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Delly
Inscrit le: 14 Juin 2016 Messages: 603
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Posté le: Jeu Jan 04, 2018 1:15 pm Sujet du message: |
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Que Walt Disney ait proposé une vision très sexiste des contes qu'il a exploités, c'est assez connu. Que ces contes soient porteurs d'une vision des genres traditionnelles, c'est connu aussi, et très normal : ils sont de leur époque. Les féministes les critiquent beaucoup, et il est intéressant de pouvoir prendre du recul sur l'image qu'ils offrent des relations hommes-femmes, de pouvoir proposer d'autres choses, sans pour autant se priver de leur richesse initiatique.
En tout cas hier soir MOB et Matthias Heymann nous ont proposé une version très enlevée de ce couple, beaucoup plus libre, avec multiples mains aux fesses et baisers, loin de tout politiquement correct. C'était magnifique, mais le jeu global compte beaucoup, dès le départ le couple se montre amoureux et familier, on sent qu'on arrive dans une histoire déjà en route voire bien avancée, et donc tout cela passe très bien. C'était un partenariat extraordinaire, un jeu très subtil. Particulièrement, le baiser "volé" fait suite à un mouvement de tête explicite de MOB, une invitation à son partenaire. J'imagine que cela correspond mieux à l'esprit de l'oeuvre d'ailleurs.
Paul Marque et Dorothée Gilbert ne proposaient pas la même chose évidemment, même si le jeu était très bon, on était plus dans une opération séduction en cours, voire à ses débuts, Dorothée se montre plus résistante, et donc le regard n'est pas le même sur les gestes "à la hussarde". Paradoxalement, cela offre aussi une image de femme beaucoup plus affirmée, qui fait la conquête de son petit gars, c'est très intéressant et sans doute plus "féministe".
Je crois qu'il ne faut pas opposer "politiquement correct" et "sexisme" dans ce débat. C'est au contraire un échange riche sur la manière dont une oeuvre, que ce soit le conte de départ ou le ballet, traverse le temps, démontrant ainsi sa puissance et sa qualité. Et donnant aux danseurs l'occasion de montrer aussi leur art, leur capacité à donner une profondeur aux personnages et à leur relation. Avoir vu les deux couples MOB/Heymann et Gilbert/Marque, avec le recul, a donné une dimension plus riche à ce ballet que je trouve parfois simpliste, et permet justement de s'interroger sur la séduction à l'heure actuelle, mais aussi de proposer des réponses, différentes et à chaque fois pertinentes y compris dans le contexte actuel du débat autour du harcèlement. Ca mériterait d'être largement partagé. C'est le rôle de l'art, et de ce point de vue proposer DQ plutôt que la Belle au Bois dormant a été un heureux hasard.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Jeu Jan 04, 2018 2:21 pm Sujet du message: |
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Ces grilles de lecture du conte ont beau être connues, et même enseignées (avec plus ou moins de recul), il n'y a strictement aucune obligation intellectuelle à les suivre.
On est revenu de Bettelheim et de la psychocritique, qu'il faut bien sûr connaître dans le cadre d'une histoire des théories critiques, on reviendra des études de genre aussi.
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Estelle
Inscrit le: 17 Juin 2009 Messages: 205 Localisation: Lyon
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Posté le: Jeu Jan 04, 2018 6:21 pm Sujet du message: |
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Le site de France Culture oublie de mentionner qu'une inspiration de Perrault était le conte "Soleil, Lune et Thalie" de Giambattista Basile, et dans cette version-là il y a bel et bien un viol (le prince viole Thalie pendant que celle-ci est endormie, neuf mois plus tard elle accouche - toujours endormie - d'un garçon et d'une fill. Ensuite la femme du prince, et non pas sa mère comme dans la version de Perrault, essaie de faire manger les enfants au prince, puis de faire brûler vive Thalia, mais au final c'est la femme du prince qui finit au bûcher... Sans doute la version idéale pour donner des cauchemars aux enfants !)
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Jeu Jan 04, 2018 6:32 pm Sujet du message: |
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Je ne crois pas toutefois que la pensée de cette mère anglaise aille jusque-là.
