Dansomanie : critiques : soirée George Balanchine
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Spectacle de ballets George Balanchine (Pas de deux, Symphonie en Ut, Le fils prodigue, Les quatre tempéraments)

2 octobre 2003, 19 h 30 : grand défilé du ballet de l'Opéra National de Paris et chorégraphies de Balanchine.

 

 

Cette première soirée de danse de la saison 2003-2004 s’ouvrait sur le grand défilé du corps de ballet et des élèves de l’école de danse de Nanterre. Cette manifestation, toujours spectaculaire et prisée du public a pour décor musical la Marche des Troyens, d’Hector Berlioz, que l’orchestre de l’opéra, peut-être insuffisamment préparé, a exécuté dans la précipitation, sous la conduite de Paul Connelly.

Les favoris des habitués du Palais Garnier demeurent indiscutablement Nicolas Le Riche et Marie-Agnès Gillot. Une ovation chaleureuse a également été réservée à Elisabeth Maurin, qui malheureusement prendra prochainement sa retraite. L’on regrettera toutefois que chez les hommes, Manuel Legris et Kader Berlarbi aient manqué à l’appel.

En sus du défilé, ceux qui ont eu le privilège d’assister à la première de ce spectacle Balanchine auront pu apprécier Pas de deux, une chorégraphie réalisée en 1960 sur un fragment du Lac des cygnes. Cet ouvrage a priori peu inspiré, a été véritablement transcendé par Hervé Moreau et surtout Aurélie Dupont, que l’on attendait plus à pareille fête. L’étoile, qui, en raison d’une blessure, n’avait pratiquement pas dansé la saison précédente, est apparue au mieux de sa forme, déployant une énergie extraordinaire. Elle a conclu ce pas de deux avec panache, gratifiant ses aficionados d’une pirouette à six tours qui lui a valu les hourras tant du public que de ses collègues du corps de ballet.

Venait ensuite le programme proprement dit, tel qu’il figure à l’affiche des autres représentations.

Symphonie en Ut est une version édulcorée du Palais de cristal créé à Paris en 1947 ; il est fort regrettable que la version originale n’ait pas été retenue (les business men du Balanchine Trust y seraient-ils pour quelque chose?), au profit de ce succédané fadasse sans décors ni costumes véritables bricolé par Balanchine l’année suivante, et qu’il aurait paraît-il préféré…

La Symphonie en Ut, composée par un tout jeune Bizet de 17 ans a, tout comme la Marche des Troyens, été malmenée par un orchestre fort brouillon, et qui est capable de beaucoup mieux. Dans le premier mouvement, plus que le duo vedette Laetitia Pujol / Benjamin Pech, ce sont Eleonora Abbagnato et Karl Paquette qui ont séduit par leur engagement. Dans l’adagio, on pourra tout juste reprocher un peu trop de distance à Agnès Letestu, techniquement parfaite. Yann Bridard est un partenaire solide, mais l’on aurait apprécié qu’il fut ici mieux servi par une chorégraphie déséquilibrée, qui le cantonne dans un rôle de faire-valoir.

Le scherzo fut une démonstration magistrale administrée par Marie-Agnès Gillot et José Martinez, qui forment à la scène un couple bien assorti. Technicienne hors-pair, Melle Gillot aborde Balanchine avec un aplomb et une vitalité extraordinaires, qui lui ont valu les plus vifs applaudissements. Adulée du public, il est incompréhensible que la direction de l’Opéra de Paris se refuse encore et toujours à l’honorer d’un titre d’étoile pourtant si mérité.

La distribution du finale soulève quant à elle d’autres interrogations : si le choix d’Alessio Carbone, danseur très athlétique, dans la grande tradition italienne inaugurée au dix-nevième siècle par un Carlo Blasis, s’est avéré des plus judicieux, Mélanie Hurel lui donnait une réplique beaucoup trop neutre. L’on apprécie toujours beaucoup les apparitions d’Emmanuel Thibault, mais il possède un style trop raffiné et élégant pour s’accommoder véritablement des exhibitions très «glamour» voulues par Mr. «B». Et comment comprendre que l’on relègue à l’arrière-plan une aussi talentueuse interprète de Balanchine qu’Alexandra Cardinale, au profit d’une Sandrine Marache hors du coup depuis longtemps?

Parmi les sans-grade du corps de ballet, l’on aura remarqué les vaillantes Mathilde Froustey, Charline Giezendanner et surtout Zsófia Párczen, beaucoup plus extravertie qu’on ne pouvait l’imaginer et fort à l’aise dans la chorégraphie virevoltante et difficile de l’Allegro vivace.

Sur le plan technique, l’œuvre la plus intéressante de la soirée était sans nul doute Le fils prodigue, créé en 1929 au Théâtre de la ville par Diaghilev, sur une musique originale de Prokofiev et avec de très beaux décors de Georges Rouault. Le fils prodigue n’est entré au répertoire de l’Opéra de Paris qu’en 1973, et c’est Balanchine qui en a supervisé la reprise.

Nicolas Le Riche y a réalisé une prestation exceptionnelle, tant du point de vue de la danse pure que de la pantomime. M. Le Riche s’est révélé d’une expressivité rare et a fait preuve de beaucoup de sens théâtral. Il est ainsi venu opportunément nous rappeler qu’il faudra encore compter avec lui. Agnès Letestu fut de niveau égal, avec une sirène à l’aisance souveraine. Sa gestuelle d’une précision diabolique, son port de tête altier, lui ont permis de composer un personnage pervers et cynique, proprement stupéfiant. Après Aurélie Dupont dans Pas de deux, les étoiles auront décidément gâté leur public ce soir.

Les hommes du corps de ballet (MM. Elizabé, Guerri, David, Fleury, Gaillard, Renaud, Kim, Valastro, Bodet, Dreyfus, Leroux) ont également apporté leur contribution à la réussite de ce Fils prodigue, dont la chorégraphie souvent pleine d’humour grinçant et presque constamment acrobatique a exigé le meilleur d’eux-mêmes.

La représentation s’achevait par Les quatre tempéraments, sur une musique de Paul Hindemith, où l’on a pu apprécier le talent de la pianiste Elena Bonnay, l’une des accompagnatrices attitrées du ballet de l’Opéra National de Paris. Comme dans le mouvement liminaire de Symphonie en Ut, ce sont les seconds rôles plus que les grands solistes qui ont captivé l’attention, Delphine Moussin et Yann Bridard dans le Thème, la toujours parfaite Nathalie Aubin et Aurore Cordellier dans Mélancolique, Fanny Fiat et la pétillante Alexandra Cardinale dans Sanguin, Emilie Cozette et surtout Vanessa Legassy dans Flegmatique. Enfin, Colérique a été l’occasion pour Marie-Agnès Gillot, qui remplaçait Stéphanie Romberg, de nous gratifier d’un nouveau numéro époustouflant de virtuosité

 

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