Dansomanie : critiques : Clavigo
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Clavigo

23 octobre 2003, 19 h 30 : reprise de Clavigo de Roland Petit, au Palais Garnier

 

 

Pour la troisième fois depuis sa création en 1999, l'Opéra National de Paris reprenait Clavigo, un ballet de Roland Petit, sur une musique de Gabriel Yared. Ou plutôt, devrait-on dire, une musique de Gabriel Yared sur un ballet de Roland Petit, tant la musique illustre la danse, et non l'inverse : démarche radicalement opposée à celle d'un Balanchine. La personnalité de Roland Petit explique en partie ce choix, qui est aussi le reflet de l'expérience de compositeur de musique de film affichée par M. Yared.

La partition est efficace, mais ne révolutionnera point l'histoire de la musique : l'on baigne en pleine tonalité, et la juxtaposition de styles divers, du néoclassicisme à la variété, est malheureusement prétexte à quelques effets passablement complaisants, défaut auquel n'échappe pas toujours non plus la chorégraphie de Roland Petit, même si elle est évidemment le fruit d'un solide métier. La scène des funérailles, au n°18, manque ainsi cruellement d'originalité. L'accessibilité d'une oeuvre au public le plus large est-elle vraiment à ce prix?

Clavigo et Marie étaient interprétés par le couple vedette Nicolas Le Riche - Clairemarie Osta. Si M. Le Riche nous avait laissé quelque peu sur notre faim la saison passée, il s'est montré éblouissant depuis la reprise des spectacles de danse au début du mois d'octobre. En dépit d'un programme très chargé (il a dansé toutes les représentations de Balanchine et il assurera toutes celles de Clavigo), Nicolas Le Riche a régalé un public tout acquis à sa cause d'une véritable leçon de technique, tout en se révélant crédible au plan dramatique ; Clairemarie Osta, sa partenaire, était idéale dans son incarnation d'une femme fragile, et a su nous convaincre que le titre d'étoile dont on l'a honorée il y a tout juste un an était pleinement mérité.

De même, l'on ne peut que se féliciter du choix de Yann Bridard pour figurer Carlos ; il forme, avec Céline Talon (qui interprétait l'une des "filles"), une paire exceptionnelle, que l'on aimerait très vite revoir dans un rôle d'importance. Tant sur le plan du style que du physique, ces deux artistes sont remarquablement bien assortis. Solides au plan technique, ce sont aussi des comédiens d'une grande sensibilité. L'on ne peut que regretter qu'une ballerine douée d'une personnalité aussi fine et émouvante que Mme Talon soit encore confinée au grade de sujet ; avec art et délicatesse, elle parvient à donner une véritable densité psychologique à n'importe quel personnage, fut-il le plus marginal. L'on signalera également l'autre "fille", campée par une Isabelle Ciaravola très convaincante.

En revanche, le Beaumarchais de Karl Paquette a semblé un peu en retrait, même s'il était des plus honorables ;  il est des chorégraphies qui mettent mieux en valeur les qualités de cet excellent danseur. L'on serait tenté de dire la même chose de Marie-Agnès Gillot (l'Etrangère), dont l'abattage et la présence scénique ont cependant toujours un impact retentissant, qui lui valent les faveurs plus que justifiées de l'assistance.

Pour le reste, Guillaume Charlot, Stéphane Phavorin, Florian Magnenet - à qui l'on n'a que trop rarement l'occasion d'adresser un  coup de chapeau - ainsi que Caroline Bance se sont favorablement distingués. 

Le plateau était décemment accompagné par l'Ensemble Orchestral de Paris, placé sous la direction de Paul Connelly. Seul regret, des cordes graves (violoncelles, contrebasses) un peu scolaires et qui manquaient parfois d'homogénéité. 

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