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Estelle
Inscrit le: 17 Juin 2009 Messages: 205 Localisation: Lyon
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Posté le: Jeu Jan 04, 2018 6:43 pm Sujet du message: |
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sophia a écrit: |
Je ne pense pas toutefois que la pensée de cette mère anglaise aille jusque-là. |
A vrai dire, on se demande un peu pourquoi France Culture s'intéresse à ce que pense cette mère de famille britannique (d'ailleurs l'article ne daigne pas mettre un lien vers le tweet en question ou une autre source... et "La Belle au Bois Dormant" fait-elle vraiment partie des "programmes scolaires pour les plus jeunes" au Royaume-Uni ?), on a surtout l'impression qu'il s'agit pour la journaliste d'un simple point de départ pour son article (qui ensuite parle surtout d'interprétation psychanalytique).
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Jeu Jan 04, 2018 6:50 pm Sujet du message: |
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Oui, un titre et un chapô très racoleurs, en référence à une actualité qui flirte (à mes yeux) avec l'outrance et le ridicule, qui finissent par ouvrir sur des considérations somme toute assez classiques sur la violence des contes de fées, inspirées des théories de Bettelheim.
Le littéralisme politiquement correct de cette dame, façon SJW, ne saurait être mis sur le même plan que des théories critiques, aussi discutables, discutées et/ou désuètes puissent-elles être. Je n'aime pas trop cette manière de lui donner ainsi une caution intellectuelle.
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Katharine Kanter
Inscrit le: 19 Jan 2004 Messages: 1415 Localisation: Paris
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Posté le: Jeu Jan 04, 2018 10:13 pm Sujet du message: |
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Some however, are richly rewarded for going much, much farther than the subjects of the current scandal could ever have dreamed of.
https://www.theguardian.com/stage/2017/jul/01/rudolf-nureyev-dark-side-threatened-dame-beryl-gray-with-a-knife-ballet
Beryl Grey « recalls a performance of Romeo and Juliet in which Nureyev “attacked one of our leading ballerinas … Liliana Belfiore”: “He swore at her and kicked her up the backside so hard that she left the stage in great pain.
A doctor was called who, after examining her, said that her coccyx had been damaged and was bent. She was in agony and the doctor advised us that the injury might cause her to act unpredictably and temperamentally.” Belfiore, “in a rage”, reported Nureyev to the police.
Grey confronted Nureyev in his dressing room: “Nureyev was not apologetic. He began running down the company and saying Belfiore had displeased him.
“I said: ‘That didn’t give you the right to kick her.’ He answered: ‘I am the greatest dancer alive and I can do what I want.’ To which I unguardedly retorted: ‘There are other great dancers too, Rudi.’
“He was furious at this and menacingly picked up a knife, but was restrained by his masseur, Luigi. He later calmed down and Belfiore was persuaded not to sue him. »
https://en.wikipedia.org/wiki/Harald_Lander
Wikipedia has carefully expurgated what follows :
http://www.whatsonstage.com/london-theatre/news/10-2009/new-biographies-fill-gaps-in-dance-history_15675.html
« Harald Lander (1905-71). During his 19 years as artistic director (1932-51) of the Royal Danish Ballet he laid the foundations for the world-wide fame which the company gained in the second part of the century. However, he also attracted controversy when, in 1951, he was accused of the sexual harassment of female dancers. Many believe that the scandal partly inspired Flemming Flindt’s ballet The Lesson, where a predatory dance teacher molests his pretty young pupils.
Either way, it resulted in Lander leaving Denmark to work internationally, including an 11-year stint as maitre de ballet and choreographer at the Paris Opera Ballet. »
Not to speak of what Nijinski writes in his « Cahiers » about the predatory Serge de Diaghilev. It's not pretty.
Or what Miss Kirkland relates of Mr. B. giving certain substances in the wings to dancers, in her autobiography. And that's just for starters. One might note that on publication, Miss Kirkland straightaway became the subject of a vitriolic and unrelenting press campaign, and ended up living in Australia or some other remote region, for circa 15 years.
But then, Miss Kirkland was not being politically correct. She was being frank.
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céline
Inscrit le: 21 Oct 2016 Messages: 404 Localisation: province
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Posté le: Ven Jan 05, 2018 2:07 pm Sujet du message: nouvelles des compagnies americaines |
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@ Estelle
C'est normal que vous n'ayez pas compris ma phrase, je l'ai trop réduite.
