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XVIII FESTIVAL INTERNATIONAL DE BALLET "MARIINSKI"
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ElenaK



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MessagePosté le: Ven Mar 29, 2019 2:01 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Lauren Cuthbertson est malade. C’est Olessia Novikova qui la remplacera ce soir dans La Belle au bois dormant.


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haydn
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MessagePosté le: Ven Mar 29, 2019 7:23 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci à ElenaK pour son long compte-rendu de Giselle. C'est elle qui nous représente officiellement au Mariinsky cette année, n'ayant pu me libérer moi-même en raison d'obligations professionnelles.

D'autres chroniques suivront. ElenaK mérite des félicitations toutes particulières, car non seulement elle fait l'effort de s'exprimer en français, qui n'est pas sa langue maternelle, mais en plus, elle rédige ses textes très développés sur... un clavier de téléphone portable. Moi, mes nerfs m'auraient trahi depuis longtemps déjà!

Dès que j'aurai récupéré les illustrations ad-hoc, je mettrai les critiques en forme, comme à l’accoutumée.



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MessagePosté le: Dim Avr 07, 2019 1:12 pm    Sujet du message: Répondre en citant

C’est une liste des artistes avec leurs peut-être meilleures performances en ordre de combien je les ai aimé et je les ai trouvé être peut-être les meilleures.

Maria Khoreva — Diamants

Alina Somova — In The Night, Concerto Bianco
Yekaterina Kondaurova — In The Night, Le Légende d’amour

Polina Semionova — Giselle
Viktoria Tereshkina — Le Lac des cygnes

Maria Kowroski — Serenade, In The Night
Lauren Cuthbertson — Marguerite et Armand
Maria Iliushkina — Emeraudes, Serenade
Nadezhda Batoeva — In The Night


Kimin Kim — Giselle, Tchaikovsky Pas de Deux
Xander Parish — I’m Not Afraid, Marguerite et Armand


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ElenaK



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Messages: 817

MessagePosté le: Mer Avr 10, 2019 2:07 am    Sujet du message: Répondre en citant

Veuillez m’excuser pour cette longue pause. Je me suis encore laissée entraîner par La Légende d’amour (soit dit en passant, le seul ballet soviétique que Noureev regrettait de ne pas avoir pu danser) dans une histoire sans fin. Je suis désolée, il est difficile de contrôler la longueur du texte sur un téléphone. Ceci étant dit, ce n’est peut-être pas aussi compliqué que de s’abonner à l’Opéra de Paris à partir d’un smartphone...


La LÉGENDE D’AMOUR
23 mars 2019

la nouvelle scène du Théâtre Mariinski

Chirine - Ekaterina Osmolkina
Ferkhad - Andrei Ermakov
Mekhmené Banou - Ekaterina Kondaourova
le Vizir - Alexandre Romantchikov
l’Inconnu - Vadim Beliaev
les amis de Ferkhad - Evgueni Konovalov, Ramanbek Beïchenaliev, Iaroslav Baïbordine, Vassili Tkatchenko
les amies de Chrines Svetalana Ivanova, Ksenia Ostreikovskaïa, Laura Fernandez
la danse de l’or - Anastassia Assaben
les danseuses de la cour - Iouliana Tcherechkevitch, Anastassia Petouchkova
la danse des bouffons - David Zaleev


Cette édition du festival "Mariinski" s’est avérée particulièrement riche en remplacements de dernière minute. Chaque fois c’était pour des raisons différentes, la plupart de temps objectives, parfois non. La distribution de La Légende d’amour en est devenue la première victime. L’invitation de Maria Alexandrova et Vladislav Lantratov, le couple vedette du Théâtre Bolchoï, à danser les rôles de Mekhmené Banou et de Ferkhad a été annoncée par le Théâtre Mariinski comme une sorte de rencontre des deux versions du chef d’œuvre de Iouri Grigorovitch, léningradoise (pétersbourgeoise) et moscovite. Actuellement, les deux grandes compagnies russes ont dans leurs répertoires ce ballet, dans la version (quasi) originelle pour le Mariinski et dans une version plus tardive pour le Bolchoï. Pour les artistes moscovites, c’était aussi une occasion de danser ensemble sur une scène prestigieuse, mais, malheureusement, peu de temps avant le spectacle, Maria Alexandrova s’est blessée pendant une répétition et son compagnon ne s’est pas senti prêt à danser avec une autre partenaire. Le Théâtre Mariinski a dû donc puiser dans ses meilleures réserves et ce sont finalement Ekaterina Kondaourova et Andrei Ermakov qui ont été appelés à sauver le spectacle le jour de son anniversaire. Est-ce le hasard ou la préméditation, mais cette 225 représentation de La Légende d’amour a été programmée pour le 23 mars, la date où le spectacle a vu le jour il y a tout juste 58 ans.

La Légende d’amour, créé en 1961 au Théâtre Kirov à Leningrad, est le deuxième (et le dernier) grand ballet original de Iouri Grigorovitch sur sa scène "natale". Le compositeur azerbaïdjanais Arif Melikov a écrit la musique sur la pièce du poète et dramaturge turc Nâzim Hikmet Ferkhad et Chirine, dont le sujet a été inspiré par le poème Khosrow et Chirine de Nîzamî Gencewî, un classique de la poésie azerbaïdjanaise-persane du XII siècle. La pièce écrite dans la prison raconte l’histoire de la jeune reine Mekhmené Banou, sa sœur la princesse Chirine, et l’artiste Ferkhad. L’intervention d’un mystérieux inconnu, qui était le seul à pouvoir remédier au moment où la reine désespérait de sauver sa sœur cadette malade, a déclenché une chaîne d’événements, suite auxquels tous les personnages principaux ont dû faire un gros sacrifice par amour et au nom de l’amour, dont le résultat final deviendrait l’obtention de l’eau pour le peuple. C’est Nâzim Hikmet qui a écrit lui-même le livret définitif du ballet. Mais le ballet étant un art conventionnel, il n’y est pas possible de reprendre un œuvre littéraire dans son intégrité avec tous les dialogues et les allusions (et dans la pièce, les dialogues à voix haute sont souvent mêlés aux dialogues à part soi). La compréhension de l’adaptation chorégraphique dépend, bien évidemment, du talent de l’auteur et des interprètes, mais aussi de l’imagination du spectateur. A cet égard, s’adresser à la source littéraire peut donner des clés supplémentaires pour la meilleure compréhension des caractères ainsi que des péripéties du sujet complexe et de sa philosophie, même lorsqu’il s’agit d’un chef-d’œuvre chorégraphique, tel que La Légende d’amour de Grigorovitch. Ainsi, le sujet du ballet est construit autour du triangle amoureux : la reine, qui a sacrifié son incomparable beauté pour sauver sa sœur, et cette dernière tombent toutes les deux amoureuses du jeune et beau artiste Ferkhad. L’Inconnu qui se dit prêt à sauver la princesse Chirine mourante refuse toute sorte de récompense (l’argent, le pouvoir). Sa condition : Mekhmené Banou doit donner sa beauté pour sauver sa sœur. Mais dans la pièce, ce n’était qu’une des conditions, la plus importante. Parmi les autres conditions, il y avait la demande de construire un nouveau palais pour Chirine. Par la suite, c’est là-bas qu’aura lieu la première rencontre entre les protagonistes. (La reine et sa sœur viennent visiter le palais en construction, au moment où Ferkhad, le meilleur artiste de la ville, est en train de le décorer.) Dans la pièce, le laid et mystérieux étranger fait également une allusion au sujet de l’eau : le peuple est en train de périr à cause de l’eau purulente dans les fontaines de la ville, alors que seul le palais est approvisionné en eau pure venant de la Montagne de Fer. Pourtant, faire venir de l’eau en ville ne fait pas partie de ses conditions car il sait combien on a déjà travaillé là-dessus et qu’il n’est pas possible de frayer la voie à l’eau de la Montagne de Fer à travers le rocher. Mais l’Orient est une matière fine. Qui dit "impossible" veut dire que ça prendra plus de temps. Et le meilleur chemin n’est pas forcément le chemin direct. L’Inconnu serait-il le messager du sport qui amène la prescription ? Les plus puissants et les plus fortunés ne pourront pas y échapper, il suffit de se décider à faire le premier pas. On pourrait penser que Mekhmené Banou avait le choix. Elle est souveraine, elle est la maîtresse de ses actes. Mais Mekhmené Banou aime sa sœur comme "jamais une sœur n’a aimé et ne pourra pas aimer". Par amour elle accepte (dans la pièce - sans hésiter) de faire un sacrifice inconcevable. C’est par elle, la reine, que la prescription commence à se réaliser. Ensuite, le thème du sacrifice va ressurgir constamment. Qu’est-ce que tu est capable de faire par amour ? C’est la question à laquelle devra répondre chacun des trois protagonistes, sauf le vizir, le quatrième personnage principal. Dans le pièce, le vizir aimait la reine, mais n’a pas su empêcher son acte d’abnégation. Pourtant, lui seul pouvait intervenir et changer le cours des événements. Pour lui, le temps de faire le choix est désormais révolu et il ne lui reste plus qu’à se demander pourquoi il n’a pas tué l’Inconnu et haïr Chirine. Dans le ballet, ces choses-là ne sont pas évidentes ce qui rajoute de l’énigme à son sujet et laisse de la place à de multiples interprétations.

La première du ballet fut un gros succès. Comme disait Arif Melikov, c’était une première féerique. Avec la chorégraphie de Iouri Grigorovitch et la scénographie de Simon Virsaladze, La Légende d’amour est devenu un grand événement artistique. L’historienne de la danse Vera Krassovskaïa le place à côté de La Belle au bois dormant de Marius Petipa : "La Légende d’amour est une synthèse des inventions du ballet du XX siècle comme La Belle au bois dormant est une synthèse du ballet du XIX". Petipa avec sa Belle au bois dormant a créé un ballet-féerie. Grigorovitch avec sa Légende d’amour a créé un ballet qui élève le chorédrame au rang d’un poème chorégraphique symphonique. Il n’y a pratiquement pas de pantomime. Tout y est exprimé par les moyens de la danse à base classique, dont les pas stylisés sont dotés du nouveau graphisme à l’inspiration orientale. La danse ruisselle comme de la poésie d’une scène à l’autre : tantôt narrative, tantôt lyrique, tantôt épique. En même temps, cette danse pure n’est jamais indépendante de la narration. Ici, il n’y a pas de formes structurées propres à la danse classique du XIX siècle comme le pas de deux ou le pas d’action (entrée - adagio - variations - coda). A la place, on trouve les duos plutôt caractéristiques aux chorédrames néoclassiques du XX siècle. Parmi ces duos riches en portés acrobatiques, il y a un qui est complètement à part, celui du premier rendez-vous de Chirine avec Ferkhad, chaste et sensuel à la fois. Ils dansent ensemble sans jamais se toucher. Ce n’est que la naissance de leur amour.

