La Fille mal gardée [ONP Garnier 25/06 - 13/07/2018]

[Idamante]

Avec retard deux mots sur la représentation du Mercredi 27 juin et quelques digressions musicales …
Une Dorothée Gilbert inspirée. Plus mature que d’autres Lise ( ou que celle qu’elle devait être à 20 ans ), elle reste toute en vivacité et sourires . Et quel plaisir de voir glisser peu à peu son personnage, au travers des épreuves et de sa danse,vers la ballerine romantique qui rend crédible, in fine, cette charmante histoire d’amour. Sa haute taille lui donne un air de fragilité plutôt que d’assurance , surtout au 2° acte . Sa technique éblouissante nous mène à des climax - qu’à titre personnel, je n’attends pas habituellement d’une telle chorégraphie : moment parfait du tour de promenade en attitude et de l’équilibre miraculeux en partenariat avec … un ruban !
Le partenariat est moins fort avec son Colas du fait de décalages plus ou moins perceptibles avec la musique , surtout au premier acte, sans qu’on sache très bien à qui attribuer ces micro-retards qui perturbent les impulsions des portés . Germain Louvet est délicieux en … Prince travesti en paysan, en Prince-berger d’un autre temps . Ou, au contraire , très bien ancré dans les images d’Epinal qui circulent de plus en plus activement au cours du XIX° siècle. Techniquement souverain, pétillant, juvénile, « prince charmant » gracile à faire rêver les jeunes filles bibelots célébrées par les peintres…
Le reste de la distribution s’est révélée pleine d’allant, jolis ensembles des jeunes compagnes , volailles anthropomorphes, personnages de comédie pleins de verve, touchants ( Alain / Adrien Couvez) et drôles ( mère Simone / Simon Valastro) .

Pourquoi , dans ces conditions, buter sans cesse sur des détails , qui ont tous à voir … avec la musique !
Ainsi la danse des sabots . Quelques soient les qualités de l’interprète, le « son » des claquettes est douloureux pour l’oreille ; sabots en plastique dur sur tapis de sol en plastique dur ? ! Peut-être me trompé-je ? Je n’attends pas forcément des sabots de bois, mais j’attends qu’ils « claquent » comme s’ils l’étaient . D’autant plus dommage qu’on avait l’impression que les sabots « conduisaient » l’orchestre …

Quant à la musique ? Oui, c’est un pot-pourri - et « on y apporte son manger » à toutes les époques ( Merci pour l’excellente conférence retranscrite dans ce forum !) . Justement cela fait rêver : liberté sous contrainte, c’est le pied ! D’airs d’opéra-comique français du XVIII° siècle à Mozart, puis pour les reprises plus tardives, des ajouts romantiques allemands, italiens , jusqu’à Donizetti … Visiblement , c’est la marge de liberté que toute grande maison de ballet choisit pour mener à bien la chorégraphie d’Ashton ressuscitant Dauberval.
Et puisqu’on a choisi, à l’Opéra de Paris , la version proposée par Hérold , il me semble qu’il faut prolonger la réflexion autour de cette musique et ne pas nous donner ce tunnel musical indigeste et brouillon, - où les vents en particulier sonnent trop rutilants , trop modernes, et peu dans l’esprit de l’époque et où le côté flonflon, la musicalité absente, empêchent même les interprètes les plus sensibles d’y dévoiler leurs qualités ! .
Au delà de l’orchestration de John Lanchbery destiné à un orchestre plus touffu que l’original, il faudrait retrouver ce qui fait l’essence - et le charme - de Ferdinand Hérold . Musique cosmopolite et variée, où des soli de clarinette élégiaques alternent avec des rythmes énergiques, où les « romances » simples pleines d’intériorité , alternent avec des dialogues musicaux vifs et élégants, de vraies conversations musicales dignes de la fin du XIX°.

Alors oui, une « fille mal gardée » moins anglaise , re-francisée, pourquoi pas? Notre Lise à nous est fraîche et vive, un Greuze fin et coquin ( J’ai souvenir d’une Eléonore Guérineau comme exemple parfait ) . Qui chez nous peut multiplier les mimiques , haussements de sourcils, yeux écarquillés, minauderies et petits hochements de tête propres aux danseuses du RB sans être ridicule ? Qui chez nous peut faire se tordre de rire une salle avec une mère Simone « camp » et presque « drag queen » sans voir une partie du public grimacer ? Eux savent faire, nous, beaucoup moins. Chez nous, la mère Simone relève d’un autre comique , qui a son pendant dans tout l’opéra-comique français de Boeldieu à Reynaldo Hahn , fromagère des halles qui invente le fil à couper le beurre chez Messager ou qui séduit le sultan par son franc-parler chez Lecocq.
Et ainsi, à côté du dynamisme plébéien du couple Alu / Renavand plus littéral, plus calé sur l’imagerie du ballet d’Ashton, Mlle Gilbert et M. Louvet, verraient leurs propositions anoblies par un écrin musical ad-hoc. Des interprètes dont la personnalité et l’Art permettraient, de Dauberval à Taglioni , les chorégraphes russes et Frederick Ashton de poursuivre l’histoire du ballet en évitant cette mondialisation médiocre des chorégraphies standardisées, retrouvées avec plus ou moins de bonheur, sur tous les continents …