Ce que met en avant la prise de parole des femmes (principalement) au sujet de la brutalité et du harcèlement sexuel au travail, c'est aussi leur très faible représentation aux postes de décideurs. Dans un monde utopique où nous serions égaux, des femmes de pouvoir seraient également mises sur le grill (C'est un avis controversé sans doute).
J'ai compris que les faits reprochés à Peter Martins s'étaient passés à l'école, ça ne me fait pas rire. Danse ou pas, c'est là que commencent les injustices de traitement qui se répercutent sur la vie professionnelle. Parfois jusqu'au délit ou au crime comme on le voit en ce moment.
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26517
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Posté le: Ven Jan 05, 2018 2:27 pm Sujet du message: |
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Avec ce genre de discours, on en arrive là :
https://francais.rt.com/international/47036-pour-ne-pas-faire-applaudir-meurtre-femme-carmen-meurt-plus-opera-florence
La lutte contre la violence faite aux femmes s'invite désormais jusque dans les créations artistiques des siècles passés. Le metteur en scène Leo Muscato présente dès le 7 janvier, au Teatro Maggio à Florence, une version édulcorée de Carmen, le célèbre opéra de Georges Bizet, dans laquelle cette dernière ne meurt pas, contrairement au texte original. Il justifie sa décision par l'idée de ne pas faire «applaudir le meurtre d'une femme».
Le révisionnisme le plus obtus s'insinue décidément partout. |
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CatherineS
Inscrit le: 09 Mai 2015 Messages: 1487
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Posté le: Ven Jan 05, 2018 2:29 pm Sujet du message: |
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Ca devient effectivement du grand n'importe quoi ! En plus c'est aller contre le livret et les paroles mêmes de l'Opéra, où certes Don José tue Carmen, mais finira en prison et certainement exécuté ! "vous pouvez m'arrêter, c'est moi qui l'ai tuée, ma Carmen, ma Carmen adorée" !
Bref on est là dans un nouveau MacCarthysme ! |
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Ven Jan 05, 2018 2:34 pm Sujet du message: |
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Je ne vois pas trop comment, par ailleurs, on peut soutenir sérieusement (même si c'est devenu un lieu commun - répétons tous en chœur les mêmes âneries, il en restera toujours quelque chose...) d'une "très faible représentation des femmes aux postes de décideurs", tout au moins dans la danse, qui est le sujet qui nous intéresse ici. Il ne s'agit pas là de "compter" - l'idée des quotas me répugnant absolument.
Dernière édition par sophia le Ven Jan 05, 2018 2:58 pm; édité 1 fois |
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Ballerina
Inscrit le: 01 Juin 2016 Messages: 1586
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Posté le: Ven Jan 05, 2018 2:40 pm Sujet du message: |
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Ça devient franchement ridicule! On marche sur la tête !
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26517
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Posté le: Ven Jan 05, 2018 2:49 pm Sujet du message: |
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A ce compte-là, on peut liquider la quasi-totalité du répertoire d'opéra (et d'ailleurs de la tragédie au théâtre dramatique aussi) depuis Monteverdi jusqu'à Britten. En clair, la destruction d'une culture entière. Mais c'est peut être précisément le but recherché par ceux qui tirent les ficelles dans l'ombre, en laissant des "idiots utiles" comme ce Leo Muscato monter en première ligne pour défendre des causes qu'ils croient (peut-être) justes, et surtout rentables pour leur médiatisation personnelle. |
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Ven Jan 05, 2018 3:00 pm Sujet du message: |
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C'est du même niveau que l'affaire du "prince-prédateur".
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26517
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Posté le: Ven Jan 05, 2018 3:11 pm Sujet du message: |
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Soit dit en passant, question assassinats, la parité est certainement atteinte - et même dépassée - dans l'opéra du baroque au romantisme. Il y a bien autant d'hommes que de femmes qui sont expédiés ad patres de manière violente sur scène : Scarpia, Gustave III, Simon Boccanegra... A ce compte là, autant n'autoriser que Walt Disney (et encore, ça sent le souffre aussi, voir plus haut l'affaire de La Belle au bois dormant). |
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