Les solos des protagonistes prennent des formes différentes. Ainsi, Ferkhad, le héros épique, un personnage droit, dont les choix sont toujours clairs et évidents, bénéficient des variations de bravoure. Par contre, les monologues chorégraphiques développés, qui portent sur l’état intérieur du personnage, sont réservés à Mekhmené Banou, une héroïne en tourment permanent. Il faut dire que les créateurs de La Légende d’amour ont donné beaucoup d’importance à la description des états intérieurs des personnages, mais c’est toujours inscrit directement dans le canevas du sujet. Des formes propres aux grands ballets classiques de XIX, on retrouve ici une sorte de divertissement à la cours de la reine. Mais ce divertissement morne (les funestes bossus en guise de bouffons et les danseuses minaudières sans personnalité), adressé à la reine, nous est présenté tel qu’il est vu par Mekhmené Banou, dans son état de chagrin incurable. En outre, le chorégraphe a doté chacun des protagonistes de son propre corps de ballet. Pour Chirine et Ferkhad, qui vivent ici et maintenant, le corps de ballet sont des personnes bien réelles. Pour Chirine ce sont ses amies et les filles de sa cour. Pour Ferkhad aussi, le quatuor de ses amis forme une sorte de corps de ballet. Par contre, pour Mekhmené Banou, qui vit seule à seule avec son désespoir, ses doutes et ses rêves, le corps de ballet sont ses passions qui la tourmentent. D’un autre côté, lorsque Ferkhad rêve de sa bien-aimée, dont il est séparé, elle apparaît dans son rêve accompagnée d’un corps de ballet qui représente de l’eau.

Parmi les plus grosses réussites du ballet se trouvent deux grandioses scènes de masses, la procession et la poursuite, dans lesquels Grigorovitch développe les principes du symphonisme chorégraphique. Toute la puissance du royaume s’y réunit pour impressionner par son envergure. Les groupes de danseurs interviennent à l’instar des groupes des instruments musicaux menant chacun sa ligne. Dans la scène de la procession, les différentes parties de la machine d’état (la garde, la cavalerie, les sages) se réunissent peu à peu pour terminer par s’unir dans un contrepoint. Les pas sont simples, mais efficaces, par des combinaisons élaborées, le chorégraphe en crée des arabesques fascinantes. C’est le vizir qui joue du premier violon dans ce spectacle hypnotisant. Par les mouvements brusques et volontaires il mène ses hommes. Suivant la musique, l’action va crescendo. Au moment culminant, la musique s’arrête et la scène s’interrompe pour attirer l’attention sur la première rencontre des sœurs avec Ferkhad. Tout plonge dans le noir, seuls les trois protagonistes se retrouvent dans la lumière des spots. La musique vient tout doucement des coulisses. La première rencontre apparaît comme une parenthèse au milieu de la procession, qui n’est qu’une visite du nouveau palais par la famille royale et sa suite. (Ensuite, cette configuration de parenthèse se reproduira à chaque fois que le triangle amoureux se réunira sur scène.) Les sœurs s’en vont et l’orchestre symphonique reprend sa musique qui va diminuendo pour se terminer définitivement avec le départ des derniers gardes royaux. La scène de la poursuite des amoureux en cavale par l’armée de Mekhmené Banou découle directement du duo de la reine avec le vizir. Celui-ci vient raconter la nouvelle, Mekhmené Banou ordonne de rattraper les fugitifs et toute la machine d’état se mobilise dans un tourbillon de la poursuite, chacun menant toujours sa ligne. Les pas gravement martelés lors de la procession prennent ici la forme d’une course, tout court, tout saute, tout tourne. Le premier violon appartient désormais à la reine en colère. Les passions se surchauffent, mais au moment culminant intervient de nouveau une sorte de décompression sous forme de la réminiscence de la rencontre du triangle amoureux "muet".

La scénographie ascétique est mise au service du sujet mystérieux abordant le thème de l’amour sous ses différents aspects, y compris charnel, raconté par les moyens chorégraphiques avec la franchise inouïe sur la scène soviétique. Le minimum de décors : quelques lampadaires ternes et le fond de scène représentant un grand livre oriental ancien ouvert, de ses pages descendent sur le plateau les personnages de la légende. Les costumes minimalistes graphiques, rappelant un académique, soulignent à la fois le thème oriental et l’aspect sensuel du sujet. Les couleurs des costumes ne sont pas choisis par hasard, elles servent à caractériser les personnages. L’Inconnu est en blanc monochrome comme une feuille vierge, personne ne sait qui c’est qui il est et d’où il vient. Le Vizir est en noir à cause de son deuil pour son amour non réalisé et de la noirceur, qui s’est installée dans son âme. Chirine en gris-bleu et Ferkhad en bleu ciel symbolisant le thème d’eau vivifiante. Seul le costume de Mekhmené Banou change de couleur au cours du spectacle. Il passe du noir au début, quand la preine est affligée par la maladie de sa sœur et quand elle renonce à sa beauté, au jaune impérial dans la scène de la première rencontre avec Ferkhad, puis, au rouge quand Mekhmené Banou est déchirée par ses passion, pour redevenir noir au troisième acte.

Le triomphe de La Légende d’amour fut colossal. Le ballet a été monté sur une soixante de scènes à travers le monde. Quatre ans après la première au Théâtre Kirov, Iouri Grigorovitch a monté son ballet au Théâtre Bolchoï à Moscou. La version moscovite est un peu différente de celle de Leningrad. Déjà à l’époque, le jeune Grigorovitch, tout comme Petipa, n’hésitait pas à apporté des modifications dans ses ballets. Même au Théâtre Kirov, peu de temps après la première, il a changé l’ordre des scènes, en transférant la scène de la vision de l’eau de la fin vers le début de l’acte III. Avec le temps, le chorégraphe n’a pas trahit cette habitude et continuait, souvent aux plus grands regrets des balletomanes, à refaire ses ballets. C’est donc d’autant plus précieux que le Théâtre Mariinski a pu conserver dans son répertoire la version quasi initiale de La Légende d’amour (ce qui n’est malheureusement pas le cas de La Fleur de pierre, le premier grand ballet de Grigorovitch, récemment revenu à l’affiche du théâtre dans sa version "rénovée" et, surtout, appauvri). Grâce à ce fait, c’est uniquement au Mariinski que l’on peut voir la danse de l’or avec une soliste. A propos, la première soliste de cette danse Galina Kekicheva et la première interprète du rôle de Mekhmené Banou Olga Moïsseïeva travaillent toujours au Mariinski. La partie de la soliste de la danse de l’or, avec ses combinaisons des sauts et des tours astucieux, nécessite de la virtuosité de la part de son interprète. Si cette capricieuse se soumet à une danseuse une fois, les risques que ça n’arrivera pas facilement la prochaine fois restent élevés. Les prestations impeccables ne sont pas très fréquentes de nos jours, parfois ça se termine par une blessure en plein spectacle. Anastassia Assaben, qui a tenu le rôle dans le spectacle du festival, y était presque. Mais en vain les pièces sonnantes cherchaient à tenter l’Inconnu. Ce n’est pas pour ça que ce désintéressé est venu dans la résidence de la reine.

Pendant le festival, on attend du Théâtre Mariinski les meilleures distributions possibles. Cette représentation de La Légende d’amour ne nous a pas déçu malgré le regrettable désistement du couple moscovite. Vadim Beliaev a une facture idéale pour le rôle de l’Inсonnu. Sa très grande taille accentue sa différence et son étrangeté par rapport aux autres personnages et, en même temps, renforce l’effet de son langage plastique. Prenant des poses humbles, avec les genoux et le corps fléchis, il mène le dialogue avec la reine de la position d’infériorité. Par contre, c’est en se redressant et en croisant les bras qu’il attend indifféremment la fin de la danse de l’or, en dominant tous ceux qui essaient de le lui proposer. Cet artiste a assez de présence pour pouvoir attirer l’attention des spectateurs rien qu’en restant immobile. Le vizir ressent tout de suite le danger qui vient de cet Inconnu, mais il se trompe : ce n’est pas la couronne qui est menacée.

Alexandre Romantchikov, qui a fait ses débuts dans le rôle du Vizir il y a un an dans le spectacle mémorable consacré à l’anniversaire de son professeur Redjepmyrat Abdyev (filmé en intégrité et toujours disponible sur les chaînes officielles du Mariinski), a vite trouvé sa place parmi les meilleurs interprètes actuels du rôle. Le danseur a doté son personnage de la plastique d’une rapace aux mouvements burinés. Puissant, redoutable, à la gestuelle tranchante, qui coupe l’air comme une lame de rasoir, son vizir est la personnification du pouvoir. Il aime le pouvoir, il détient le pouvoir, il sait l’exercer, il sait le défendre et il sait le respecter. Ce rôle est sans doute un des plus réussis de l’artiste. On sent qu’il y a derrière un profond travail de la construction du personnage et de ses rapports avec Mekhmené Banou à laquelle il est dévoué corps et âme. Pour lui, Mekhmené Banou est plus qu’une reine et plus qu’une femme, c’est son idole. L’idole, qui a perdu sa beauté, mais a gardé sa couronne. Il l’adule ni plus ni moins que si elle avait gardé sa beauté. Et ce n’est pas certain que la perte de la couronne (que Mekhmené Banou était prête à donner pour la vie de sa sœur) ne serait pas un sacrifice plus grave aux yeux du vizir. Il n’a oublié ni son ancien sentiment pour la reine ni sa beauté sacrifiée, il partage sa souffrance, mais soutenir son trône est sa vocation première. Le duo avec Ekaterina Kondaourova, une ballerine racée à la beauté hors commun, qui mieux que quiconque convient au rôle d’une divinité, en était révélateur.

