Giselle [ONP Garnier, 31 01 - 15 02 2020]

[tuano]

[Katsu]

[Katharine Kanter]

Selon J.F. Herbart, tout, dans l'esprit humain, relève d'une forme de calcul mathématique. Même ce qui se présente à notre conscience comme "intuition" ou "pressentiment" etc., serait en fait des calculs extraordinairement complexes et lointains ... mais des calculs quand même.

S'agissant pourtant de milliards, et non pas de millions, de calculs, par micro-seconde de pensée, il ne sera jamais possible, selon Herbart, de réduire la pensée humaine à une formule triviale de type logique-arithmétique.

Sans poursuivre trop loin ce soir un argument pourtant d'une importance capitale, tout danseur professionnel vous dira que ses gestes sont calculés, littéralement, au millimètre près.

Dans la danse classique, ces proportions et relations - géométriques/ mathématiques - sont l'instrument grâce auquel est suscitée une pensée ou émotion.

L'oeil de l'esprit perçoit immédiatement - au niveau préconscient d'abord - tout geste méconnaissant l'amplitude physiologique, normale, des articulations. Tout comme il reconnaît un geste anachronique (une arabesque penchée montrant les sous-vêtements pour ne pas dire plus, d'une princesse ... dans un ballet du XIXème siècle censé glorifier la monarchie par exemple ...)

Dès que l'oeil perçoit ces gestes discordants, la pensée du spectateur est entravée. Il se met à calculer la hauteur de l'arabesque (HOW high can she go?), ou telle ou telle considération portant sur l'exploit strictement physique, plutôt que de se laisser emporter par le naturel de l'argument et par la naïveté censée caractériser la danse en général.

Pour comprendre la notion de "naïf", voir "Sur la Poésie Naïve et Sentimentale", de Schiller. Pour celui-ci, Homère est "naïf", c'est à dire élemental, fondamental, par rapport à "sentimental" qui veut dire ici, recherché, sophistiqué.

C'est bien ce qu'exprime Masha Alexandrova dans son nouvel interview à Londres (Cf. la référence donnée par Mlle Sophia sur le fil Bolchoï).

Dans la danse classique, l'émotion habite le torse, dont les jambes et bras ne sont que le prolongement. "Body-shapes" comme dit Roger Tully.

Les statues antiques dont nous avons perdu jambes ou bras, communiquent toujours.

Observez la manière particulièrement intelligente de danser de Valentine Colasante, où tout mouvement vient du DOS.

Autrement dit, la jambe humaine, qui pèse plusieurs kilos, n'est pas faite pour se dandiner autour de l'oreille. Le simple fait que l'on s'y soit habitué dans les soi-disant "classiques" depuis 30 ans, ne le rend ni rationnel, ni beau.

[Katharine Kanter]

Maria Alexandrova: "(....) Humanity is going through a very serious crisis and even possibly moral decline. On the one hand, art can explore this crisis, but can also become part of it. The art of ballet all over the world has become very ambiguous. The classics is already lost. I think ballet as well as other art forms no longer speak about simple human feelings. It lost the ability to develop a narrative and tell simple stories, and is leaning towards philosophy, which I believe, is not justified. I don’t think we can say who is better and who is worse, I feel everyone is stuck at the same level.

Olga Yakovlevskaya: This is an incredible answer!

Maria Alexandrova: (....) Thank you! I think, it is because I have Vladislav next to me. I can hide behind his back and witness all those horrible processes unfolding in the society while feeling secure and protected because I am next to the kind, string (? stirring? ndlr) and talented person. I wish people could learn how to appreciate moments of happiness."

[Katsu]

J'en pense autant que vous (sur ces extensions toujours plus exagérées), mais je n'ai pas votre talent pour l'expliquer. Merci.

[paco]

[eloisa]

Pour Clelia: comment rapporter toutes les rumeurs qui pourraient être fausses et vous empêcher de venir voir un spectacle si il a lieu? En 1995 j'avais fait 200 km aller,... et 200 km retour, pour une représentation annulée alors que j'étais déjà arrivée à Paris...je comprends tout à fait votre déception et j'espère que votre grand-mère pourra voir un autre spectacle!

