Dansomanie : critiques : La Sylphide
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La Sylphide, version Pierre Lacotte

28 juin 2004, 19h30 : La Sylphide au Palais Garnier

 

Débuts laborieux pour cette reprise de la désormais célèbre chorégraphie de Pierre Lacotte, puisque le spectacle de ce 28 juin a débuté avec un retard de près de vingt minutes, suite au dysfonctionnement d'une trappe sur le plateau du Palais Garnier. Ces contrariétés techniques ne doivent cependant pas faire perdre de vue l'intérêt artistique de la soirée, qui offrait au public deux prises de rôle majeures, Aurélie Dupont en Sylphide, et Mathieu Ganio en James.

Mlle Dupont nous a gratifiés d'une prestation absolument parfaite sur le plan technique, se jouant avec une aisance déconcertante des difficultés effroyables, certes peu spectaculaires mais des plus insidieuses, dont sa partie est émaillée. Le seul reproche qui peut lui être adressé est une distanciation quelque peu excessive, confinant parfois à une certaine froideur. Héroïne peut-être plus classique que romantique, Aurélie Dupont se refuse à tout lyrisme, mais se préserve de même de toute tentation mièvre ou de mauvais goût.

Le très jeune Mathieu Ganio; s'est vu confier, suite à la défection de Manuel Legris, la lourde tâche d'incarner James en cette soirée inaugurale. M. Ganio a mis beaucoup de bonne volonté pour honorer son titre d'étoile récemment acquis, et s'est avéré très correct pour ce qui est de la saltation et de la petite batterie ; néanmoins, un rôle aux exigences techniques aussi extrêmes peut-il raisonnablement être confié - surtout pour une première - à un danseur encore inexpérimenté, aussi talentueux soit-il? D'ici à quelque temps, Mathieu Ganio sera certainement un excellent James mais là, il serait malhonnête de nier d'évidents problèmes, qui peuvent au moins en partie être mis sur le compte du trac : manège approximatif manquant de s'achever dans les dégagements et tours inachevés au premier acte, diagonale conclue sur une réception hasardeuse au second et insuffisance relative du travail interprétatif, particulièrement dans la scène de la mort de la Sylphide, au mime vraiment peu crédible, même si de manière générale, M. Ganio fut assez attentif aux ports de bras et aux postures. De grâce, laissons aux artistes le temps de mûrir plutôt que de les entraîner prématurément dans des aventures incertaines.

Myriam Kamionka s'est pour sa part favorablement distinguée dans le pas de deux écossais ; Mallory Gaudion, auteur d'une variation très propre en ce qui concerne le jeu de jambes, s'est montré plus désinvolte dans le pas de deux proprement dit, et surtout dans la coda conclusive, malheureusement un peu bâclée.

En revanche, l'Effie de Mélanie Hurel aura comblé toutes les attentes : fraîche, émouvante, l'on est impatient de la découvrir également dans le rôle-titre le 9 juillet prochain, où elle devrait pouvoir réitérer la démonstration de son exceptionnelle maîtrise du style romantique français dont elle nous avait déjà gratifiée dans Giselle. Sans atteindre de tels sommets, le trio des Sylphides du second acte, constitué de Mlles Bance, Gilbert et Kamionka était néanmoins d'un très bon niveau.  

Cette nouvelle série de représentations de la Sylphide est aussi l'occasion de quelques découvertes insolites. Dans le corps de ballet, Aurore Cordellier, Sarah-Kora Dayanova et Laura Hecquet se sont, comme on l'attendait, bien comportées dans un répertoire qui leur sied parfaitement. Plus surprenantes furent Aurélia Bellet et surtout Ghyslaine Reichert, d'ordinaire distribuées dans des chorégraphies plus contemporaines, et qui se sont avérées tout à leur aise dans cette Sylphide. Il faut de même saluer le superbe travail accompli par Alice Renavand, qui n'a que trop peu d'occasions de faire la démonstration de son talent dans des ouvrages classiques ou romantiques. Mention particulière aussi pour Danielle Doussard, actrice toujours pleinement engagée, tout comme Virginie Rousselière, très crédible dans le rôle de la mère d'Effie. Enfin, il ne faut pas oublier non plus la sorcière théâtrale et truculente, superbement interprétée par Jean-Marie Didière, et dont on va amèrement regretter le prochain départ en retraite.

Du côté de la fosse, le bilan est peu brillant. La direction d'Ermanno Florio est pondérée et s'abstient de toute vulgarité, mais manque de panache, avec de surcroît des tempi exagérément étirés et une battue parfois fluctuante. L'orchestre s'est avéré médiocre, avec des cordes et des cuivres à la justesse trop souvent douteuse. La désinvolture dont il fait preuve à l'égard de la musique de ballet romantique atteint les limites de l'acceptable, d'autant que la partition de la Sylphide renferme de nombreux solos instrumentaux qui permettraient aux chefs de pupitre de se mettre en évidence. Dommage, car si la musique de Schneitzhoeffer n'est pas un impérissable chef-d'œuvre, elle mérite mieux qu'un saccage en règle.

 

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