Ekaterina Kondaourova semble au sommet de son art. Son interprétation du troisième duo dans In the Night de Robbins qu’elle a dansé avec Andrei Ermakov lors de la deuxième soirée du festival s’est avérée un véritable chef-d’œuvre. Les rôles dans les ballets classiques ne permettent pas de révéler pleinement la profondeur de son talent. Pour ça, il lui faut des ballets avec une forte composante dramatique, qui ne sont pas très abondants dans le répertoire du Mariinski. La Légende d’amour en étant un, le rôle de Mekhmené Banou compte parmi les meilleurs rôles de la ballerine. On ne peut en parler qu’au superlatif. Son corps grand, fin et souple, à la plastique parfaite et les lignes magnifiques, convient, on ne peut pas mieux au langage chorégraphique du ballet. Le graphisme de ses poses se marie élégamment avec l’expressivité de sa danse. Un renversé lui suffit pour exprimer toute la profondeur de la tragédie du personnage. La ballerine ne joue pas, elle vit sur scène, en suivant naturellement la transformation de Mekhmené Banou et en transmettant avec justesse toute la gamme émotionnelle de l’héroïne. Au début, la reine est effrayée par la perspective de perdre sa sœur, par des geste autoritaires elle exige avec insistance à ses sujets de faire quelque chose. Personne ne peut rien faire, mais dans ses gestes, on lit de l’espoir, car elle n’a pas encore connu véritablement le désespoir. Lorsqu’elle réalise ce que lui demande l’Inconnu, la majestueuse Mekhmené Banou devient une jeune fille (telle qu’elle l’est en réalité, puisqu’elle n’a que vingt ans) sans défense. Ça lui fait peur, mais elle sait que c’est son devoir et elle l’accepte sans marchander. Elle se regarde dans le miroir pour la dernière fois et, fascinée par son visage, essaie d’en mémoriser les traits, dont elle est déjà nostalgique. La véritable compréhension du prix qu’elle a payé ne commencera à venir que plus tard. Déjà, quand elle verra sa sœur s’effrayer en la regardant, puis, quand elle touchera le fond de désespoir, en vouant ses rêves du bonheur se briser. L’Inconnu ne lui a enlevé que la beauté et la jeunesse du visage, le corps de Mekhmené Banou est resté beau, avec tous les besoins et les désirs d’un corps jeune. Ça aurait été tellement plus simple s’il avait tout pris, pour qu’elle puisse mettre de côté sa féminité et ne rester que tsarine. La rencontre fatidique avec Ferkhad, dont elle tombe amoureuse en même temps que sa sœur, réveillera les passions qu’elle n’a pas encore connues et qu’elle préfèrerait ne pas connaître dans son état. C’est sans issue. Le premier obstacle est la laideur de visage qu’elle se sent obligée de cacher. Mais elle a quelque chose hormis la beauté. La grandeur de son sacrifice suscite l’adoration de la part de ses sujets. En plus, elle a le pouvoir, elle pourrait proposer à son élu la couronne de son royaume. Le problème c’est qu’il y a un deuxième obstacle. Chirine, sa sœur, est amoureuse de Ferkhad et Ferkhad l’aime aussi. Mekhmené Banou a beau se demander : Ferkhad, l’aurait-il choisie si elle était toujours belle ? Si le temps pouvait revenir en arrière, elle aurait fait le même choix et elle croit que Chirine aurait fait la même chose à sa place. Prisonnière des circonstances et de sa fierté, Mekhmené Banou n’ose à s’ouvrir ni à Ferkhad ni à Chirine. Par des mouvements tantôt fluides, tantôt cassés et angulaires, tantôt langoureux et sensuels, tantôt brusques et contorsionnés la ballerine raconte les monologues perçants de la reine déchirée par ses passions et ses doutes, qui, restant seule, souffre des tourments. Dans l’interprétation de Ekaterina Kondaourova, aucun de ces gestes n’est innocent, qu’elle redresse une jambe ou plie un poignet, tout a un sens, tout est parlant. Être si près du bonheur de Ferkhad et de Chirine est une double peine. Mais lorsque les amoureux s’enfuient Mekhmené Banou est en colère contre le monde entier. Elle se sent trahie parce que sa sœur bien-aimée ne lui fait pas confiance. Les amoureux sont toujours égoïstes. Pourtant, en séparant Chirine et Ferkhad , Mekhmené Banou, bien que poussée par des sentiments égoïstes, cherche surtout à connaître les limites de l’amour d’un homme pour une femme. Ferkhad, accepterait-il un défi insurmontable par amour pour Chirine ? Ferkhad accepte, il s’engage à faire venir l’eau dans la ville et, en devenant un héros, il réveille encore plus l’imagination et les désirs de Mekhmené Banou. Elle rêve de s’abandonner dans les bras de Ferkhad qu’elle veut voir comme son égal - coiffé d’une tiare, il vient la libérer de son voile. Elle a beau fondre du désir dans le duo plein de sensualité de son rêve érotique, Ferkhad y apparaît comme un dominateur un peu froid. Le vizir, quant à lui, est bien réel et affectionné, il aurait pu occuper la place à ses côtés, mais la reine aveuglée par son chagrin ne le voit pas. Ou bien elle le voit, mais il n’est pas à la hauteur de ses attentes, ce n’est pas un héros capable de remuer ciel et terre (ou une montagne comme Ferkhad) par amour. Elle se condamne donc à la solitude.

A côté du personnage marquant de Mekhmené Banou, le personnage de Chirine peut paraître un peu pâle. Bien que sa partie chorégraphique est aussi importante, ne pas se perdre dans l’ombre de la reine est une tache pas très facile pour l’interprète de Chirine. C’est encore plus compliqué aux côtés d’une danseuse charismatique comme Ekaterina Kondaourova, une incarnation remarquable de Mekhmené Banou. Chirine est le contraire de la reine, comme la légèreté qui s’oppose à la gravité. Elle a la chance de ne pas connaître la responsabilité qui est tombée sur les épaules de sa sœur aînée après la mort de leur père. Elle est belle, jeune, aimée, le monde entier s’ouvre à elle, mais sa vie sans nuages est payée par un sacrifice surhumain. Susciter de la part du spectateur non seulement de l’intérêt, mais aussi de la sympathie, sans parler de la complicité, est encore moins évident. La princesse Chirine de Ekaterina Osmolkina se distingue par la pureté d’une fleur qui vient de s’ouvrir. En traversant les obstacles menaçant le bonheur de son premier amour, cette douce enfant innocente se transforme en une femme, qui sait valoir ses droits, mais qui est aussi capable de se sacrifier. Au premier acte, c’est une jeune fille, qui joue avec insouciance avec ses copines dans le jardin qui semble ne pas avoir été touché par la désolation, qui a envahi l’appartement de Mekhmené Banou. Les petits mouvements vibrant des mains rappelant les petites clochettes que le chorégraphe a trouvé pour Chirine, Ekaterina Osmolkina fait avec une délicatesse particulière. Quoique, la pureté et la délicatesse sont des caractéristiques générales de sa danse, dénuée de prétention et de minauderie. Au début du premier rendez-vous avec Ferkhad, elle joue coquettement avec lui, en sautillant comme une bichette, mais après avoir bu de la source de laquelle naît leur premier amour, elle s’en va, en cachant pudiquement son visage. Au second acte, Chirine a déjà connu l’amour et instinctivement, avec le maximalisme propre aux adolescents, elle cherche à le protéger, en prenant la fuite avec son bien-aimé. Dans la scène de la poursuite, Chirine de Ekaterina Osmolkina apparaît très anxieuse. Ici, la ballerine, qui est loin de compter parmi les plus athlétiques, ne se laisse pas dominer par son son partenaire dans le manège de jetés en tournant. Vers la fin du troisième acte, on voit déjà une femme qui peut parler d’égal à égal à sa sœur, la reine. Avec le geste n’admettant pas de réplique, elle exige que Mekhmené Banou la laisse s’unir avec son amoureux. Mais Chirine n’est pas une égoïste, elle ne sait pas que Mekhmené Banou aussi aime Ferkhad et ne se rend pas compte de la douleur qu’elle inflige à sa sœur. (Dans la pièce, elle ne l’apprend que vers la fin, c’est le vizir qui le lui a dit avant de mourir.) Chirine oblige sa sœur d’aller voir Ferkhad pour lui annoncer la bonne nouvelle : ils peuvent s’unir enfin, si Ferkhad renonce à ses engagements et vient vivre avec elle dans un palais. Mais quand à l’issue de la rencontre si attendu elle comprend que Ferkhad ne peut pas lâcher ses engagement et trahir les attentes de ceux à qui il a donné de l’espoir, elle accepte sa décision sans réserve, mais elle ne lui dit pas "adieu", elle lui dit "au revoir". "Dans ce conte chacun a fait quelque chose... Moi aussi, je ferai - je t’attendrai comme une épouse attend un prisonnier, comme une mère attend un soldat... "

Cette Chirine ne laisse aucunement le spectateur indifférent, mais toutes ses qualités ne suffisent pas pour voler la vedette à Mekhmené Banou comme on a pu le voir il y a un an dans le spectacle-début de Natalia Ossipova (encore une absente du festival, qui pourtant était très attendue) dans le rôle de la reine. Le début de l’ex étoile du Bolchoï n’a pas été très réussi, mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle le couple Chirine-Ferkhad a pu prendre la place centrale dans l’histoire. Le duo de Ekaterina Osmolkina en Chirine et de Vladimir Chkliarov en Ferkhad fonctionnait avec une telle alchimie - les amoureux comme aimantés tendaient l’un vers l’autre, le lien entre eux était presque visible - que le publique n’avait pas d’autre choix que de devenir leur complice.

Le partenariat entre Chirine-Osmolkina et Ferkhad-Ermakov (qui a omis cette fois de se dessiner une moustache) fonctionne bien, toute l’acrobatie amoureuse est exécutée avec une facilité déconcertante (tout comme dans la scène du rêve de Mekhmené Banou), mais Ferkhad d’Andrei Ermakov n’est pas un personnage particulièrement fougueux. Dans La Légende d’amour, Andrei Ermakov campe un personnage qui, malgré son romantisme, est plus un héros épique, qu’un héros amoureux (on est loin ici de son inoubliable Vronski passionné aux côtés d’Anna Karenina d’Ouliana Lopatkina). La chorégraphie de Grigorovitch, abondante en portés et en sauts exigeant de l’interprète beaucoup d’efforts physiques, met surtout l’accent sur la masculinité de la danse plutôt que sur sa pureté et l’académisme. Elle va parfaitement à Andrei Ermakov. Avec sa très grande taille, il fait des sauts, qui impressionnent par le ballon et l’élévation. Il exécute les interminables portés acrobatiques avec une virtuosité qui ne laisse pas de soupçon de l’effort qui pourrait se cacher derrière. Mais, dans les duos amoureux de La Légende d’amour, son expression plastique est marquée par une certaine retenue. Son Ferkhad est un artiste, il regarde attentivement le visage de Chirine comme on regarde un œuvre d’art, comme si il chercherait à résoudre l’énigme de sa beauté. Même quand on peut lire de la passion sur le visage de Ferkhad, ses gestes avec Chirine restent délicats. Sa véritable force gestuelle ne se révèle que dans les variations "héroïques" de Ferkhad. Et là, on croit que c’est lui et personne d’autre qui sera percer le rocher et frayer le chemin à l’eau.

Les scènes de masses les plus impressionnantes de La Légende d’amour sont réservées au corps de ballet masculin. Celui-ci du Mariinski se distingue par sa tenue. Comme hypnotisés on suit la scène de la procession, dont la synchronisation des pas et les alignements sont impressionnants. La garde de conte de Mekhmené Banou pourrait faire de la concurrence à la garde d’honneur bien réelle du régiment présidentiel.

A la fin de la saison dernière, le ballet a été reporté sur la nouvelle scène. Ce report ne s’est pas avéré très anodin pour le spectacle. Contrairement à la plupart de grands ballets classiques du XIX, qui ont bien supporté un tel déménagement, La Légende d’amour, malgré ses moyens humains considérables, tout comme Giselle ou Le Petit cheval bossu de Ratmanski, se perd un peu dans le nouvel espace. La composante dramatique y étant extrêmement importante, un très grand éloignement de la scène peur empêcher une bonne perception du spectacle. Cette saison, le ballet continue à être donné sur les deux scènes. La captation prévue pour fin mai se tiendra sur la scène historique. On attendra avec impatience le film qui immortalisera le chef-d’œuvre chorégraphique.


