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: Don Quichotte
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Don Quichotte
11 mai 2004, 19h30 : Don Quichotte à l'Opéra Bastille
Reprise de routine, du moins le croyait-on, pour ce Don Quichotte chorégraphié par Rudolf Nouréev, avec une Kitri déjà bien connue du public, Laetitia Pujol, nommée étoile sur ce même rôle en 2002. La défection de Delphine Moussin, qui devait incarner la Danseuse de rue, a finalement bouleversé la donne et conféré à la représentation un relief nouveau. Le remplacement a été assuré par Ève Grinsztajn, magnifique de bout en bout, se gardant habilement de toute vulgarité dans l'expression. Si Mlle Grinsztajn avait voulu démontrer qu'elle pouvait, elle aussi, devenir une Kitri de haute volée, elle ne s'y serait pas prise autrement. Cette Danseuse de rue inespérée aura sans doute été la chance de sa vie, et elle a eu l'habileté de ne pas la laisser passer. La seconde héroïne de la soirée fut Mélanie Hurel, qui nous a gratifié d'un Cupidon admirable de style, de grâce et de finesse. Précise sans jamais rien céder à la brutalité, elle est demeurée attentive aux plus infimes détails : petite batterie impeccable et ports de bras d'un moelleux à se pâmer. Après une superbe Giselle, Mlle Hurel poursuit une saison brillante, et si sa Sylphide à venir s'avère du même niveau, cela justifierait qu'elle soit promise, dans un avenir pas trop lointain, à un titre d'Etoile. La vedette masculine de ce Don Quichotte était Benjamin Pech, Basilio athlétique, à la saltation extrêmement dynamique et à la technique étincelante, trop étincelante peut-être même. M. Pech s'est néanmoins avéré excellent acteur dans le 3ème acte, et le public a goûté avec plaisir une verve comique qu'on ne lui connaissait pas. Sa partenaire, Laetitia Pujol, s'est également comportée en technicienne de grande classe, parfaite dans les tours, mais d'une grande sécheresse, qui la privait d'élégance dans les adages. Cela apparaissait de manière particulièrement flagrante dans l'Acte des Dryades, où elle souffrait quelque peu de la comparaison avec Mélanie Hurel et Isabelle Ciaravola, Reine de haute lignée, à qui l'on reprochera uniquement des montées sur pointes assez dures, en raison sans doute de l'emploi de chaussons particulièrement rigides. Mais son travail remarquable au niveau des jambes fera aisément oublier ce pêché véniel. Yann Bridard fut un Espada correct, surjouant toutefois son personnage, tout comme Richard Wilk, Lorenzo veule à l'excès. Le Sancho Pança de Fabien Roques ne fut pas totalement convaincant non plus ; en revanche, Laurent Novis (Gamache), et Jean-Marie Didière (Don Quichotte), ont été de truculents comédiens et comblé toutes les attentes. Il en est allé de même pour le Gitan enthousiasmant d'Alessio Carbone, malheureusement privé du rôle principal pour d'obscures raisons. Espérons que nous aurons un jour l'occasion de le revoir en Basilio, qu'il avait merveilleusement interprété à Marseille en novembre dernier, en compagnie d'Alexandra Cardinale ; cette dernière faisait ici son retour sur scène, animée de toute l'énergie rayonnante qu'on lui connaît. Muriel Hallé et Laurence Laffon ont campé des Amies de bon aloi, un peu plombées au premier acte par un orchestre aux départs imprécis et peu attentif aux évolutions du plateau. L'on déplorera en outre des cuivres criards, à la justesse parfois douteuse, et un violon solo au vibrato bien exagéré, flirtant sans cesse avec les limites du mauvais goût. Sabrina Mallem et Vanessa Legassy furent également satisfaisantes en Gitanes, tandis que dans le corps de ballet se distinguaient Mlles Ould-Brahm - dont on attend le Cupidon avec intérêt -, Cordellier et Verdusen, ainsi que MM. Ibot, Bertaud, Hoffalt, Thibault et Thurlow. Enfin, Dorothée Gilbert, qui doit bientôt danser Kitri en compagnie d'Emmanuel Thibault, a confirmé ses qualités et ses défauts en demoiselle d'honneur : indéniable brio technique, au prix d'une trop grande superficialité dans la caractérisation dramatique, et un déploiement de force qui confine parfois à l'exagération.
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