’histoire qui se déroule. Côté fée, Mayara Magri brûle littéralement les planches en dessinant une fée d’une chaleur humaine contagieuse. Melissa Hamilton (deuxième distribution) fait également sensation avec des mouvements d’un grand lyrisme. Quant aux Princes, tant Matthew Ball que William Bracewell se sont tirés brillamment de la redoutable variation du II (une succession de toupies à exécuter très rapidement), tout en campant deux personnages extrêmement « classe », dont on comprend que Cendrillon et les autres prétendantes deviennent raides-dingues.

Gros succès aux applaudissements, d’un public ravi de la féérie véhiculée par cette production et par les pitreries bien jouées des deux sœurs.


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CatherineS



Inscrit le: 09 Mai 2015
Messages: 1487

MessagePosté le: Ven Avr 21, 2023 12:24 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
A partir de ce postulat, l’enchaînement des actes ne permet pas une montée en tension dramatique. Même le Prince, au II, ne semble pas particulièrement à la recherche de la femme de sa vie. Apparait d’ailleurs dans cet acte un bouffon, comme dans le Lac des Cygnes, mais ici il semble totalement anachronique au sein d’une esthétique de décors et costumes XVIIIe siècle. Au premier acte, il y a quatre variations de fées exprimant les quatre saisons, mais on se demande pourquoi ce thème.


Peut-être tout simplement parce que Prokofiev a intitulé chaque morceau musical et a fait de ce divertissement du premier acte, un défilé de saisons ! Dans la version Noureev, Cendrillon choisit d'ailleurs la robe portée par l'hiver pour aller au bal.
A noter qu'Ashton ajoute pour la fée marraine, un extrait d'une autre œuvre pour sa grande variation du premier acte (Impressions fugitives op 22, numéro 7 - merci aux Balletonautes pour leur réponse).

J'ai vu la captation Nunes/Muntagirov, impressionnants tous les deux de facilité, d'aisance technique. Je rejoins Paco sur la production, elle est bien too much dans ses effets spéciaux et contrairement à lui je n'aime pas du tout les perruques notamment celle du père qui rappelle celles utilisées par Wheeldon dans son Alice au Pays des merveilles.

La version Ashton est une version conte de fées par contre il a supprimé toute la progression du troisième acte, pas de danse orientale, espagnole, pas de galops du prince... Et les soeurs travesties sont dans le goût typiquement anglais. Je n'aime d'ailleurs pas du tout leurs costumes.

A noter que le ballet a été capté plusieurs fois auparavant avec Sibley et Dowell, version sortie en DVD, Cojocaru et Kobborg, ou encore Dowell et Collier.
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