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MessagePosté le: Mer Avr 10, 2019 11:39 am    Sujet du message: Répondre en citant

Merci beaucoup, ElenaK, pour votre compte-rendu superbe. Il m'a rappelé ces deux représentations sublimes au moment de la tournée de la compagnie au Japon en 2015. Je regrette toujours la blessure de Chkliarov vers la fin du spectacle...


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MessagePosté le: Mer Avr 10, 2019 9:04 pm    Sujet du message: Répondre en citant

ElenaK a écrit:

Ekaterina Kondaourova semble au sommet de son art. Son interprétation du troisième duo dans In the Night de Robbins qu’elle a dansé avec Andrei Ermakov lors de la deuxième soirée du festival s’est avérée un véritable chef-d’œuvre....La Légende d’amour en étant un, le rôle de Mekhmené Banou compte parmi les meilleurs rôles de la ballerine. On ne peut en parler qu’au superlatif.

Avec ça je suis complètement d’accord.

Merci beaucoup pour votre grande œuvre/compte rendu. Peut-être je peux répondre en plus une autre fois.


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MessagePosté le: Jeu Avr 11, 2019 10:01 am    Sujet du message: Répondre en citant

ElenaK a écrit:

Ekaterina Kondaourova....Les rôles dans les ballets classiques ne permettent pas de révéler pleinement la profondeur de son talent. Pour ça, il lui faut des ballets avec une forte composante dramatique, qui ne sont pas très abondants dans le répertoire du Mariinski.

Cette Chirine ne laisse aucunement le spectateur indifférent, mais toutes ses qualités ne suffisent pas pour voler la vedette à Mekhmené Banou....

S’il vous plâit, je voudrais écrire un peu des côtés subtils d’Ekaterina Kondaourova et d’Ekaterina Osmolkina. Pour moi, je dois réfléchir beaucoup parce que ces deux grandes artistes sont capables de faire beaucoup au delà leur gamme habituelle.

ElenaK, vous avez écrit qu’Ekaterina Kondaourova est peut-être la meilleure dans les rôles dramatiques. Je suis d’accord dans un sens, mais je préfère décrire sa capacité comme ‘de l’expression’ au lieu de la dramatique. Dans cet égard elle peut exceller également en Odette ou en Odile. Au Festival l’année passée elle a commencé la soirée avec une Odette comme un beau rêve, mais avec un caractère très expressif. De plus, au ses débutes d’Odette il y a quelques années elle a eu une délicatesse très fine sans besoin d'expression que je dois penser qu’elle conserve encore.

Vous avez écrit qu’Ekaterina Osmolkina, étant plus tranquille et fine, était un peu dans l’ombre d’Ekaterina Kondaourova en Cherine. Dans cette instance je suis d’accord, mais il n’est pas toujours comme ça. Il y a deux années au Festival en Gamzatti, face le drame suprême d’Olga Smirnova en Nikia (La Bayadère), elle était un personnage tranquille et fin mais avec une très bonne force de caractère. Et ses Giselles possèdent la même chose mais dans le sens très subtil.

Merci beaucoup encore une fois pour votre compte-rendu exceptionnel. Je suis encore une fois complètement d’accord que Le Légende d’amour est un chef d’œuvre de la choréographie. Et maintenant je ferai une etude de votre dissertation excellente pour savoir pourquoi. Smile

**************

Clarification:

Je voulais dire que je pense qu’Ekaterina Kondaourova a la capacité être aussi importante dans la danse classique avec sa qualité de la danse pure et les images délicates que dans les danses dramatiques.

[corrections d'orthographe]


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sophia



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MessagePosté le: Ven Avr 12, 2019 5:35 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Elena pour ces comptes rendus. Smile


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MessagePosté le: Sam Avr 13, 2019 10:40 am    Sujet du message: Répondre en citant

Ce sont les renseignements du Gala Concert Divertissement. Seulement les noms des danseurs ont été publiés sur l’Internet.
 
Divertimento  (Dmitry Pimonov)  (Osmolkina, Shapran, Yermakov, Zyuzin)
A Flashback  (Ili Zhivo)  (Kondaurova, Belyakov)
Solo  (Hans van Manen)  (Sergeev, Stepin, Baibordin)
Closure  (Julian Nunis)  (Khoreva, Parish)
Sarcasm  (Hans van Manen)   (Igone de Jongh, Daniel Camargo (National Ballet of the Netherlands))
Tchaikovsky Pas de Deux  (George Balanchine)  (Alina Somova, Kimin Kim)
Duet from Herman Schmerman Ballet  (William Forsythe)  (Hannah O’Neil, Hugo Marchand (POB))
Grand Pas Classique  (Victor Gsovsky)  (Viktoria Tereshkina, Jacopo Tissi (Bolshoi))


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ElenaK



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MessagePosté le: Lun Avr 15, 2019 8:06 am    Sujet du message: Répondre en citant

Rien que ce "divertissement" a durée pas loin de deux heures. Confused


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ElenaK



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MessagePosté le: Lun Avr 15, 2019 8:08 am    Sujet du message: Répondre en citant

C’est moi qui vous remercie d’avoir pris le temps de lire ce que j’ai écrit. Je continue avec le mémorable Don Quichotte.


DON QUICHOTTE
28 mars 2019

la scène historique du Théâtre Mariinski

Don Quichotte - Soslan Koulaev
Sancho Pança - [/mb]Alexandre Fedorov[/b]
Lorenzo, l’aubergiste - Andrei Iakovlev
Kitri, sa fille - Elena Evseeva
Basil - Vladimir Chkliarov
Gamache, un riche caballero - Dmitri Pykhatchov
Espada, toréador - Alexandre Sergueev
la Danseuse de rue - Kristina Chapran
Mercedes - Alina Krassovskaïa
les Fleuristes - Vlada Borodoulina, Chamala Gousseinova
la Reine des dryades - Anastassia Nouïkina
Amour - Tamara Guimadieva
le Tavernier - Alexandre Efreemov
la danse tsigane - Olga Belik et Naïl Khaïrnassov
le fandango - Alissa Roussina et [/b]Boris Jourilov[/b]
la danse orientale - Ksenia Doubrovina
la variation du troisième acte - Valeria Martynuk


Don Quichotte avec Natalia Ossipova et Vladimir Chkliarov était sans doute le spectacle le plus attendu de cette XVIII édition du festival "Mariinski". Ça faisait déjà un grand moment que l’ex étoile du Bolchoï et du Mikhaïlovski ne venait pas danser son meilleur rôle, celui de Kitri, dans les deux capitales russes. A cette occasion, on attendait le débarquement à Saint-Pétersbourg d’un bon nombre d’admirateurs moscovites de Mlle Ossipova. Mais, pour des raisons indépendantes de la volonté de toutes les parties intéressées, la danseuse, liée par un contrat avec le Ballet royal de Londres, a dû annuler sa participation au festival "Mariinski". La direction de sa compagnie actuelle, amenée à faire le choix entre une (hypothétique) "guerre" et le déshonneur, dans les intérêts de son propre confort et à la plus grande déception des spectateurs du Théâtre Mariinski a retiré, au cas où, l’autorisation qu’elle avait donnée plus tôt à son étoile russe de se produire le 28 mars à Saint-Pétersbourg. La situation s’est aggravée par une annonce tardive du remplacement et le fait que le Théâtre Mariinski, suivant la tendance de la lutte contre "la mafia de billets" venue de Moscou, a récemment durci les conditions des retours des billets. Selon le nouvelles règles, pour faire le retour des billets, même électroniques, moins d’une semaine avant le spectacle, il est nécessaire de se présenter aux guichets personnellement. Tout cela a provoqué une vague de mécontentement des fans de Natalia Ossipova venant la voir exprès d’une autre ville. Ce mécontentement, on pouvait l’entendre même dans la salle de théâtre jusqu’à la dernière seconde avant l’arrivée du chef d’orchestre. Mais déjà vers le premier entracte toute la grogne s’est dissipée comme par enchantement.

Don Quichotte est un ballet-divertissement. C’est un spectacle-fête, surtout tel que l’on connaît maintenant, sans l’épilogue avec la mort de l’hidalgo, qui pourrait assombrir la joie du spectateur. Le ballet, initialement créé par Marius Petipa au Théâtre Bolchoï en 1969, a été remonté par lui en nouvelle version deux ans plus tard à Saint-Pétersbourg, où sa vie scénique a durée treize ans. Mais, malgré le succès de la version pétersbourgeoise (contrairement à la version moscovite), le spectacle a commencé à être révisé par les confrères de Petipa déjà de son vivant. En 1900, au Théâtre Bolchoï, Alexandre Gorski a monté sa version de Don Quichotte d’après le spectacle de Petipa. En reprenant le plan du spectacle et, partiellement, la chorégraphie de Petipa, il a changé l’ordre des scènes, dont certaines ont été entièrement chorégraphiées à nouveau, a introduit de nouveaux morceaux musicaux (une danse espagnole d’Antoine Simon et le fandango d’Eduard Napravnik) et de nouveaux personnages (Espada, la danseuse de rue, Mercedes, la reine des dryades) et, surtout, a fait la révolution dans la chorégraphie des scènes de masses, en renonçant à la symétrie stricte de la tradition académique et en y inspirant la vie. Chaque personnage du corps de ballet et de l’ensemble mimique du spectacle vivait désormais sa propre vie. Néanmoins, Marius Ivanovitch estimait que Gorski a fait passer son ballet pour le sien. Dans ses mémoires, il l’a accusé du plagiât : Gorski, ayant avoir noté à Saint-Pétersbourg les chorégraphies de Petipa, les a ensuite utilisées dans Don Quichotte. Ainsi, il a inséré dans ce spectacle la danse avec les poignards que Marius Petipa a chorégraphiée pour son ballet Zoraïa. Il est difficile de juger maintenant dans quelle mesure la chorégraphie de Petipa a été utilisée par Gorski, vu que, contrairement à bien d’autres ballets de Petipa, il ne reste pas de notations de Don Quichotte. Par contre, on sait qu’Alexandre Gorski a bien noté les spectacles de Petipa. Avant Don Quichotte, on lui confiait les reports des spectacles du maître sur la scène moscovite qu’il faisait scrupuleusement grâce à ses notes. Il est certain aussi que l’on retrouve dans Don Quichotte de Gorski de nombreuses trouvailles de Petipa qui existaient déjà dans la version initiale du spectacle, comme, par exemple, le colin-maillard de Sancho Pança avec les filles après lequel les hommes le font sauté sur un drap, les marmitons courant après Sancho Pança, qui a chipé un jambon, ou encore la scène du faux suicide de Basile...

