Dansomanie : critiques : Giselle par Mats Ek
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Giselle par Mats Ek

18 mai 2004, 19h30 : Giselle au Palais Garnier

 

L'attraction de cette reprise de Giselle dans la version décapante de Mats Ek était bien entendu la présence de la nouvelle étoile du Ballet de l'Opéra National de Paris, Marie-Agnès Gillot, dans le rôle titre, où elle alternera avec un autre grand talent de la danse française, Céline Talon.

Les aficionados de Mlle Gillot était présents en grand nombre au Palais Garnier, et lui ont réservé une ovation triomphale, célébrant  une fois encore la distinction si méritée qu'elle a récemment obtenue. Cette Giselle tenait particulièrement à cœur à Marie-Agnès Gillot, dans la mesure ou c'est l'un des premiers ouvrages où elle fut distribuée lors de ses débuts au sein du Corps de ballet, en 1993. Elle avait également participé à la reprise d'octobre 2001, où elle incarnait l'une des "Folles" du second acte. Techniquement parfaite, très engagée physiquement, l'on aurait pourtant souhaité une héroïne un tant soit peu plus impliquée affectivement. Mais peut-être l'était-elle tellement, que la pudeur lui commandait un certain retrait.

Les deux autres étoiles qui figuraient à l'affiche, l'inusable Nicolas Leriche (Albrecht), et José Martinez (Hilarion) nous ont comme toujours gratifiés de prestations d'excellent niveau, mais les vraies bonnes surprises de la soirée étaient a chercher parmi les seconds rôles, à commencer par Stéphane Phavorin, absolument remarquable dans le rôle de l'Ami, alors même qu'une légère blessure ne lui permettait pas d'être au maximum de ses possibilités physiques. Chapeau bas! M. Phavorin s'est particulièrement illustré par l'intelligence de son jeu théâtral, varié et expressif. Les chorégraphies de Mats Ek sont toujours propices à mettre en valeur les qualités d'acteur des danseurs, et ce fut aussi le cas pour Laure Muret, qui nous a gratifié d'une démonstration magistrale, incarnant un Esprit malade poignant, d'une grande force évocatrice, au début du second acte. A ses côtés, Géraldine Wiart - encore une belle comédienne - et Natacha Gilles se sont fort bien comportées, tout comme Stéphanie Romberg, dont l'Infirmière est un clin d'œil à la célèbre Lamentation de Martha Graham.

Chez les messieurs, Hervé Courtain et Nicolas Paul nous ont gratifiés d'un truculent Pas de deux des paysans, qui est l'un des temps fort du premier acte. L'intérêt de la Giselle de Mats Ek réside précisément dans l'équilibre trouvé entre les différents protagonistes, de manière a valoriser également les "petits" rôles. 

L'ouvrage - sans que cela en remette en cause la valeur intrinsèque - comporte également quelques faiblesses, qui deviennent plus apparentes au fil des reprises. Au premier acte, certaines scènes sont moyennement réussies ou comportent des lourdeurs, comme celles de la chasse. Mais surtout, cette Giselle souffre du véritable massacre que l'on a fait subir à la si belle partition d'Adolphe Adam. Contrairement à ce que l'on peut lire même sous de fort doctes plumes, la musique a été sévèrement retouchée par quelque obscur tâcheron dont on n'a pas jugé utile de mentionner le nom sur le programme. Judicieuse précaution. Si l'on peut pardonner les coupures rendues nécessaires par la chorégraphie, la réécriture complète de certains passages (comme la fin calamiteuse du second acte), l'ajout de cadences aussi pompeuses qu'inutiles (finale du premier acte et scène de la mort d'Hilarion au II), les réorchestrations maladroites, sans compter l'introduction - c'est un comble - de fautes d'harmonie grossières (scène de la chasse) sont parfaitement inadmissibles. Pour couronner le tout, la bande-son a été enregistrée par un orchestre vulgaire et brouillon (les cordes sont archi-fausses dans l'introduction du second acte, les bois le sont pratiquement partout, et les harpes n'on jamais du recevoir la visite d'un accordeur). Encore une fois, la musique demeure le parent pauvre des spectacles de ballets. Dommage.

 

 

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