[haydn]

Merci Idamante, je reviendrai aussi sur cette représentation, mais quelques ennuis d'informatique (décès du disque dur de mon ordinateur!) et de santé (mais contrairement à lui je ne suis pas encore à la morgue) m'ont fait prendre du retard dans mes obligations....

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[sophia]

L'Opéra a eu la bonne idée de mettre en ligne la vidéo de Josua Hoffalt dans la variation de Colas.
https://youtu.be/VEl4WUc1owE

[Idamante]

Rétablissez-vous vite, cher Haydn. Vous êtes précieux au coeur des lecteurs de Dansomanie… Quant à l’informatique, au delà des soucis ( choix, coûts ) que cela entraine, point d’inquiétude : nous savons que ' l'’Intendance suivra " ''

Pour vous remettre, ce concerto de Ferdinand Hérold, annoncé pour piano … Dont on se demande un temps s’il ne s’agit pas aussi bien d’un concerto pour violon ! https://www.youtube.com/watch?v=UKBFqCRx-yw. Là aussi un côté pot-pourri stylistique, lyrisme italien, rigueur allemande, mélodies tchèques, transparence française , comme si le compositeur voulait à toute force transcrire le foisonnement créatif de la musique de son temps en quelques mesures .
Je ne peux écouter Hérold sans penser à cette grande enquête internationale qui avait été menée dans les années 90 autour du ressenti des consommateurs de glaces . Pour les Américains la qualité d'un glacier tenait pour l'essentiel à la diversité des choix des parfums et des ajouts permettant des variations à l'infini . Quantité et diversité. En comparaison les consommateurs français privilégiaient la subtilité du goût de parfums simples et connus . Evidemment , ce concerto n'est pas un sorbet Berthillon ! (Dommage )

[JulietteA]

Mais qu'est-il arrivé à Josua Hoffalt ? Absent toute la saison... J'espère que nous le reverrons à la rentrée.

[vincentledanseur]

Il ne dansera plus malheureusement. Il s'est blessé, et ne fera pas même des adieux.

[haydn]

Je pense que rien n'est définitif tant qu'il n'a pas fait lui-même d'annonce officielle... Restons au conditionnel pour le moment.

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[Delly]

Le Monde a plutôt apprécié le spectacle... et François Alu. Ca tourne à la campagne de presse en sa faveur !!

https://www.lemonde.fr/scenes/article/2018/07/05/danse-francois-alu-fait-crier-le-public-de-plaisir_5326178_1654999.html

[Ballerina]

Malheureusement, je pense que la presse la plus dithyrambique ne fera rien.

[sophia]

Souligner la popularité de François Alu auprès du public parisien et s'interroger sur sa non-nomination est une chose... Pour le reste, on sort de la critique et ce n'est pas très intéressant.

[vilnensys2]

Pas de nomination de Paul Marque ce soir

[freak]

Ce n'aurait pas été juste qu'il soit nommé, je pense. On voit qu'il est en devenir mais sa danse, très fine, manquait toutefois d'éclat, à mon goût. J'ai regretté de ne pas avoir vu la distribution Renavand/Alu.

A vrai dire, c'était la première fois que je voyais ce ballet. Je l'ai trouvé sympathique, très bien pour partir en vacances, mais pas transcendant non plus. Il y a quelques longueurs dans la chorégraphie (et dans la ... hum ... musique) et je crois que c'est un ballet qui du coup repose vraiment sur l'entrain et la complicité des danseurs.
Ce soir, Léonore Baulac était très bien, très mutine. Paul Marque était aussi très bon, très fin comme je l'ai dit plus haut, mais encore en dessous d'une nomination (pourtant, j'aime vraiment ce danseur que j'ai trouvé magistral en Lenski). Allister Madin très drôle. Mais j'ai été surtout séduit par la mère Simone de Mallory Gaudion : il m'a fait beaucoup rire, avec Baulac, ils construisent vraiment le fond de l'histoire (la relation mère fille) dans une histoire qui peut se laisser aller au simplisme. Je n'avais jamais entendu parler de ce danseur et sur Memopéra il semble qu'il n'ait rien fait depuis 2012 : quelqu'un pourrait en dire plus sur lui ? Etait-il blessé ou dansait-il ailleurs ?