Deux ans plus tard, en 1902, Don Quichotte d’Alexandre Gorski a refait le même chemin de Moscou à Saint-Pétersbourg pour s’installer définitivement sur la scène du Théâtre Mariinski. Depuis sa première pétersbourgeoise, le spectacle de Gorski, ayant supporté quelque renouvellements, a subi plusieurs modifications malgré lesquelles le Théâtre Mariinski présente son Don Quichotte comme le spectacle de 1902. De la première rédaction soviétique de Don Quichotte, réalisée par Fedor Lopoukhov en 1923, le spectacle a hérité la chorégraphie du fandango du troisième acte. Du renouvellement du spectacle après la guerre, en 1946, sous la direction de Petr Goussev, sont conservées la danse tsigane et la danse orientale en chorégraphie de Nina Anissimova. L’ordre des tableaux a été modifié plusieurs fois. Actuellement, "la taverne" ouvre le dernier acte. Le prologue que Gorski a presque entièrement repris de chez Petipa, a été supprimé dans les années 70 sous la direction d’Igor Belski. Maintenant, le spectacle du Mariinski commence par une allusion au prologue sur le proscenium noir, accompagnée de la musique de l’introduction. Par contre, du spectacle de 1902, Don Quichotte de Mariinski a conservé les magnifiques décors et costumes des miriskusnik Alexandre Golovine et Konstantine Korovine, dont la patine donne au spectacle un charme particulier. Golovine, avec ses décors, a su comme personne reproduire l’atmosphère ensoleillée d’une place barcelonaise où la vie bat son plein et où, dans la foule bigarrée, entre en courant Kitri, qui, en absence de son père, cherche à rencontrer son amoureux.

C’est Elena Evseeva qui s’est vu confier la tâche, pas franchement facile, de remplacer Natalia Ossipova dans le rôle de Kitri. Ça ne doit pas être évident de se produire devant le public, sachant qu’il est venu brûlant d’envie de voir quelqu’un d’autre. Les spectateurs du Mariinski le comprenaient et faisaient tout pour soutenir la danseuse, qui, dès son entrée sur scène, a reçu de vives applaudissements. Selon la tradition, seuls les favoris du public bénéficient d’un tel accueil. Et, ce soir-là, Elena Evseeva a mérité, grâce à sa prestation audacieuse, de passer dans cette catégorie-là, même parmi ceux qui n’étaient pas d’avance disposés en sa faveur. Il serait difficile de trouver une Kitri plus radieuse et plus solaire que cette souriante rouquine tout feu tout flamme. Elle a fait la coquette avec les hommes sur la place, en attendant son Basile qui tardait à venir, a fait des caprices avec son papa peu conciliant, s’est bien moquée de son saugrenu prétendant Gamache (c’était très rigolo quant elle l’attaquait, en utilisant son éventail comme un fleuret), a charmé le chevalier de la triste figure et a enflammé les toréadors avec sa variation aux castagnettes, dont la tourbillonnante diagonale finale a été faite dans un tempo dont on n’ose même pas rêver à Paris. Il est normal que Basile, en voyant tout ça, était un peu jaloux et s’énervait de temps en temps, toutefois plus pour la forme que pour de vrai. Il a même failli faire une demande de mariage à une des amies de Kitri, mais cette dernière a intervenu juste à temps.

Vladimir Chkliarov n’apparaissait pas très souvent en Basile sur la scène du Mariinski ces derniers temps (moins d’une fois par saison). Pourtant, le rôle semble taillé pour ce danseur virtuose, lui permettant de faire la démonstration non seulement de tout son arsenal "pyrotechnique", mais aussi de ses talents comiques. Cette fois-ci, il a attaché les cheveux derrière et avec cette coiffure et ses élégantes manières il ressemblait plus à un noble caballero qui est venu incognito pour conquérir l’amour de la belle Kitri (et non pas de son papa intéressé) plutôt qu’à un barbier fine mouche. Chkliarov, quant à lui, savait que le public était bien le sien et se permettait bien de flirter avec lui d’une façon assez spéciale, pas en cherchant sa disposition, mais bien au contraire, en le narguant, comme si il cherchait de créer des tentions. Le partenariat de ses deux danseurs ne date pas d’hier et fonctionne toujours bien, avec une belle complicité en plus. On pourrait infiniment suivre leurs petits jeux et leurs petits échanges. Basile levait et lançait en l’air sa Kitri comme une plume. Kitri tournait dans ses bras comme une toupie. L’insolence des fameux portés à une main par ce couple est déconcertante. Vladimir Chkliarov levait instantanément Elena Evseeva sur un bras tendu au dessus de sa tête et, pendant que sa partenaire flirtait avec le public en jouant avec son tambour de basque, il montait sur les demi-pointes sans se presser du tout de la reposait au sol, mais sans trop abuser non plus, juste pour ne pas laisser tourner le ballet classique en cirque. Toutefois, Vladimir Chkliarov ne pouvait pas s’empêcher de folâtrer. En soulevant sa partenaire avant de la ramener dans le porté poisson, il enlevait démonstrativement un bras. Et dans la taverne, en réceptionnant sa partenaire qui se jetait dans ses bras en courant, il l’attrapais d’abord avec un seul bras droit. A la fin du premier acte, Basile a amené Kitri dans un porté haut, mais avant de se sauver avec elle, il n’a pas omis de bien montrer son trophée à tout le monde, en tournant avec sa bien aimée dans ses bras.

Ce premier acte est tout à fait remarquable. On ne sait pas par où poser le regard pour ne rien rater de cette adorable comédie. Suivant les principes de Gorski, chacun dans ce rassemblement bariolé vit sa propre vie scénique. Ça flirte ici et et là. Pendant que Sancho Pança joue au colin-maillard, le précieux Gamache fait des manières avec l’illuminé Don Quichotte. Tous les deux rendent complètement fou l’excentrique aubergiste Lorenzo. Les vigilants marmitons veillent à la sûreté de ses denrées... Parmi les citadins dansant la séguedille, le regard tire automatiquement Grigori Popov, un danseur qui ne passe jamais inaperçu. Quel enthousiasme dans chaque mouvement ! Il semble donner le ton à tout ce qui se passe autour de lui, qu’il danse, joue du tambourin ou offre les fleurs à la belle Mercedes (dans la scène de la taverne). Parmi les toréadors se distingue Evgueni Deriabine, qui joue avec sa dague, en la lançant très haut et en la rattrapant habilement. Ces grands gaillards n’ont pas besoin de drap pour faire sauter en l’air le pauvre Sancho Pança, qui, cette fois volait bien haut. Fort heureusement pour lui, on n’omettait pas de le rattraper.

Le leader de ces braves companeros Alexandre Sergueev est irrésistible en Espada. Son personnage est un macho, mais avec une bonne dose d’autodérision. Il dompte les filles aussi efficacement que sa cape. Son dos souple lui permet de faire des cambrés et des renversés vertigineux. Ses assemblés dans la variation de la taverne sont à couper le souffle. Dans tous ses mouvements se cache la force d’un ressort compressé, prête à se libérer à chaque instant. Pas étonnant que ses partenaires avaient parfois du mal à s’imposer à ses côtés. Kristina Chapran, malgré le tempérament, qui lui valait parfois l’élégance, s’est montrée avec un peu de retenue en danseuse de rue, en faisant bien attention aux poignards posés par terre. Mercedes d’Alina Krassovskaïa a bien régné dans la taverne, mais, cette fois, la danseuse n’a pas vraiment impressionné par les cambrés incroyables que l’on attend normalement d’une interprète de cette danse. En revanche, Naïl Khaïrnassov et Olga Belik ont mis toute leur flamme dans la danse tsigane du second tableau. Dans les meilleures traditions de la danse de caractère en Russie, ces deux artistes, en seulement quelques petites minutes, ont raconté une histoire pleine de passions. C’est devenu un des moments les plus intenses de la soirée. Pour des raisons inconnues, dans la scène du moulin, on n’a pas vu le mannequin de Don Quichotte s’accrocher à la pale et tomber, mais, à la réaction des tsiganes, on a pu comprendre que la dispositions des forces n’était pas favorable au malheureux.

Cette année, le calendrier des vacances scolaires de l’Academie Vaganova a permis à ses élèves de participer pleinement aux spectacles du festival. Le second acte de Don Quichotte était donc complet. Les guignols du théâtre ambulant ainsi que les angelots de la suite d’Amour étaient bien présents. Seulement, les quatre petits garçons dans la foule du premier tableau nous ont laissés un peu perplexes avec leur course anticipant l’arrivée des toréadors. On n’apprend plus les enfants à courir sur scène ? Ce sera vraiment triste si c’est le cas.

Alexandre Golovine a placée la scène du royaume des dryades dans une forêt automnale. Au lever du rideau, ce magnifique tableau, à un charme désuet, avec les tutus vaporeux à l’ancienne, aux couleurs pastels (rose, verts, mauves, jaunes, bleus ciel...), provoque un soupir de ravissement chez les spectateurs. La jeune Anastassia Nouïkina présentant en reine des dryades une danse d’une débutante, c’est l’espiègle Amour de Tamara Guimadieva qui s’est imposé comme le souverain des lieux. Quant à Dulcinée, il n’y en avait pas. Et c’est peut-être le seul reproche que l’on pourrait faire à Elena Evseeva. La danseuse a beau changé de costume, mais elle est restée Kitri, toujours aussi radieuse au sourire joyeux, légèrement narquois.

Le report de la scène de la taverne au troisième acte a un double intérêt. Déjà, cela permet d’équilibrer la ligne narrative du ballet. En plus, cela donne au spectateur, au début de l’acte, le sentiment que la fête est encore loin d’être finie, il reste encore tant de choses à voir avant l’accord final qui est le grand pas.

Le dernier tableau correspondant au mariage de Kitri et Basile a retenti comme le bouquet final d’un feu d’artifice éphémère et éclatant, qui en met plein la vue. Au Mariinski, le mariage se passe en plein air, dans une atmosphère festive des petites lanternes et des guirlandes lumineuses. Lorenzo que les amoureux ont bien roulé avec le faux suicide de Basile, s’agite en accueillant les invités. Andrei Iakovlev est imbattable dans le rôle de Lorenzo. Ses évolutions et ses grimaces grotesques sont inimitables. Le moment où lui, Don Quichotte et Sancho Pança, au secours duquel ils viennent armés d’un couteau et d’une fourchette, s’immobilisent est magistral. Soit dit en passant, cette scène aussi existait déjà chez Petipa.

Les festivités s’ouvrent par le fandango, un des rarissimes morceaux appartenant à Fedor Lopoukhov (une figure-clé du développement de la danse en Russie après la révolution), qui s’est conservé jusqu’à nos jours. Le rôle du partenaire est très important dans cette danse du couple. Sa mission est de mener la danse et non pas seulement de présenter sa partenaire, ce qui, il faut l’avouer, n’arrive pas à chaque fois et alors ça devient ennuyeux. Mais on a eu de la chance avec Boris Jourilov, qui compte sans doute parmi les meilleurs interprètes de ce fandango. Grâce à son étincelante prestation, travaillée non seulement jusqu’au bout de chaque mouvement, mais jusqu’au bout de chaque regard, en partenariat avec Alissa Roussina, cette danse a retrouvé tout son éclat.

