Dansomanie : critiques
: Les solistes du Ballet de l'Opéra de Paris à Puteaux
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Les solistes du Ballet de l'Opéra de Paris à Puteaux
25 janvier 2004, 15 h 00 : grands pas classiques et chorégraphies du XXème siècle au Théâtre des Hauts de Seine
Sept
danseurs de l’Opéra de Paris accompagnés d’un «ancien» de la
Maison, Bernard Courtot de Bouteiller, et d’un artiste chilien, dont
on n'avait pas jugé utile de préciser le nom, ont été les héros
d’un spectacle riche en rebondissements, où les annulations et les
remplacements se sont succédés à la vitesse de l’éclair : les
dernières péripéties en date, et les plus tristes, ont été les
forfaits d’Alexandra Cardinale et d’Emmanuel Thibault, remplacés
par Julie Martel et Sébastien Bertaud. Ces regrettables modifications
de distribution ont eu également une incidence sur le programme,
puisqu’au lieu du Grand pas classique d’Auber, l’on a eu droit au
Pas de deux de Casse-Noisette, dans une chorégraphie non précisée…
Les organisateurs ont d’ailleurs traité le public avec une désinvolture
malvenue, d’une part en ne signalant pas tous les changements de
distribution, et d’autre part en lui remettant une plaquette émaillée
de fautes d’orthographe. Gisele [sic] ne s’en est pas remise,
ni cette pauvre Eve Grinsztajn dont le patronyme fut consciencieusement
écorché. C’était
précisément Mlle Grinsztajn qui eut l’honneur d’ouvrir le
spectacle en compagnie de Simone Valastro, avec le Pas de deux de
l’acte I de La fête des fleurs à Genzano, de Bournonville. Ce
charmant ballet gagnerait à être un jour représenté dans son intégralité
à Paris, même si évidemment, il figure d’abord au répertoire de la
compagnie nationale Danoise. La prestation d’Eve Grinsztajn a été
d’excellent niveau, empreinte de fraîcheur et de sensibilité. On rêverait
presque de la découvrir un jour en Giselle. Simone Valastro, récemment
promu sujet, lui a donné une réplique de qualité, même si cet
artiste possède encore une bonne marge de progression. Suivait
un Casse-noisette à oublier très vite, hormis les jolis fouettés,
secs et précis, de Julie Martel. A la décharge des interprètes, il
faut insister sur le fait qu’il s’agissait d’un remplacement au
pied levé, et que le nombre de répétitions dont ils ont disposé
devait être proche du zéro. Le
Pas de deux de Giselle et Albrecht était malheureusement de la même
eau, et Myriam Kamionka s’est étrangement présentée sur scène…
avec une jambière de travail. Relique oubliée d’un «raccord» de
dernière minute? La danseuse s’est heureusement rachetée après
l’entracte par un très bon Balanchine (Tchaïkovsky-Pas de deux),
où s’illustra également avec bonheur Bernard Courtot de Bouteiller. Dans
la Sylphide, l’on aura surtout remarqué le James de Sébastien
Bertaud, qui s’est acquitté avec beaucoup de réussite de cette
difficile épreuve (officiellement «d’après Bournonville», mais
tout le monde y aura reconnu la patte de Pierre Lacotte). Daphnis et
Chloé aura été l’occasion de revoir le très joli couple formé
par Eve Grinsztajn et Simone Valastro dans un répertoire moins
classique – la chorégraphie est de George Skibine – mais dans
lequel ils évoluaient également avec aisance. Toutefois, les moments forts de cette représentation auront indiscutablement été Bakhti III (de Maurice Béjart, sur des musiques traditionnelles indiennes) et In the middle somewhat elevated (William Forsythe / Tom Willems), interprétées avec une énergie et une force de conviction rares par Christophe Duquenne et surtout Nathalie Aubin, qui a remporté toutes les faveurs du public. Pari pourtant audacieux : conclure chacune des deux parties du spectacle par une œuvre contemporaine, devant un auditoire essentiellement familial, et que l’on aurait pu croire peu réceptif à ce genre d’innovation. C’était sans compter sur le talent de Mlle Aubin – pourtant elle aussi diminuée par la maladie -, qui de part sa technique parfaite et sa puissance expressive, a su gagner l’adhésion de tous. Tout porte à croire que si le regretté Rudolf Nouréev - qui l’avait découverte et encouragée - avait vécu quelques années de plus, cette artiste d’exception compterait aujourd’hui au nombre des étoiles qui brillent au firmament du Ballet de l’Opéra National de Paris. Quelques bureaucrates de la danse en ont malheureusement décidé autrement. Dansomaniaque. |