Bon au fond, pour revenir à Paul Marque, j'espère qu'il sera nommé étoile et si possible rapidement (comme je l'espère pour Alu), mais ce soir j'ai été un peu déçu de voir que sur cette prestation précise, il était un peu en dessous. Je l'avais préféré en Lenski.

[haydn]

Je suis assez d'accord avec freak, une nomination sur cette représentation aurait été quelque peu forcée.


Le couple Léonore Baulac / Paul Marque convient assez bien à l'ouvrage - on n'est pas ici dans un contre-emploi manifeste. Mlle Baulac a "fait le job", comme on dit, et elle a techniquement assuré le Pas de deux dit de "Fanny Elssler", en paliant même les carences d'un orchestre particulièrement pataud ce soir. Ça a dû lui faire tout drôle, lorsqu'au début de la variation, suite à un gros décalage dans la fosse, elle s'est retrouvée "a capella", sans aucun accompagnement. Elle a réussi à conserver malgré tout la mesure, jusqu'à ce que l'orchestre la reprenne "au vol". Son numéro de duettiste comique avec la Mère Simone était, comme l'a dit freak, assez réjouissant, avec un Mallory Gaudion plus "concierge parisienne" à la Balzac que paysanne à la Beaumarchais.

Paul Marque est à l'aise dans les numéros de soliste, c'est propre, bien fait. Le partenariat lui pose plus de problèmes, avec des portés parfois hésitants (il semble souvent se donner une fraction de seconde de réflexion avant de soulever Lise avec moult prudence) et un maniement un peu aléatoire du ruban à l'acte I.

Allister Madin était très bien en Alain ce soir, peut être plus dynamique et enjoué qu'à la première.


Pour Freak : Mallory Gaudion doit être l'un des danseurs les plus anciens de la compagnie. Il avait effectivement, je crois, annoncé il y a deux ou trois ans son désir d'arrêter sa carrière, et s'était ravisé. Par le passé, il a beaucoup dansé les mêmes rôles de virtuosité qu'Emmanuel Thibault et Alessio Carbone : pas de deux des paysans dans Giselle, pas de trois du Lac des cygnes, l'Oiseau bleu dans La Belle au bois dormant, l'Idole dorée dans La Bayadère... Il s'était aussi lancé dans la chorégraphie, mais je n'ai pas l'impression qu'il ait persévéré dans cette voie.

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[sophia]

[haydn]

Quelques mots aussi sur la représentation du 30 juin, qui réunissait Dorothée Gilbert et Germain Louvet.

Physiquement le couple a belle allure, et on se dit que... Dorothée Gilbert est impeccable techniquement, et le Pas de deux de Fanny Elssler passe comme une lettre à la poste. Enfin presque, car dans la coda, son partenaire la télescope inopinément, et elle n'est pas passée bien loin de la chute. Le partenariat a été le point faible de Germain Louvet tout au long de la représentation, avec des portés manquant de stabilité et de fermeté. En même temps, en dépit de l'absence d'une vraie complicité, le face-à-face avec Dorothée Gilbert lui a été bénéfique. Le fort caractère de la danseuse l'a obligé à abandonner sa posture de beau-jeune-homme-bien-sous-tous-rapports et son jeu scénique était assez convaincant. Après tout, quand on est au théâtre, tension et confrontation peuvent pimenter une représentation et associer Mlle Gilbert et M. Louvet, en dépit des apparences, n'était peut être pas une si mauvaise idée, même si cela a surtout été profitable au développement de la personnalité du second. Dorothée Gilbert, qui a dansé avec des Manuel Legris et autre Vadim Muntagirov, n'avait, elle, plus grand chose à attendre.

Dans le rôle de la Mère Simone, M. Valastro est apparu plus à son affaire que le soir de la première, et a commencé réellement à s'approprier le personnage. Cela m'était déjà apparu lors de la représentation du 28, que je n'ai pas commentée du fait que pour des raisons professionnelles, je n'avais pu assister qu'au second acte.

Mais le vrai héros de la soirée fut, à mon sens, le remarquable Alain d'Adrien Couvez, qui marche dans les traces de celui de Simon Valastro, en alliant ce qu'il faut de verve comique et de tendresse mélancolique. Alain est certes l'idiot du village, mais il est aussi un pauvre diable, avec les sentiments duquel on joue sans ménagement.

En revanche, je suis toujours pris de regrets lorsque je vois Eléonore Guérineau et Héloïse Bourdon jouer les utilités au sein du corps de ballet, alors que ces danseuses de premier ordre ont les moyens de tenir brillamment les rôles principaux. La vie est mal faite, on le sait.

L'orchestre, contrairement à la représentation du 5, s'était comporté correctement. Je ne saurais dire si ce sont toujours les mêmes instrumentistes qui officient dans la fosse, mais la différence d'un soir à l'autre est sensible.

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