Lors du pas de deux nuptial, Basile continuait à flirter avec Kitri, en lui volant de petits bisous tantôt sur la joie, tantôt sur l’épaule, selon la tradition occidentale. Les portés à un bras durant autant que permettait la musique, pendant lesquels Elena Evseeva avait toutefois le temps de changer la position des bras, les interminables pirouettes sans jamais se désaxer, les subtiles équilibres sans arrêter la musique... Rien de tout ça n’est démonstratif, toutes les prouesses techniques sont faites comme ça, entre autres, sans détourner l’attention du public du principal : le bonheur du mariage et le bonheur de la danse maîtrisée à la perfection. Mais les danseurs n’ont tout de même pas omis de se pavaner un peu pendant leurs variations. Après l’impeccable et élégante variation de Valeria Martynuk, Vladimir Chkliarov a fait la démonstration de ses magnifiques grands sauts et de multiples pirouettes, enchaînant les doubles sauts de basques et des tours aériens. Elena Evseeva, en jouant avec son éventail, a fait d’abord la démonstration de la série de relevés-retirés, puis elle a joué la coquette, en faisant les pas de cheval. La série de fouettés a été commencée par un double, mais ensuite, après avoir été tirée sur le côté, la danseuse a vite redressé la situation et a fait la deuxième moitié de la série en se tenant coquettement, comme les petites filles, avec une main par le bout de sa jupe.

Seul Don Quichotte s’est perdu un peu dans toute cette magnificence. Les danseurs brillants et les personnages grotesques, dont Sancho Pança, lui ont complètement volé la vedette. Peut-être, sans les animaux (le public réagit toujours très vivement à l’apparition de Don Quichotte à cheval accompagné de son écuyer sur un bourricot au premier et au second tableaux), son arrivée ne serait même pas remarquée. Mais il a bien aidé les amoureux et nous lui en restons reconnaissants.


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Brienne



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MessagePosté le: Lun Avr 15, 2019 10:50 am    Sujet du message: Répondre en citant

Deux extraits de Don Quichotte du 28 mars 2019
.
https://www.youtube.com/watch?v=rwllxF5AvCs

https://www.youtube.com/watch?v=l8VD2voM-t0&t=212s


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ElenaK



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MessagePosté le: Jeu Avr 25, 2019 2:32 am    Sujet du message: Répondre en citant

LA BELLE AU BOIS DORMANT
29 mars 2019

la nouvelle scène du Théâtre Mariinski

le Roi - Valdimir Ponomarev
La Reine - Elena Bajenova
la Princesse Aurore - Olessia Novikova
le Prince Désiré - Xander Parish
les Prétendants de la princesse Aurore : Ivan Oskorbine, Maxim Zuzine, Iouri Smekalov, Konstantine Zverev
la Fée des Lilas - Ekaterina Kondaourova
la Fée de la Tendresse - Ksenia Fateeva
la Fée de la Vivacité - Nadejda Gontchar
la Fée de la Générosité - Tamara Guimadieva
la Fée du Courage - Ekaterina Petrova (Ivannikova)
la Fée de l’Insouciance - Valeria Martynuk
la Fée-Diamant - Chamala Gousseinova
la Fée-Saphir - Bíborka Lendvai
la Fée-Or - Daria Ionova
la Fée-Argent - Anastassia Nouikina
la méchante Fée Carabosse - Islom Baïmouradov
Cantalabutte - Andrei Iakovlev
Gallifron, le précepteur du prince Désiré - Andrei Iakovlev
le Serviteur - Viktor Litvinenko
la Princesse Florine - May Nagahisa
l’Oiseau bleu - Alexeï Timofeev
la Chatte blanche - Iana Selina
le Chat botté - Fedor Mourachov
le Petit Chaperon rouge - Anita Vorochilova
le Loup gris - Oleg Demtchenko
la Servante - Alissa Roussina
le Chasseur - Naïl Khaïrnassov


La Belle au bois dormant, le ballet des ballets, étant un classique incontournable au même titre que Le Lac des cygnes, se retrouve régulièrement à l’affiche du festival "Mariinski". L’année dernière, le festival "Petipa" improvisé à la place du festival "Mariinski" à l’occasion du bicentenaire du légendaire chorégraphe a été marqué par le retour de la reconstruction de La Belle au bois dormant de 1890 de Serguei Vikharev, décédé prématurément quelques mois plus tôt. Mais, cette saison, ce spectacle, malgré qu’il soit toujours présent au répertoire du théâtre, a complètement laissé la place à l’affiche à La Belle au bois dormant dans la rédaction de Konstantine Sergueev, qui date du 1952.

Sergueev, ayant pour objectif majeur la conservation de l’héritage classique, a tout de même remis La Belle au bois dormant au goût de l’époque, en y apportant pas mal de nouveautés. C’est le prologue et le second acte qui ont été le plus touchés dans cette rédaction du ballet. Les ensembles du prologue ont été repensés. Les fées ont conservé leurs variations, mais ont perdu leurs pages. On leur a également donné de nouveaux noms, leurs anciens noms allégoriques français étant devenus trop obscurs pour la majorité du public. Ainsi, la Fée Candide a été rebaptisée la Fée de la Tendresse, la Fée Coulante ou la Fleur de farine est devenue la Fée de la Vivacité, Miettes qui tombent s’est transformée en Fée de la Générosité, Canari qui chante est devenue la Fée de l’Insouciance, tandis que la Violante est devenue la Fée du Courage. La Fée des Lilas, quant à elle, a non seulement gardé son nom et sa variation (toutefois, en chorégraphie de Fedor Lopoukhov et non pas en celle de Petipa), mais, en plus, elle en a gagnée une autre, au troisième acte, sur la musique de la variation Fée-Or que Petipa a initialement utilisée pour la Princesse Aurore dans le pas d’action du second acte. En revanche, la Fée des Lilas, tout comme les autres personnages, a perdu la majorité de sa pantomime. Et par la même occasion, la scène des tricoteuses a été retirée du spectacle. Dans le pas d’action du second acte, les ensembles ont été également partiellement repensés, alors que la chorégraphie des personnages principaux a été changée entièrement. Le rôle masculin principal a été revalorisé. Konstantine Sergueev, lui-même un danseur brillant, étant encore en plein activité, s’est taillé le rôle du Prince Désiré sur mesure. Déjà dans la rédaction précédente de La Belle au bois dormant, celle de Fedor Lopoukhov, datant de 1922, le prince Désiré est devenu un personnage actif, qui, bien que guidé par la Fée des Lilas, déblaie lui-même le chemin vers son bonheur. Ce concept correspond bien au conte qui est La Belle au bois dormant de Konstantine Sergueev. Son prince Désiré, avant de réveiller sa belle Aurore, doit affronter et vaincre la garde de la malfaisante Carabosse. Sergueev, hormis de composer la variation de Désiré pour le pas de deux nuptial, lui a également concocté deux variations pour le premier tableau du second acte : la variation de la scène de la chasse sur la musique de la danse des comtesses et une petite variation à la place de la scène pantomimique suivant le pas d’action. En outre, les danses de la scènes de la chasse ont été remplacées et le pas de deux de Cendrillon avec le Prince Fortunée a disparu du divertissement du troisième acte.

Ce sont les modificaitons apportées au pas d’action du second acte, appelé au Mariinski "les néréides", qui ont été le plus reprochées à Konstantine Sergueev. Plus tard, en 1989, le chorégraphe est revenu là dessus, en montant, en association avec Natalia Doudinskaïa, une nouvelle rédaction de La Belle au bois dormant dans laquelle ont été réintégrées "les tricoteuses" et "les néréides" de Petipa. Cependant, il y a dix ans, déjà après la reconstruction de Serguei Vikharev (1999), à l’occasion du 70 anniversaire de Gabriela Komleva et à l’initiative de l’héroïne de la fête, c’est dans la rédaction de 1952 que La Belle au bois dormant de Konstantine Sergueev est revenu au répertoire du Mariinski. Il faut dire que ce spectacle, dont la vie scénique au théâtre Kirov/Mariinski compte plus d’un demi siècle, s’est enraciné dans l’ADN de la danse classique pétersbourgeoise. Aujourd’hui, malgré la mode à l’authenticité, il est probablement perçu comme étant plus classique que les reconstructions. Néanmoins, malgré son âge avancé, il n’a pas perdu son actualité et sert toujours de référence pour un nombre de productions à travers le monde. La scénographie de Simon Virsaladze a un charme désuet qui va si bien au ballet du Mariinski avec son style incomparable. Les beaux décors rappellent les illustrations des recueils des contes adaptés de Charles Perrault de notre enfance. Leur élégante sobriété est accentuée par les vraies fontaines et le rideau décoratif, qui couvre le château endormi. Les costumes peuvent paraître simplets, mais ils font aussi partie de l’ADN du ballet du Mariinski et ont la vocation de ne pas détourner l’attention de la danse. Toutefois, les perruques indécentes couleur jaune poussin, qui coiffent le corps de ballet masculin dans la valse ainsi que les pages du troisième acte, mériteraient d’être changées de toute urgence. Et la tête du chat botté, qui ressemble à une peluche vintage, à laquelle pouvaient jouer les arrières-grands-parents des enfants actuels, c’est peut-être un peu trop aussi. Mais ce qui manque surtout à ce spectacle, c’est le panorama, qui ne s’est pas conservé.

Pour le rôle de la princesse Aurore, la Mariinski a invité Lauren Cuthbertson, étoile du Royal Ballet de Londres. Cette danseuse s’est déjà produite au Mariinski en début de la saison. Elle nous a épatés alors par son magnifique travail des pieds d’une exactitude irréprochable dans le rôle-titre de Sylvia de Frederick Ashton, un ballet auquel elle est habituée dans sa compagnie "maternelle". C’était d’autant plus intéressant de la voir dans un classique de la compagnie pétersbourgeoise. Serait-elle aussi à l’aise dans la chorégraphie de Sergueev, notamment, dans son adagio du pas d’action du second acte ? Comment s’inscrirait-elle stylistiquement dans l’ensemble du ballet Mariinski, vu la différence dans le travail du haut du corps ? Hee Seo, l’étoile d’ABT, qui était la princesse Aurore invitée de la XVI édition du festival, n’a pas su le faire d’une façon harmonieuse. Malheureusement, ces questions sont restées sans réponses pour le moment. Lauren Cuthbertson que, contrairement à sa collègue Natalia Ossipova et malgré le calendrier aussi chargé, la direction de sa compagnie n’a pas assignée à rester à Londres est tombée malade le jour même du spectacle. C’est Olessia Novikova, dont l’absence dans les distributions initiales du festival était saillante, qui a remplacé l’étoile britannique.

