Dansomanie : critiques : Signes
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Signes

16 février 2004, 19 h 30 : reprise de Signes, de Carolyn Carlson

 

Seconde reprise de Signes à l'Opéra Bastille, après celle du printemps 2000, et défi de taille pour Marie-Agnès Gillot, puisqu'il lui incombait de succéder à l'éblouissante Pietragalla dans le rôle principal, tandis que Kader Belarbi, déjà soliste masculin lors de la création de l'ouvrage en 1997, était à nouveau en vedette cette saison.

Le "sourire" du premier tableau fut quelque peu crispé, Mlle Gillot ayant eu quelque peine a s'impliquer dans un œuvre à laquelle elle semblait étrangement indifférente, et certains équilibres étaient légèrement instables.. Le corps de ballet a également semblé "cueilli à froid", avec de petits problèmes de coordination, que l'on ne lui connaît d'ordinaire pas un soir de première. Les choses sont fort heureusement rentrées dans l'ordre par la suite, et Marie-Agnès Gillot nous a finalement gratifiés d'une excellente prestation. Kader Belarbi, très à l'aise dans ce type de chorégraphie, fut irréprochable.

Comme en 2000, Hervé Courtain a fait forte impression dans son apparition brève, mais si travaillée sur le plan de la gestique, au sixième tableau. Toutefois, la véritable attraction de la soirée aura été le couple magnifique formé par Yann Saïz et Amélie Lamoureux, qui reprenait le personnage créé par Marie-Agnès Gillot il y a sept ans. Fort bien assortis, les deux danseurs ont en permanence donné le meilleur d'eux même, non seulement du point de vue de la technique, mais aussi et surtout, de celui de l'expression. M. Saïz et Mlle Lamoureux ont su tirer le maximum d'effet de la chorégraphie de Carolyn Carlson, et l'on ne peut que regretter que la direction de l'Opéra de Paris n'ai pas jugé bon de leur permettre de danser les premiers rôles ne serai-ce qu'une soirée. Espérons que ce n'est que partie remise.

Dans le corps de ballet, l'on a, chez les dames, tout particulièrement remarqué Juliette Gernez, Christelle Granier et Aurélia Bellet, trois danseuses fort à l'aise dans le répertoire contemporain, et que la programmation de la saison 2004-2005 devrait mettre en valeur. Elles ont de surcroît su se montrer très drôles dans le second tableau, "Loire du matin". Mention spéciale aussi pour Béatrice Martel, souvent conventionnelle à l'excès dans les ouvrages romantiques, mais transfigurée lorsqu'elle aborde les chorégraphies du temps présent.  

Du côté des messieurs, l'ensemble était assez homogène, mais Martin Chaix, promu Coryphée lors du dernier concours, s'avère décidément en grande forme, et c'est un artiste avec lequel il faudra désormais compter.

Le principal attrait de Signes demeure néanmoins le magnifique décor d'Olivier Debré, ce qui est paradoxal pour un ballet! La chorégraphie de Carolyn Carlson, certes intéressante, n'en présente pas moins de réelles faiblesses, et nous renvoie souvent aux concepts esthétiques du début des années 1980. Elle possède toutefois le mérite de toucher la sensibilité d'un large public, que l'on pourrait a priori croire rétif a la danse contemporaine, et qui n'a pas été avare d'applaudissements à l'issue du spectacle. Reste la musique enregistrée de René Aubry, d'une insupportable complaisance, et dépourvue de tout intérêt artistique réel. Pourtant primée aux Victoires de la Musique en 1998 - mais ceci explique peut-être cela -, cette partition médiocre empêchera Signes d'accéder au Panthéon des ballets majeurs du XXème siècle. Que n'a-t-on sollicité le concours d'un Philippe Fénelon, d'un François-Bernard Mâche, l'on n'ose dire d'un Pierre Boulez, car il est douteux qu'il eût accepté.

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