J'ai une place pour le 6 et je croise les doigts: d'un coté ils peuvent annuler la représentation pour marquer le coup, d'un autre coté ils peuvent profiter de la représentation pour que leur message d'avant-spectacle soit largement diffusé…

[dounits]

Retour rapide sur la soirée du 1er février.
Ma bourse m'astreignant aux étages supérieurs, il m'a également semblé que les huées venaient bien d'en-dessous, mais qu'importe, le spectacle a bien eu lieu, pour notre plus grand plaisir !
Quel bonheur - et quel privilège - en effet en ces temps de tensions sociales d'assister à un tel moment poétique. Je me suis retrouvé dans une bulle hors du temps pendant 2h, et ce contraste avec toutes les tensions et violences actuelles m'a à la fois interpellé et fait le plus grand bien. Je me dis naïvement que de tels moments devraient pouvoir être accessibles au plus grand nombre, notamment aux plus jeunes, tant on est à ce moment-là loin de la fureur extérieure (vie quotidienne, réseaux sociaux, etc) et réunis autour d'une même quête : savourer un instant de grâce.
Mais je m'égare.
Concernant donc cette représentation, je suis assez d'accord avec Doudou : Très beau corps de ballet, dont on sentait l'investissement au plus haut niveau, belles willis-solistes (très beaux bras), magistrale Myrtha, délicieuse et techniquement irréprochable E. Guérineau. P. Legasa, dont j'apprécie beaucoup le travail m'a aussi semblé un peu pris par le trac lors de ses réceptions (notamment sur la dernière variation) ; c'est un danseur magnifique au demeurant.
Quant à Giselle et Albrecht : J'étais trop loin pour vraiment juger de l'investissement dramatique de G. Louvet qui m'a en tout cas paru juste dans le style et la technique (très beaux entrechats, jusqu'au dernier) ; L. Baulac a rempli le contrat mais je trouve toujours qu'elle pourrait aller plus loin musicalement et je percevais un peu de crispation dans le haut du corps (en particulier dans son entrée Acte 2). Elle peut encore gagner en résonance dans les bras.
Enfin bref, un réel plaisir de retourner à Garnier, surtout via ce programme. Je dois normalement assister à la représentation du 9 (soirée), je croise les doigts !

[Ballerina]

En dessous ça peut aussi venir des fonds de loges

[Lauriston]

Dans la lignée de l’observation de Dounits sur la parenthèse enchantée qu’un ballet peut représenter, c’est peut-être là que l’annonce au début du spectacle s’avère problématique, vu sa capacité à déchaîner des réactions qui perturbent le calme de la salle. Pas toujours – lors de la performance de 20h00 le dimanche 2/2 la demande qu’on écoute le texte respectueusement a été largement suivie (pas de hués ; des applaudissements sans excès ; j’aurais dit que la moitié de la salle est resté silencieuse). Hier soir (mardi 4/2), en revanche, des vagues de protestation et d’approbation se sont entrechoquées à plusieurs reprises (entre les deux soirées, quelqu’un a eu la bonne idée d’ajouter la projection du le texte sur le rideau – en français et en anglais – pour ceux allergiques à la cacophonie … sans parler des touristes de passage). Heureusement la performance démarre avec un prélude avant la levée du rideau pour que les partisans des deux côtés puissent ranger leurs armes et se mettre en état d’apprécier ce qui suit.

J’étais tellement content de retrouver le ballet de l’Opéra (ayant subi six annulations depuis début décembre) que je devais, encore plus que d’habitude, manquer d’objectivité mais la performance de Dorothée Gilbert hier soir (4/2) m’aurait – comme Paco – cloué au fauteuil si je n’avais pas été debout au fond du troisième balcon de face. Ce qui m’épate avec Dorothée est le fait qu’elle semble maîtriser le maniement de ses pieds et ses bras à un tel point qu’elle a tout le loisir de réfléchir aux moindres détails qui les accompagnent. Elle s’approprié totalement son rôle (la fille naïve, joyeuse mais vulnérable de l’acte I ; l’esprit protecteur, engagé dans une révolte entêtée mais muette, de l’acte II), assurant une continuité parfaite entre la danse et le drame. C’était fabuleux.

[Marie-Ange]

J’ai aussi pu voir le spectacle d’hier, Dorothée Gilbert a encore fait évoluer sa Giselle, c’est assez impressionnant. Le corps de ballet était magnifique aussi, même si l’adaptation Patrice Bart ne me ravit pas.

[seminkovabulka]

[tuano]

Merci, je me ferais ma propre opinion sur le personnage la semaine prochaine si tout va bien.

[Katsu]

Giselle by Jean Coralli / Jules Perrot (Hannah O'Neill : acte 2)
https://www.youtube.com/watch?v=iLJL6gIc-q8

Giselle by Jean Coralli / Jules Perrot (Dorothée Gilbert & Mathieu Ganio : acte 2, avec une arabesque penchée que certains apprécieront )
https://www.youtube.com/watch?v=j3yuFYnSFWE

Giselle by Jean Coralli / Jules Perrot (Dorothée Gilbert : célèbre variation de Giselle de l'acte 1)
https://www.youtube.com/watch?v=_OD3qU8cjZg

Giselle by Jean Coralli / Jules Perrot (Dorothée Gilbert & Mathieu Ganio : pantomime du début de l'acte 1)
https://www.youtube.com/watch?v=SggkVu6sbxA

[doudou]

Message de prévenance pour Giselle et Balanchine demain.