Olessia Novikova étant actuellement une des meilleures, sinon la meilleure interprète de la princesse Aurore au monde, son apparition dans ce rôle est toujours un événement. Dommage que cette fois elle a dû l’aborder au pied levé. Ça nous a privés de quelques moments délicieux auxquels cette danseuse nous a habitués. Son Aurore est vivante et aristocratique. D’habitude, dans l’adagio à la rose, elle fait de petits échanges avec ses cavaliers, en remerciant chacun d’eux par un gracieux geste de tête. Mais cette fois-ci, Olessia Novikova ne s’est pas permise ce luxe, en préférant ne pas risquer la perfection de ses équilibres en attitude, ce qui ne lui a pas empêché de relever à chaque fois son bras en troisième position (selon la terminologie russe). Elle appartient à une caste très peu nombreuse des danseurs, dont l’art crée de la magie et procure le sensation de bonheur. La ballerine ne jure que par la danse classique et on dirait que c’est réciproque. Sa danse est cristalline, elle pourrait servir d’illustrations pour un manuel de la danse classique (on mettra quelques rares imperfections inattendues dans certains tours sur le compte des circonstances dans lesquelles Olessia Novikova est apparue sur scène ce soir-là). Les pas sont ciselés, il n’y a rien de superflu. Même l’adagio du pas d’action du second acte, qui représente une prouesse physique, s’est passé sans petits vacillements du pied d’appui. Son style est raffiné, riche en nuances et en gracieux accents des mains et de la tête. Et cette forme parfaite vit en harmonie avec le contenu. Chaque pas, chaque mouvement est de la pure poésie. A travers les trois actes du ballet, la danseuse montre les trois hypostases du rôle d’Aurore : l’adolescente impatiente de vivre, le rêve d’une princesse ensorcelée et la jeune femme amoureuse. On se laisse captiver pas ses transformations du vivant à l’éthéré et de l’éthéré au vivant.

L’interprète du prince Désiré a besoin de beaucoup de talent et de maestria pour être digne d’une telle Aurore. Xander Parish, que le directeur du ballet du Mariinski a repêché du corps de ballet du Royal Ballet de Londres il y a quelques ans, a fait beaucoup de progrès depuis son passage dans la compagnie pétersbourgeoise. Pourtant, son élévation à la grade d’étoile apparaît toujours comme une grande avance prématurée. La différence des classes avec sa partenaire Olessia Novikova, qui n’est pourtant que la première soliste, est flagrante. Néanmoins, le partenariat a fonctionné plutôt bien, quoique toujours de la manière affairée que l’on ne cesse pas de reprocher à Xander Parish. Après un pirouette avec le partenaire ou un porté, il se précipite à prendre la pose. Le danseur a le physique pour faire un prince idéal : la beauté, les proportions. Il a aussi la beauté de la gestuelle, mais son jeu manque d’aristocratisme naturel. Lorsqu’il s’agit de jouer un aristocrate, l’artiste se met à enfler les joues et à froncer ou hausser les sourcils au point de rendre ses personnages comiques dans leur snobisme.

Mis à part la bévue concernant le choix du promis pour sa filleule, la Fée des Lilas de Ekaterina Kondaourova était parfaite. Radieuse, sereinissime, elle régnait à la tête d’un magnifique ensemble des fées. Sa danse est souveraine. L’étonnante fluidité de ses mouvements lui permet de "chanter" la mélodie avec son corps et ses bras d’une manière admirable. Si la Fée des Lilas de Ekaterina Kondaourova devait être rebaptisée comme ses consœur, son vrai nom serait la Fée de l’Harmonie. A elle s’opposait la Carabosse de son époux Islom Baïmouradov. Cette envoûteuse pourrait personnifier l’attraction du mal. Mais, en réalité, ce n’était qu’une Fée malfaisante à un très mauvais caractère, qui n’a pas supporté l’offense d’avoir été oubliée. La gaffe de Cantalabutte lui a coûté les cheveux et aurait pu tourner en tragédie, mais l’intervention de la Fée des Lilas a rétabli de l’harmonie dans le royaume de conte. Le père d’Aurore interprété par Vladimir Ponomarev, le roi Florestan XIV émérite du Théâtre Mariinski, qui cent ans plus tôt daignait à peine honorer les prétendants à la main de sa fille d’un regard, a donné sans la moindre hésitation sa bénédiction au mariage et même le malchanceux Cantalabutte a retrouvé sa chevelure.

Parmi les invités aux festivités de noce, on noterait le progrès de May Nagahisa dans le rôle de la Princesse Florine. Cette danseuse sait charmer par sa danse inspirée, mais, malgré sa taille miniature, la rapidité et la netteté dans le travail du bas des jambes n’est pas toujours acquise d’avance. Son partenaire Aleksei Timofeev s’est montré toujours irremplaçable dans le rôle de l’Oiseau bleu avec sa superbe diagonale de brisés dessus-dessous. Les pas de caractère enjoués ont eu traditionnellement beaucoup de succès auprès du public, ce qui est tout à fait mérité.

Malgré tous ses remarquables solistes, le ballet du Mariinski ne serait pas ce qu’il est sans son corps de ballet enthousiasmant, inégalable dans l’héritage classique de Petipa. Au fil des tableaux, il magnifiait la chorégraphie de La Belle au bois dormant que ce soit dans le prologue des fées, la valse, les danses de la chasse, les "néréides" ou la mazurka. Une mention spéciale pour le professionnalisme des jeunes artistes de l’Académie Vaganova, qui ont contribué au succès du spectacle au même titre que leurs collègues adultes.

Seulement, dommage que, pour cette représentation de festival, l’administration du théâtre ait réduit la fosse d’orchestre pour installer à la place libérée trois rangées de fauteuils supplémentaires. Non seulement ça n’a pas amélioré la sonorité de l’orchestre dirigé par Valeri Ovsianikov, mais, en plus, ça a volé de la magie à un des moments les plus intenses du spectacle, celui de l’entracte musical andante sostenuto, pour lequel, dans les conditions normales, la fausse de l’orchestre est remontée au niveau de la salle. Cette fois, la violoniste Ludmila Tchaïkovskaïa a dû jouer son merveilleux solo en restant invisible.


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ElenaK



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MessagePosté le: Jeu Avr 25, 2019 2:34 am    Sujet du message: Répondre en citant

D’abord, le message n’arrivait pas à partir, ensuite, il est parti en double.


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ElenaK



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MessagePosté le: Jeu Mai 16, 2019 7:28 am    Sujet du message: Répondre en citant

Le marasme doit être vraiment contagieux. Désolée, j’ai oublié de poster mon compte rendu sur le dernier spectacle du festival. Embarassed

LE LAC DES CYGNES
30 mars 2019

la scène historique du Théâtre Mariinski

Odette, Odile - Viktoria Terechkina
le Prince Siegfried- Daniel Camargo
la Princesse souveraine, mère de Siegfried - Elena Bajenova
le Précepteur du prince - Vassili Tcherbakov
les Amis du prince - Elena Evseeva, Maria Chirinkina, Evgueni Konovalov
le Bouffon - Iaroslav Baïbordine
Rothbart, le méchant sorcier - Andrei Ermakov
les Petits cygnes - Tamara Guimadieva, Svetlana Ivanova, Anita Vorochilova, Anastassia Assaben
les Grand cygnes - Iouliana Tcherechkevitch, Maria Boulanova, Maria Iliuchkina, Anastassia Iaromenko
les Deux cygnes - Daria Ionova, Anastassia Nouikina
les Fiancées - Chamala Gousseinova, Ksenia Ostreikovskaïa, Iouliana Tcherechkevitch, Ksenia Fateeva, Maria Iliuchkina, Maria Boulanova

les danses du second acte :

⁃ Espagnole - Alissa Roussina, Alina Krassovskaïa, Artem Kellerman, Roman Malychev
⁃ Napolitaine - Tamara Guimadieva, Aleksei Nedviga
⁃ Hongroise - Olga Belik, Boris Jourilov
⁃ Mazurka - Ksenia Doubrovina, Maria Lebedeva, Olga Telupa, Aleksandra Popova, Dmitri Charapov, Dmitri Pykhatchov, Nikita Vronskikh, Nikita Kopounov



Le conte de la belle princesse-cygne et du prince enchanté

Le Lac des cygnes est la carte de visite du ballet Mariinski. Pour faire connaissance de cette compagnie légendaire, pour comprendre ce qui la distingue des autres troupes de la danse classique, il suffit de la voir dans Le Lac des cygnes. Et vice versa, pour comprendre, pour ressentir profondément ce que c’est Le Lac des cygnes, il faut absolument le voir au Théâtre Mariinski. Et ce n’est pas la question de la production, bien que ça compte aussi, mais du style de danse unique avec le travail du haut de corps d’une grâce particulière, qui fait de cette compagnie l’interprète étalon de ce ballet classique. Il n’est donc pas étonnant qu’il se retrouve a l’affiche du festival "Mariinski" d’une année à l’autre.

Depuis 1950, c’est toujours la même rédaction du Lac des cygnes, celle de Konstantine Sergueev, qui fait partie du répertoire du Théâtre Mariinski. Ce spectacle est une sorte de synthèse de l’évolution du Lac des cygnes en Russie pendant la première moitié du XX siècle. Les années après la révolution de 1917 fut un temps marqué par des expérimentations impétueuses dans le domaine artistique. Le théâtre musicale académique n’est pas resté à l’écart de ces tendances. Néanmoins, Le Lac des cygnes au Théâtre (à l’époque, anciennement) Mariinski a été préservé jusqu’au début des année 30, avant de subir des rédactions plus ou moins radicales d’Agrippina Vaganova (1933) et de Fedor Lopoukhov (1945). Konstantine Sergueev, ayant toujours pour mission la conservation de l’héritage classique, voulait se tourner vers les origines du spectacle de Petipa et Ivanov, mais, comme d’habitude, a fait sa propre rédaction du ballet, en s’appuyant sur l’expérience de ses prédécesseurs. Dans cette rédaction, hormis ses propres chorégraphies et des chorégraphies princeps de Marius Petipa et Lev Ivanov, Sergueev a utilisé ce qu’il a jugé comme meilleures trouvailles de ses confrères : le bouffon de Gorski, Rothbart dansant de Lopoukhov et, surtout, les fameux ports des bras de cygnes, révolutionnés et poétisés par Vaganova, ainsi que sa géométrie des rangs des cygnes. C’est également grâce aux innovations d’Agrippina Vaganova que la pantomime a disparu du spectacle, en cédant la place à la danse. Konstantine Sergueev concevait son spectacle comme un conte romantique, mais, avec le final heureux, qu’on lui reproche souvent, c’est devenu un hymne à l’amour tout pardonnant et tout puissant. Soit dit en passant, ceux, qui font des reproches à Konstantine Sergueev au sujet du happy end, oublient souvent, surtout en Occident, que ce n’est pas lui qui est l’auteur de ce final "saugrenu". La scène dans laquelle Siegfried combat Rothbart en lui arrachant une aile appartient à Assaf Messerer (1937). Sergueev que l’on n’a probablement pas laissé faire un final tragique pour des raisons idéologiques (il ne faut pas oublier le contexte historique - le pays venait de sortir d’une guerre atroce au cours de laquelle il a vaincu le plus grand mal du XX siècle - et la tradition du final heureux des rédactions précédentes du ballet, celle de Lopoukhov ainsi que celle de Gorski-Messerer à Moscou) s’est contenté d’anoblir le final du spectacle moscovite. Malgré toutes les critiques, le final heureux ne contredit pas la musique de Tchaïkovski, dont les mesures finales illustrent clairement un levé du soleil et, dans tous les cas, l’idée d’un final heureux n’est pas une "invention soviétique". Déjà, chez Petipa-Ivanov, les amoureux s’unissaient dans un autre monde sur une barque tirée par les cygnes et même, encore plus tôt, le ballet de Julius Reisinger, quelque temps après la première, s’est retrouvé avec la fin heureuse. Et ce n’est pas par hasard que Youri Grigorovitch a coupé le final musical dans sa rédaction du Lac des cygnes à la fin tragique. En revanche, le final tragique n’est pas une valeur en soi, surtout lorsqu’il entre en contradiction avec la musique. Ainsi, l’ascension de Rothbart important Odette sur les dernières mesures du final dans la version de Noureev se présente comme quelque chose d’incongru, tout comme Benno sanglotant sur le corps de Siegfried dans la version d’Aleksei Mirochnitchenko que le ballet de Perm a présenté lors d’une récente édition du festival "Mariinski". Konstantine Sergueev avait assez de goût artistique pour monter de différents éléments un spectacle harmonieux, tout d’une pièce, avec la narration et la chorégraphie bien équilibrées qui n’ont pas besoin de se cacher derrière le philosophisme. Jusqu’à présent il contribue à la gloire du ballet Mariinski.

Pour cette édition du festival, le Théâtre Mariinski a invité Daniel Camargo, un danseur d’origine brésilienne, actuellement "étoile" de Ballet National des Pays-Bas, pour interpréter le rôle du prince Siegfried aux côtés de sa prima ballerina Viktoria Terechkina. Ce n’était pas la première participation de Daniel Camargo au festival "Mariinski". Il y a deux ans, il a dansé Basile dans Don Quichotte avec Renata Chakirova. Il avait alors fait preuve de ses qualités de partenaire, mais s’est montré assez réservé dans un personnage qui est censé être extraverti et briller par une virtuosité étincelante. Le personnage de Siegfried étant à l’antipode de celui de Basile, cette invitation semblait être plutôt intéressante, et le premier tableau nous a confirmés dans nos attentes. Daniel Camargo s’est montré un véritable prince noble et romantique. Il était si profondément plongé dans ses rêves que l’on n’avait même pas besoin de voir les vaines tentatives du bouffon de l’entraîner dans ses jeux pour comprendre le degré de son éloignement avec lequel son Siegfried participait aux festivités en son honneur. Sa danse était fluide avec les tours en arabesques bien propres. Dommage qu’il n’ait pas fait la variation andante sostenuto que Konstantine Sergueev appelait "le chant du prince" et qui n’est que très rarement interprétée de nos jours. Ça nous aurait permis de prolonger les beaux moments, parce que c’est le premier tableau qui s’est avéré le plus réussi par le danseur, mais ensuite les impressions laissées par son Siegfried allaient diminuendo. Le second tableau a montré que le partenariat n’a pas été suffisamment répété. L’adagio blanc, étant le moment clé du ballet, est censé être parfait. Il aurait pu l’être, car Viktoria Terechkina était sans exagérer magique et un certain dialogue assez intéressant s’esquissait entre les deux danseurs, s’il n’y avait pas de petites imperfections comme un arrêt inopportun de la pirouette avec le partenaire, après lequel il a fallu retourner la ballerine de face au public ce qui a cassé la fluidité envoûtante de la danse. Siegfried a entamé le troisième tableau avec un air encore plus rêveur et même l’arrivée de la fatale Odile n’a pas réussi à le sortir de sa torpeur. On dirait que sa balade au bord du lac a eu d’autres conséquences que la rencontre de l’amour de sa vie. Serait il devenu, lui aussi, victime du méchant Rothbart, qui l’aurait ensorcelé ? On a beau se demander comment ce Siegfried a finalement réussi à vaincre le plus redoutables des Rothbart incarné par Andrei Ermakov. La seule explication valable c’est que ça devait être un pur hasard. Au final, ni la perte de Rothbart ni l’embrassement d’Odette n’ont pas réussi à réveiller notre prince charmant. Pourtant, ces deux-là étaient capables de troubler même le plus désespérant des flegmatiques.

Andrei Ermakov demeure indétronable dans le rôle de Rothbart. Véritable prédateur, tel le vautour du Conte du Tsar Soltan il rôdait autour de ses cygnes, tranchant l’espace scénique par les diagonales de grands sauts. Manipulateur habile, il s’est imposé dans la scène du bal en faisant tout le monde jouer la pièce qu’il voulait comme des marionnettes. Bien évidement, non sans l’aide de sa complice Odile, qui, interprétée par Viktoria Terechkina, se présente comme la personnification du charme du Mal. Mais ce triomphe des forces du mal s’est avéré prématuré. L’agonie de Rothbart a été très longue et pénible. Là, Andrei Ermakov a peut-être un peu exagéré. Son inoubliable personnage méritait de mourir avec plus de dignité.

Viktoria Terechkina est une ballerine qui a le don d’être pertinente même dans les rôles qui ne sont pas à priori les siens. Il fut un temps quand c’était le cas de son Odette, qui restait dans l’ombre de sa magnifique charmeuse Odile. Aujourd’hui, il serait difficile de déterminer lequel des deux personnages lui va le mieux. La danseuse a subi une véritable transformation ces derniers temps. Ces lectures des rôles n’ont jamais été superficielles, mais maintenant on y trouve une profondeur nouvelle. Son Odette révèle une incroyable douceur que l’on ne pouvait pas soupçonner auparavant. Mais derrières cette douceur se cache une force de caractère, qui ressort soudainement à la surface quand la princesse-cygne se secoue pour se cambrer dans une arabesque attitude ou quand elle prend d’un geste protecteur la défense de ses compagnes d’infortune. L’attention particulière aux détails de la narration est un trait distinctif de cette artiste. Elle interprète le duo d’Odette et de Siegfried dans le dernier tableau comme un véritable dialogue. En s’éloignant du prince dans la diagonale des sissonnes en arabesque elle lui dit avec des signes de tête négatifs très délicats que tout est malheureusement fini. Contrairement à la plupart des Odette actuelles, qui, en revenant à la vie, soit ne remarquent même pas la mort de Rothbart, soit réagissent à peine, Odette de Viktoria Terechkina ne laisse pas l’exploit de son élu sans attention. Cette fois, la ballerine a préféré ne pas prendre de risques dans les variations pour que rien ne puisse troubler la fluidité de sa danse parfaite, sans aucun effort visible. Ainsi dans la variation d’Odette, elle posait d’abord la pointe de sa jambe de travail au sol, avant de commencer le développé en arabesque. Dans la variation d’Odile, les simples tours attitudes ont assuré le fini impeccable. Cette prudence est compréhensible : pendant le festival, les danseurs sont très sollicités. En seulement dix jours, ils peuvent se produire plusieurs fois, en alternant des créations et de différents spectacles du répertoire courant, ce qui était aussi le cas de Viktoria Terechkina.

Les interprètes des rôles principaux, quelle que soit la grandeur de leur talent, ne suffisent pas pour assurer le succès d’un grand ballet classique, en particulier du Lac des cygnes. Il faut aussi un corps de ballet, qui serait à la hauteur des solistes "étoilés". Celui du Mariinski est un véritable trésor. Discipliné, aristocratique, avec un style unique dans sa grâce et une compréhension profonde de ce qu’il danse, le corps de ballet du Mariinski forme un écrin précieux et exquis pour les joyaux qui sont les solistes de la compagnie. Dans la hiérarchie des corps de ballets des grandes compagnies, s’il y en avait une, c’est le corps de ballet du Théâtre Mariinski qui mériterait sans doute le titre d’étoile. Toute la saison du ballet du Mariinski est très chargée (les spectacles de danse classiques ne disparaissent jamais de l’affiche courante du théâtre, même quand une partie de sa troupe part en tournées), mais ce qu’il fait pendant le festival est un véritable exploit : six grands spectacles différents sans compter les nombreuses créations en seulement dix jours ! Et tout ça interprété au plus haut niveau. Quelle autre compagnie en serait capable aujourd’hui ?

Avec les ports des bras chantant la cantilène, le travaille du haut du corps, qui dénie la rigidité, et la souplesse du dos au niveau des omoplates tant appréciée dans Le Lac des cygnes, les danseuses du Mariinski sont les interprètes idéales de ce ballet. Si on arrive à détourner son attention des rangée parfaitement alignées du corps de ballet blanc, dansant à l’unisson, pour se focaliser sur les danseuses, dans chaque fille du corps de ballet on pourrait deviner la tsarine-cygne du Compte du Tsar Saltan de Pouchkine, dont l’image est certainement encrée dans leur conscience depuis leur plus tendre enfance. Chez les Grands cygnes (ces parmi leurs jeunes interprètes que se trouvent probablement les futures Odette), le regard s’accroche à Maria Iliuchkina. Les autres ne déméritent pas, mais l’image douce et réservée que reflète cette jeune danseuse fine, grande avec les belles lignes, les ports de bras moelleux et une danse gracieuse réveille les souvenir d’inoubliable Ouliana Lopatkina. Les deux cygnes de la valse du quatrième tableau (dans la rédaction de Konstantine Sergueev, elle est en chorégraphie de Lev Ivanov), font également naître l’espoir pour l’avenir, dans ce ballet, de leurs jeunes interprètes Daria Ionova et Anastassia Nouikina (promotion de l’Académie Vaganova 2018).

Enfin, Le Lac de cygnes du Théâtre Mariinski est une possibilité unique d’apprécier pleinement les danses de caractère de ce ballet. En dehors de la Russie, la culture de danses de caractère académique est quasi absente, alors que la seule compagnie russe qui pourrait rivaliser dans ce domaine avec le Mariinski, celle du Théâtre Bolchoï de Moscou, a dans son répertoire une rédaction du ballet dépourvue de ces danses. Au Mariinski, l’étincelante suite des danses nationales du troisième tableau a traditionnellement beaucoup de succès auprès du public. L’art de la danse de caractère des artistes du Mariinski est aussi captivant que leur art de la danse classique. Leurs prestations ne sont jamais fades et justifient bien la dénomination des danses de caractère, ce qui était aussi le cas lors de cette avant-dernière soirée du festival. Hormis l’exécution parfaite, on a bien apprécié la capacité des artistes de rendre les traits caractériels des danses qu’ils interprètent : la fougueuse espagnole, l’enjouée italienne, la langoureuse hongroise et la mazurka un peu hautaine.

La particularité des rédactions des ballets classiques de Konstantine Sergueev est qu’elles ne perdent pas leur actualité avec le temps. Leur vie scénique est déjà plus longue que celle des spectacles originels. Depuis sa naissance en 1950, ce Lac des cygnes n’a subi qu’une seule grande actualisation, celle de la scénographie. Cette perpétuité est probablement dû en grande partie à la tradition d’interprétation. Souhaitons au ballet du Mariinski d’être toujours en si grande dans un an quand, pour la journée internationale des femmes, la compagnie pourra fêter 70 ans de ce spectacle intemporel.


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